Mardi 14 novembre 2006

- Présidence de M. Jacques Blanc, vice-président.

PJLF pour 2007 - Audition de M. François Lureau, délégué général pour l'armement

La commission a procédé à l'audition de M. François Lureau, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2007.

Le délégué général pour l'armement a d'abord rappelé que la Délégation générale pour l'armement, impliquée dans 3 des 5 actions du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » piloté par le directeur chargé des affaires stratégiques, est responsable d'un budget opérationnel représentant 80 % des crédits de ce programme. Ce budget est constitué à plus de 95 % des crédits destinés aux études amont et aux subventions vers les industriels et les opérateurs de l'Etat. Il constitue donc un enjeu majeur pour le programme 144, avec des retombées particulièrement sensibles sur les tissus industriels (dont les PME) et les laboratoires de recherche. Le budget a été établi pour répondre aux besoins de préparation de l'avenir du ministère, effort indispensable à l'excellence technologique permettant de favoriser l'émergence d'une industrie européenne de défense autonome et compétitive possédant les compétences-clés pour répondre aux besoins de nos forces armées. Cet effort place la Défense au coeur de la politique de croissance et de compétitivité du gouvernement.

L'évolution des études amont de la défense notifiées à l'industrie entre 2004 et 2007 se caractérise ainsi par une augmentation importante des crédits de paiement, qui passent de 447 millions d'euros en 2004 à 638 millions d'euros en 2007, dont 15 millions d'euros pour les pôles de compétitivité. Le niveau de commandes à l'industrie atteindra 700 millions d'euros dès 2006, pour répondre aux ambitions affichées par la loi de programmation militaire. Cet effort se concrétise par un soutien accru à l'innovation et le renforcement de la recherche, militaire et duale.

Le délégué général pour l'armement a précisé les principaux axes d'effort en matière de recherche de défense et sécurité, dont le premier porte sur la modernisation de la force de dissuasion, avec le démonstrateur de «partie haute de missile balistique», qui doit être lancé d'ici la fin 2006. Ce programme d'étude amont vise à l'amélioration des performances face à l'évolution de la menace ; il contribue directement au nécessaire maintien des compétences duales de la filière industrielle des lanceurs (EADS, Safran, SNPE). Le deuxième axe concerne la sécurité globale, notamment la poursuite de l'effort sur la protection contre la menace biologique et chimique autour de grands thèmes, tels que l'analyse de la menace, le renseignement, la détection, la protection et la gestion de crise. Un troisième axe concerne l'espace, à des fins de surveillance du sol, de renseignement non intrusif et stratégique. Le démonstrateur d'écoute spatial développé dans le cadre du programme d'études amont ELINT spatial, constitue dans ce domaine un moyen remarquable ; vient ensuite le quatrième axe, la frappe dans la profondeur, avec la poursuite d'études sur les missiles de croisière et la préparation d'un démonstrateur pour les conduites de tir air-sol. Un cinquième axe concerne l'amélioration de la mise en réseau des différents systèmes d'armes en cohérence avec les actions précédentes : les principaux démonstrateurs concernent la Bulle Opérationnelle Aéroterrestre et les systèmes d'armes navals, avec la « Capacité d'Engagement Multi Plate-forme » ; la conception des systèmes aériens de combat futur enfin, notamment avec le drone de combat NEURON, mené en coopération avec la Suède, l'Italie, l'Espagne, la Grèce et la Suisse ainsi que le démarrage d'un démonstrateur d'hélicoptère à furtivité améliorée apte au vol tout temps (HECTOR).

Dans le cadre du programme 144, la DGA s'attache à développer les capacités technologiques et industrielles nécessaires aux systèmes d'équipement futurs, l'indicateur en est le taux de progression des capacités technologiques qui, de 47 % en 2006, devrait atteindre 52 % en 2007 et 58 % en 2008. Ce taux de progression sera comparé en 2007 à la valeur d'un indicateur similaire chez nos partenaires britanniques.

La DGA pilote, en outre, le programme 191 « Recherche duale » de la Mission Interministérielle pour la Recherche et l'Enseignement Supérieur. En 2007, le montant de 200 milliards d'euros alloué reconduit la valeur de 2006, avec une répartition identique entre les bénéficiaires : le CNES (165 millions d'euros) et le CEA (35 millions d'euros). Un travail approfondi d'évaluation des besoins permet d'affecter ces crédits aux projets d'intérêt réellement dual ; à titre d'illustration, 15 millions d'euros du programme contribuent au financement du plan interministériel de recherche en matière de lutte contre la menace NRBC, piloté par le SGDN et conduit au CEA.

La DGA s'implique également dans le secteur de l'intelligence économique où, compte tenu de la diversité des fournisseurs de la Défense, de l'importance des entreprises moyennes et petites et de la nécessité de protéger, dans un contexte mondial de forte compétition économique, certaines activités industrielles à caractère stratégique, le ministère de la Défense a préconisé la mise en place d'outils de veille, d'analyse et d'action. La DGA coordonne l'action des services relevant du ministère de la Défense et participe directement à l'élaboration de la politique de l'Etat dans le domaine de l'intelligence économique. Il faut noter que les capacités industrielles et technologiques de défense dépendent pour une large part des PME-PMI, qui grâce à leur ingéniosité, leur dynamisme et leur réactivité, ont la capacité de développer des innovations de rupture et de productivité. La politique d'autonomie compétitive du ministère passe donc également par la mise en oeuvre attentive du contrôle des investissements étrangers. Une légère augmentation du flux d'investissements étrangers peut être observée en France en 2006 dans les activités de défense. Plus de la moitié des dossiers ont conduit à demander des engagements aux investisseurs afin de préserver la pérennité des activités, des capacités industrielles et de recherche et développement et des savoir-faire associés.

Enfin, les pôles de compétitivité constituent des lieux privilégiés pour les programmes de recherche duale soutenus par le ministère de la Défense, ces pôles facilitant la coopération autour de projets innovants sur un espace géographique donné, entre des entreprises, des centres de formation et des unités de recherche publiques ou privées. Le ministère de la Défense contribue largement à la politique des pôles de compétitivité, puisque sur les 66 pôles de compétitivité labellisés, le ministère est correspondant chef de file de 7 pôles (2 pôles mondiaux (AESE et Systematic), 2 pôles à vocation mondiale (Mer Bretagne et Mer PACA) et 3 pôles nationaux (Route des lasers, Photonique et Elopsys)) et 2è contributeur au fonds interministériel commun, qui constitue un guichet unique pour le financement des projets de R&D des pôles par l'Etat (45 millions d'euros sur 3 ans, pour un total de 300 millions de crédits ministériels, portés à 600 millions d'euros grâce à un abondement décidé par le Premier Ministre). Les 7 pôles impliquant la Défense ont présenté d'excellents projets, intéressant plusieurs ministères, bénéficiant ainsi d'une aide de plus de 65 millions d'euros sur les 200 millions d'euros alloués par le fonds commun en 2006. Environ 15 projets ont été jugés particulièrement intéressants pour la défense, présentant des applications duales.

S'agissant du soutien aux exportations, les perspectives de prises de commandes sont, en 2006, supérieures à 5 milliards d'euros. L'intérêt et l'importance d'une politique d'exportation font l'objet d'un large consensus. Elle constitue un moyen essentiel du développement de la base industrielle et technologique de défense (actuellement près de 40 % de l'activité du secteur) et de l'optimisation de l'effort financier de défense, particulièrement nécessaire pour la décennie à venir. L'optimisation de l'activité étatique de promotion à l'exportation dans le domaine de la défense constitue l'un des indicateurs essentiels du programme 144.

Abordant ensuite les perspectives 2007 concernant le programme 146 « Equipement des forces », le délégué général pour l'armement a précisé qu'en autorisations d'engagement, les ressources prévues en LFI atteindraient 9,1 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 2,2 milliards d'euros de report escomptés, soit 11,3 milliards d'euros. En crédits de paiement, les ressources atteindraient 9,4 milliards d'euros, complétés par un report attendu de 1,5 milliard, soit 10,9 milliards d'euros. Il a ensuite décrit les équipements commandés ou livrés en 2007, concernant le commandement et la maîtrise de l'information, l'engagement et le combat ; la capacité projection-mobilité-soutien ; la « protection et sauvegarde » et la dissuasion. Soulignant que la DGA continue à utiliser la totalité (ou la quasi-totalité) des ressources disponibles avec un taux d'exécution qui sera compris en 2006 entre 95 et 100 %, le délégué général pour l'armement a indiqué que le solde de gestion 2006 du programme 146 devrait être tout à fait équilibré.

M. André Dulait, rapporteur pour avis des crédits des forces terrestres, soulignant le rôle essentiel des blindés légers ou médians en opérations, a rappelé que les matériels en service dans l'armée de terre étaient anciens et avaient dû faire l'objet d'opérations de rénovation. Il s'est interrogé sur le déroulement du programme de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) et sur le calendrier de livraisons.

Evoquant les réflexions sur le remplacement des blindés à roues, et notamment l'AMX 10 RC, il s'est interrogé sur la possibilité d'envisager un programme européen. Il a souhaité obtenir des précisions sur les conditions d'accès des petites et moyennes entreprises aux marchés européens, ainsi que sur la place des PME françaises dans la compétition européenne. Il a enfin souhaité des précisions sur les matériels nécessaires aux armées à l'horizon de 2020 et sur les possibilités d'exportation qui y sont attachées.

M. André Boyer a évoqué l'hypothèse d'une capacité antiaérienne pour les frégates multimissions. Il s'est interrogé sur le point de savoir si les 2 frégates antiaériennes qui seraient ainsi commandées seraient comprises dans le programme actuel des 17 frégates multimissions, ou si elles interviendraient de façon additionnelle. Il a souhaité connaître l'évaluation des économies attendues de la coopération avec le Royaume-Uni sur le programme du second porte-avions. Il s'est interrogé sur le montant du devis des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, sur le respect des caractéristiques techniques envisagées et sur le calendrier de livraisons. Il a enfin souhaité savoir si la dotation en loi de finances rectificative de la majeure partie des crédits destinés au programme des frégates multimissions se traduisait automatiquement par des reports de crédits.

M. François Lureau, délégué général pour l'armement, a apporté les éléments de réponse suivants :

- les forces terrestres ont effectivement besoin d'une protection renforcée, même si le besoin de chars lourds a évolué. Le programme de rénovation des AMX 10 RC a connu quelques difficultés industrielles, mais sa remise en ordre permet d'envisager la livraison, à l'horizon 2010, de 256 véhicules rénovés ;

- le déroulement du programme VBCI est satisfaisant. Les premiers marchés portent sur le développement et la fabrication de 65 unités pour une livraison au premier semestre 2008. A ce stade, le programme a une avance de quelques mois et les premiers prototypes donnent entière satisfaction ;

- le besoin d'engins blindés médians est effectivement avéré et d'ailleurs partagé par les Britanniques avec le programme FRES (Future Rapid Effect System). Comme sur l'ensemble des programmes, la DGA privilégie une approche européenne et est en discussion avec les Britanniques et les Allemands, de même que l'industriel NEXTER échange avec ses principaux partenaires étrangers. Ce programme, qui intervient dans un secteur industriel d'armement terrestre où l'Europe n'est pas organisée, est envisagé à l'horizon 2015 ;

- pour permettre notamment l'accès des PME aux marchés européens, l'Agence européenne de défense a élaboré un code de conduite. La France, qui se situe au premier rang pour les annonces de mises en concurrence sur le site de l'Agence, veille à ce que les acquisitions de ses partenaires fassent l'objet d'une publication comparable ;

- la détermination des besoins en équipements à l'horizon 2020 relève de la responsabilité du gouvernement et du chef de l'Etat. Des potentialités d'exportation peuvent néanmoins être soulignées dans le domaine aéronautique, avec le Rafale et les hélicoptères TIGRE et NH 90, ainsi que dans le domaine naval, avec les sous-marins classiques et les frégates ;

- des études sont effectivement en cours pour examiner la possibilité de convertir 2 des 17 frégates multimissions dans une version antiaérienne, possibilité qui suscite également l'intérêt de nos partenaires italiens ;

- pour ce qui concerne le programme du second porte-avions, les économies attendues d'une coopération avec le Royaume-Uni restent à matérialiser dans les offres des industriels. Une estimation du coût du programme sera connue à la fin de l'année 2006. La convergence de vues avec les Britanniques sur ce programme permet d'envisager, sur la base de trois bâtiments, de réelles économies d'échelle ;

- le marché des SNA Barracuda devrait être notifié avant la fin de l'année 2006. La totalité du programme représente un peu moins de 8 milliards d'euros ;

- une partie de la dotation du programme des frégates multimissions sera effectivement apportée en loi de finances rectificative pour 2006, à hauteur de près de 240 millions d'euros. Cette opération, reproductible en 2007, ne porte pas préjudice à la bonne exécution financière du programme.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souhaité savoir quelles étaient les sociétés bénéficiaires des crédits de recherche du programme 144 et selon quelles modalités l'emploi de ces crédits était contrôlé. Elle s'est interrogée sur le financement du programme de drones d'observation SIDM, ainsi que sur l'abandon du programme EuroMale. Elle a enfin souhaité savoir dans quelle mesure les PME du secteur de défense étaient affectées par les difficultés du groupe EADS, notamment au sein du pôle de compétitivité AESE. Elle s'est par ailleurs interrogée sur les conséquences de la nouvelle organisation de la direction du groupe aéronautique, qui confie à des responsables allemands la direction de plusieurs activités militaires.

Mme Gisèle Gautier s'est interrogée sur le financement envisagé pour le satellite de communication Syracuse III C, ainsi que sur les perspectives de coopération européenne dans ce domaine. Elle s'est enquise de la réduction annoncée du nombre des commandes de Rafale dans le cadre de la commande globale réalisée en 2004, ainsi que des financements nécessaires à la prochaine commande globale. Elle a souhaité savoir si l'exportation de cet appareil pourrait avoir des conséquences sur le calendrier d'équipement des forces françaises. Evoquant la possibilité du remplacement des appareils de ravitaillement en vol de l'armée de l'air KC 135 par des Airbus de type MRTT (multirole transport tanker), elle s'est interrogée sur le calendrier de ce programme, ainsi que sur la possibilité de transposer en France la méthode d'acquisition britannique par location de services.

M. Yves Pozzo di Borgo a souhaité savoir si les regroupements industriels réalisés dans certains secteurs des équipements de défense se traduisaient par le renforcement de la coopération européenne dans le domaine de la recherche. Il s'est demandé si les capacités nationales en matière d'équipement militaire faisaient l'objet d'une évaluation régulière au regard de celles de nos principaux partenaires. Evoquant le programme mené dans le cadre de l'Agence européenne de défense pour la protection des forces en environnement urbain, il a souhaité savoir si les règles de l'Agence étaient adaptées à la gestion d'un tel programme.

M. Jacques Blanc, vice-président, a rappelé que la commande des hélicoptères NH 90 de l'armée de terre ne porterait finalement que sur 12 appareils au lieu des 34 prévus en 2007. Rappelant que l'échéance d'une livraison en 2011 avait toujours paru trop tardive à la commission, alors que l'appareil arrive dans les forces allemandes et italiennes, il a souhaité savoir si cette échéance était maintenue et si les négociations pour la réduction de cette première commande avaient permis d'obtenir de la part de l'industriel des garanties sur le maintien du calendrier.

M. François Lureau, délégué général pour l'armement, a apporté les réponses suivantes :

- 10 % des crédits de recherche du programme 144 sont versés de manière directe aux PME, conformément aux orientations définies par les politiques sectorielles à 15-20 ans élaborées par la DGA. Chaque étude fait l'objet de contrats négociés par la DGA qui contrôle leur bonne exécution ;

- 50 millions d'euros ont d'ores et déjà été dépensés pour le programme SIDM. Le drone a fait ses premiers vols au centre d'essais en vol de la DGA à Istres, et devrait être livré à l'armée de l'Air au début de l'année 2007 pour la doter d'une capacité attendue de surveillance longue durée et longue distance ;

- pour ce qui concerne EuroMale, un besoin commun de drones d'observation a été identifié par l'Allemagne, l'Espagne et la France et devrait donner lieu, au début de l'année 2007, au lancement d'une étude préliminaire. Une décision sur le développement pourrait intervenir à la fin de l'année 2007 ou au début de l'année 2008 pour une première livraison en 2013 ;

- la DGA a participé aux travaux conduits par le ministère des transports sur les conséquences des difficultés d'Airbus sur les entreprises sous-traitantes. Elle n'a pas identifié de problème à ce stade, son rôle consistant plus à veiller au maintien des capacités technologiques qu'à parer aux difficultés financières. La possibilité de confier la responsabilité de la partie défense du groupe à un directeur allemand a été prévue dès sa constitution. Il est ainsi établi que, dans le domaine de la dissuasion, seul l'encadrement français a accès aux informations ;

- le satellite de communication Syracuse III B a été lancé en août 2006 et mis en service au mois d'octobre, dotant nos forces d'une capacité de communication particulièrement performante. Dans le domaine de la communication à haut débit peu protégée, la France recherche une coopération à la fois civilo-militaire et franco-italienne qui pourrait être finalisée à l'échéance de 2007. Le besoin de capacité complémentaire en matière de communication protégée est également identifié et pourrait donner lieu à un achat de services ;

- le nombre de Rafale commandés n'a pas été réduit, mais l'adjonction de capacités électroniques supplémentaires a entraîné un coût correspondant à celui de huit appareils dont la livraison a été décalée de quelques mois. Les capacités supplémentaires portent sur le radar, la détection de missiles, l'optronique et l'armement guidé laser. Quant à l'exportation, les paramètres ne sont pas encore connus pour en apprécier l'impact sur les livraisons aux forces françaises. 120 Rafale ont d'ores et déjà été commandés, tandis que la commande suivante, prévue en 2008, portera sur 60 avions ;

- l'approbation du programme FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft) et de la méthode préconisée de location de services, plusieurs fois annoncée par les responsables britanniques, devrait être approuvée avant la fin de l'année 2006. La France, pour sa part, a évalué le besoin en appareils multi-roles, toutes les hypothèses étant ouvertes (acquisition patrimoniale, location de services...) pour une décision à prendre dans le courant de l'année 2007, après, le cas échéant, des discussions avec les Britanniques ;

- les regroupements industriels opérés favorisent des programmes de recherche communs plus efficaces. Il reste des efforts à faire dans les secteurs où cette rationalisation n'est pas intervenue, comme dans les domaines de l'armement naval et terrestre ;

- la comparaison avec les capacités étrangères en matière d'équipement militaire est systématique. Elle donne lieu à des échanges avec les partenaires de la DGA ;

- au cours de la session ministérielle de l'Agence européenne de défense du 13 novembre, un accord est intervenu sur un programme de recherche en matière de protection des forces qui réunit 18 pays sur 24 et représente 54 millions d'euros, l'Allemagne, la Pologne et la France apportant chacune 10 millions d'euros. Il s'agit du premier programme de recherche européen significatif, marqué cependant par l'absence des Britanniques qui ont déclaré privilégier les coopérations avec un nombre plus restreint de pays. Un second programme, portant sur la radio logicielle nécessaire à l'interopérabilité des forces, ESSOR, réunit la France, l'Espagne, l'Italie, la Suède et la Finlande et devrait représenter 100 millions d'euros dans les années à venir ;

- ni les conditions financières du contrat NH 90, qui demeure basé sur une commande de trente-quatre appareils d'ici 2008, ni la date de livraison des premiers appareils, prévue pour 2011, n'ont été modifiées. La rénovation des Puma, un temps envisagée, n'a pas été jugée nécessaire au regard des conditions d'emploi de l'appareil. La rénovation des Cougar est en revanche maintenue. Le décalage à 2007 des commandes prévues en 2006 permet de tenir compte de la capacité de production des industriels, les livraisons de l'appareil étant actuellement en retard quel que soit le client. L'hélicoptère devrait arriver en 2008 dans sa version marine. Le NH90 rencontre de nombreux succès à l'exportation et enregistre plus de 400 commandes fermes à ce jour.

Mercredi 15 novembre 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président.

PJLF pour 2007 - Mission « Sécurité » - Gendarmerie - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis, sur le projet de loi de finances pour 2007, de M. Jean Faure, sur la mission interministérielle « Sécurité »-Gendarmerie.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a relevé la progression de 2,5 % des crédits pour la gendarmerie (programme 152), supérieure à celle du budget de l'Etat (0,8 %). Les autorisations d'engagements pour 2007 sont de 7,8 milliards d'euros contre 7,4 milliards d'euros en 2006 (soit une augmentation de 6,18 %) et ses crédits de paiement sont de 7,4 milliards d'euros en 2007 contre 7,2 milliards pour 2006 (soit une augmentation de 2,92 %).

Les dépenses de personnel s'élèvent à 6  milliards d'euros pour 2007 contre 5,8 milliards en 2006, soit une augmentation de 3,1 %, et représentent 80 % des crédits de paiement.

Au titre de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI), la création de 950 emplois est prévue pour l'annuité 2007 et sera réalisée en mi-année, ce qui correspond à 475 équivalents à temps plein. Il a rappelé que cette loi avait fixé à 7 000  personnes les renforts nécessaires à la gendarmerie pour la période 2003-2007. Or, la gendarmerie a bénéficié de 6 050 personnes et le déficit de 950 postes devra être résorbé sur l'année 2008.

Par ailleurs, le plan d'adaptation aux responsabilités exercées entraîne également des dépenses de personnels. Il se traduit par un repyramidage qui suppose la transformation d'emplois de sous-officiers en emplois d'officiers, ainsi que d'emplois de gendarme et de maréchal des logis-chef en emplois de gradés supérieurs. Ces transformations concernent 750 emplois nets en 2007.

Abordant les dépenses de fonctionnement hors loi de programmation militaire, (560 millions d'euros), il a tout d'abord évoqué le passage du réseau Saphir 2G au réseau Saphir 3G, qui permettra d'accroître rapidement le périmètre de couverture du réseau intranet de la gendarmerie et d'y raccorder 4 300 sites répartis sur le territoire national (DOM-TOM compris). Ainsi, en 2007, 85 000 personnels de la gendarmerie disposeront d'un accès à l'intranet. Il a ensuite détaillé les modes de financement des constructions neuves du parc locatif et mis en lumière le très net glissement, observé depuis 2004, des investissements des collectivités locales vers la procédure des baux emphytéotiques administratifs (BEA). La part des BEA dans l'ensemble des financements des constructions neuves du parc locatif est ainsi passée de 3,8 % en 2005 à 47,9 % en 2007.

La montée en puissance du dispositif BEA a pour conséquence un transfert de charges des collectivités locales vers l'Etat. La construction d'une caserne de gendarmerie, qui représentait jusque là une charge pour les collectivités, devient progressivement neutre sur le plan financier pour ces dernières. Toutefois, malgré l'attrait que présente le recours au BEA, compte tenu de sa capacité à résoudre une situation immobilière très difficile, il ne faut pas se cacher le surcoût des loyers inhérents à cette modalité de financement.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les dépenses relevant du périmètre financier de la LPM et de la LOPSI, rattachées aux titres 3, 5 et 6.

Pour l'entretien programmé du personnel et du matériel, les autorisations d'engagement en 2007 s'élèvent à 65 millions d'euros et les crédits de paiement à 81 millions d'euros.

L'entretien programmé du matériel regroupe les crédits de maintien en condition opérationnelle, notamment en ce qui concerne les hélicoptères. Des crédits de près de 15 millions d'euros permettront de maintenir un taux de disponibilité des hélicoptères de la gendarmerie supérieur à 80 %.

Pour l'informatique et les télécommunications, les autorisations d'engagement s'élèvent à 68 millions d'euros et les crédits de paiement à 101 millions d'euros.

Ces crédits seront consacrés au développement de nouveaux projets d'ampleur nationale conditionnant l'efficacité opérationnelle : plan global de secours, programmes PULSAR, AGORHA et ARIANE (application de rapprochements, d'identifications et d'analyses pour les enquêteurs). Le projet ARIANE reposera sur la fusion des fichiers judicaires de la gendarmerie et de la police, concrétisant ainsi la coopération fonctionnelle entre ces forces. Ces crédits permettront également d'adapter aux besoins opérationnels le réseau de radiocommunication RUBIS, caractérisé notamment par la confidentialité et la disponibilité, et qui couvre plus de 80 % du territoire. Le rapporteur pour avis a rappelé que le déploiement de chacun des réseaux RUBIS (gendarmerie) et ACROPOL (police) avait représenté un coût de l'ordre de 600 000 millions d'euros, qu'ils devaient être interopérables et que la prochaine génération d'infrastructure de communication devrait, bien évidemment, être commune à la police et à la gendarmerie.

Les dépenses d'équipement s'élèveront à 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et 174 millions d'euros en crédits de paiement. Elles concerneront :

- les véhicules : près de 2 000 voitures de brigades et de police de la route seront acquises en 2007, ainsi que 300 véhicules de groupe pour la gendarmerie mobile, destinés au maintien de l'ordre. Par ailleurs, de nouveaux véhicules blindés remplaceront les VBRG (véhicules blindés à roues de la gendarmerie) ; 78 engins vont être commandés en 2007 et les livraisons devraient débuter en 2008 ;

- les hélicoptères : pour le renouvellement des hélicoptères de surveillance et d'intervention, de type « Ecureuil », le PLF 2006 a prévu les 80 millions d'euros d'autorisations d'engagement nécessaires à l'achat de 12 appareils. Cette première phase devra être poursuivie par des commandes ultérieures, à hauteur de 25 appareils ;

- les armes individuelles : au total, 105 000 nouvelles armes de poing (SIG PRO 2022) seront acquises fin 2006, en remplacement du pistolet automatique MAS G1. Par ailleurs, dans le cadre du plan d'équipement en technologies de neutralisation et de protection, la gendarmerie a prévu d'acquérir 2 739 pistolets à impulsion électrique (PIE) de marque TASER. Une commande de 736 PIE est prévue fin 2006. Elle doit être complétée par une commande de 1000 PIE en 2007.

Pour l'immobilier, au titre 5 sont inscrits 617,50 millions d'euros en autorisations d'engagement et 192 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits immobiliers « courants » sont destinés à poursuivre les constructions de casernes domaniales lancées avant 2007, à mettre en chantier de nouvelles opérations prioritaires (Pontoise, Fort-de-France, Melun, Issy-les-Moulineaux, Villeneuve d'Ascq), à financer la réalisation de deux centres de rétention administrative et à réaliser les opérations de maintenance immobilière indispensables à la sécurité et à l'amélioration des conditions de vie des personnels.

Pour l'ensemble de ces mesures, les autorisations d'engagement s'élèvent à 217,5 millions d'euros et les crédits de paiement à 192 millions d'euros.

Par ailleurs, des autorisations d'engagement que l'on peut qualifier d'exceptionnelles sont inscrites à ce même titre 5, pour l'année 2007, et pour un montant de 400 millions d'euros. Elles sont destinées à l'amélioration du parc domanial, dont plus de 70 % a plus de 25 ans et qui a atteint un niveau de vétusté très préoccupant. Le ministre de la défense souhaite accélérer de façon significative la remise à niveau du parc domanial en ayant recours à des procédures de partenariat public-privé avec autorisation d'occupation temporaire du domaine public (AOT). Selon le ministère de la défense, les dépenses correspondant à ces opérations nées du partenariat public-privé et fondées sur l'AOT seront « échelonnées sur toute la durée du contrat (une trentaine d'années pour les opérations évoquées)».

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a enfin rappelé que, comme l'an passé, le programme Gendarmerie nationale est décliné en cinq actions.

Les crédits initialement affectés à l'action  4 (commandement, ressources humaines et logistique) étant ensuite ventilés au sein du programme 152 sur la base des relevés d'activités réelles des unités opérationnelles, il en résulte la répartition suivante des crédits de la gendarmerie :

- 55 % pour l'ordre et la sécurité publics,

- 14 % pour la sécurité routière,

- 28 % pour la police judiciaire et le concours à la justice,

- 3 % pour l'exercice des missions militaires.

En ce qui concerne les missions militaires, le rapporteur a relevé avec satisfaction que les dépenses d'opérations extérieures, dont le montant, en 2006, s'élève à 20 millions d'euros pour les dépenses de personnel et 4,5 millions pour les dépenses de fonctionnement, font, dans le budget 2007, l'objet de provisions ramenées respectivement à 11 et 4 millions d'euros. La lisibilité budgétaire sur les OPEX, que la commission avait appelée de ses voeux, l'an passé, est ainsi améliorée.

En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rendu hommage à la gendarmerie, force de sécurité à statut militaire, qui assure la sécurité de 46 % des Français sur 95 % du territoire national, et proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale ».

M. André Dulait, évoquant le déplacement qu'il avait effectué au sein des instances judiciaires de son département, a souhaité une modernisation des procédures, notamment une transmission informatisée des rapports de gendarmerie aux procureurs.

Selon M. Jean Faure, rapporteur pour avis, les crédits accordés au développement des systèmes informatiques de la gendarmerie devraient faciliter le recours aux nouvelles technologies de l'information pour les procédures judiciaires.

M. Charles Pasqua a relevé le problème de compatibilité des systèmes informatiques entre la police (ACROPOL), la gendarmerie (RUBIS) et le ministère de la justice.

En réponse à M. André Boyer qui évoquait les coûts induits par le recours croissant à la procédure des baux emphytéotiques pour le financement des constructions neuves du parc locatif, M. Jean Faure, rapporteur, pour avis, a indiqué que ce surcoût était notamment dû aux loyers tels qu'appréciés par les services fiscaux départementaux, en fonction de la valeur locative réelle du bien loué, contrairement aux dispositions du décret du 28 janvier 1993 qui plafonne le loyer annuel à 6 % de l'investissement initial.

M. André Vantomme a souligné que les augmentations d'effectifs prévues par la LOPSI sur ses 5 années d'application (2003-2007), fixées à 7 000, n'atteindraient 6 050 qu'à la fin de l'année 2007. Le déficit de 750 personnels risque de poser problème compte tenu de l'importance de la présence de gendarmes sur le terrain. Il a également souligné que les objectifs de la LOPSI n'étaient pas atteints en termes d'investissement.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a indiqué que les programmations n'étaient pas toujours respectées à l'année près et qu'un glissement en 2008 permettrait d'atteindre les objectifs fixés en termes d'effectifs. Il a aussi rappelé l'effort réalisé par le gouvernement qui accorde au programme « gendarmerie » des crédits en progression de 2,5 %, supérieure à la progression du budget global (0,8 %).

MM. André Boyer et Charles Pasqua se sont interrogés sur le déficit constaté des personnels de gendarmerie : s'agit-il d'un problème budgétaire ou d'un problème de recrutement ?

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il s'agissait essentiellement d'un problème budgétaire, mais que la question pourrait être posée au ministre lors du débat sur les crédits de la mission sécurité.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite nommé rapporteurs :

- M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 52 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine ;

- M. André Trillard sur projet de loi n° 53 (2006-2007) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco.

Audition de M. Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan (Meshrano jirga)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan (Meshrano jirga), accompagné de Mme Habibi Mohtaramat, membre du Sénat afghan.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé qu'à l'issue du long processus de reconstruction des institutions afghanes, M. Sebghatullah Modjadeddi avait été élu, le 20 décembre 2005, président de la Meshrano Jirga, seconde chambre du Parlement afghan. Il a souligné l'implication du sénat français dans la mise en place de cette assemblée et la formation de ses collaborateurs. Il a ensuite exprimé son inquiétude devant l'évolution préoccupante de la situation sécuritaire dans le Sud et l'Est de l'Afghanistan, mais aussi à Kaboul où M. Sebghatullah Modjadeddi avait lui-même échappé, en mars dernier, à un attentat suicide. Il s'est inquiété du trafic de stupéfiants lié à l'essor continu de la culture du pavot et des difficultés qu'éprouve l'Etat afghan à imposer son autorité en dehors de la capitale. Il a souligné l'importance de la reconstruction économique de l'Afghanistan, et souhaité, à la veille de la conférence de Delhi, recueillir l'avis du président Modjadeddi sur les aménagements à apporter aux modalités de l'aide internationale pour améliorer son efficacité.

M. Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan, a souligné les liens d'amitié entre les peuples français et afghan et s'est félicité de la collaboration établie entre la Meshrano jirga et le Sénat français. L'Afghanistan n'oubliera pas l'aide que la France lui avait également apportée à l'occasion de sa lutte contre l'Union soviétique. Si les informations communiquées par les médias sont souvent exagérées, il n'en demeure pas moins que la situation de l'Afghanistan est extrêmement préoccupante. Les problèmes les plus graves résultent de l'intervention de pays étrangers et essentiellement du Pakistan, par l'intermédiaire de ses services secrets. De nombreux terroristes originaires du Pakistan ou membres d'Al-Qaïda ont reconnu, lors de leur arrestation, que leurs activités avaient pour base le territoire pakistanais. Il a souhaité que les Etats-Unis, qui sont conscients de ce danger, interviennent auprès des autorités du Pakistan afin que ce pays ne puisse empêcher la reconstruction de l'Afghanistan. Il a souligné la pertinence d'opérations telles que le récent bombardement d'un camp d'entraînement situé au Pakistan et au cours duquel 80 terroristes auraient été neutralisés. Les problèmes internes afghans sont relativement peu importants au regard de ceux provoqués par les interventions du Pakistan.

La présence de forces militaires internationales en Afghanistan doit être maintenue afin d'éviter un retour au pouvoir des Talibans, qui sont désormais actifs dans seulement 15 % du territoire afghan. Il a exprimé sa reconnaissance à l'égard notamment de la France, du Canada et de la Grande-Bretagne pour leur aide militaire et a regretté les pertes subies par leurs troupes.

M. Sebghatullah Modjadeddi a ensuite souligné l'assistance que les pays européens avaient apportée à l'Afghanistan pour la mise en place d'institutions démocratiques. Il a indiqué qu'à l'inverse du Pakistan, l'Iran, le Tadjikistan et la Chine ne se permettaient pas d'intervenir en Afghanistan. Il a estimé qu'à l'égard des Talibans, l'action militaire était insuffisante et qu'il était indispensable que le pouvoir central poursuive avec eux un dialogue d'ouverture et de réconciliation, qui avait déjà amené 3.000 Talibans à déposer les armes. L'Afghanistan, pour instaurer la paix, a besoin d'aide dans de multiples domaines, par exemple dans ceux de l'agriculture et de l'éducation, plus de 1.500 écoles ayant été incendiées par des terroristes issus du Pakistan.

Evoquant le problème de la culture du pavot, il a affirmé la volonté des responsables afghans de propager le message du Coran qui condamne l'usage de la drogue. Les territoires cultivés sont d'ailleurs, pour l'essentiel, situés dans des zones de non-droit proches de la frontière pakistanaise. Ceux qui cultivent le pavot en tirent d'ailleurs peu de bénéfice pour eux-mêmes. Il a conclu que les Afghans n'étaient pas un peuple d'islamistes fanatiques, mais qu'ils souhaitaient vivre dans la paix.

Un débat a suivi l'exposé de M. Sebghatullah Modjadeddi.

M. André Dulait s'est interrogé sur la nature des interventions pakistanaises en Afghanistan ; ne proviennent-elles pas essentiellement de la zone frontalière entre les deux pays, qui peut être considérée comme une zone de non-droit et où l'armée pakistanaise n'a finalement guère d'autorité ? Relevant l'ampleur croissante de la culture du pavot, dont les produits sont exportés non seulement en Europe, mais également dans les pays d'Asie centrale voisins, il s'est interrogé sur les méthodes les plus efficaces pour inciter les paysans à se tourner vers d'autres cultures.

M. Sebghatullah Modjadeddi a apporté les informations suivantes :

- c'est le gouvernement du Pakistan, et non sa population, qui fomente les troubles constatés en Afghanistan. Le rôle des services secrets pakistanais à cet égard est décisif ;

- le gouvernement afghan mène un combat très dur contre tous les producteurs de pavot, mais le Pakistan incite les habitants des zones frontalières, y compris par la terreur, à propager cette culture. Le gouvernement afghan propose de nombreuses cultures alternatives comme le blé, grâce à des semences adaptées au sol et au climat afghans, le safran (culture à haute valeur ajoutée) ou encore les fruits secs. De même, des subventions peuvent être attribuées aux paysans, sous réserve d'un strict contrôle qui garantisse qu'elles leur parviennent directement. Le président afghan, Hamid Karzaï, a par ailleurs rappelé, à plusieurs reprises, que la production du pavot n'est pas conforme à l'Islam.

M. Charles Pasqua a estimé que le Pakistan ne pourrait se développer que lorsqu'il jouirait d'une certaine sécurité. Relevant la mise en cause du Pakistan par le président Modjadeddi, il s'est demandé si la responsabilité directe en incombait au gouvernement pakistanais lui-même, ou à des forces paramilitaires dont il ne ferait que tolérer les agissements. Les mesures à prendre seraient, alors, différentes dans l'un ou l'autre cas de figure. M. Charles Pasqua a souligné que le Pakistan était un allié privilégié des Etats-Unis d'Amérique et s'est ensuite interrogé sur l'existence d'éventuelles actions répressives menées par le Pakistan contre la présence d'éléments d'Al Qaïda dans la zone « tribale » frontalière.

Le président du sénat afghan a apporté les réponses suivantes :

- les services secrets pakistanais conduisent des actions terroristes en Afghanistan depuis plus de vingt-cinq ans : il s'agit d'une politique constante, menée par-delà les gouvernements successifs et aucun n'a pris de réelle mesure pour s'y opposer. La plupart des écoles coraniques pakistanaises constituent des couvertures pour la formation de terroristes, qui y sont endoctrinés, et croient ensuite agir au nom de Dieu. Le Pakistan tolère également sur son sol des bureaux officiels ou des camps d'entraînement relevant d'Al-Qaïda.

M. Josselin de Rohan s'est interrogé sur l'opportunité de saisir solennellement l'Organisation des Nations unies de cette implication négative du Pakistan en Afghanistan ; un recours au Conseil de sécurité permettrait également de clarifier la position équivoque des Etats-Unis qui, tout en ménageant le président pakistanais Pervez Moucharraf, s'impliquent militairement en Afghanistan dans le cadre de l'OTAN. Evoquant ensuite l'extension de la culture du pavot, il s'est inquiété de l'existence d'intérêts qui, en Afghanistan même, encourageraient cette culture et qu'il conviendrait également de combattre.

M. Sebghatullah Modjadeddi a apporté les précisions suivantes :

- les bonnes relations qui unissent le Pakistan aux Etats-Unis sont connues. Pour ces derniers, le président Moucharraf constitue un rempart contre le fanatisme et sa chute représenterait à leurs yeux une menace de déstabilisation plus grande encore. Cependant, les Etats-Unis, qui dépensent actuellement 3 à 5 milliards de dollars par an pour tenter de rétablir la paix civile en Afghanistan, constatant que les objectifs ne sont pas atteints, devraient en tirer les conséquences ;

- le coeur du terrorisme qui opère en Afghanistan, et même au-delà, se trouve au Pakistan. La disparition du soutien pakistanais à ce terrorisme conduirait à l'éradication de la majeure partie des mouvements s'inspirant de ce modèle dans le monde ;

- le pavot produit en Afghanistan y est en effet traité puis exporté dans le monde entier ; il convient donc de mener une action résolue contre les producteurs et les trafiquants, à l'image de celle menée en Iran, qui a recours à la peine capitale contre les trafiquants les plus importants.

M. Robert Bret s'est interrogé sur l'ambiguïté de la politique américaine dans la région, qui soutient simultanément l'édification d'un Etat de droit en Afghanistan, mais laisse perpétrer des infiltrations terroristes en provenance du Pakistan. Cette contradiction mérite en effet d'être évoquée au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU. Il a souhaité ensuite obtenir des précisions sur l'évolution de la condition des femmes depuis l'adoption de la nouvelle Constitution afghane.

M. Sebghatullah Modjadeddi a apporté les précisions suivantes :

- l'Organisation des Nations unies aurait certes une influence, mais il lui manque une ferme volonté d'intervention. Ainsi, au Liban récemment, il a fallu attendre longtemps avant que l'ONU n'intervienne et, contre l'URSS, les Afghans ont dû se battre seuls. Il conviendrait que les Nations unies fassent montre de plus de rapidité et de fermeté dans leur réaction ;

- la Constitution afghane a entraîné l'adoption de nombreuses lois qui ont établi un statut de la femme qui lui confère de nouveaux droits, notamment en matière d'éducation et d'exercice de responsabilités politiques. Le parlement afghan compte ainsi 68 femmes sur 240 membres. L'accès à l'éducation est désormais largement ouvert aux femmes, et le port du voile n'est pas obligatoire. Cependant, une Constitution, à elle seule, ne suffit pas pour changer les comportements et ces innovations sont trop récentes pour être déjà diffusées dans l'ensemble du pays.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a rappelé que, lors d'un court déplacement en Afghanistan, elle avait eu l'occasion de rencontrer la ministre chargée du droit des femmes, et a souhaité savoir si ce ministère existait toujours au sein du gouvernement. Elle s'est interrogée sur les modalités d'application de ce nouveau statut de la femme dans l'ensemble de l'Afghanistan, constatant que le droit à la scolarité, notamment, ne semblait réellement en vigueur que dans la capitale.

Le président Sebghatullah Modjadeddi a indiqué que le nouveau régime démocratique afghan avait besoin de temps pour se consolider. La population afghane était favorable aux nouveaux droits accordés aux femmes. Plusieurs éléments entravent cependant la scolarisation des enfants afghans, tant garçons que filles : ainsi, plus de 1.500 écoles ont fait l'objet d'attentats terroristes. Par ailleurs, l'absence d'infrastructures et la nécessité, pour certaines familles, d'employer les enfants aux tâches agricoles constituent autant de freins à cette évolution.

Mme Habibi Mohtaramat, membre du Sénat afghan, a précisé que 20 % des candidats aux élections législatives avaient été des femmes et qu'il n'existe pas de disparités hommes/femmes entre parlementaires afghans ; un véritable courant de liberté parcourt le pays. Le port du voile est lié à la culture et à la foi musulmanes, et n'est pas une obligation sociale. Les femmes ont par ailleurs participé massivement aux différentes consultations électorales.

M. André Vantomme a évoqué un récent déplacement effectué dans le cadre d'une mission de la commission au Pakistan, au cours duquel il avait pris conscience de ce que les zones frontalières, du fait notamment du tracé artificiel et arbitraire de la frontière qui a séparé les tribus pachtounes, pouvaient entraîner les difficultés du gouvernement pakistanais à les contrôler. Cette zone échappe donc en partie à l'action de l'armée pakistanaise, mais pas à l'influence des services secrets pakistanais. Evoquant la nécessité d'une réflexion globale menée dans le cadre de l'ONU pour établir un meilleur contrôle de ces territoires, il s'est interrogé sur la réalité d'une politique univoque du Pakistan qui serait hostile à l'Afghanistan.

Le président Sebghatullah Modjadeddi a fait observer que l'ensemble du territoire afghan avait été libéré lors du retrait des troupes soviétiques ; une brève période de sécurité et de liberté avait alors prévalu dans le pays, qui a pris fin avec l'intervention directe, politique et militaire, du Pakistan. 95 % des difficultés de l'Afghanistan prennent leur source dans les zones de non-droit pakistanaises.

Le président Serge Vinçon a souhaité des informations sur la situation économique de l'Afghanistan et sur le caractère approprié des aides internationales accordées à ce pays depuis cinq ans.

Le président Sebghatullah Modjadeddi a indiqué que les aides internationales avaient permis la reconstruction d'infrastructures essentielles comme les routes. Ainsi, la capitale est-elle désormais reliée respectivement à Kandahar, au sud, et Mazar-et-Charif au nord, ce qui permet un important désenclavement. Des écoles et des centres de santé ont également été construits ou réhabilités. Malgré des exportations en hausse, qui s'élèvent à 1 milliard de dollars par an, les revenus de la population restent très bas, d'autant que les troubles terroristes entraînent de nombreux déplacements forcés. L'Afghanistan est cependant riche en matières premières comme le gaz, le pétrole, le cuivre, le fer, les diamants et l'uranium, mais ces ressources ne peuvent être valorisées faute de sécurité intérieure. Les aides internationales restent donc indispensables à l'Afghanistan.

En conclusion, M. Serge Vinçon, président, s'est félicité de la venue en France du deuxième personnage de l'Etat afghan, et des éclairages qu'il avait apportés sur la situation tant intérieure que régionale.

Audition de Son Exc. Mme Christine Roger, ambassadeur, représentant permanent de la France au comité politique et de sécurité (COPS) auprès de l'Union européenne

Présidence conjointe de M. Serge Vinçon, président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Son Exc. Mme Christine Roger, ambassadeur, représentant permanent de la France au comité politique et de sécurité (COPS) auprès de l'Union européenne.

Le compte rendu de cette audition paraîtra dans le prochain bulletin des commissions.

Présidence de M. Serge Vinçon, président.

PJLF pour 2007 - Audition de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

La commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur le projet de loi de finances pour 2007.

Accueillant Mme Brigitte Girardin, M. Serge Vinçon, président, a précisé que l'audition porterait sur les crédits alloués à l'aide au développement mais qu'il souhaitait que la ministre exprime aussi à cette occasion son analyse sur la situation en Côte d'Ivoire après l'adoption de la résolution 1721 et sur l'impact régional de la crise du Darfour. Il a salué l'action courageuse conduite par la ministre notamment sur le difficile dossier de la Côte d'Ivoire, en particulier au sein du groupe de travail international (GTI) où elle représente la France.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, a tout d'abord souligné que l'aide publique au développement avait constitué, depuis 5 ans, sous l'impulsion du Président de la République, une priorité du gouvernement. Après avoir fortement diminué sous la législature précédente, l'aide française est passée de 0,3 % du revenu national, en 2001, à 0,5%, en 2007, et de 4,7 milliards d'euros à 9,2 Milliards d'euros.

Elle a relevé que cet effort, dans un contexte de redressement des finances publiques, rencontrait l'adhésion des Français, ainsi que l'avaient confirmé un récent sondage.

La ministre a précisé que cet effort plaçait la France en tête des pays européens par le volume de son aide et en tête du G8 par la part de la richesse nationale. La structure du budget ne permet pas l'inscription de toutes ces sommes dans la mission « aide publique au développement » mais des documents synthétiques établissent le lien entre les chiffres votés par le Parlement et ceux déclarés, en application de la méthodologie de l'OCDE, au titre de l'aide publique au développement. L'aide française se décompose en trois tiers : un tiers relève de la mission « aide publique au développement », un tiers figure dans d'autres missions budgétaires et un dernier tiers est constitué d'allègements de dettes, de prêts de l'Agence française de développement (AFD) ou encore d'interventions des collectivités locales.

Mme Brigitte Girardin a rappelé que l'augmentation de l'aide française portait sur toutes ces composantes et que l'aide gérée sur le budget du ministère des affaires étrangères était passée de 1,7 milliards d'euros en 2002 à 2,5 milliards d'euros en 2007. Elle a précisé que l'objectif de 0,5 % du revenu national serait atteint en 2007, sans prendre en compte la contribution de solidarité sur les billets d'avion, qui devrait rapporter 200 millions d'euros en 2007, entièrement affectés au secteur de la santé. L'article 42 de la loi de finances marque le soutien français à la facilité financière internationale pour la vaccination.

De nombreuses autres politiques publiques conduisant à des transferts en faveur des pays du sud ne sont pas comptabilisées dans l'aide, à l'exemple des 110 millions d'euros supplémentaires attribués aux anciens combattants issus des anciennes colonies.

La ministre a souligné que deux objectifs principaux étaient associés à l'aide au développement : la mise en oeuvre des objectifs du Millénaire, adoptés par les Nations Unies, qui visent à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici 2015, et la promotion des idées et du savoir-faire français.

Evoquant le cas des retraites des Français ayant cotisé à des caisses africaines, elle a indiqué qu'elle serait particulièrement vigilante sur le respect des droits des retraités français dans les pays concernés, notamment le Congo Brazzaville, le Cameroun et le Gabon.

La ministre a ensuite indiqué qu'une vingtaine de documents cadres de partenariat (DCP), plans d'actions conclus sur cinq ans entre la France et les pays bénéficiaires, avaient été signés depuis septembre 2005. Ces documents permettent de concentrer l'aide pour la rendre plus efficace, plus lisible et plus prévisible à moyen terme, tout en préservant la souplesse nécessaire.

Elle a ensuite évoqué les évolutions de la politique d'aide au développement en 2006 et développé ses cinq orientations principales : un accent particulier mis sur le concept de biens publics mondiaux, notamment la lutte contre les maladies transmissibles, contre les effets du changement climatique et pour la préservation de la biodiversité ; l'élaboration d'un plan d'action pour le co-développement afin d'apporter une réponse au problème des migrations ; la nécessaire priorité accordée au continent africain ; l'adaptation d'une stratégie sur l'amélioration de la gouvernance ; enfin, un effort particulier en faveur du secteur de la santé. Sur ce dernier point, la France a très sensiblement augmenté ses contributions multilatérales, passées de 50 millions d'euros en 2000-2002 à 1,4 milliard d'euros sur 2006-2008. Il convient désormais d'adapter la politique bilatérale de la France, non seulement pour faire face à la montée du nombre de migrants désireux de se faire soigner dans notre pays, mais aussi pour garantir la présence sur place des personnels soignants nécessaires.

Mme Brigitte Girardin a ensuite évoqué les dotations du projet de loi de finances pour 2007, qui dépassent pour la première fois les 3 milliards d'euros, l'augmentation d'environ 250 millions d'euros sur 2006 étant en partie financée par le dividende servi par l'Agence française de développement (AFD).

Ce budget marque aussi la continuité des efforts engagés en faveur des institutions multilatérales, la contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida étant portée à 300 millions d'euros et les contributions aux Nations unies et à l'Agence universitaire de la francophonie augmentées respectivement de 20 et 10 millions d'euros. Les apports à plusieurs institutions financières sont maintenus à un niveau élevé : le Fonds africain de développement, dont la France est le premier contributeur en 2007 avec 114 millions d'euros, le Fonds européen de développement ou le Fonds pour l'environnement mondial, dont la France est le cinquième contributeur avec 36 millions d'euros en 2007.

Sur le plan bilatéral, la ministre a indiqué que les décaissements augmenteraient de plus de 300 millions d'euros, dont  84 millions d'euros pour les contrats de désendettement et développement, plus de 50 millions d'euros pour les projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement et plus de 200 millions d'euros pour les prêts.

Elle a précisé que l'augmentation de l'aide bilatérale serait marquée par deux orientations principales. Le Gouvernement consentira ainsi un effort accru en faveur des organisations non gouvernementales dont le Président de la République s'est engagé à doubler la part dans l'aide française entre 2004 et 2009. Tous opérateurs et instruments confondus, cette aide devrait passer de 85 millions d'euros en 2004 à 109 millions d'euros en 2006 et à 157 millions d'euros en 2007. Cet effort est justifié pour renforcer la visibilité de notre pays au travers de son secteur associatif. Il sera assorti d'une exigence sur la qualité des projets et leur cohérence avec la politique française, par le recours accru aux appels à propositions. En second lieu, les actions de terrain de nos ambassades seront préférées aux projets conçus depuis Paris.

En conclusion, Mme Brigitte Girardin a souligné que, par l'augmentation des volumes de l'aide, l'adaptation permanente aux besoins de la politique de coopération, la clarté et la persévérance dans les objectifs, le projet de budget s'inscrivait dans la continuité de ceux votés depuis le début de la législature.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la mission « aide publique au développement », soulignant l'importance des contacts directs et des rapports humains dans le processus de développement, s'est interrogée sur l'évolution de la politique française en matière d'assistance technique.

Mme Brigitte Girardin a considéré qu'il s'agissait d'une question essentielle trop souvent négligée dans le passé. Les effectifs de l'assistance technique ont fortement décru pour mettre fin à l'assistance technique de substitution. Ils ont été stabilisés à hauteur de 1.300 en 2006 et, dès 2007, une importante augmentation du nombre de volontaires permettra d'amorcer des évolutions pour une situation devenue critique. Les transferts d'assistants techniques à l'AFD s'effectuent de façon progressive et le ministère des affaires étrangères fera preuve de vigilance sur le maintien des effectifs. Pour ce qui concerne les secteurs, un accent particulier doit être mis dans le domaine de la santé pour disposer des moyens humains nécessaires à la mise en oeuvre des programmes. La gouvernance constitue une autre priorité, cette question étant désormais acceptée par les pays du sud comme une condition du développement. Elle est d'ailleurs souvent retenue comme secteur transversal dans les documents-cadres de partenariat.

Répondant à Mme Paulette Brisepierre, qui l'interrogeait sur la difficulté de trouver des candidatures auprès des médecins et infirmières français, Mme Brigitte Girardin a considéré que la capacité de formation locale devait être renforcée, de même que le recours aux nouvelles technologies. D'ores et déjà, des partenariats public-privé permettent de financer des visio-conférences pour la formation. Elle a souligné la nécessité de réformer le système français d'assistance technique devant la difficulté à trouver des volontaires aux départs pour des missions de longue durée. Les missions de courte durée doivent être privilégiées ainsi que les efforts pour amener la diaspora africaine à participer aux actions de formation.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné l'importance de préserver une expertise en matière de santé, notamment en médecine tropicale et en épidémiologie. Rappelant par ailleurs que la part des annulations de dettes avait atteint jusqu'à 30 % de l'aide française en 2006, elle s'est interrogée sur le niveau des autorisations d'engagement inscrites dans le budget 2007, alors que la part des annulations de dette dans l'aide au développement va fortement diminuer à partir de 2009, et que pour préserver l'augmentation de l'aide au développement française jusqu'à l'objectif de 0,7 % du PIB, notre pays devra fortement augmenter son aide bilatérale. Elle a souhaité savoir si les exigences de la France en matière de maîtrise des flux migratoires étaient incluses dans les documents cadres de partenariat, considérant que l'articulation entre l'aide publique au développement et la lutte contre l'immigration clandestine était problématique.

M. Serge Vinçon, président, intervenant au nom de M. Robert Del Picchia, a souhaité des précisions sur la mise en place d'un mécanisme de reprise, par l'Etat français, des pensions dues par les Etats africains défaillants et son financement sur l'aide publique au développement, ce mécanisme ayant reçu le soutien des ministres concernés et du Premier ministre lui-même. Il a interrogé la ministre sur l'opportunité d'inscrire ce mécanisme dans le projet de loi de finances pour 2007, à titre de provision dans l'attente de données plus précises. Il s'agirait là d'un signal politique fort aussi bien pour les centaines de français retraités d'Afrique que pour les Etats africains concernés.

M. Robert Bret a exprimé à son tour son inquiétude sur l'établissement d'un lien entre l'aide au développement et la lutte contre l'immigration clandestine. Il s'est ensuite interrogé sur le cadre juridique des actions de coopération des collectivités territoriales en direction de leurs homologues du sud, à travers la coopération décentralisée. Rappelant qu'une proposition de loi sénatoriale avait permis de donner un cadre aux actions de coopération menées dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, il s'est inquiété du blocage de certaines initiatives, compte tenu de cette incertitude juridique.

M. André Dulait, relevant que les crédits de la coopération décentralisée figuraient dans le décompte de l'aide publique française, en a déduit que ces actions de coopération étaient autorisées. Il s'est par ailleurs étonné de la faiblesse des montants identifiés (50 millions d'euros).

Mme Catherine Tasca a souhaité savoir quelle était la place des organisations non gouvernementales dans le budget pour 2007 et comment évoluaient les relations du ministère avec les ONG.

Mme Brigitte Girardin a apporté les éléments de réponse suivants :

- les annulations de dettes représentaient effectivement une part très significative de l'aide française, environ 30 % en 2005 et 2006. Pour 2007, elles ne représenteront plus que 22 % et leur niveau devrait diminuer progressivement ensuite. L'aide française devra alors augmenter sur tous les autres postes ;

- aucune politique d'immigration ne peut être dissociée d'une politique de développement. Une  « immigration choisie » doit aller de pair avec une « émigration choisie » dans le pays de départ. La question migratoire est systématiquement prise en compte dans les documents cadres de partenariat et les mesures prises diffèrent en fonction de la nature des mouvements de population concernés. Des projets créateurs d'emplois peuvent ainsi être soutenus, avec un effort particulier sur les régions dont sont originaires les migrants, comme Anjouan pour les Comores, la région de Kayes pour le Mali, la région du Fleuve pour le Sénégal ou encore le sud d'Haïti dont les habitants migrent vers la Guadeloupe. Des actions spécifiques peuvent également être entreprises, comme des projets de co-développement, des projets d'état civil, le soutien aux forces de sécurité ou le développement du système de santé pour éviter l'émigration à caractère uniquement médical. Il convient de faire en sorte que les flux soient mutuellement bénéfiques mais la mise en place d'un système trop restrictif, comme l'interdiction qui serait faite à des étudiants étrangers de s'installer dans notre pays, peut avoir des effets pervers. Ces diverses problématiques doivent être incluses dans le dispositif de coopération ;

- s'agissant du dossier des retraités français ayant cotisé à des caisses africaines, les efforts ont porté sur les trois pays où les difficultés sont les plus importantes : le Congo, le Cameroun et le Gabon. Dans un premier temps, un recensement a été réalisé, avant de demander aux pays concernés de procéder au paiement. La mobilisation des ambassades, des services parisiens des ministères des affaires étrangères et de la santé ainsi que du centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) a permis de maintenir une pression politique et administrative. Au Cameroun, le gouvernement et la caisse de sécurité sociale se sont réellement mobilisés. Sur les 2.100 dossiers recevables, 1.100 ont ainsi été mis en paiement, les autres dossiers, incomplets, devant pouvoir être réglés rapidement après production des pièces nécessaires. Au total, un milliard de francs CFA ont été payés par la caisse camerounaise depuis l'été 2006. Au Congo, une mission d'audit est en cours pour le recensement des dossiers, qui devrait aboutir au début de l'année 2007. Au Gabon, le recensement des dossiers devrait donner lieu à un premier examen avec les autorités du pays avant la réunion de la commission mixte de sécurité sociale qui se tiendra à Paris les 20 et 21 décembre 2006. Ces démarches ont permis d'élaborer une méthode en plusieurs étapes : implication des consulats en appui des démarches du CLEISS, audit en cas d'échec de la procédure de dialogue avec la caisse locale, mécanisme d'imputation, sur les instruments d'aide publique au développement, du paiement des retraites non payées et révision du dispositif conventionnel de sécurité sociale avec les pays africains, afin d'éviter ces problèmes à l'avenir. L'inscription d'une provision dans le projet de loi de finances pour 2007 n'est pas possible techniquement, les imputations budgétaires pouvant varier selon les cas de figure, mais le gouvernement n'hésitera pas à recourir à l'affectation directe d'une partie de l'aide si les mesures lancées ne portaient pas leurs fruits ;

- la coopération décentralisée est totalement incluse dans l'aide française. Une plus grande coordination avec l'Etat et l'inscription dans une stratégie globale définie en partenariat avec les Etats destinataires doit être recherchée. Les dotations complémentaires de l'Etat s'élèvent à 11,5 millions d'euros. Le sénateur Michel Thiollière a pris une initiative législative utile pour préciser le cadre juridique de l'action des collectivités locales dans ce domaine. Ce texte adopté par le Sénat doit maintenant être adopté par l'Assemblée nationale ;

- le Président de la République a pris l'engagement de doubler la part de l'aide transitant par les ONG entre 2004 et 2009. Ces crédits sont passés de 85 millions d'euros en 2004 à 157 millions d'euros en 2007, marquant l'attachement à une coopération étroite avec ces organisations dont le rôle est déterminant, notamment dans les secteurs de la santé, de la lutte contre la malnutrition, de la mise en place d'un planning familial, où les relais locaux sont décisifs. Une place leur est faite dans les documents cadres de partenariat et il importe que les différents acteurs du développement se répartissent les tâches en fonction de leurs compétences.

Mme Brigitte Girardin a ensuite évoqué la situation en Côte d'Ivoire et au Darfour.

La situation en Côte d'Ivoire en est arrivée à un moment crucial. Une nouvelle résolution « de la dernière chance » vient d'être adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU qui tire les leçons de l'échec d'un précédent texte et se fonde sur les dernières décisions de l'Union africaine. Cette résolution comporte deux avancées principales. Elle élargit les pouvoirs du Premier ministre de transition, et accroît ses marges de manoeuvre : il peut désormais prendre des mesures par ordonnance ou par décret-loi, soit en Conseil des ministres, soit en Conseil de gouvernement. La résolution lui donne ainsi la possibilité de décider par ordonnance la délivrance de certificats de nationalité alors que 2 millions d'Ivoiriens restent dépourvus de papiers d'identité et qu'un blocage est intervenu sur la délivrance des certificats de nationalité dans le cadre des audiences foraines. La seconde avancée tient à ce qu'aucune disposition juridique nationale ne peut être invoquée à l'encontre de la mise en oeuvre de la résolution. Celle-ci est un bon texte et constitue la dernière chance de mettre un terme à la crise par la voie politique et pacifique. L'heure de vérité approche et une prochaine réunion du groupe de travail international se tiendra le 29 novembre 2006. La communauté internationale reste unie sur une position de fermeté, l'opposition ivoirienne pour sa part a marqué son unité dans le soutien de la résolution et la population ivoirienne est lasse de ces quatre années de crise. La France mettra tout en oeuvre pour permettre une sortie de crise par la voie politique et pacifique.

La ministre a ensuite évoqué la situation très préoccupante du Darfour, qui constitue un risque de déstabilisation régionale notamment pour le Tchad, la République centrafricaine, voire la République démocratique du Congo où un processus politique fragile est en cours. Elle a rappelé que les forces de l'Union africaine, mal équipées, ne pouvaient faire face à une situation qui nécessiterait le déploiement d'une force des Nations unies, auquel s'oppose, pour le moment, le gouvernement soudanais. A la demande du président centrafricain Bozizé, et avec l'accord du président tchadien, des casques bleus devraient être déployés sur les territoires tchadien et centrafricain frontaliers du Soudan. Des discussions sont en cours en vue du déploiement d'une force plus robuste, selon un compromis acceptable par les autorités soudanaises.

Mme Brigitte Girardin a ajouté que la situation en Somalie constituait un autre motif d'inquiétude, notamment pour l'Ethiopie qui redoute une prise de pouvoir par les « tribunaux islamiques », et pourrait conduire au développement de la menace terroriste dans la Corne de l'Afrique.

Evoquant l'action de la Chine en Afrique, en réponse à une question de M. Serge Vinçon, président, la ministre a considéré que l'intérêt de ce grand pays pour le développement du continent africain était positif, à la condition cependant que certains Etats africains ne soient pas conduits à se réendetter après avoir bénéficié de remises ou d'annulations de dettes de la part des pays développés. Par ailleurs, certains projets chinois de développement ne favorisent pas la création d'emplois locaux. Plus généralement, un dialogue constructif doit être mené avec les autorités chinoises afin d'harmoniser les méthodes d'aide au développement avec celles pratiquées par le reste de la communauté internationale.