Mercredi 17 janvier 2007

- Présidence de M. Robert Del Picchia, vice-président.

Audition de M. Ahmad Shah Ramazan, président de la Commission des Relations internationales du Sénat d'Afghanistan

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Ahmad Shah Ramazan, président de la Commission des relations internationales du Sénat d'Afghanistan.

M. Robert Del Picchia, vice-président, a indiqué que la visite en France de M. Ahmad Shah Ramazan, président de la commission des relations internationales du Sénat d'Afghanistan s'inscrivait dans le cadre des liens étroits établis entre le Parlement afghan et le Parlement français, sous la forme d'une aide à la mise en place des deux assemblées afghanes et de contacts aux plans politique et administratif. Il a également rappelé que la commission avait effectué en 2005 une mission d'information en Afghanistan et qu'elle suivait de manière particulièrement attentive la situation politique, économique et sécuritaire dans ce pays où stationnent des forces françaises.

M. Ahmad Shah Ramazan a fait part de la reconnaissance des Afghans pour l'assistance apportée par la France à la stabilisation et à la reconstruction de leur pays.

Abordant la situation sécuritaire en Afghanistan, il a considéré que sa dégradation était pour une large part imputable à des groupes de talibans agissant depuis certaines régions du Pakistan où ils ont trouvé refuge. Estimant que le rétablissement de la sécurité ne pouvait passer par des solutions exclusivement militaires, il a insisté pour que la communauté internationale intervienne auprès du Pakistan afin que ce dernier empêche les actions initiées depuis son territoire. Il s'est déclaré hostile au minage de la frontière avec l'Afghanistan qu'avaient proposé les autorités pakistanaises.

M. Ahmad Shah Ramazan a souligné le rôle essentiel du trafic de stupéfiants dans le financement des groupes terroristes et la nécessité de mettre en place des cultures de substitution assurant de manière efficace un revenu à ceux qui cultivent actuellement le pavot.

Il a estimé que l'avenir de l'Afghanistan passait par un renforcement de l'unité nationale et qu'à ce titre, les organisations agissant dans le domaine Des droits de l'Homme avaient un rôle important à jouer. Il a également évoqué l'étendue de la corruption qui sévit au sein des milieux dirigeants, celle-ci étant en partie liée à l'insécurité politique caractéristique des régimes dont la pérennité n'est pas garantie. Il a considéré que, seule, une aide plus forte de la communauté internationale était en mesure d'enrayer la corruption.

Un débat s'est ensuite engagé avec les membres de la commission.

M. André Dulait s'est demandé dans quelle mesure une coopération était possible avec le Pakistan pour assurer un contrôle des zones tribales où semblent s'être réfugiés les groupes talibans et d'Al Qaida. Il s'est également interrogé sur la coopération internationale en matière de renforcement et de formation des forces de police.

M. Robert Bret a évoqué la proposition française d'un groupe de contact permettant de traiter des différents aspects du dossier afghan au-delà du seul volet militaire, ainsi que le rôle des forces de l'OTAN. Il s'est interrogé sur l'ambiguïté de la position des Etats-Unis vis-à-vis du Pakistan.

M. Josselin de Rohan s'est demandé quel type de culture, assurant des revenus équivalents, pourrait être préconisé en substitution au pavot. Il a également demandé s'il fallait conditionner l'octroi de l'aide internationale à la mise en place de mesures assurant une lutte efficace contre la corruption.

Mme Josette Durrieu a souhaité des précisions sur la recrudescence des actions armées des talibans. Elle a relevé une certaine absence de fermeté du gouvernement afghan vis-à-vis des chefs de guerre, ce qui avait pu conduire certaines fractions de la population à se rapprocher des talibans. Elle a également évoqué la forte augmentation de la production de pavot et jugé que la lutte contre les stupéfiants passait également par le démantèlement des laboratoires situés en Afghanistan et par le contrôle de l'importation des précurseurs chimiques utilisés pour la fabrication de l'héroïne.

Mme Hélène Luc s'est interrogée sur l'élévation du niveau de vie et sur la situation des femmes en Afghanistan. Elle a estimé que les autorités afghanes devaient mener un combat beaucoup plus résolu contre la trafic de stupéfiants.

Mme Gisèle Gautier a constaté la faiblesse des progrès enregistrés depuis deux ans en Afghanistan. Elle a également évoqué la situation encore difficile des femmes et soulevé la question du lien entre assistance internationale et lutte contre la corruption.

M. Michel Guerry a souligné les difficultés du processus de substitution à la culture du pavot et a interrogé M. Ramazan sur l'opportunité d'alourdir la répression de la consommation de stupéfiants.

En réponse à ces questions, M. Ahmad Shah Ramazan a apporté les réponses suivantes :

- la proposition pakistanaise de miner la frontière avec l'Afghanistan ne saurait constituer une réponse appropriée au problème de l'infiltration des groupes de combattants talibans et d'Al Qaida en territoire afghan ; une coopération beaucoup plus étroite entre les deux gouvernements est nécessaire dans le domaine de la sécurité ; il revient à la communauté internationale de faire pression sur le gouvernement pakistanais afin qu'il prenne davantage en compte les préoccupations sécuritaires et les demandes de coopération de l'Afghanistan ; par ailleurs, il sera indispensable de travailler à une délimitation définitive de la frontière entre les deux pays ;

- la coopération en matière de police est importante, mais les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des efforts de la communauté internationale ;

- les difficultés rencontrées depuis plusieurs mois pour venir à bout de la résistance de quelques groupes armés contraste avec la rapidité avec laquelle la coalition était parvenue à chasser les talibans à l'automne 2001 ;

- le développement de cultures de substitution exige une action de longue durée sur une dizaine d'année afin de garantir des solutions efficaces et pérennes ; on a constaté que le simple octroi de primes n'avait en rien dissuadé les producteurs de poursuivre la culture du pavot ;

- les producteurs n'assurent pas eux-mêmes la commercialisation du pavot ; la fabrication de la drogue et le trafic passent par un nombre réduit de personnes qu'il est facile d'identifier ; certaines d'entre elles sont malheureusement protégées par leur proximité avec l'appareil politico-administratif ;

- la reconstruction n'est pas aussi rapide qu'il le faudrait ; elle bute sur l'absence d'activités économiques susceptibles de fournir un travail et des revenus à la population ;

- le gouvernement afghan ne peut assurer seul sa sécurité ; la suspension ou la réduction de l'aide internationale entraînerait ipso facto le retour des talibans et d'Al Qaida ; seule, une augmentation de l'aide internationale peut garantir la stabilisation de l'Afghanistan ;

- la situation de la femme s'est considérablement améliorée depuis la chute des talibans, même s'il subsiste des difficultés dans certaines régions ; les femmes occupent désormais une place importante dans les emplois de l'administration d'Etat ;

- le renforcement des sanctions sur les consommateurs de drogue ne résout pas la question de l'éradication de la culture du pavot.

Audition de S. Exc. M. Nassif Hitti, ambassadeur, directeur de la Mission de la Ligue des Etats arabes à Paris

La commission a ensuite procédé à l'audition de S. Exc. M. Nassif Hitti, ambassadeur, directeur de la Mission de la Ligue des Etats arabes à Paris.

M. Robert Del Picchia, président, a rappelé, dans un propos liminaire, que la Ligue des Etats arabes avait été fondée en 1945 et réunissait aujourd'hui 22 membres. Il a précisé que M. Nassif Hitti était à la fois directeur de la Mission de la Ligue en France, et observateur permanent auprès de l'Unesco.

M. Nassif Hitti a souligné que la Ligue des Etats arabes s'impliquait dans la résolution de nombreux conflits et crises, dont les plus difficiles pouvaient être qualifiés de « crises otages », c'est-à-dire de crises autonomes dans leurs causes, mais marquées par un haut degré d'interdépendance dans leur dynamique. C'est ainsi que le Liban a toujours été une caisse de résonance des conflits régionaux, qui se sont greffés sur des problèmes et des différends strictement libanais, portant surtout sur le partage du pouvoir et sur les relations du Liban avec son environnement immédiat. Cette démocratie consensuelle ou communautaire a vu fréquemment ses tensions internes instrumentalisées par des acteurs extérieurs. M. Nassif Hitti a ainsi comparé la crise libanaise actuelle à un immeuble dont l'ensemble des étages devait être pris en considération  en même temps : le rez-de-chaussée purement libanais, le premier étage, arabe, le deuxième, régional, et enfin l'étage international, tous ces étages étant reliés en permanence par un ascenseur. La spécificité de la récente mission du Secrétaire général de la Ligue arabe, M. Amre Moussa, dans ce pays, consistait à intégrer l'ensemble de ces aspects dans une logique globale. La proposition formulée au terme de cette mission consiste à un partage des 30 portefeuilles ministériels permettant à l'opposition de disposer d'une capacité de blocage, mais non d'un droit de veto. Cette suggestion résumée par la formule 19 + 10 + 1 présente l'avantage d'inclure l'opposition au sein du gouvernement, par la répartition des postes ministériels au nombre de 19, pour la majorité, et de 10 pour l'opposition, auxquels s'ajouterait un poste charnière, qui serait attribué par consensus entre les deux forces précédentes. Simultanément à cette nouvelle composition, un réaménagement des modalités de fonctionnement du tribunal à caractère international chargé de juger l'assassinat de l'ancien premier ministre, Rafic Hariri, pourrait être envisagé. Ainsi le Secrétaire général, M. Amre Moussa, a-t-il suggéré de réunir un comité d'experts, composé de deux représentants du gouvernement, deux représentants de l'opposition et deux juristes non engagés politiquement, pour réfléchir à ces réaménagements et trouver un accord sur le tribunal international, la formation d'un gouvernement d'unité nationale intervenant simultanément et en parallèle.

Dans un deuxième temps, M. Amre Moussa propose de procéder à des élections anticipées à la présidence de la République, étant entendu que le Président Lahoud resterait en fonction jusqu'au terme de son mandat, le 24 novembre 2007. Ces élections anticipées auraient le mérite de réduire les tensions autour de l'enjeu présidentiel et donc d'aider à la décrispation à l'intérieur du pays.

Puis le parlement procéderait à un nouveau découpage électoral plus représentatif que l'actuel, sur lequel seraient organisées des élections législatives.

Le blocage actuel s'explique par le fait que l'opposition pose la condition de la composition du gouvernement comme un préalable, alors même qu'il faut traiter l'ensemble des questions simultanément et en parallèle.

Pour M. Nassif Hitti, le plan précédemment décrit forme ainsi un « paquet » qu'il faut traiter dans sa totalité. Il aurait l'avantage d'aider à « décrisper » les relations au sein du monde arabe qui influencent la crise libanaise, ainsi que les tensions régionales marquées par la forte influence iranienne. M. Nassif Hitti a souligné, sur ce point, que l'effritement de l'Etat et le chaos en Irak ont créé des répercussions et des bouleversements stratégiques importants dans la région et ont pesé lourdement sur les équilibres régionaux, que ce soit dans le Golfe ou au Moyen-Orient. Ces bouleversements ont fortement profité à l'Iran. D'autre part, il a précisé qu'à ses yeux le Liban était marqué par un communautarisme « doux », qui le distingue d'autres situations communautaristes caractérisées par une solidarité sectaire d'une nature fanatique et revancharde. Il a estimé que les conditions de l'exécution de Saddam Hussein avaient produit un choc dans le monde arabe et sunnite, qu'il serait vain de nier.

M. Nassif Hitti a souligné qu'une décrispation des principaux conflits affectant le Moyen-Orient produirait une influence positive sur le Liban. A la veille de la réunion de Paris III, on ne peut disjoindre l'économie du politique. Selon lui, le Liban connaît une situation économique très difficile, aggravée par la fuite des cerveaux qui contribuaient à l'avantage comparatif de ce pays ou à sa « puissance douce ». Par ailleurs, le Liban a été longtemps un modèle réussi de diversité cultuelle enrichissante où les communautés différentes vivaient en bonne entente, modèle dont l'échec ne pourrait avoir qu'un effet négatif sur les autres pays de la région.

Abordant ensuite l'intervention de la Ligue arabe en Somalie, M. Nassif Hitti a relevé que ce pays s'était effrité quelques années seulement après son indépendance. Ce type d'Etat « défaillant » et délaissé n'a jamais réussi à se construire en État national. Le tribalisme, le clanisme ainsi que les conflits régionaux ont pesé lourdement sur son sort, le rendant otage de cet effritement. C'est dans ce contexte que la Somalie s'est « talibanisée ». Les tribunaux islamistes ont suivi le même chemin que les talibans : rassurer la population, garantir l'ordre et la stabilité et incarner une certaine pureté. M. Nassif Hitti a rappelé que la mouvance des « tribunaux islamistes » ne constituait pas un parti politique mais était composée de plusieurs tendances et sensibilités. Pour faire face à la crise somalienne, la Ligue arabe et l'Union africaine oeuvrent pour mettre en place un plan de paix comportant deux volets complémentaires, l'un sécuritaire et l'autre sociétal, c'est-à-dire économique, social et éducatif. Ces deux actions doivent être menées en parallèle. Il faut déployer le plus vite possible une force de paix panafricaine n'incluant pas des troupes issues des pays limitrophes, afin d'éviter notamment que la Somalie ne devienne le champ de bataille entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Il faut également prévoir des mesures de normalisation rapides et doter le gouvernement d'un projet de construction nationale, faute de quoi, on retombera dans le chaos des guerres absurdes et sans fin.

Puis M. Nassif Hitti a évoqué le conflit israélo-arabe. Considérant que le temps est l'ennemi de la paix, il a estimé qu'il incombe au Quartet de créer les conditions de facilitation, d'accompagnement et de gestion du processus de négociations. Faisant référence à la récente conférence de Madrid +15, il a rappelé le plan de paix arabe adopté à l'unanimité à Beyrouth, en 2002, dont l'atout principal consistait dans son approche globale. Il a insisté sur la nécessité de la reprise des négociations après ces années perdues qui n'ont fait que radicaliser la situation et la rendre plus compliquée, et ce dans le cadre d'une conférence internationale sous l'égide de l'ONU. En conclusion, il a estimé que ce conflit était de nature politico-nationale et non religieuse, comme le prétendent certains, les solutions ne pouvant en être que politiques. Il a conclu que la résolution de ce conflit ferait baisser la tension régionale, et faciliterait une « stabilisation légitime » à l'échelle régionale.

Puis un large débat s'est ouvert au sein de la commission.

M. André Dulait s'est interrogé sur le projet du « Grand Moyen-Orient », qui semble redevenir d'actualité aux Etats-Unis. Il a estimé que la partition de l'Irak qu'il implique, avec la création d'Etats kurde, chiite et sunnite, consacrerait l'existence de « frontières de sang ».

En réponse, M. Nassif Hitti a apporté les éléments suivants :

- une balkanisation de l'Irak accentuerait les difficultés d'un règlement du conflit ; ce dernier passe par l'établissement d'un Etat unifié, dont le degré de fédéralisme et la nature du régime restent à décider par les Irakiens eux-mêmes, et par une répartition équilibrée des ressources pétrolières. Il faut surtout agir pour « déconfessionnaliser » l'espace politique en Irak même si cela paraît difficile dans les conditions actuelles. Il s'agit là d'une position de principe de la Ligue arabe, qui craint une guerre interminable en cas de fragmentation du pays ;

- il n'existe pas de solution militaire au problème irakien, mais une solution politique, fondée sur l'inclusion de l'ensemble des factions irakiennes dans la reconstruction du pays, mais également, comme le recommande le rapport Baker-Hamilton, sur l'inclusion des acteurs régionaux afin de répondre à leurs inquiétudes légitimes. Le Moyen-Orient fait actuellement l'objet de nombreux projets ou de grands desseins qui manquent souvent de réalisme. Ces projets visent à établir « une démocratie parachutée », imposée aux « forceps » indépendamment de la construction de l'Etat pourtant indispensable. La solution à long terme ne peut être qu'un Irak unifié avec une répartition fédérale du pouvoir.

M. André Rouvière s'est interrogé sur la possibilité d'un dialogue entre les factions libanaises, et celles d'un partage du pouvoir entre elles. Il a estimé que la bombe religieuse iranienne était plus dangereuse que la bombe atomique, et s'est interrogé sur les risques d'absorption de la Ligue arabe par l'intégrisme chiite.

En réponse, M. Nassif Hitti a évoqué les éléments suivants :

- il convient d'adopter une approche comparative et sociohistorique dans l'étude des mouvements islamistes ; l'intégrisme sunnite a précédé celui qui prévaut aujourd'hui en Iran, de type chiite, et il y a plusieurs islamismes. D'autre part, l'Iran profite des impasses régionales et de la radicalisation qu'elles engendrent pour exercer son influence croissante ;

- les dix-huit communautés qui existent au Liban ont trouvé dans le passé un modus operandi qui n'a pas été toujours facile à établir, mais basé sur un système où il n'y a ni vainqueurs ni vaincus. Le fait que le Hezbollah monopolise actuellement le pouvoir au sein de la communauté chiite ne lui donne pas la capacité de prétendre à l'ensemble du pouvoir libanais dans un système multiconfessionnel ;

- il existe de fortes dissensions au sein des groupes islamistes présents au Moyen-Orient : ainsi le Hezbollah revendique des objectifs et un champ d'action islamo-nationaux, tout comme le Hamas dans les territoires palestiniens. En revanche, les salafistes revendiquent des objectifs à l'échelle internationale. La nouvelle tension « sunnite chiite » est un facteur dangereux dans la nouvelle géographie communautaire qui s'installe au Moyen-Orient avec le chaos irakien. Cette tension influence les relations irano-arabes  tout en étant influencée par ces dernières ;

- aujourd'hui l'Iran est indiscutablement une superpuissance régionale. Le règlement des conflits régionaux ne changera pas ce fait acquis mais en diminuera le poids.

Mme Josette Durrieu s'est interrogée sur les conséquences d'une réorientation de la stratégie américaine en faveur de la Syrie, qui pourrait avoir pour conséquence de sacrifier les intérêts du Liban. Elle a fait valoir que le Quartet pourrait s'adjoindre la Ligue arabe pour renforcer son poids politique. Elle a rappelé les propos tenus par Khaled Mechal, chef du bureau politique du Hamas, selon lesquels « Israël est un fait », exprimant le souhait qu'il s'agisse là d'une reconnaissance implicite. Elle s'est interrogée sur l'attitude de la communauté internationale sur le respect des résultats des élections dans les territoires palestiniens.

En réponse, M. Nassif Hitti a apporté les éléments suivants :

- les résultats du processus électoral doivent être respectés. C'est en avançant sur le chemin de la paix, que l'on pourra « forcer la main » du Hamas, qui regroupe aussi plusieurs sensibilités ;

- s'agissant du Quartet, la Ligue arabe est toujours disposée à coopérer avec ses membres dans la relance du processus de négociations ;

- le plan de paix établi à Beyrouth en 2002 ouvre la voie à une normalisation israélo-arabe dans une logique séquentielle et globale. Une conférence internationale sous l'égide de l'ONU pour une paix globale paraît nécessaire ;

- il existe une troisième voie entre « bouder » et « céder ». La communauté internationale peut aider à trouver une solution aux conflits sans pour autant revenir à une logique de sous-traitance ;

- une approche globale de règlements des conflits pourrait avoir des effets positifs sur le contexte des relations entre le Liban et la Syrie, et entre tous les acteurs impliqués dans le conflit israélo-arabe.

Mme Hélène Luc s'est enquise du caractère réaliste de la constitution d'un gouvernement d'union nationale au Liban. Elle a souhaité recueillir le sentiment de M. Nassif Hitti sur le fonctionnement de la Finul, sur l'initiative que vient de prendre le Président Jacques Chirac d'envoyer un émissaire en Iran, sur la Conférence internationale sur le Liban qui doit se tenir le 25 janvier prochain à Paris, et sur la décision du Président Bush d'envoyer 20.000 nouveaux soldats en Irak.

En réponse, M. Nassif Hitti a rappelé les éléments suivants :

- le gouvernement du Liban est un gouvernement constitutionnel ; dans le contexte de crise actuelle, la majorité n'acceptera pas que la minorité ait une capacité de veto, ce qui conduirait à ce que l'on a qualifié de « dictature » de cette minorité. La crise que traverse le pays est complexe et a atteint un niveau élevé de tension ;

- la présence d'une Finul renforcée au Sud Liban est très positive. Il est très important qu'il y ait une pacification de la frontière libano-israélienne, ce qui suppose le règlement du problème des « fermes de Chebaa », conformément à la résolution 1701, et donc en les plaçant sous le contrôle de l'ONU ;

- il importe de maintenir un dialogue avec l'Iran et la Syrie, qui sont deux acteurs majeurs de la région, ce à quoi s'emploie la Ligue arabe. Il est nécessaire d'adopter une diplomatie du double engagement plutôt que du double endiguement ;

- le problème irakien est politique et non militaire, et l'envoi de 20 000 soldats supplémentaires ne le résoudra pas s'il n'est pas accompagné d'un changement de perspective et d'une politique beaucoup plus multilatéraliste et inclusive.

M. Robert Del Picchia, président, s'est interrogé sur la position de la Ligue arabe face aux capacités nucléaires militaires possédées par différents pays du Moyen-Orient.

En réponse, M. Nassif Hitti a réaffirmé clairement que la Ligue arabe s'était prononcée en faveur d'un Moyen-Orient exempt d'armements de destruction massive tout en reconnaissant à chacun le droit d'accéder à l'énergie nucléaire civile dans les règles établies du TNP et de l'AIEA.

Traités et conventions - Convention internationale contre le dopage dans le sport - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Hélène Luc sur le projet de loi n° 153 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

Mme Hélène Luc, rapporteur, a rappelé que la lutte contre le dopage dans le sport avait déjà fait l'objet de plusieurs textes, tant internationaux que français. Elle a ainsi précisé que le Conseil de l'Europe avait élaboré une convention sur ce point en 1989, que la France n'avait pas signée. Notre pays a privilégié, en effet, une législation nationale avec, notamment, les lois « Buffet » de mars 1999 et « Lamour » d'avril 2006. Mme Hélène Luc a estimé que ces textes organisaient un arsenal juridique très élaboré en matière de répression du dopage sportif.

Mme Hélène Luc, rapporteur, a, par ailleurs, retracé l'historique de la mise en place de l'Agence mondiale antidopage (AMA), créée en 1999 sous l'impulsion du Comité international olympique. Cette Agence est notamment chargée d'établir une liste de référence mondiale des produits considérés comme dopants ; elle a également élaboré un Code mondial antidopage, qui sert de cadre aux politiques et règlements élaborés par les organisations sportives et les autorités publiques. Cependant, cette Agence et ce code devaient être fondés, pour avoir force juridique, sur un accord international qui puisse engager formellement les Etats. C'est dans cette perspective que l'UNESCO a élaboré, en 2005, une convention internationale contre le dopage dans le sport, aujourd'hui soumise à l'examen de la commission. Cette convention a donc pour objet principal de traduire, de manière juridiquement contraignante, les principes définis par le code mondial antidopage. Son application sera appuyée par les moyens financiers recueillis par le Fonds pour l'élimination du dopage dans le sport, qu'elle crée. Mme Hélène Luc s'est félicitée de ce que toutes les fédérations sportives internationales avaient publiquement accepté de se soumettre au code mondial, dont la convention constitue le support d'application. Elle a précisé que cette convention consacrait les compétences nationales en matière de surveillance et de répression éventuelle des cas de dopage, s'agissant des compétitions nationales. Elle a décrit la procédure française, qui permet à un sportif ayant fait l'objet d'un contrôle positif par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) de faire appel devant les juridictions administrative, d'une part, des éléments de ce contrôle et, d'autre part, de la sanction qui aurait été prise sur ce fondement par la fédération sportive compétente. Mme Hélène Luc a précisé qu'il incombait à cette dernière d'aviser la fédération internationale correspondante, qui sera alors à même de prendre, le cas échéant, des sanctions. Ces dernières seront susceptibles d'appel devant le Tribunal arbitral international du sport, situé en Suisse.

Elle a constaté que le présent texte constituait une avancée majeure en matière d'harmonisation et de répression contre le dopage dans le sport ; elle en a donc recommandé l'adoption par la commission. Elle a tenu à souligner, en conclusion, que l'immense majorité des sportifs pratiquait leur discipline sans recourir au dopage, dérive qui n'impliquait qu'une infime minorité d'entre eux et qui devait être dûment sanctionnée.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord Union européenne-Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama de dialogue politique et de coopération - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Guerry sur le projet de loi n° 73 (2006-2007) autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part.

M. Michel Guerry, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les relations entre les pays d'Amérique centrale et l'Union européenne avaient été établies en septembre 1984 à San José, capitale du Costa Rica, et que plusieurs Etats traversaient alors une crise profonde allant, comme au Guatemala, au Salvador et au Nicaragua, jusqu'à la guerre civile. Ces relations avaient été formalisées en 1993 par un accord-cadre de coopération auquel l'accord de dialogue politique et de coopération, signé le 15 décembre 2003 à Rome, devrait se substituer lors de son entrée en vigueur.

Il a indiqué que l'accord de dialogue politique entre l'Union européenne et les Etats d'Amérique centrale représentait un des degrés les moins élevés des accords de coopération signés par l'Union européenne et qu'il ne s'agissait pas d'un accord d'association ouvrant la voie à une zone de libre-échange, à la différence des accords conclus avec le Mexique et le Chili, et de celui en cours de négociation avec le Mercosur. Le texte de l'accord réaffirmait cependant la volonté des parties de travailler à la négociation d'un accord de ce type.

Il a souligné que l'accord avait pour objectif de renforcer les relations politiques et de promouvoir l'intégration régionale. Le préambule mettait l'accent sur cinq points : l'attachement aux Droits de l'Homme et aux principes démocratiques, la lutte contre les drogues, la protection de l'environnement, la promotion de l'intégration régionale et la question des migrations, à laquelle l'accord réserve une place particulière. Le champ du dialogue devait couvrir tous les aspects d'intérêt mutuel et toute autre question d'ordre international. L'accord vise à lui conférer une certaine régularité.

M. Michel Guerry, rapporteur, a précisé que quatre objectifs principaux, traduits en quarante-trois articles, étaient assignés à la coopération : la stabilité politique et sociale, l'intégration régionale, la réduction de la pauvreté et le développement socio-économique. Il a souligné qu'en matière d'immigration, les stipulations de l'accord étaient plus précises. Les parties affirmaient leur volonté d'une gestion conjointe des flux migratoires et d'un dialogue sur l'immigration clandestine, le trafic d'êtres humains et les flux de réfugiés. L'article 49, relatif à la coopération en matière d'immigration, comprenait également une clause de réadmission prévoyant que les Etats d'Amérique centrale acceptent de réadmettre leurs ressortissants présents illégalement sur le territoire d'un Etat membre de l'Union, à la demande de ce dernier et sans autres formalités.

M. Michel Guerry, rapporteur, a noté que les moyens financiers mis en oeuvre pour l'accompagnement de l'accord n'étaient pas précisés et que le texte se bornait à énoncer que les parties s'engageaient à fournir les moyens adéquats. Il a rappelé que la sous-région était le principal bénéficiaire de l'aide de l'Union européenne en Amérique latine. Elle avait ainsi reçu 145 millions d'euros par an sur la période 1995 à 2001 et 131 millions sur la période 2002-2006.

Il a souligné que la situation économique des Etats de la zone restait difficile et que tous, à l'exception du Costa Rica, avaient un niveau de développement moyen et restaient marqués par de fortes inégalités. L'agriculture continuait d'y jouer un rôle important et contribuait aux exportations. Les Etats de la zone bénéficiaient à la fois des délocalisations réalisées par les entreprises américaines et des transferts de revenus des travailleurs immigrés, qui atteignaient jusqu'à 21 % du PIB au Honduras.

Il a rappelé qu'un des objectifs de l'accord était la promotion de l'intégration régionale qui, en Amérique centrale, restait peu avancée. Les six pays étaient membres de l'OMC et un système d'intégration centraméricain, le SICA avait été créé en 1991, mais l'intégration régionale était aussi marquée par le traité de libre commerce signé entre 5 pays d'Amérique centrale (Salvador, Costa Rica, Guatemala, Honduras et Nicaragua) et les Etats-Unis, premier partenaire commercial de chacun des Etats de la zone, entré en vigueur le 1er janvier 2006.

Il a souligné, en conclusion, que l'Union européenne s'était fortement impliquée pour la stabilisation de la région et avait notamment joué un rôle significatif dans la normalisation de la situation politique au Nicaragua, au Salvador, au Guatémala et au Panama. L'action de la France dans cette région s'inscrivait désormais largement dans le cadre communautaire. Il a estimé que l'accord de dialogue politique et de coopération renforçait les liens avec une région stratégique où l'influence culturelle hispanique était concurrencée par l'influence américaine, déjà prépondérante en matière économique.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Traités et conventions - Union européenne - Accord Union européenne-Communauté andine de dialogue politique et de coopération - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 72 (2006-2007) autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela), d'autre part.

M. Robert Del Picchia a indiqué que la signature de l'accord de dialogue politique et de coopération entre l'Union européenne et la communauté andine avait eu lieu à Rome le 15 décembre 2003, en même temps que l'accord de même type avec les Etats d'Amérique centrale, précédemment exposé par M. Michel Guerry. Les stipulations de ces deux accords étaient rigoureusement identiques. Ils représentaient tous deux une étape intermédiaire avant la négociation d'un accord d'association, forme plus étroite de coopération avec l'Union européenne. Il a rappelé que l'objet d'un accord de dialogue politique était de convenir de rencontres régulières et de s'accorder sur des thèmes prioritaires de coopération. Il a précisé que cet accord se substituerait également à un accord-cadre de coopération signé en 1993.

Il a évoqué le sommet Union européenne-Amérique latine, réuni à Vienne le 12 mai 2006, au cours duquel le lancement des négociations d'un accord d'association, tant avec la communauté andine qu'avec les Etats d'Amérique centrale, avait été décidé et devrait s'engager en 2007.

Il a ensuite rappelé les évolutions récentes de la communauté andine, héritière du pacte andin, fondé en 1969 par la Bolivie, la Colombie, l'Equateur et le Pérou, qui regroupent 97 millions d'habitants, sur un territoire de 3,7 millions de km2 avec un PIB agrégé de 232 milliards de dollars. La communauté andine est le second bloc économique du continent, après le Mercosur.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a souligné que la communauté andine s'était fixé des objectifs politiques ambitieux, comme la mise en place d'une politique extérieure commune ou le renforcement de la coopération policière et judiciaire, alors que la seule création d'un marché intérieur andin restait un enjeu majeur. Les Etats membres devaient encore adopter un tarif extérieur commun et harmoniser leurs législations.

Il a rappelé que l'intégration économique andine rencontrait des difficultés liées à la géographie, aux inégalités de développement et à la faible intégration des échanges, davantage orientés vers les Etats-Unis ou le Mercosur. Enfin, elle était handicapée par la montée des clivages politiques entre les Etats membres. Le Venezuela, membre de l'organisation depuis 1973, avait ainsi annoncé son retrait le 22 avril 2006, après la signature par la Colombie, le 27 février, puis par le Pérou, le 12 avril, de traités de libre-échange avec les Etats-Unis. En vertu des traités, le Venezuela, poids lourd économique de la zone, devait cependant maintenir ses obligations de libre-échange pendant 5 ans. Le 29 avril 2006, ce pays avait signé avec la Bolivie et Cuba un « Traité commercial des peuples » dans le cadre de « l'alternative bolivarienne pour les Amériques », alternative à la proposition des Etats-Unis de la constitution d'une zone de libre-échange des Amériques. Le président Hugo Chavez avait également annoncé la volonté du Venezuela d'adhérer au Mercosur, tandis que le Chili et le Mexique faisaient connaître pour leur part leur intention de devenir membres associés de la communauté andine.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que la déclaration de Cuzco du 8 décembre 2004 prévoyait l'intégration progressive de la communauté andine dans une communauté Sud-Américaine des Nations qui verrait la fusion du Mercosur avec la communauté andine et l'intégration du Chili, du Guyana et du Surinam. Cependant, les options politiques et économiques de pays comme la Colombie du Président Alvaro Uribe, ou le Pérou, où l'ancien président social-démocrate Alan Garcia avait été élu en juin 2006, apparaissaient difficiles à concilier avec les choix de la Bolivie du président Evo Moralès, élu en décembre 2005, ou de l'Equateur, dont le président, Rafael Correa, investi le 15 janvier 2007, étaient également plus proches du président vénézuélien Hugo Chavez. Il a souligné que la Bolivie, qui avait pris la présidence de la communauté andine après le départ du Venezuela, avait toutefois réaffirmé l'objectif de l'établissement d'une zone de libre-échange avec l'Union européenne. Cette dernière devait répondre à la diversité des choix de ses partenaires, ce qui la conduisait à envisager un champ très large de coopération sans dégager de réelles lignes de force. Il a noté qu'une autre difficulté dans les négociations résidait dans la faiblesse institutionnelle de la communauté andine, dont le secrétariat général était peu étoffé et dont les moyens financiers avaient souffert du départ du Venezuela. Il a considéré que l'action de l'Union européenne en faveur d'une région, dont l'intégration progressait, mais restait traversée par des clivages importants, était fortement souhaitable.

La commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Nomination d'un rapporteur

La commission a nommé M. Robert Del Picchia, rapporteur, sur le projet de loi n° 150 (2006-2007) autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.