TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article 1er A

Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :

« Art. préliminaire . - Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration.

« Ce rapport indique et commente :

« - le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;

« - le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;

« - le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;

« - le nombre d'attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées ;

« - le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;

« - les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;

« - les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d'oeuvre étrangère ;

« - les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ;

« - les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière.

« Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.

« L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Haut Conseil à l'intégration, l'Office des migrations internationales et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente joignent leurs observations au rapport. »

Pour clore le chapitre du logement, je vous indique, mes chers collègues, que la commission des lois propose de subordonner le transfert de la responsabilité en matière de logement étudiant à une demande des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, compte tenu des charges considérables susceptibles d'être induites par ce transfert. Je n'ignore pas que l'adoption de cette proposition aurait pour conséquence d'introduire des transferts « à la carte » peu satisfaisants au regard de la cohérence générale du dispositif. La navette permettra d'améliorer une rédaction qui, en l'état, nous a paru perfectible.

Dans le domaine de la santé, la commission des lois préconise, d'une part, de prévoir une évaluation de l'expérimentation permettant aux régions de participer au financement d'équipements sanitaires et de siéger avec voix délibérative au sein des commissions exécutives des agences régionales de l'hospitalisation, et, d'autre part, de prévoir le transfert intégral à l'Etat, sans possibilité de cofinancement des collectivités territoriales, de la responsabilité de la politique de lutte contre les grandes maladies.

Dans le domaine de l'éducation, elle propose : de supprimer la prise en charge par les départements et les régions des rémunérations des assistants d'éducation employés dans les collèges et les lycées, de renforcer les liens entre les chefs d'établissement et les présidents de conseil général ou régional, en indiquant que les premiers devront rendre compte aux seconds de l'exécution des objectifs qui leur sont assignés et des moyens qui leur sont alloués, et enfin de confier au département la responsabilité de la médecine scolaire.

Notre collègue Philippe Richert sera bien plus éloquent que moi sur ces questions, qui ont fait l'objet d'un examen approfondi par la commission des affaires culturelles.

Dans le domaine de la culture, enfin, la commission des lois propose de confier l'inventaire général du patrimoine culturel au département plutôt qu'à la région, et de permettre aux départements de gérer, à titre expérimental, les crédits affectés à la restauration des immeubles ou des biens mobiliers inscrits ou classés.

Par ailleurs, la commission des lois s'est attachée à améliorer les conditions d'exercice des compétences transférées, en supprimant les contraintes qui lui semblaient excessives, en réformant par la loi, et non par ordonnance, le contrôle de légalité, en préservant les intérêts des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale, enfin en donnant des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales.

Dans l'exercice de leurs responsabilités, les élus locaux sont soumis à de multiples contrôles, administratifs et financiers. En outre, tous les six ans, ils se présentent à un autre contrôle, celui du suffrage universel direct !

M. Paul Blanc. Eh oui !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Alors que le projet de loi tend à leur transférer de nouvelles responsabilités, il importe d'éviter de compliquer leur tâche par des contraintes excessives. (M. Paul Blanc approuve.)

La commission des lois propose en conséquence de supprimer divers comités et commissions, sources de pertes de temps et de dépenses inutiles (Applaudissements sur les travées de l'UMP), qu'il s'agisse des commissions locales d'amélioration de l'habitat, du conseil scientifique régional de l'inventaire du patrimoine culturel, ou encore du Conseil national d'évaluation des politiques locales. Nous pensons que nous pourrions faire l'économie de ces organismes, dont nous préconisons donc la suppression. Je rappelle d'ailleurs que le président du Sénat a proposé de confier la mission d'évaluation des politiques locales au Sénat.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Christian Poncelet, président du Sénat. Bonne citation ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il serait dommage de priver d'objet cette proposition qui, à l'évidence, mérite d'être étudiée avec attention.

Dans le même objectif d'allégement des contraintes excessives pesant sur les collectivités territoriales, la commission des lois préconise en outre : de maintenir telle quelle l'obligation faite aux collectivités territoriales de poursuivre l'établissement des statistiques liées à l'exercice des compétences transférées par l'Etat et, en conséquence, de supprimer les dispositions qui conduisent à leur imposer des charges nouvelles en la matière ; de rendre facultative la création des centres d'action sociale, à la condition que les commmunes et les établissements publics de coopération intercommunale exercent directement les attributions dévolues à ces établissements publics administratifs ; enfin, d'accélérer la procédure d'appréhension des biens vacants par les communes, en prévoyant qu'un immeuble est présumé sans maître et peut être appréhendé lorsqu'il n'a pas de propriétaire connu et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de trois années, contre cinq actuellement.

Considérant que le Parlement ne saurait se dessaisir d'une question aussi importante que la réforme du contrôle de légalité, la commission vous suggère de supprimer le renvoi à une ordonnance. En conséquence, elle propose, d'abord, de permettre la transmission par voie électronique au représentant de l'Etat des actes des communes, départements, régions et de leurs groupements. Elle propose, ensuite, de réduire les catégories d'actes devant être obligatoirement transmis au préfet, en excluant de cette obligation les décisions relatives à la police de la circulation et au stationnement, les décisions d'avancement de grade ou d'échelon ainsi que de sanctions prises à l'encontre des fonctionnaires territoriaux, les certificats d'urbanisme, les certificats de conformité et même les demandes de permis de construire. Elle propose, enfin, d'instituer un délai bref de transmission - quinze jours - pour les actes individuels afin de faciliter l'exercice d'un recours gracieux par le préfet.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Le développement de la coopération intercommunale ne doit pas se faire au détriment des communes, qui constituent lacellule de base de la démocratie. Leur imposer trop de contraintes reviendrait à rompre le climat de confiance qui doit présider au fonctionnement des structures intercommunales et, en définitive, à compromettre leur développement.

« Otez la force et l'indépendance de la commune, vous n'y trouverez jamais que des administrés et point de citoyens », écrivait Alexis de Tocqueville.

M. Louis de Broissia. Très bien !

M. Jean-François Le Grand. Président du conseil général de la Manche !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Afin de préserver ce climat de confiance, la commission des lois vous propose : de prévoir que la transformation d'un syndicat de communes en une communauté de communes ou une communauté d'agglomération entraîne non seulement une nouvelle élection des délégués des communes mais également une nouvelle répartition des sièges au sein de l'instance délibérante ; de prévoir un exercice conjoint par le maire et le président de l'établissement public de coopération intercommunale des pouvoirs de police spéciale transférés à ce dernier et de poser le principe de la réversibilité de ce tranfert, à tout moment, selon les règles prévues pour sa mise en place.

M. Daniel Hoeffel. Très bien !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission propose également : de doubler les délais imposés aux établissements publics de coopération intercommunale et à leurs communes membres pour définir l'intérêt communautaire qui s'attache à l'exercice des compétences transférées, en le portant à deux ans pour les nouveaux établissements et à un an pour les établissements existants ; de préciser que l'obligation faite à un établissement public de coopération intercommunale ou à l'une de ses communes membres de financer majoritairement un équipement afin de pouvoir bénéficier d'un fonds de concours sera appréciée déduction faite des subventions reçues par le bénéficiaire ; de prévoir l'application à compter de la publication de la loi, et non du 1er janvier 2005, des dispositions relatives aux communes et à l'intercommunalité dès lors qu'elle n'entraîne pas la nécessité de calculer le montant des transferts.

Enfin, la commission des lois juge nécessaire de donner des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales.

S'agissant des moyens humains, elle vous propose, d'abord, de préciser que le calcul des effectifs des personnels transférés serait réalisé en fonction des emplois pourvus au 31 décembre 2002, dans la mesure où les élus locaux ont exprimé la crainte que les réorganisations des services de l'Etat intervenues entre l'annonce de l'acte II de la décentralisation et la date d'entrée en vigueur des transferts de compétences ne conduisent à une diminution - disons-le publiquement - des agents transférés. On prendrait donc une date neutre. La commission propose, ensuite, de prévoir qu'en cas de désaccord entre le préfet et une collectivité territoriale la liste des services ou parties de services mis à disposition de cette dernière soit établie par un arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre intéressé, après avis motivé d'une commission nationale de concertation, sur le modèle de celle qui avait été mise en place pour le transfert des directions départementales de l'équipement en 1992. Elle propose, enfin, de simplifier la procédure de renouvellement des contrats passés par les collectivités territoriales pour recruter des agents non titulaires.

S'agissant de la compensation financière des transferts de compétences, elle vous propose de prévoir que le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi sera égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences, et non, comme le veut la règle habituelle, aux dépenses de l'Etat constatées l'année qui précède le transfert.

Il s'agit ainsi d'obtenir une compensation plus loyale des transferts de compétences, dans la mesure où elle sera moins tributaire des réorganisations de services effectuées depuis l'annonce de la nouvelle étape de la décentralisation.

Je sais que notre collègue M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission de finances, a veillé avec attention à ce que les extensions de compétences des collectivités territoriales soient également compensées, comme l'exige désormais la Constitution.

Enfin, la commission des lois vous propose de tirer la conséquence de l'adoption de la loi organique du 1er août 2003 relative au référendum local, en permettant aux collectivités territoriales d'organiser des référendums décisionnels, qui deviendront consultatifs en cas de participation électorale inférieure à la moitié des électeurs inscrits, et aux établissements publics de coopération intercommunale de continuer à organiser des consultations locales sur les seules opérations d'aménagement, mais d'en rester à ce cadre.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi relatif aux responsabilités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis constitue la traduction dans les faits de l'organisation décentralisée de la République, principe auquel la loi du 28 mars 2003 a conféré valeur constitutionnelle.

Ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives à l'éducation et à la culture, dont il revenait à la commission des affaires culturelles de se saisir. Ces dispositions ont donc été analysées, commentées et amendées.

Mais, avant d'en venir à cette analyse, permettez-moi, mes chers collègues, de saluer la détermination du Gouvernement à faire aboutir ce vaste chantier de la décentralisation.

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. En effet, il ne faudrait pas que les critiques émises ici ou là...

M. Gérard Longuet. Il y en a peu !

M. Louis de Broissia. Très peu !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... fassent oublier l'essentiel,...

M. Louis de Broissia. Effectivement !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... à savoir le fait que les collectivités ont été sévèrement malmenées ces dernières années...

M. Louis de Broissia. Eh oui !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... en raison de nombreuses décisions gouvernementales qui ont gravement entamé leur autonomie fiscale et leur capacité d'agir.

M. Gérard Longuet. C'est exact !

M. Louis de Broissia. Tout à fait ! Très bon début !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. La réforme engagée à travers la révision de la Constitution puis les lois de transfert des compétences organise enfin le cadre général pour répondre à ce défi essentiel : moderniser l'Etat et instaurer un nouveau partage des responsabilités entre l'échelon national et les collectivités territoriales.

Les dispositions relevant de la commission des affaires culturelles, quelque peu disparates il faut l'avouer - et ce sont les seules que je commenterai -, doivent être analysées au regard des objectifs qui justifient, pour le Gouvernement, le transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales.

Ces objectifs, que vous avez rappelés, monsieur le ministre, répondent à la volonté de rendre plus efficace l'action publique et de permettre aux citoyens de mieux identifier les responsables publics.

Pour y parvenir, il est proposé de confier les compétences à l'échelon territorial le plus à même de les exercer, et ce conformément au principe, lui aussi constitutionnel, de subsidiarité.

Ce principe, que nul ne peut contester au regard du bilan très positif des premières lois de décentralisation, doit être mis en oeuvre conformément à trois exigences : d'abord, la cohérence, afin d'éviter un émiettement des compétences ; ensuite, la proximité, afin de rapprocher la décision publique des territoires ; enfin - et ce n'est pas complètement neutre pour un certain nombre de dossiers que nous allons examiner - l'antériorité de l'engagement des différentes collectivités territoriales dans les domaines faisant l'objet de transferts de compétences. De telles exigences répondent non seulement aux attentes des collectivités territoriales, mais également aux attentes de nos concitoyens.

Les propositions que la commission des affaires culturelles vous présentera sont inspirées par le seul souci de faire coïncider au mieux les dispositions du texte et ces attentes.

J'évoquerai successivement les dispositions relatives à l'éducation, puis celles qui ont trait à la culture, en insistant sur la dizaine de modifications principales que la commission vous propose.

Le premier volet dont la commission des affaires culturelles a été saisie pour avis concerne donc l'éducation. S'y ajoute, en outre, l'article 51, relatif au logement des étudiants. Le projet de loi prévoit de le confier aux communes ou à leurs groupements, en cohérence avec leur compétence générale en matière de logement social, consolidée dans le présent projet de loi.

Je rappelle que les conclusions du rapport d'information de la commission des affaires culturelles sur le patrimoine immobilier universitaire proposaient déjà de confier, dans ce domaine, un rôle de chef de file aux agglomérations. Néanmoins, ce même rapport soulignait l'état souvent préoccupant du parc immobilier étudiant ainsi que la pénurie de l'offre d'hébergement, autant de facteurs révélant l'ampleur des besoins à satisfaire.

C'est pourquoi, en raison des situations disparates constatées ainsi que des velléités diverses affichées par les agglomérations, il semble préférable de réserver le transfert de cette charge aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, qui en feraient la demande. Il serait également nécessaire de préciser qu'un diagnostic de l'état des logements et qu'un programme des travaux à venir seront établis au moment du transfert de propriété du patrimoine concerné, afin de garantir une visibilité à court et à moyen terme.

J'en viens au volet relatif aux enseignements, au chapitre Ier du titre IV. Il vise à prolonger la première étape de la décentralisation engagée avec succès au début des années quatre-vingt.

Les efforts sans précédent déployés par les collectivités sont salués unanimement pour leur efficacité.

Le rapport de la commission Mauroy, en 2000, soulignait que les collectivités territoriales « avaient su agir avec célérité et efficience là où l'Etat avait tardé ». Je reprends vos propos, monsieur le Premier ministre.

M. Pierre Mauroy. On me reprend trop, cher ami ! (Sourires.)

M. Gérard Collomb. Qui trop embrasse mal étreint ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. C'est un plaisir de vous rappeler vos propos.

En outre, contrairement au mauvais procès qui lui est parfois intenté, l'expérience de vingt ans de décentralisation n'a pas contribué à accroître les disparités territoriales, bien au contraire, et j'y reviendrai.

De surcroît, le présent projet de loi comporte un certain nombre de dispositions de nature à consolider l'équilibre délicat sur lequel est institué le partage des compétences entre l'Etat, garant du service public de l'éducation nationale, et les collectivités territoriales, étroitement associées à son développement. En parallèle, les collectivités territoriales se voient attribuer de nouvelles compétences.

La sectorisation des écoles revient aux communes. A ce titre, les sénateurs prendront l'initiative d'adapter ces dispositions aux situations des communes ayant transféré leurs compétences en matière scolaire à l'établissement public de coopération intercommunale, en complément des dispositions que je vous proposerai au sujet de la répartition des dépenses de fonctionnement des écoles, sujet important en matière financière.

Par ailleurs, les écoles de la marine marchande sont transférées aux régions.

Les autres dispositions du projet de loi, qu'il s'agisse du transfert de la propriété des bâtiments scolaires ou de la transformation en EPLE, établissements publics locaux d'enseignement, d'établissements relevant de statuts dérogatoires, s'inscrivent en continuité et en cohérence avec la première étape de la décentralisation.

Une logique identique justifie le transfert aux départements et aux régions du recrutement et de la gestion des personnels TOS, qui exercent leurs missions dans les établissements du second degré. Dans le même temps, les missions confiées aux collectivités sont étendues au service de restauration et d'hébergement, à l'entretien et à l'accueil, terme qui sera précisé, pour éviter toute équivoque au sujet des assistants d'éducation, lesquels ne sont, bien entendu, en rien concernés par le transfert.

La situation actuelle est en effet incohérente et contribue à diluer les responsabilités. Alors que les départements et les régions assurent depuis le 1er janvier 1986 la construction, la reconstruction, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des collèges et des lycées, les personnels chargés de la maintenance et de l'entretien de ces bâtiments sont restés à la charge et sous l'autorité de l'Etat.

Un rapide examen fait apparaître que les moyens alloués par l'Etat n'ont pas suivi l'effort des collectivités.

Les effectifs des TOS sont ainsi passés de 93 813 en 1986 à 96 282 en 2003, soit une hausse de 2,5 %, alors que les efforts des collectivités territoriales ont été tels que, en vingt ans, la surface cadastrale des établissements scolaires a augmenté de près de 20 %. Nous voyons bien qu'il y a là une rupture entre les efforts des collectivités et l'effort de l'Etat.

Par ailleurs, les collectivités territoriales doivent être assurées qu'elles auront une réelle maîtrise de ces nouvelles compétences et qu'elles seront à l'abri d'éventuelles pressions. La répartition des personnels selon les académies traduit en effet actuellement de fortes disparités. Quand on parle d'égalité entre les départements ou entre les régions, mes chers collègues, il faut regarder les chiffres !

M. Jean-Jacques Hyest. En effet !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Le nombre de personnels TOS pour 1 000 élèves varie en effet de 15,6 dans l'académie de Nice à près de 32 dans l'académie de Limoges, la moyenne nationale s'établissant à 20.

M. Jean-Jacques Hyest. Et l'académie de Créteil ?

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Comment parler d'égalité entre les territoires ?

Cela doit passer par une forme d'autorité directe à l'égard du chef d'établissement, chargé de mettre en oeuvre les objectifs définis par la collectivité de rattachement, dans la limite des moyens, notamment en personnels, que celle-ci alloue à l'établissement. Je vous proposerai un amendement visant à expliciter ce lien entre l'exécutif départemental ou régional et le chef d'établissement.

M. Jean-François Le Grand. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Sous réserve de cette garantie, la nouvelle étape proposée avec le transfert du personnel TOS parachève de façon bienvenue le premier acte de la décentralisation dans le sens des objectifs qui nous servent de leitmotiv.

Personne parmi nous ne peut raisonnablement prétendre qu'il existe un risque réel pour ces personnels. Le transfert de la tutelle de l'Etat au conseil général ou au conseil régional aboutira au pire au statu quo, mais, dans la plupart des cas, constituera une amélioration pour les élèves, pour le service rendu et sans doute, demain, pour le personnel lui-même, même si cela lui a souvent été caché !

C'est en vertu de ces mêmes objectifs que je vous proposerai un amendement visant à confier aux départements la charge de la médecine scolaire. La proximité et la disponibilité sont les clés d'une action de qualité en matière de protection de la santé des jeunes.

Dans ce domaine, la décentralisation apporterait une réponse au besoin de continuité et de coordination avec les services départementaux d'action sanitaire, à savoir les centres de protection maternelle et infantile, PMI, mais aussi les services de l'aide sociale à l'enfance pour le domaine de la maltraitance ou la prévention des conduites à risque. Le rapport de la commission Mauroy suggérait déjà ce transfert, dans une démarche de cohérence.

L'an dernier, le rapport de la commission d'enquête du Sénat relative à la délinquance des mineurs, présidée par M. Schosteck, soulignait le rôle clé du département et des PMI, à ce titre.

Je tiens à le préciser, les seuls personnels visés par le transfert de service seront donc les actuels médecins de l'éducation nationale, c'est-à-dire environ 2 000 personnes, dont plus d'un tiers sont des vacataires. On soulignera que ceux-ci ne sont pas placés, à la différence des infirmiers ou des assistants sociaux scolaires, sous l'autorité du chef d'établissement, mais exercent les missions qui leur sont confiées dans l'indépendance que leur confère leur discipline.

Enfin, j'appellerai votre attention sur les effets induits par le développement des regroupements ou réseaux d'écoles. Ces formes de mutualisation des moyens, salutaires pour la survie des écoles en milieu rural, notamment, peuvent néanmoins entraîner des charges supplémentaires pour les départements, au titre de leur compétence générale en matière de transports scolaires, et les présidents de collectivité le savent bien.

C'est pourquoi il semble légitime et nécessaire de prévoir que les conseils généraux seront préalablement consultés avant toute décision susceptible d'impliquer des besoins nouveaux de transport des élèves. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

M. Jean-François Le Grand Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Le deuxième volet dont la commission des affaires culturelles a été saisie pour avis concerne la culture.

Si les lois de 1982-1983 n'ont opéré que des transferts modestes en ce domaine à leur profit, les collectivités territoriales ont néanmoins, au cours des vingt-cinq dernières années, largement investi le champ culturel.

Rappelons qu'aujourd'hui l'effort financier des collectivités territoriales équivaut à celui de l'Etat, tous ministères confondus. Cet engagement des collectivités territoriales s'est développé pour l'essentiel à partir de financements croisés, qui ont contribué de manière déterminante à relayer l'action de l'Etat sur l'ensemble du territoire.

Face à ce bilan très positif, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le projet de loi n'ait pas oublié la culture.

Les mesures proposées concernent deux domaines de la politique culturelle : le patrimoine et les enseignements artistiques.

J'évoquerai d'abord les mesures de transferts de compétences et de crédits prévus aux articles 72 et 74 et qui se rapportent à la politique du patrimoine.

Si je me félicite qu'après tant de rapports et d'atermoiements l'on passe enfin à l'acte en confiant des compétences patrimoniales aux collectivités, je regrette que l'Etat ait appliqué un schéma trop inspiré de son propre modèle, induisant de fait de nombreuses complications.

Les rédacteurs du projet de loi, prenant acte de la part très importante prise au cours des dernières années par les collectivités territoriales dans sa réalisation, leur transfèrent, par l'article 72, l'inventaire général du patrimoine. Nous ne pourrons que soutenir cette mesure dans son principe. Cependant, les modalités retenues pour l'exercice de cette compétence ont suscité ma perplexité.

Que prévoit le texte ? Les régions sont compétentes mais confient aux collectivités territoriales - principalement les départements, le cas échéant les villes - qui en font la demande les opérations d'inventaire. Ce partage, dont nous ne nous sommes pas encore expliqué la logique, repose sur un pouvoir de délégation de la région qui n'est conforme ni à la volonté de proximité, ni à l'exigence de la cohérence, ni à l'engagement actuel des différents niveaux de collectivités dans la réalisation de l'inventaire.

Rappelons qu'aujourd'hui l'inventaire est essentiellement réalisé dans le cadre cantonal et que, après l'Etat, ce sont les départements qui sont les principaux financeurs de cette opération.

L'article 74, quant à lui, vise à proposer une expérimentation de gestion décentralisée des crédits consacrés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat.

Ce dispositif suscite également des interrogations concernant ses modalités. Le projet de loi prévoit que les régions peuvent se porter candidates pour gérer les crédits d'entretien et de restauration des monuments et objets protégés n'appartenant pas à l'Etat. Dans ce cadre, elles peuvent déléguer aux départements les crédits d'entretien des monuments et les crédits concernant les objets. Par ailleurs, lorsque la région ne s'est pas portée candidate, les départements peuvent demander à gérer ces enveloppes.

Il convient de se demander dans quelle mesure l'expérimentation, qui réalise un partage peu opérant entre la région et le département en fonction de la nature des crédits - entretien ou restauration -, permettra à son terme d'identifier le niveau territorial le mieux à même de gérer ces crédits. De surcroît, les conditions de la participation du département à l'expérimentation sont laissées à la discrétion de la région, ce qui ne me semble guère satisfaisant.

Qu'il s'agisse de l'inventaire ou de la gestion des crédits, il est, je crois, nécessaire de renforcer la cohérence des transferts dans le double intérêt du patrimoine et des finances publiques. Plutôt que de mettre en place des mécanismes de délégation, il est préférable de constituer des pôles de compétences. Les amendements que je proposerai s'inscrivent dans cette perspective.

La volonté de refonder la politique du patrimoine grâce à un nouveau partage des responsabilités inspire également la rédaction de l'article 73, qui tend à ouvrir aux collectivités territoriales la possibilité de bénéficier de transferts de propriété de monuments historiques aujourd'hui affectés au ministère de la culture.

Le succès de ce dispositif dépendra de l'intérêt des collectivités pour la valorisation de leur identité culturelle. Les critères retenus pour identifier les monuments transférables, qui résulteront des travaux de la commission présidée par le professeur René Rémond, devraient garantir que cette mesure ne reste pas lettre morte. En tout cas, nous serons très attentifs à ce dispositif qui, je crois, nous donnera satisfaction.

J'en viens aux articles 75 et 76 relatifs aux enseignements artistiques.

Le souci de clarifier les compétences respectives des différents niveaux de collectivités territoriales dans un domaine où les financements croisés sont la règle correspond à la légitime préoccupation du Gouvernement et des collectivités d'assurer une plus grande lisibilité des formations et une meilleure couverture du territoire. Cependant, le texte comporte des maladresses, qui s'expliquent essentiellement par la difficulté que l'on a aujourd'hui à identifier les différents niveaux de formation. La commission des affaires culturelles proposera, sur ce point, un amendement susceptible de lever les ambiguïtés du projet de loi.

Bien sûr, mes chers collègues, les plus audacieux parmi nous regretteront que le texte ne soit pas plus ambitieux en matière de transfert dans les domaines de la culture et de l'éducation. Reconnaissons cependant ensemble l'avancée décisive qui nous est proposée.

C'est pourquoi, sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis.

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nombre de sujets abordés dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales relèvent directement du champ de compétence de la commission des affaires économiques, qui a souhaité se saisir de 35 des 126 articles du texte, soit un peu plus du quart.

Elle a donc examiné le chapitre Ier du titre Ier, consacré au développement économique et au tourisme, le titre II, qui contient les dispositions relatives à la voirie, aux infrastructures, au syndicat des transports d'Ile-de-France, aux fonds structurels et à la protection de l'environnement, enfin, le chapitre III du titre III, qui traite du logement social et de la construction.

La commission des affaires économiques a approuvé la philosophie et les grandes lignes d'une réforme qui lui sont apparues comme inaugurant harmonieusement cet acte II de la décentralisation, dont le Gouvernement a souligné, à juste titre, qu'il devrait être « l'aiguillon de la nécessaire modernisation de notre pays et de l'évolution de ses structures administratives ».

Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre rénové issu de la réforme constitutionnelle du 17 mars 2003 et qui se décline en plusieurs principes : l'organisation décentralisée de la République ; le principe de l'expérimentation ; l'objectif constitutionnel de subsidiarité ; le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales ; l'absence de tutelle d'une collectivité sur l'autre se combinant avec la notion de chef de file ; l'objectif d'égalité des ressources et des charges entre collectivités territoriales par la péréquation.

Quels sont les grands objectifs de ce projet de loi ?

Pour nous, il s'agit tout d'abord de clarifier les champs de compétence des différents niveaux de collectivités territoriales, puis de répondre aux exigences de la démocratie de proximité, de mettre ensuite en place des transferts de compétences souples et adaptés aux réalités locales et, enfin, de participer à l'indispensable réforme de l'Etat.

Dans son contenu, le projet de loi nous est apparu comme raisonnable et mesuré. Il ne nous propose pas une décentralisation totale comme celle qui peut exister chez certains de nos voisins européens. Il se limite à approfondir les premières mesures de décentralisation introduites par les lois de 1982 et 1983.

Nous restons, dans une large mesure, dans l'expérimentation.

Nous pouvons désormais dresser le bilan des effets heureux et moins heureux de l'acte I de la décentralisation. Un consensus existe, me semble-t-il : les collectivités territoriales ont démontré leur capacité à bien gérer les finances publiques et même à le faire mieux que l'Etat en raison de leur proximité avec les citoyens.

Forts de cette expérience, il s'agit maintenant pour nous de renforcer l'organisation décentralisée de notre République tout en restant attentifs aux effets pervers possibles.

D'où l'intérêt des clauses de « revoyure », qui permettront aux collectivités de dresser périodiquement le bilan des nouveaux transferts de compétences.

D'où l'importance d'une parfaite transparence quant à l'état du patrimoine et la situation des personnels dont la gestion aura été transférée. L'absence ou l'insuffisance des mesures financières compensatrices pourra désormais être sanctionnée par le Conseil constitutionnel. C'est une innovation majeure. Je tenais à la souligner pour m'en féliciter.

Dans le domaine du développement économique, la commission des affaires économiques a voulu rappeler le rôle des départements et des communes, sans remettre en cause les responsabilités de chef de file exercées par la région.

En matière de tourisme, elle a proposé de confier le classement des équipements et organismes de tourisme aux régions plutôt qu'aux départements, qui ne souhaitent pas ce transfert. En outre, elle a préféré étendre directement à toutes les communes la faculté de constituer un office de tourisme sous forme d'EPIC, plutôt que d'en passer par une ordonnance.

S'agissant du transfert aux départements de quelque 20 000 kilomètres de voies nationales, la commission des affaires économiques a voulu que les collectivités puissent collaborer aux actes de recherche dans le domaine des règles de l'art et participer à la définition des normes et des dispositions techniques de ces recherches. Elle a aussi souhaité améliorer l'éligibilité au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée des fonds de concours versés à l'Etat par les collectivités pour des opérations d'aménagement du domaine public routier.

En matière d'environnement, elle a souhaité mieux associer les collectivités locales ou leurs groupements effectivement compétents en matière d'élimination et de traitement des déchets à l'élaboration des plans d'élimination ainsi que les associations de consommateurs, qui feront désormais partie de la commission consultative.

Dans le domaine du logement social enfin, elle a voulu, notamment, que tous les établissements publics de coopération intercommunale, sans condition de seuil démographique, soient en mesure de conclure une convention de délégation pour la gestion des aides à la pierre. Elle a souhaité, par ailleurs, mieux articuler le dispositif de délégation avec la création, toute récente, de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

En conclusion, je résumerai la position de la commission des affaires économiques en deux mots : confiance et vigilance. Cette dernière se traduira notamment par un certain nombre d'amendements relatifs à la nécessaire communication aux collectivités territoriales de toutes les informations disponibles sur l'état du patrimoine transféré. Ces amendements vous seront également proposés, je crois, par la commission des lois, dans une version quasi identique.

Enfin, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption du présent projet de loi, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle proposera à vos suffrages. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui organise, à travers les 126 articles qui le composent, le plus vaste transfert de compétences aux collectivités locales jamais mis en oeuvre depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983.

Inévitablement, ces transferts concernent largement les politiques sociales, sans pour autant, d'ailleurs, épuiser la matière. Je mentionnerai notamment le projet de loi portant décentralisation du RMI, le revenu minimum d'insertion, et création du RMA, le revenu minimum d'activité, actuellement en cours d'examen, ou bien encore le futur projet de loi relatif à l'égalité des chances pour les personnes handicapées, qui devrait inclure d'importantes dispositions sur la décentralisation de la politique du handicap.

Cette place éminente réservée aux politiques sociales n'est d'ailleurs pas étonnante, eu égard à la démarche très pragmatique entreprise : ce texte vise à assurer la prise de décision publique au niveau le plus proche des attentes du citoyen, afin de la rendre plus transparente et mieux adaptée.

C'est sans doute en matière de politiques sociales que la nécessité d'une adaptation aux réalités locales est le plus sensible. En effet, si, depuis les premières lois de décentralisation, l'Etat a cherché à mieux adapter ses politiques aux territoires, cette évolution marque aujourd'hui ses limites : l'enchevêtrement des compétences est devenu tel qu'il conduit désormais à de réelles difficultés de coordination et engendre de nouveaux cloisonnements, qui nuisent à l'efficacité et à la lisibilité de l'action publique.

Nous savons que ce projet de loi a pu susciter, ici ou là, des craintes, qui prennent une acuité particulière dans le domaine social dans la mesure où les politiques sociales visent, pour l'essentiel, à assurer la mise en oeuvre de droits fondamentaux et à garantir la cohésion sociale.

Ces interrogations sont de deux ordres. La décentralisation ne sera-t-elle pas source de nouvelles inégalités ? Les collectivités locales bénéficieront-elles de moyens suffisants et adaptés pour exercer efficacement leurs nouvelles compétences ?

Sur le premier point, je me bornerai à observer que la centralisation n'a pas empêché - loin s'en faut - les inégalités et les disparités territoriales et que l'Etat continuera de jouer son rôle pour garantir la solidarité nationale, dans le respect des libertés locales.

Sur le second point, il convient effectivement de veiller à ce que les transferts de compétences soient assortis des compensations financières adaptées ; nous reviendrons sur ce point tout au long de l'examen des articles.

Pour tous ces motifs, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis des articles entrant plus particulièrement dans son domaine de compétences et qui se rattachent à quatre domaines différents.

Le premier volet concerne la formation professionnelle.

Depuis 1983, l'histoire de notre système de formation professionnelle est celle de sa décentralisation, de l'Etat vers les régions, sans pour autant qu'il y gagne en clarté : la région, qui avait vocation à en être le pilote de droit commun, doit composer avec la multiplicité des intervenants, les financements croisés et la confusion des compétences.

Les six articles du volet relatif à la formation professionnelle ont précisément pour objet de compléter, de simplifier et de clarifier ce dispositif.

Tout d'abord, ils confirment le rôle moteur de la région en étendant notamment ses compétences au domaine de la formation des demandeurs d'emploi.

La région disposera désormais d'un instrument rénové de programmation : le plan régional de développement des formations professionnelles, qui permettra la mise en cohérence des actions menées, à l'échelon régional, par l'ensemble des intervenants. Dans cette perspective, d'ici au 31 décembre 2008, les régions, en lieu et place de l'Etat, deviendront les donneurs d'ordre exclusifs de l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Les régions se voient également reconnaître une fonction d'assistance des candidats à la validation des acquis de l'expérience et un rôle de coordonnateur des actions en faveur de l'accueil, de l'information et de l'orientation des jeunes comme des adultes, en vue de leur insertion professionnelle et sociale.

Ce nouveau mouvement de décentralisation s'accompagne alors logiquement d'un souci d'adaptation et de simplification des dispositifs existants de formation professionnelle. Deux mesures en témoignent : la réforme du régime de la prime d'apprentissage, par la fusion de l'aide à l'embauche et de l'indemnité de formation, et l'aménagement du régime public de rémunération des stagiaires.

La commission a approuvé ce schéma, mais elle a estimé qu'il restait encore des points à éclaircir.

Elle vous proposera de donner une base légale à la compétence résiduelle qui doit rester à l'Etat, au nom de la solidarité nationale, et qui concerne les actions en faveur des publics dits « spécifiques ».

En outre, des ambiguïtés subsistent en ce qui concerne le contenu concret des programmes transférés. La logique d'un transfert par bloc de compétences n'est en effet pas sans soulever des difficultés pratiques, dans ce domaine aux frontières perméables, entre politique de formation professionnelle et politique de l'emploi. Je souhaiterais donc obtenir des précisions, monsieur le ministre, sur les programmes qui seront effectivement transférés aux régions.

Le deuxième volet concerne l'action sociale

Le chapitre relatif à l'action sociale et médico-sociale complète et conforte le rôle éminent du département en lui confiant la mission générale de la définir et de la mettre en oeuvre. Il prolonge ainsi la compétence de droit commun, qui a été confiée au département dès 1983, en matière d'aide sociale légale, en s'appuyant sur le principe de la liberté d'organisation contractuelle pour assurer la concertation avec les acteurs intervenant dans le domaine de la lutte contre les exclusions.

Le département se voit également confier deux outils jusqu'alors cogérés : d'une part, les fonds d'aide aux jeunes, d'autre part, les schémas départementaux de l'organisation sociale et médico-sociale.

Un rôle de chef de file lui est enfin plus spécifiquement reconnu dans le domaine de la politique en faveur des personnes âgées. A ce titre, il devient responsable de la coordination gérontologique dans son ressort territorial, et les comités départementaux des retraités et des personnes âgées, désormais placés sous l'autorité du président du conseil général, reçoivent une base légale.

Ces nouvelles missions confiées aux départements appellent quatre remarques de ma part.

D'abord, il paraît nécessaire d'élargir le rôle de coordination du département au-delà du seul domaine de la lutte contre les exclusions, pour lui donner une compétence de coordination sur l'ensemble des domaines couverts par l'action sociale.

Ensuite, la commission des affaires sociales approuve le transfert de compétence en matière d'élaboration du schéma départemental de l'organisation sociale et médico-sociale, qui aura pour grand avantage de déboucher sur un document unique de programmation. Pour renforcer la simplification proposée, elle souhaite aussi alléger sa procédure d'élaboration en supprimant des consultations inutiles.

De plus, concernant les fonds d'aide aux jeunes en difficulté, si la commission des affaires sociales soutient la responsabilité nouvelle du département, par ailleurs cohérente avec la décentralisation du RMI, elle sera vigilante, au cours des débats budgétaires, sur l'évaluation des transferts de charges liés à l'exercice de cette compétence.

Enfin, dans le domaine de la coordination gérontologique, il nous a semblé que les compétences départementales méritaient d'être précisées pour permettre une liberté d'organisation entre les acteurs de terrain, pour mieux définir les compétences que les départements auront à exercer et pour veiller à la bonne articulation des interventions des trois grands partenaires de l'action de la gérontologie : l'Etat, la sécurité sociale et le département.

Le deuxième aspect du chapitre consacré à l'action sociale et médico-sociale concerne le transfert aux régions de la responsabilité de la formation des travailleurs sociaux.

Le texte propose, très justement, une « logique de blocs » : le rôle de l'Etat sera recentré sur les aspects de certification et de contrôle de la qualité des enseignements, et la région se chargera de la planification et de l'organisation de l'offre de formation.

Il nous a toutefois semblé que le dispositif proposé pourrait être amélioré sur trois points.

D'abord, la spécificité des formations sociales pourrait être mieux affirmée. Le minimum que l'Etat puisse exiger, en termes de qualité des formations dispensées, est que les établissements de formation en travail social soient soumis aux obligations de droit commun des organismes de formation professionnelle.

Cependant, s'agissant de métiers touchant à des publics fragiles et compte tenu de la misson de cohésion sociale de ces professionnels, nous avons considéré qu'il était légitime d'imposer des exigences supplémentaires de qualification des formateurs ou de contenu pédagogique des formations.

De la même manière, nous ne souhaitons pas que les formations sociales soient intégrées dans un schéma prévisionnel des formations qui, pour l'essentiel, regroupe des dispositions générales relatives aux collèges et aux lycées. Actuellement, ces formations figurent dans le schéma régional des formations sociales, qui fonctionne dans des conditions satisfaisantes, et nous considérons que cette formule prend mieux en compte la spécificité du travail social. En revanche, il nous semble utile d'intégrer ce schéma spécifique dans le plan régional de développement des formations professionnelles, qui constitue l'outil principal de planification de l'offre de formation au niveau régional.

Ensuite, le rôle des départements pourrait être précisé. Ces derniers emploient directement près de 60 000 des travailleurs sociaux et financent une grande partie des établissements qui emploient les autres. Ils doivent donc être les interlocuteurs naturels des régions pour déterminer les besoins de formation en travail social.

En revanche, il nous a semblé inadapté de prévoirl'intervention des départements en matière d'agrément des établissements de formation : cette possibilité reviendrait en effet à leur permettre de créer des dépenses supplémentaires pour la région.

La commission des affaires sociales estime qu'accepter une telle délégation pose également une question de principe. Certes, la possibilité de déléguer une compétence doit être ouverte chaque fois que l'échelon inférieur paraît en mesure de mieux l'exercer. Mais, s'agissant des formations en travail social, la commission considère que ce principe doit souffrir une exception, car il ne s'agit pas ici de déléguer une simple compétence de mise en oeuvre : placer l'agrément des établissements sous la responsabilité des principaux employeurs de travailleurs sociaux entretiendrait une confusion sur la mission d'intérêt général de ces formations, confusion qui nuirait à l'esprit même du travail social.

Enfin, un transfert aux régions dans de bonnes conditions devrait être garanti.

Il convient de bien identifier les charges actuelles de l'Etat et celles qui seront transférées à la région. La question se pose notamment en matière d'investissement, car la région sera tenue de financer l'intégralité des dépenses d'investissement des établissements là où l'Etat n'intervenait qu'au cas par cas, sur des actions jugées prioritaires dans les contrats de plan.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales vous proposera de corriger le périmètre des dépenses couvertes par la subvention régionale, afin de le faire coïncider avec les dépenses qu'assume actuellement l'Etat.

La suppression, proposée dans le projet de loi, du droit pour les établissements de percevoir des ressources complémentaires, notamment des frais de scolarité, entraînerait également une création de charges importante pour les régions. Dans la mesure où la région se voit par ailleurs confier la gestion d'un système de bourses en travail social, la commission des affaires sociales estime que le rétablissement des frais de scolarité ne serait pas inéquitable.

Le troisième volet de mon intervention concerne le logement, qui reste une compétence traditionnelle de l'Etat à laquelle le présent projet de loi apporte toutefois des modifications substantielles.

L'Etat pourra désormais déléguer ses compétences en matière d'aides à la pierre par voie de convention avec les grands établissements publics de coopération intercommunale. Hors du territoire des EPCI qui le demanderont, le département pourra aussi solliciter une telle délégation par voie de convention.

Même s'il ne s'agit pas d'une véritable décentralisation, la simplification de l'aide directe des collectivités et de leurs EPCI en faveur des aides à la pierre nous a paru constituer une avancée constructive.

Le choix du niveau intercommunal pour la politique du logement nous a par ailleurs semblé pertinent, dès lors que la conclusion d'une convention de délégation avec l'Etat est réservée aux groupements de communes les plus importants, pour lesquels la notion de « bassin d'habitat » a un sens. A l'inverse, hors de ces zones, dans les territoires plus ruraux, nous avons considéré que le département devrait conserver un rôle moteur, notamment pour corriger des écarts trop importants entre les communes.

En outre, le projet de loi met en oeuvre un véritable dispositif de décentralisation en transférant aux seuls départements les ressources du fonds de solidarité pour le logement, le FSL, aujourd'hui cogérées avec l'Etat.

Le transfert du FSL est cohérent avec les nouvelles responsabilités assumées par les départements en matière d'action sociale. Il paraît cependant logique, dans ce cas, que le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, financé par le FSL, relève aussi exclusivement du département pour son élaboration et sa mise en oeuvre. C'est ce que nous vous proposerons.

Le quatrième volet de mon analyse concerne la santé. Ce chapitre aborde à la fois les politiques sanitaires, l'offre de soins, la formation des professions paramédicales et la lutte contre l'insalubrité, actions pour lesquelles il propose des dispositifs contrastés : certains décentralisent des compétences de l'Etat vers les collectivités locales ; d'autres recentralisent des compétences sanitaires ; d'autres encore mettent en oeuvre le droit à l'expérimentation reconnu aux collectivités locales par l'article 72 de la Constitution.

Le transfert de compétences s'organise au profit des régions afin de permettre leur association à la détermination de l'offre de soins et des politiques sanitaires.

Le texte propose ainsi leur participation aux travaux des agences régionales d'hospitalisation, soit avec voix consultative, soit, pour les conseils régionaux qui le souhaiteront, avec voix délibérative. Il leur suffira, sous forme expérimentale dans un premier temps, de contribuer au financement de ces agences et aux investissements hospitaliers qu'elles gèrent, dans des conditions qui restent encore à préciser.

Par ailleurs, le texte prévoit d'accorder aux régions une compétence complémentaire en matière sanitaire. Sans nier le bien-fondé de cette disposition, la commission des affaires sociales a estimé qu'elle devait plutôt être examinée dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé publique, que l'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture et dont le Sénat devrait être prochainement saisi. Aussi, je vous proposerai de supprimer cet article.

Le texte organise également le transfert de l'Etat vers les régions de la formation des auxiliaires médicaux, notamment des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, diététiciens, soit au total de quinze professions, auxquelles s'ajoutent les sages-femmes et les préparateurs en pharmacie.

La répartition des compétences serait la suivante : l'Etat fixe les conditions d'accès aux formations, détermine les programmes et délivre les diplômes ; les régions attribuent des aides aux élèves, prennent en charge le fonctionnement et l'équipement des écoles et instituts lorsqu'ils sont publics et peuvent participer au financement des établissements privés.

Je reste toutefois dubitative sur les conditions dans lesquelles ce transfert sera réalisé, notamment au regard du calcul de la compensation budgétaire qui l'accompagnera. En effet, aujourd'hui, les informations relatives au coût des établissements publics sont parcellaires et la situation des étudiants au regard des frais d'inscription est hétérogène : le travail de la commission consultative chargée d'évaluer le montant de la compensation sera donc complexe, tout comme les modalités de transfert entre l'assurance maladie, l'Etat et les régions. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations supplémentaires sur ce point ?

Enfin, le texte prévoit de regrouper au niveau du département le dispositif de lutte contre les « insectes vectoriels », c'est-à-dire essentiellement les moustiques porteurs de maladies infectieuses comme le paludisme, sachant que le département gère déjà la lutte contre les « insectes piqueurs ».

Le mouvement de recentralisation que je mentionnais précédemment concerne les compétences sanitaires des départements dans le domaine de la politique vaccinale, du dépistage du cancer et de la lutte contre les maladies contagieuses et la tuberculose.

Cette proposition, qui figurait dans les conclusions du rapport présenté par notre collègue Michel Mercier au nom de la mission d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation, répond à un souci de simplification et de clarification. Là encore, nous aurions pu penser qu'elle aurait mieux trouvé sa place dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Mais le Gouvernement a choisi de l'insérer dans le présent texte, en l'assortissant d'un dispositif prévoyant que les compétences retirées aux départements pourront néanmoins être exercées par les collectivités locales sur une base conventionnelle.

Cette disposition nous a semblé paradoxale : recentraliser les compétences sanitaires détenues par les départements peut en effet permettre de clarifier la situation, mais confier par convention aux collectivités locales l'exécution des mesures arrêtées par l'Etat brouille ce message initial.

Par ailleurs, nous avons trouvé imprécise la rédaction de cet article s'agissant des conditions dans lesquelles seront traités les personnels aujourd'hui employés à ces tâches par les départements. De plus, aucune indication sur une éventuelle recentralisation des lignes budgétaires consacrées à cette action par les départements n'est apportée par le texte. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments complémentaires sur ces deux points ?

Tel est, mes chers collègues, l'état du dossier qui nous est soumis.

Je crois pouvoir dire que le souci d'adaptation et de simplification des procédures, même s'il n'apparaît pas flagrant à sa seule lecture, a présidé à la rédaction de ce texte. C'est pourquoi, sous réserve des amendements qu'elle vous proposera, la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de son adoption. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le sentiment des Français à l'égard de la décentralisation est, nous le savons tous, mitigé : si le maire occupe la première place dans le coeur de nos concitoyens, si ces derniers sont plutôt satisfaits de la façon dont les départements et les régions se sont acquittés de leurs tâches, notamment pour ce qui concerne les collèges et les lycées, dans le même temps, trop souvent, depuis quelques années, la décentralisation est pour eux synonyme d'impôts locaux qui augmentent.

Or, si les impôts locaux augmentent, c'est parce que de nouvelles compétences ont été mises à la charge des collectivités locales sans que les ressources correspondantes aient été transférées. Il en est ainsi des traitements, des salaires, du régime des fonctionnaires. De la sorte, pendant plusieurs années, les impôts traditionnels - mais aussi les impôts transférés au moment de l'acte I de la décentralisation - ont été petit à petit diminués, « rabotés », voire supprimés.

Chacun se souvient, par exemple, de la réforme de la taxe professionnelle : c'était sûrement une bonne idée, si ce n'est que rien ne l'a remplacée, hormis une dotation de l'Etat. Quant aux droits de mutation, ils ont été enserrés dans un cadre extrêmement restreint. C'était aussi sûrement une bonne idée, mais rien ne les a remplacés, hormis une dotation de l'Etat. Et, si la vignette a été supprimée, c'était sûrement une bonne idée, mais rien ne l'a remplacée.

Il ne reste donc plus aujourd'hui aux maires et aux présidents de région ou de département que la possibilité d'augmenter la taxe d'habitation. En effet, si l'on voulait augmenter la taxe professionnelle, par exemple, il faudrait multiplier par trois son taux pour obtenir le même produit qu'avant la réforme. Dans ces conditions, la taxe d'habitation touchant directement la population, les Français se rendent compte qu'à chaque compétence nouvelle transférée, chaque année, les impôts locaux augmentent, alors que dans le même temps les impôts d'Etat baissent. Cela crée un vrai hiatus et nos concitoyens se demandent alors si la décentralisation est ou non une bonne idée.

Le projet de loi dont nous allons débattre au cours de ces prochaines semaines doit donc d'abord avoir pour objet de réaffirmer très clairement le bien-fondé de la décentralisation. En effet, il faut faire en sorte que chaque décision soit prise au niveau adéquat, faire en sorte que tout ce qui peut être décidé au niveau de la commune, du département ou de la région le soit : n'est-ce pas là un moyen moderne pour diriger un Etat ?

Cela suppose que soit rétablie la confiance, d'une part entre les Français et l'ensemble des collectivités locales - pas tant avec les élus qu'avec les collectivités locales, d'ailleurs - et d'autre part entre les élus locaux et l'Etat.

Nous vous avons écoutés, messieurs les ministres : vous avez fait dans ce domaine beaucoup d'efforts, c'est vrai, et je veux pour ma part rendre hommage à votre sens du dialogue. Certes, nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous nous parlons, et c'est déjà un premier pas. Je ne peux à cet égard souhaiter qu'une chose, c'est que votre sens du dialogue et votre disponibilité soient imités par beaucoup de vos collègues du Gouvernement.

M. Guy Fischer. Des noms ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Monsieur Fischer, si, en général, vous comprenez ce que je dis, c'est bien parce que je dialogue avec vous sans problème, même si nous ne sommes pas toujours d'accord !

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Roland Muzeau. Mais nous ne sommes pas au gouvernement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne manquerait plus que cela ! (Rires.)

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mais j'en reviens au projet de loi qui nous est soumis, dont le maître mot paraît être en effet la confiance, une confiance qui doit être retrouvée, notamment en matière financière.

Nous savons - mais cela ne dépend pas de vous ! - que la loi dont nous allons débattre ne comporte pas de dispositions financières précises. Comment fixer, par exemple, le montant de la compensation du transfert de telle compétence aux communes, aux départements ou aux régions ? La loi organique que nous avons votée l'an dernier, en effet, prévoit de façon très claire que l'affectation totale ou partielle à une personne morale autre que l'Etat d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de la loi de finances.

Il reviendra donc à la loi de finances pour 2005 de préciser très clairement comment les transferts que nous allons voter seront financés.

C'est là un vrai problème et, pour pouvoir en débattre, nous devons, au-delà des dispositions de la loi organique, être assurés que la loyauté sera de règle et qu'elle présidera au financement des transferts opérés par la loi.

Cela étant, le Sénat a voté, en première lecture, le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité. Certes, ce texte n'a pas encore été examiné par l'Assemblée nationale, et les probabilités sont fortes - ce qui pose un petit problème - que l'on vote le transfert financier avant d'avoir adopté le projet de loi de décentralisation du RMI. Cette loi est donc, en quelque sorte, un cas d'espèce, un exemple, et nous souhaitons très vivement que les dispositions de l'article 40 de la loi de finances pour 2004 prévoient le financement du transfert RMI-RMA, et ce - pour reprendre votre expression, monsieur le ministre - de la façon la plus loyale qui soit. (M. le ministre opine.)

M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Nous sommes d'ailleurs condamnés à la réussite car, si cela ne fonctionne pas, nous aurons des difficultés ensuite. Le transfert RMI-RMA doit donc s'opérer dans la clarté et la loyauté afin que la confiance retrouvée entre les élus locaux et l'Etat nous permette de débattre, tout au long de l'année 2004, du montant des transferts financiers qui seront nécessaires.

Si, dans quelques jours, l'article 40 de la loi de finances n'est pas modifié pour prendre en compte les conséquences de la réforme de l'UNEDIC et de l'allocation de solidarité spécifique, il y aura un déséquilibre grave. Il me paraît donc nécessaire de fixer une clause de rendez-vous à la fin de l'année pour procéder au chiffrage de la mesure.

Il est vrai que nous avons entendu, monsieur le ministre, des estimations sur le coût des transferts de compétences. S'il est extrêmement difficile de le chiffrer aujourd'hui, nous disposons toutefois de toute une année pour le faire, et cette année ne sera probablement pas superflue...

Si, comme vous avez su le faire ces dernières semaines, vous mettez en place une méthode fondée sur le dialogue entre les grandes associations d'élus et les rapporteurs du texte dont nous débattons, nous parviendrons ensemble à chiffrer d'une façon contradictoire le coût des compétences transférées, et la réforme pourra aboutir dans de bonnes conditions.

Le débat qui s'ouvrira, lors de l'examen des amendements, sur l'instance chargée de contrôler l'évolution des charges sera intéressant. Ce contrôle pourrait en effet être confié à la commission d'évaluation des charges ou à une formation adaptée du comité des finances locales ; en tout cas, cette instance doit être présidée par un élu local.

Je crois que l'on ne peut plus, aujourd'hui, confier à un magistrat, fût-il de la Cour des comptes, le soin d'exercer ce contrôle. En effet, il arrive fréquemment que la commission ne se réunisse pas, sinon pour constater que tout se passe bien en matière de compétences transférées, alors que les élus ressentent le contraire. En effet, si la commission est compétente en matière de transferts de compétences au sens strict du terme, elle ne l'est pas s'agissant des extensions, des adaptations et des modifications de ces compétences.

Nous nous trouvons dans une situation juridique nouvelle : l'inscription dans la Constitution de garanties financières pour les collectivités territoriales, garanties qui vaudront règle suprême dans ce domaine, est importante. Il faut insister sur ce point. C'est en effet la première fois que nous inscrivons dans la Constitution, texte normatif le plus important de notre pays, des garanties financières pour les collectivités territoriales. Il reste à savoir, naturellement, quelle sera la portée de cette protection constitutionnelle. Elle n'est probablement pas absolue.

Pour en revenir au RMI et au RMA, il est vrai qu'il peut nous être objecté que la réforme de l'UNEDIC et celle de l'ASS n'ont pas pour objet de modifier les modalités d'accès au RMI et que cette question ne relève donc pas de la protection de la Constitution que j'évoquais à l'instant.

M. Gérard Delfau. Bien sûr !

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est discutable, et une autre réponse est possible.

Les décisions prises par les partenaires sociaux l'ont été au cours de l'exercice 2003. Les décisions du Gouvernement visant à modifier le régime de l'ASS ont été prises lors de ce même exercice. Elles entraînent des transferts de charges, et les conséquences de ces deux réformes en termes de financement pour les collectivités locales doivent donc être prises en compte.

La commission des finances a tiré de cet exemple quelques règles et quelques principes pour le futur. Elle ne s'est toutefois saisie matériellement que de certains articles.

Les amendements qu'elle présentera auront simplement pour objet d'apporter des précisions, de fixer un cadre clair permettant à l'Etat de dire quels impôts il entend transférer aux collectivités locales et à chacun - Etat, collectivités locales - de s'y reconnaître.

Monsieur le ministre, nous cherchons tout à fait à atteindre l'objectif que vous avez évoqué dans votre intervention liminaire. Vous avez annoncé que le produit de deux catégories d'impôts serait transféré, celui de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et celui de la taxe sur les conventions d'assurances, le total de ces deux produits étant supérieur au coût des compétences transférées. C'est une bonne nouvelle, mais nous souhaiterions que, au cours des débats, vous précisiez exactement quelle part sera transférée aux collectivités locales, celles-ci s'interrogeant, vous le savez, sur le caractère modulable de la part des impôts transférés.

J'insisterai sur un autre point, qui me paraît tout aussi important. Les régions recevront une part modulable du produit de la TIPP, alors que les départements percevront une part non modulable du produit de la TIPP et le produit de la taxe sur les conventions d'assurance. J'ai très longtemps milité, avec nombre de mes collègues, pour que le taux de TIPP transférée aux départements puisse être modulé ; mais, finalement, pour des raisons de clarté, il ne me semble pas plus mal que les départements ne puissent pas augmenter la TIPP dès lors que l'Etat pourra continuer à augmenter la part qui sera la sienne. En effet, on ne saurait jamais, en cas d'augmentation de la TIPP, si cette dernière est due à l'Etat ou aux régions !

Au moins deux collectivités seront donc protégées : les communes, qui ne recevront pas de produit de la TIPP, et les départements, qui en recevront une part non modulable. Pour le reste, il faudra définir qui fait quoi. C'est une question de clarté.

Je suis véritablement satisfait, monsieur le ministre, que vous ayez obtenu de vos collègues de Bercy qu'une part très importante de la taxe sur les conventions d'assurance puisse être transférée aux départements. Le transfert du produit de ces deux impôts - la TIPP et la taxe sur les conventions d'assurance - permettra de financer non pas la totalité des coûts des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours - vous ne l'avez jamais dit et il ne faut pas le laisser croire -, mais au moins l'évolution de ces coûts. C'est une bonne nouvelle.

Au nom de la commission des finances, je ne peux que prendre acte des annonces extrêmement intéressantes que nous a faites M. le ministre de l'intérieur dans son intervention liminaire et vous inviter, mes chers collègues, à adopter les amendements de précision et de cadrage que la commission des finances vous propose. Nous disposerons alors d'un bon texte qui permettra de rétablir la confiance entre les élus locaux et l'Etat et, ce qui est plus important, entre les Français et leurs collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean François-Poncet.

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque l'Etat jacobin détenait l'essentiel des pouvoirs et des ressources, c'est lui qui veillait à ce que les écarts de richesse entre collectivités territoriales ne menacent pas la cohésion de la communauté nationale.

La décentralisation - à la fois celle de 1982-1983 et celle que le Gouvernement nous propose aujoud'hui - renverse la donne. C'est aux collectivités et non à l'Etat qu'incombe désormais la responsabilité première du développement territorial. Ce sont elles qui, dès aujourd'hui, réalisent la plus grande partie des investissements civils du secteur public.

Or les collectivités territoriales, attributaires des compétences transférées, sont très loin de disposer de moyens équivalents.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». D'où le risque que la décentralisation n'accroisse les inégalités de développement entre collectivités, l'argent des collectivités riches permettant à celles-ci de faire pleinement usage de leurs nouveaux pouvoirs, cependant que les collectivités pauvres peineraient à les assumer.

Autant dire que le projet de loi relatif aux responsabilités locales que vous nous soumettez aggravera de façon inquiétante les fractures qui, dès à présent, menacent le territoire s'il ne s'accompagnait pas d'une péréquation réelle des ressources entre territoires.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Le gouvernement d'Edouard Balladur l'avait compris et la loi Pasqua de 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire avait créé un ambitieux - peut-être trop ambitieux - mécanisme de péréquation, mis au point, je le rappelle, par le Sénat sur le modèle du système qui fonde le fédéralisme allemand. Le gouvernement de Lionel Jospin avait intégralement repris ce dispositif, alors que la plupart des autres dispositifs de la loi Pasqua avaient été modifiées.

Près d'une décennie s'est écoulée depuis 1995. Trois gouvernements se sont succédé. Mais rien, absolument rien, n'a été fait pour que la loi soit appliquée. Le texte de 1995 sur la péréquation est une relique poussiéreuse et oubliée.

M. Gérard Delfau. Hélas !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». D'où vient cette paralysie ? Deux raisons, me semble-t-il, l'expliquent : tout d'abord, et cela tombe sous le sens, le fait que la péréquation mette en cause des droits acquis, lesquels, comme chacun sait, sont en France sacro-saints et, ensuite, le défaut de propositions claires et chiffrées. De ce fait, la péréquation suscite des craintes qui, pourtant, ne résistent pas à l'analyse.

En effet, il ne s'agit nullement de réaliser une égalité complète, qui n'est ni atteignable, ni souhaitable,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, si !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». ... ni même prescrite par le nouvel article 72-2 de la Constitution, selon lequel la loi favorise l'égalité entre collectivités territoriales. Favoriser, à ma connaissance, signifie « aller vers », « se rapprocher de », et non pas « aligner » ou « niveler ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déjà ça !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Il s'agit de garantir à toutes les collectivités un niveau de ressources leur permettant de couvrir leurs charges obligatoires dans les mêmes conditions de service rendu et de prélèvement fiscal. Tel doit être l'objectif de la péréquation.

C'est dans cet esprit que le Sénat s'est une nouvelle fois penché sur le problème. Un groupe de travail a été créé par la commission des finances et par la commission des affaires économiques, dont M. Claude Belot est le rapporteur. Le rapport de ce groupe de travail a été approuvé par les deux commissions. Il vous sera remis demain matin au plus tard, messieurs les ministres, accompagné d'une lettre signée du président du Sénat. Je vous en recommande évidemment la lecture.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Une lecture attentive !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Les propositions du groupe de travail peuvent se résumer en quatre points.

Tout d'abord, le groupe de travail ne s'est concentré, à ce stade, que sur la situation des départements...

M. Gérard Delfau. Hélas !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». ... parce que c'est à eux que la décentralisation transfère les charges financièrement les plus lourdes et créatrices des écarts les plus importants entre les départements.

Ensuite, le groupe de travail a procédé en deux étapes.

Dans un premier temps, il a élaboré un indice synthétique permettant de mesurer les inégalités de ressources, mais aussi de charges obligatoires entre les départements. Il s'est appuyé, pour évaluer les charges et les ressources, sur des critères objectifs, qui neutralisent l'impact des politiques pratiquées. Nous ferions en effet fausse route en matière de péréquation si celle-ci conduisait à récompenser les gestions laxistes de certaines collectivités ou les gestions anormalement rigoureuses d'autres. L'indice synthétique combine inégalités de ressources et inégalités de charges dans un tableau unique dans lequel les départements sont classés par ordre croissant en termes d'aisance financière.

Dans un second temps, le groupe de travail a évalué les dotations financières qu'il faudrait réunir pour subvenir aux besoins en termes de péréquation, lesquels seront fonction du seuil d'égalisation entre les départements que le Parlement fixera. A cet égard, le groupe de travail s'est contenté d'envisager plusieurs hypothèses, entre lesquelles il a estimé qu'il ne lui appartenait pas de choisir, non parce qu'il n'a pas de préférences, mais parce qu'il lui a semblé qu'il s'agissait là avant tout d'un choix politique.

Par ailleurs, il a volontairement inscrit ces hypothèses dans la nouvelle architecture de la dotation globale de fonctionnement proposée par le projet de loi de finances pour 2004, une architecture dont je voudrais dire à mes collègues qu'il nous a semblé qu'elle pouvait utilement servir de base à la péréquation.

Les propositions du groupe de travail s'inscrivent également dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, en vertu duquel l'enveloppe globale de la DGF évolue annuellement en fonction d'un indice égal à la somme du taux de l'inflation et de la moitié du taux de croissance du produit intérieur brut.

Enfin, le groupe de travail propose que la péréquation soit réalisée par étapes, sur la durée, et qu'elle soit financée par prélèvement sur la croissance annuelle de la DGF. Cela permettrait de garantir à tous les départements leur niveau de dotation actuelle, en euros constants, tout en améliorant progressivement et très significativement la situation des départements les moins favorisés.

Il apparaît, à la lumière de ces propositions, que la péréquation en faveur des départements les plus pauvres est possible, sur une période qui pourrait être, par exemple, de cinq ans, sans mettre en difficulté, et donc en émoi, les départements les mieux lotis.

Messieurs les ministres, il est urgent d'agir. D'une part, nombre de départements, dont le potentiel fiscal est particulièrement faible et la population particulièrement âgée, ne parviennent plus, dès aujourd'hui, à faire face aux charges qui leur sont transférées sans être obligés d'accroître leur fiscalité dans des proportions qui deviennent insupportables, situation que la nouvelle étape de la décentralisation va très probablement aggraver.

Il convient, d'autre part, de prendre en compte les dynamiques économiques qui façonnent notre époque et qui, toutes, qu'il s'agisse de la mondialisation, des nouvelles technologies ou de la mobilité des capitaux et des savoir-faire, poussent à la concentration de l'activité et de la richesse dans les grandes agglomérations.

Voilà pourquoi, messieurs les ministres, toute nouvelle avancée en matière de décentralisation, sans péréquation concomitante, non seulement contreviendrait à la Constitution, mais aggraverait dangereusement les inégalités qui, dès à présent, fracturent le territoire.

Le Sénat sait que le Gouvernement partage cette conviction. Il lui fait confiance, par conséquent, pour proposer au Parlement, dès le début de l'année 2004, les mesures qui, sans brider le dynamisme des collectivités les mieux pourvues, préserveront les chances des collectivités les moins favorisées et garantiront ainsi la cohésion de la communauté nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)