Lundi 1er octobre 2007

- Présidence de M. Jean-Marc Pastor, vice-président. -

Energie - Tarifs réglementés d'électricité et de gaz - Examen des amendements

La commission a examiné les amendements sur les conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 369 (2006-2007) déposée par M. Ladislas Poniatowski tendant à autoriser les consommateurs particuliers à retourner au tarif réglementé d'électricité, la proposition de loi n° 427 (2006-2007) déposée par M. Xavier Pintat tendant à autoriser la réversibilité de l'exercice des droits relatifs à l'éligibilité pour l'achat d'énergie électrique et la proposition de loi n° 462 (2006-2007) déposée par M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel.

Sur les amendements, elle a émis les avis figurant dans le tableau suivant :

Article ou division

Objet de l'article

N° d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article additionnel avant l'article 1er

 

3

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

4

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

5

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

17

M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

 

20

M. Jean Desessard et plusieurs de ses collègues

Défavorable

 

21

M. Jean Desessard et plusieurs de ses collègues

Défavorable

 

22

M. Jean Desessard et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 1er

Retour aux tarifs réglementés d'électricité

1

M. Xavier Pintat

Défavorable

2

M. Xavier Pintat

Défavorable

6

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

19

MM. Ladislas Poniatowski et Jean-Paul Emorine

Favorable

Article additionnel après l'article 1er

 

8

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

15

M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 2

Retour au tarif réglementé de gaz naturel

7

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Article additionnel après l'article 2

 

9

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Favorable sous réserve de rectification

 

10

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

11

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

12

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

13

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

 

14

M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

 

16

M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Après avoir indiqué qu'un amendement déposé par le groupe communiste, républicain et citoyen tendant à fusionner EDF et GDF avait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution par la commission des finances, M. Michel Billout a estimé qu'il s'agissait d'une mauvaise manière de procéder et que cette nouvelle pratique de contrôle de la recevabilité des amendements constituait un frein aux débats parlementaires, et posait la question de l'utilité du Parlement. Relevant que ce mode d'organisation du travail parlementaire présentait l'inconvénient de renvoyer à la discussion budgétaire toutes les propositions ayant un impact sur les finances publiques, il a précisé qu'il ne saurait empêcher son groupe de défendre ses opinions en utilisant d'autres vecteurs de discussion en séance, comme la prise de parole sur un article. Au total, il a déploré que la commission des finances interfère, par ce biais, dans les travaux des autres commissions et a jugé nécessaire que le Sénat débatte à nouveau des modalités de contrôle de la recevabilité des amendements.

En réponse, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a considéré, pour sa part, que cette pratique relevait du fonctionnement logique de l'institution parlementaire et que la commission des finances était dans son rôle en déclarant irrecevable un amendement, qui, préconisant le rachat par l'Etat des actions d'EDF et GDF mises en Bourse depuis 2004, induit un coût de plus de 20 milliards d'euros pour les finances publiques. Tout en rappelant que le groupe socialiste avait également, dans un article de sa proposition de loi, proposé de fusionner EDF et GDF, mais qu'il ne l'avait pas déposé sous forme d'amendement au texte des conclusions de la commission, il a estimé que le groupe CRC aurait tout loisir d'évoquer ce point, qu'il a jugé éloigné du sujet débattu, au cours de la discussion générale.

M. Jean-Marc Pastor, président, a rappelé que ce contrôle de la recevabilité des amendements par la commission des finances constituait une harmonisation des pratiques du Sénat avec celles de l'Assemblée nationale.

M. Charles Revet a ensuite exprimé le soutien du groupe UMP de la commission au travail du rapporteur, également auteur de l'une des propositions de loi soumises à l'examen du Sénat, considérant comme très pertinentes ces initiatives. Il a indiqué qu'il avait été interpellé dans son département sur le dossier des tarifs réglementés et que la discussion en séance publique des conclusions de la commission lui avait permis de répondre que le Sénat prenait pleinement en compte les inquiétudes des consommateurs sur l'avenir des tarifs réglementés.

Après avoir salué à son tour le travail du rapporteur, M. François Gerbaud a déploré que ces propositions de loi n'abordent pas la question du prix de rachat de l'électricité produite à partir des éoliennes, précisant qu'il avait hésité à déposer un amendement sur ce sujet. Tout en considérant que le niveau du prix auquel EDF et les distributeurs non nationalisés sont tenus de racheter le courant d'origine éolienne était largement surévalué, il a estimé que ce système favorisait la prolifération des éoliennes sur le territoire français, installations qui portent de graves atteintes aux paysages. Il a jugé souhaitable de réouvrir ce débat à un moment où plusieurs pays européens qui ont installé de nombreuses éoliennes sur leur territoire se posent la question de la poursuite du développement de cette source d'énergie.

Abondant dans le sens de M. Michel Billout, M. Thierry Repentin a estimé que les questions posées par la nouvelle doctrine sur l'application de l'article 40 excédaient largement le domaine de compétence des commissions permanentes et devaient être débattues par les instances dirigeantes du Sénat. Considérant que les sénateurs se devaient de réagir à ce qui s'apparente à une restriction de leurs pouvoirs, il a estimé que des amendements qui avaient pu être adoptés par le passé par le Sénat ne pourraient désormais plus l'être, à l'image de celui indexant l'évolution des aides personnelles au logement sur l'indice de référence des loyers, voté lors de la discussion du projet de loi instituant le droit au logement opposable. Il a également relevé que la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d'amendement en deuxième lecture constituait, elle aussi, un frein au pouvoir d'initiative des parlementaires. En effet, celle-ci autorise, en deuxième lecture uniquement, l'adoption d'amendements ayant un lien direct avec les dispositions du texte restant en discussion. Or, bien souvent, les auteurs d'amendements en première lecture sont invités à les retirer au bénéfice d'une réflexion menée dans le cadre de la navette parlementaire afin de les redéposer en deuxième lecture. En conséquence, il s'est demandé si les réflexions menées actuellement sur le renforcement des pouvoirs du Parlement, dans le cadre de la réforme des institutions de la Ve République, ne devraient pas conduire à réexaminer ces deux évolutions jurisprudentielles.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a rappelé en conclusion que l'objectif poursuivi par les propositions de loi était de remédier aux inconvénients liés à la décision du Conseil constitutionnel pour les consommateurs particuliers d'électricité et de gaz naturel et a noté que les différentes formations politiques du Sénat partageaient cet objectif, ce qui les a toutes conduites à soutenir ces initiatives dans un souci de protection du consommateur.

Mercredi 3 octobre 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Nomination de rapporteurs

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a nommé M. Pierre Hérisson comme rapporteur sur la proposition de loi n° 463 (2006-2007) relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction.

Puis la commission a désigné M. Jean Boyer comme rapporteur sur le projet de loi n°°10 (2007-2008) relatif au parc naturel régional de Camargue.

Projet de loi de finances pour 2008 - Désignation des rapporteurs pour avis

La commission a ensuite procédé à la désignation de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008.

Missions du budget général :

- mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard ;

- mission « Développement et régulations économiques » : MM. Pierre Hérisson et Gérard Cornu ;

- mission « Ecologie, développement et aménagement durables » : MM. Jean Bizet, Roland Courteau, Georges Gruillot, Charles Revet et Jean-François Le Grand ; il est à noter que la mission « Transports » a été supprimée, car elle a été rattachée à la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » ;

- mission « Outre-mer » : M. Claude Lise ;

- mission « Politique des territoires » : MM. Jean-Paul Alduy et Dominique Mortemousque ;

- mission « Recherche et enseignement supérieur » : M. Henri Revol et Jean Boyer ;

- mission « Régimes sociaux et de retraite » : M. Bernard Piras ;

- mission « Sécurité sanitaire » : M. Daniel Soulage ;

- mission « Pilotage de l'économie française » : Mme Odette Terrade ;

- mission « Ville et logement » : MM. Pierre André et Thierry Repentin ;

Missions hors budget et CAS :

- mission « Contrôle et exploitation aériens (rattachée à la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ») : M. Jean-François Le Grand ;

- mission « Contrôle et sanctions automatisés des infractions au code de la route (rattachée à la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ») : M. Georges Gruillot ;

- mission « Participations financières de l'Etat » (mission indépendante) : M. Michel Bécot.

Bureau de la commission - Désignation d'un secrétaire

Les commissaires ont ensuite désigné M. Daniel Soulage, en remplacement de M. Christian Gaudin, comme secrétaire du Bureau de la commission des affaires économiques.

Organismes extraparlementaires - Désignation de membres

Les commissaires ont ensuite procédé à la désignation de deux membres appelés à siéger au Conseil supérieur de l'aviation marchande.

M. François Gerbaud a été désigné comme titulaire, M. Daniel Reiner comme suppléant.

Les commissaires ont ensuite désigné MM. Pierre Hérisson et Bruno Retailleau, comme membres appelés à siéger à la Commission du dividende numérique.

Après une présentation du dossier par M. Jean-Paul Emorine, président, puis un débat auquel ont participé MM. Thierry Repentin et Jean Boyer, sur le fait que le candidat présenté n'était pas membre de la commission des affaires économiques, contrairement aux pratiques instituées, M. Jacques Blanc a été désigné, à titre exceptionnel, pour siéger au Conseil d'administration de l'Etablissement public des parcs nationaux de France.

Transports terrestres - Création d'un groupe de travail et désignation de ses membres

Les commissaires ont ensuite échangé leurs points de vue sur la création d'un groupe de travail sur le thème « transports terrestres : infrastructures, fonctionnement et financement ». M. Jean-Paul Emorine, président, a déclaré que la mise en place d'un tel groupe de travail lui paraissait tout à fait nécessaire dans la double perspective des suites du Grenelle de l'environnement et de la nécessité de trouver de nouveaux financements pour les infrastructures de transport à partir de 2009. Après avoir rappelé que la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire menait quant à elle une réflexion sur le désenclavement des territoires par les transports, il a souligné qu'il n'y avait pas de chevauchement entre ces deux travaux, le groupe de travail de la commission étant notamment le seul à traiter des questions du fret ferroviaire et du financement des infrastructures. Il a également fait valoir que la commission des affaires économiques prendrait par ailleurs position dans le cadre du Grenelle de l'environnement qui devait absolument, à ses yeux, déboucher sur un encouragement aux modes de transport alternatifs à la route. Il a enfin jugé que ce groupe de travail pourrait rapidement se transformer en mission d'information de la commission, dès lors que le Bureau du Sénat en déciderait ainsi.

M. Jean Boyer s'est félicité de la mise en place de ce groupe de travail, en particulier au vu de la concurrence toujours croissante dans le secteur du fret ferroviaire, le dynamisme des entreprises britanniques de fret menaçant de bouleverser cette activité.

M. François Gerbaud a indiqué qu'il semblait que l'organisation d'un comité interministériel d'aménagement et de développement durable du territoire (CIADDT) soit envisagée pour la fin 2007. Si tel était le cas, il lui paraissait important que ne soient pas renouvelées certaines erreurs du CIADDT de 2003 qui avait vu certains projets ferroviaires contestables, comme la liaison à grande vitesse Poitiers-Limoges, être intégrés aux projets de façon précipitée. Il lui semblait donc opportun que le groupe de travail de la commission puisse prendre position, le cas échéant, sur les projets d'investissement envisagés par le prochain CIADDT. Il a également souhaité qu'il puisse s'appuyer sur les nombreux travaux qui avaient été menés dans les dernières années, à l'exemple du rapport Haenel-Gerbaud sur le fret ferroviaire de 2003.

Mme Odette Terrade a déclaré que le groupe communiste républicain et citoyen souscrivait à l'analyse du président Emorine quant à la nécessité de voir le Grenelle de l'environnement déboucher sur un encouragement au fret ferroviaire et aux autres modes alternatifs à la route. Elle a estimé qu'il convenait également de porter une attention soutenue au développement de l'intermodalité.

M. Claude Biwer a abondé dans le sens de M. François Gerbaud quant à l'intérêt d'exploiter les travaux déjà menés dans ce domaine. Il a estimé qu'en matière ferroviaire, les besoins consistaient plus en matériel roulant qu'en infrastructures.

M. Gérard César a indiqué que le comité de suivi du Grenelle de l'environnement venait d'entendre Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, qui avait notamment souligné l'avantage indu de l'avion sur le train résultant du fait que le kérosène n'était pas taxé.

Elle a enfin désigné comme membres de ce groupe de travail :

MM. Michel Billout, Claude Biwer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emorine, François Fortassin, François Gerbaud, Francis Grignon, Georges Gruillot, Yves Krattinger, Mme Jacqueline Panis, MM. Jackie Pierre, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet et Roland Ries.

Présidence conjointe de M. Jean-Paul Emorine, président et de M. Hubert Haenel, président de la Délégation pour l'Union européenne. -

Industrie et commerce - Audition de M. Günter Verheugen, vice-président de la Commission européenne

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Günter Verheugen, vice-président de la Commission européenne, commissaire chargé de l'entreprise et de l'industrie.

M. Hubert Haenel a rappelé que la commission des affaires économiques que préside M. Jean-Paul Emorine et la Délégation pour l'Union européenne étaient très attachées à un dialogue annuel avec le commissaire chargé de l'entreprise et de l'industrie.

Il a rappelé que le portefeuille détenu par M. Günter Verheugen au sein de la Commission européenne les intéressait au premier chef dans la mesure où il menait une action décisive tout à la fois dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et dans celui de l'initiative « Mieux légiférer ». Il a souligné que l'action menée par M. Günter Verheugen le mettait au coeur des problèmes économiques actuels puisque il lui revenait de répondre à des questions aussi diverses que la position de l'Europe dans la concurrence mondiale, les possibilités qu'offraient les technologies visant à une croissance plus propre, la responsabilité sociale des entreprises, ou encore la politique industrielle comme contribution à la croissance et à l'emploi au sein de l'Union européenne.

Après avoir été également accueilli par M. Jean-Paul Emorine, M. Günter Verheugen a exprimé son plaisir à répondre à l'invitation commune de la commission des affaires économiques et de la délégation pour l'Union européenne pour présenter les premiers résultats de la stratégie de Lisbonne. Il a souligné que beaucoup de choses avaient changé en un an depuis leur dernière rencontre, notamment en France avec l'élection d'un nouveau Président de la République et la nomination d'un nouveau gouvernement.

Il s'est félicité de la date choisie pour cette audition, précisant que le matin même la Commission européenne avait adopté un document de principe, une sorte de document stratégique, qui faisait un premier bilan général du nouveau programme de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi en fixant notamment les priorités du prochain cycle politique pour 2009-2011. M. Günter Verheugen a indiqué que ce document servirait de base aux consultations des chefs d'État et de gouvernement qui auront lieu au cours du prochain Conseil européen des 17 et 18 octobre. La Commission européenne adopterait ensuite en décembre un ensemble de mesures. Soulignant que la phase de réflexion et de conception du nouveau cycle de la stratégie de Lisbonne n'était pas achevée, il a indiqué avoir l'intention de multiplier les échanges sur le sujet avec les parlements nationaux et les décideurs nationaux pour tenir compte de leurs remarques.

M. Günter Verheugen a précisé que son intervention serait axée autour de trois points. Tout d'abord, les progrès réalisés en Europe et en France en matière de croissance et d'emploi. Ensuite, les défis que doivent maîtriser la France et l'Europe. Enfin, les priorités du prochain cycle de la stratégie de Lisbonne.

S'agissant des résultats économiques de l'Europe, M. Günter Verheugen a rappelé que celle-ci vacillait entre l'euphorie et la crise. Soulignant que, si au début de l'année, on pouvait espérer une croissance stable et durable, les taux de croissance étant très élevés, le chômage reculant et des gains de productivité élevés étant enregistrés, il a constaté que l'économie européenne restait dépendante des évolutions dans le reste du monde et, notamment pour les marchés financiers, des États-Unis. Il a regretté que la crise des marchés financiers soit le résultat des pratiques menées par des banquiers cupides qui avaient vendu des produits douteux présentant de grands dangers pour l'économie mondiale. Il a déploré que l'incidence de ces dysfonctionnements du système financier allait maintenant se répercuter sur les économies, les perspectives de croissance pour 2007 - et surtout pour 2008 - devant être revues à la baisse.

M. Günter Verheugen a indiqué que, pour autant, la situation en Europe s'était nettement améliorée par rapport au passé, la croissance et l'emploi étant plus élevés, la productivité s'étant accrue, mais que l'objectif devait toujours être celui de parvenir à faire de l'Europe l'économie la plus performante au monde. Il a précisé que la recherche de la performance ne devait cependant pas être une fin en soi, le modèle social européen devant être préservé dans la mondialisation. Il a insisté sur la nécessité de créer des emplois de plus grande qualité, ces emplois devant être pérennisés.

Il s'est interrogé sur les raisons de cette amélioration de la situation économique en Europe, précisant que les économistes avançaient des causes cycliques ou conjoncturelles. Il a ajouté que la demande en provenance des marchés asiatiques en plein essor était très forte, mais que la croissance du marché intérieur avait aussi été soutenue par la demande des nouveaux États membres d'Europe centrale. La France profitant ainsi largement de ce dernier élargissement, il a estimé que ce constat devait être porté à la connaissance de l'opinion publique française, très sceptique face aux nouveaux États membres.

M. Günter Verheugen a souligné la forte stabilité macroéconomique de l'Europe - stabilité qu'elle n'avait jamais connue auparavant - grâce à la décision de l'Allemagne et de la France de faire l'euro. Il a affirmé que l'euro avait été très bénéfique pour l'économie européenne, même si tous les consommateurs ne partageaient pas nécessairement cet avis, insistant sur le fait que, grâce à la stabilité budgétaire, la monnaie européenne était protégée des attaques externes. Il a concédé que l'euro était une monnaie forte, même trop forte pour certains. L'Europe n'ayant pas de gouvernement économique, il a estimé que la stratégie de Lisbonne était d'autant plus nécessaire au maintien de cette stabilité. Il a regretté que l'Europe n'ait pas une politique économique commune alors qu'on aurait pu l'imaginer il y a trente-cinq ans lorsqu'on parlait de la communauté économique européenne. La seule solution pour remédier à cette situation était de coordonner le plus efficacement possible les politiques nationales.

Estimant que la stratégie de Lisbonne était un concept politique qui remplaçait le concept français de gouvernement économique, M. Günter Verheugen a indiqué que les lignes directrices intégrées étaient les instruments disponibles qui permettaient de coordonner les politiques économiques nationales, aussi bien au plan macroéconomique ou microéconomique qu'en termes d'emplois. Il a précisé que ces orientations servaient d'abord à la mise au point des plans nationaux de réforme (PNR), de plus en plus sérieux, après trois années de pratique, ajoutant qu'elles servaient aussi à définir le contenu du plan communautaire de réforme qui encadre toute l'action européenne. Précisant que le système de contrôle était basé sur le partenariat entre les États et la Commission européenne, il a indiqué que le rôle de la Commission n'était pas de fixer aux États la marche à suivre, mais plutôt d'aider les États à mettre en oeuvre les réformes qui leur étaient nécessaires.

M. Günter Verheugen a constaté que ces orientations étaient maintenant acceptées dans les États membres, comme le montrait l'importance des thèmes de la formation initiale ou continue, de la recherche et du développement, de l'innovation, des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises (PME), de la protection de la propriété intellectuelle, de la politique de l'énergie ou de la lutte contre le changement climatique. Sans vouloir faire de l'autosatisfaction, il s'est félicité que le retard de compétitivité vis-à-vis des États-Unis se réduise grâce à toute une série de mesures, comme celles prises par exemple en France en vue de permettre un meilleur accès des PME aux marchés publics ou la création de pôles de compétitivité, qui avaient contribué à faire baisser le chômage d'un point en France en un an.

M. Günter Verheugen n'a pas pour autant éludé les mauvaises nouvelles, soulignant que le retard de productivité par rapport aux États-Unis restait très important avec une différence de 35 %. Il a observé que cela s'expliquait par une autre conception de la vie en Europe, les Européens n'étant pas prêts à sacrifier leurs vacances comme les Américains. Plus préoccupant, les Européens étaient loin de dépenser, comme les américains, trois points de leur produit intérieur brut (PIB) pour la recherche et le développement. Il a regretté que l'Union européenne n'ait toujours pas de brevet communautaire, outil incontournable pour renforcer la productivité de l'économie européenne. Enfin, il a indiqué que, s'agissant de la France, trois objectifs lui paraissaient importants, à savoir la soutenabilité des finances publiques, le renforcement de la compétitivité, notamment des services publics, et la modernisation du marché de l'emploi.

M. Günter Verheugen a estimé que des efforts devront être fournis dans quatre domaines dans les trois années à venir. Il a tout d'abord cité l'innovation, la mondialisation de la concurrence obligeant les européens à fournir des efforts particuliers dans ce domaine. L'Europe ne voulait et ne pourrait pas protéger ses entreprises de cette concurrence. Pour rester compétitifs dans le cadre de la concurrence internationale, il convenait non pas d'offrir des prix ou des salaires plus bas, mais des produits de meilleure qualité, une telle exigence ne pouvant être atteinte sans rester à la pointe du progrès technique et technologique, ce qui supposait d'atteindre par ailleurs une plus grande efficacité énergétique.

Il a ensuite abordé la situation des PME placées, ces dernières années, au centre de la politique européenne, question qui tient particulièrement à coeur à la France et à son Président de la République. Il a rappelé que les plus grandes réserves de croissance en Europe se trouvaient dans ses 24 millions de PME qui comptaient chacune moins de 250 employés, employaient les deux tiers de tous les salariés européens et constituaient 99 % des entreprises européennes. Plus de la moitié des PME employant moins de dix personnes, il a souligné que l'emploi moyen en Europe dépendait donc d'une PME traditionnelle et familiale, dont l'objectif principal est la garantie de ses revenus alors que, aux États-Unis, l'objectif principal des entreprises est la croissance.

Il a indiqué que la Commission européenne avait décidé aujourd'hui de mettre plus particulièrement l'accent sur les PME dans son document stratégique à la suite d'une demande du Président français. Pour la première fois, la Commission avait annoncé qu'elle était prête à discuter d'une directive pour les PME en Europe. Il a salué cette initiative, qui devrait faire l'objet de propositions d'ici la fin de l'année. Il a précisé que les PME européennes détenaient 43 % des marchés publics, bien plus que les PME américaines. Il a estimé que la démarche américaine correspondante semblait trop orientée et trop limitée. Il a ajouté que les règles destinées à faciliter le développement des PME -comme les moyens de financement- ne devraient pas être fixées au niveau européen, mais au niveau national.

M. Günter Verheugen a ensuite indiqué souscrire totalement aux préoccupations françaises relatives aux aspects externes de la politique économique européenne, l'intérêt de l'Europe devant prévaloir avant tout. Il s'est déclaré favorable aux marchés ouverts et à un commerce international libre, sous certaines conditions, notamment celle tendant à lier l'ouverture des marchés à l'exigence d'une concurrence équitable. Il a rappelé les deux conceptions régnant actuellement à cet égard. La première préconise l'obtention des plus bas prix possibles à la consommation, quelle que soit l'origine ou la qualité des produits, afin de favoriser l'épargne en Europe et le réinvestissement des revenus disponibles dans d'autres secteurs de l'économie. Les faits montrent que cette doctrine économique simpliste ne fonctionne pas. La seconde est favorable au maintien d'une base industrielle en Europe pour garder des emplois stables et une vie sociale apaisée. Il convient ainsi de s'interroger sur les effets de la mondialisation sur l'industrialisation et sur l'emploi en Europe.

M. Günter Verheugen a estimé que les conflits entre les pays européens tenaient en fait à la différence entre ceux qui n'ont plus de bases industrielles saines et ceux qui disposent encore d'une industrie, comme la France et l'Allemagne, ajoutant que les conflits entre ces deux groupes de pays ne pouvaient être surmontés qu'à partir du moment où les pays s'entendaient sur l'intérêt européen. Prenant en exemple le cas de l'industrie chimique, qui ne présente pas d'intérêt majeur pour les pays non industriels, il a insisté sur le fait qu'elle devait néanmoins être considérée par ceux-ci comme une industrie européenne, de même que l'industrie automobile ou aéronautique, quels que soient les sites d'implantation. Il a souligné la nécessité de protéger ces industries face à des pays qui ne pratiquent pas des règles commerciales équitables, car défendre ses intérêts et ses droits ne pouvait être taxé de protectionnisme. Il a jugé nécessaire d'arrêter une définition commune de l'intérêt économique.

M. Günter Verheugen a indiqué que dans une récente affaire de dumping commercial portant sur l'importation de lampes à économie d'énergie fabriquées en Chine par des entreprises européennes, il n'avait pas voulu céder, au sein de la Commission, à la pression exercée pour refuser le bénéfice de la protection communautaire au seul fabriquant européen qui n'avait pas suivi ses concurrents en Chine car cela aurait eu pour effet de le pénaliser. Dans cet exemple, la vie et le destin de milliers de personnes qui perdaient leur emploi étaient en cause. Il a demandé à la France de faire entendre sa voix dans cette discussion et a souhaité pouvoir compter sur son appui. M. Günter Verheugen a ajouté que la politique commerciale n'était pas un instrument de politique étrangère ou de politique de développement. La réciprocité totale doit être la règle dans les relations commerciales internationales, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Il a estimé impératif d'exiger de nos concurrents, s'ils ont accès au marché européen, des avantages réciproques, justifiant cette exigence par la défense légitime des droits des entreprises européennes et réfutant le terme de protectionnisme.

Dans ce contexte, la défense de la propriété intellectuelle est insuffisamment assurée face à la piraterie et à la contrefaçon et il convient de veiller à ce que les biens des entreprises européennes ne soient pas usurpés dans le cadre de la recherche et de l'innovation. Il faut résister à ceux qui mettent les entrepreneurs européens sous pression pour bénéficier de leur savoir-faire ou exigent le transfert de technologies comme préalable à l'ouverture de sites industriels sur leur territoire. Cette pression est très dangereuse pour les entreprises européennes.

Enfin, M. Günter Verheugen a indiqué qu'un dernier aspect de la stratégie de Lisbonne tenait à l'énergie et à la lutte contre le changement climatique. Il a souligné que pendant longtemps compétitivité, énergie et environnement avaient été séparés alors que ces trois aspects étaient imbriqués. Il s'est félicité que la Commission européenne ait fait des propositions récentes en matière d'énergie, notamment au regard du découplage des activités de production et de transport sur les marchés de l'électricité et du gaz. Il a jugé ces mesures nécessaires pour permettre à l'industrie européenne de disposer de prix de l'énergie plus avantageux et de rester ainsi en Europe, ajoutant que les préoccupations de la Commission relatives à l'efficacité énergétique correspondaient à celles de la future présidence française dont il a précisé attendre beaucoup.

A M. Jean-Paul Emorine qui lui demandait s'il pensait que l'euro fort jouait en faveur de la croissance et de l'emploi ou avait un effet négatif sur l'économie, M. Günter Verheugen a répondu que l'euro avait créé une forte culture de la stabilité en Europe. Rappelant qu'il avait indiqué, avec une certaine prudence, que l'euro était fort et que certains pensaient même qu'il était trop fort, il a observé que la Commission avait pour règle de ne pas faire de commentaire sur ce sujet. Il a souligné qu'il ne fallait pas seulement prendre en compte le dollar, mais s'intéresser aussi au yen et à la monnaie chinoise. Il a ajouté que les exportations européennes restaient malgré tout à un haut niveau, ce qui prouvait que l'industrie européenne était très compétitive.

M. Aymeri de Montesquiou a regretté que l'Europe n'ait pas de recherche commune, que l'effort de recherche consenti soit très inférieur à celui des Etats-Unis, qu'il n'y ait pas encore de brevet communautaire, pas de politique sociale commune, pas plus que de politique économique commune ou de politique étrangère commune. Il a rappelé que la productivité américaine était très supérieure à la productivité européenne et a indiqué qu'il voyait mal l'Europe réduire les vacances des Européens. Il a ensuite demandé à M. Günter Verheugen si, face à l'absence de réciprocité en matière commerciale, il estimait opportun de mettre en avant la préférence communautaire. Observant que la subsistance de tant de disparités en Europe était imputable au fait que chaque État membre pensait pouvoir agir seul, il a souligné qu'il existait des domaines où les États ne pouvaient pas agir seuls, comme celui de l'énergie ou celui des dépenses militaires.

M. Daniel Raoul a regretté l'absence d'une politique européenne de l'énergie, ajoutant qu'il n'était pas convaincu par les propositions de la Commission. Il a rappelé que l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie pour les entreprises avait conduit à une augmentation des prix de 20 à 30 %, obligeant le législateur français à envisager la mise en place d'une possibilité de retour aux tarifs régulés. Il a ajouté que l'augmentation des prix de l'énergie induisait aussi une perte de compétitivité des entreprises.

Rappelant que la corruption faussait la concurrence, spécialement dans les relations commerciales internationales, M. Robert Badinter a demandé ce que l'Europe faisait pour lutter contre la corruption pratiquée par, ou contre, les entreprises européennes.

M. Francis Grignon a rappelé que, s'agissant des PME, il existait aux États-Unis une agence spéciale, la « Small Business Administration », qui veillait en permanence à ce que la législation ne les pénalise pas. Il a précisé cependant que ce système lui semblait difficilement transposable en Europe en raison des très nombreuses dispositions prises dans chaque pays. Revenant sur les propos de M. Günter Verheugen laissant supposer que, dans la mesure où les PME en Europe détenaient 43 % des marchés publics, il n'y avait pas lieu d'intervenir en leur faveur, M. Francis Grignon a souligné que ces parts ne portaient pas sur les marchés les plus compétitifs liés aux nouvelles technologies ou aux armements. Il a estimé très souhaitable de leur réserver certains de ces marchés pour les mettre à l'abri des grands groupes et pour leur permettre de progresser dans des domaines très spécialisés.

En réponse aux intervenants, M. Günter Verheugen a indiqué que la différence de productivité entre l'Europe et les États-Unis ne résultait pas seulement de ce que les Américains prenaient moins de vacances que les Européens. La productivité par heure de travail est de fait sensiblement identique en Europe et aux États-Unis. En termes de coûts de production, la différence de 35 % tient à la fois aux meilleures conditions de financement des entreprises aux États-Unis et à une plus grande ouverture du marché. Le marché américain compte 300 millions de consommateurs contre 500 en Europe et n'est pas soumis à des restrictions aussi nombreuses qu'en Europe. Constatant que le marché intérieur européen n'était pas une réussite aussi importante qu'on le disait, il a estimé que cela ne tenait pas seulement aux problèmes linguistiques, mais aussi au fait que les législations nationales constituaient des entraves au bon fonctionnement du marché intérieur. Il a ajouté que les vacances en Europe représentaient une grande avancée sociale qu'il fallait maintenir.

Par ailleurs, M. Günter Verheugen a reconnu que l'Europe souffrait de l'absence d'une politique étrangère commune. Il a estimé qu'il n'était pas impossible d'envisager une meilleure efficacité des dépenses militaires nationales, notamment avec l'Agence européenne de l'armement, bien que les questions de défense ne relèvent pas des compétences communautaires. Il a indiqué que, d'ici la fin de l'année, la Commission allait d'ailleurs faire des propositions en matière d'approvisionnement des armées en faisant mieux jouer la concurrence afin d'obtenir de meilleurs prix. Il a souhaité que soit crée un marché intérieur de l'armement, notamment par la suppression des licences d'exportation et d'importation entre États membres et a estimé que des programmes communs d'armement devraient également permettre à l'industrie européenne d'être plus compétitive. Il a souligné que, comme les industries spatiales ou aéronautiques, l'industrie de la défense jouait un rôle clé dans l'indépendance de l'Europe, des armées indépendantes devant disposer d'armements indépendants.

Rappelant ensuite que la politique de l'énergie n'était plus une compétence communautaire dans le nouveau traité modifié, contrairement aux dispositions contenues dans le projet de traité constitutionnel, il a estimé qu'il convenait de procéder, comme pour la politique économique, par compensation intelligente. Il a indiqué que l'instrument du marché intérieur permettait déjà d'agir dans le domaine de l'électricité et du gaz et que, sans qu'il soit fait recours à une quelconque forme de libéralisation, ce marché intérieur de l'électricité et du gaz devait permettre d'assurer une meilleure interconnexion des réseaux sans que les sociétés propriétaires puissent l'entraver, comme c'est le cas actuellement. Il a précisé que ce dispositif ne concernait pas la France où deux ministères différents assuraient cette séparation des activités de production des activités de transport.

M. Günter Verheugen a souligné que l'Europe avait besoin d'une politique énergétique pour préserver l'indépendance de ses approvisionnements d'autant que, d'ici 2020, les besoins en énergie de l'Europe ne devaient pas aller en diminuant. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne avait fixé à 20 % la part des énergies renouvelables qui devront être produites en Europe. Il a estimé qu'il convenait de définir une coopération politique et une stratégie avec les pays fournisseurs d'énergie permettant de garantir la sécurité des approvisionnements de l'Europe et qu'il faudrait en outre, dans quelques années, discuter aussi de l'approvisionnement de l'Europe en matières premières.

À

propos de la corruption, M. Günter Verheugen a estimé qu'il ne suffisait pas de montrer du doigt certains pays, mais qu'il fallait aussi se demander qui les corrompait. Soulignant que les entreprises européennes ne devaient pas céder à la tentation de la corruption, il a précisé qu'un tel objectif ne pouvait s'obtenir par la loi et qu'il s'agissait plutôt de changer les mentalités dans les entreprises attirées par l'appât du gain.

Revenant sur les PME, M. Günter Verheugen a estimé que les PME européennes bénéficiaient déjà de dispositions plus favorables que celles édictées par la Small Business Administration. Il a cité la Charte des PME, ajoutant que le service spécialisé de la Commission à Bruxelles veillait notamment aux incidences de la législation européenne sur les PME. Précisant que les PME subissaient surtout de plus lourdes charges administratives que les grandes entreprises, il a indiqué que ses services avaient décidé d'agir pour les faire baisser de 25 %. Il a observé néanmoins que la part des formalités européennes dans ces charges administratives n'était que de 35 %, 15 % relevant de la transposition des directives européennes et 50 % étant des formalités nationales. Il en a conclu qu'il convenait d'agir au niveau national bien plus qu'au niveau communautaire. S'agissant des marchés publics, il a estimé plus efficace d'aider les PME dans leurs démarches plutôt que de leur réserver des quotas. Il a ajouté que, dans le cadre de la présidence française, la Commission allait en outre définir un programme ambitieux d'amélioration de la concurrence en faveur des PME.

M. Jacques Muller a pris acte de l'attachement de M. Günter Verheugen aux avancées sociales en Europe ainsi que de son souhait de ne pas sacrifier le modèle social européen sur l'autel de la compétitivité. Il a rappelé que l'essentiel du commerce extérieur s'effectuait entre pays européens dans le cadre d'un commerce interrégional européen fort. Le social et le fiscal ne relevant pas directement des compétences communautaires, il s'est demandé si la Commission ne pouvait pas éviter de porter atteinte aux moyens des services publics, qui faisait l'originalité du modèle social européen par rapport au système américain. Dans la mesure où il a été possible de faire converger les déficits, les taux d'inflation, le niveau des dettes publiques pour faire l'euro, il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles il ne serait pas possible de faire converger le social et le fiscal, dans le but d'éviter un nivellement par le bas du système social en Europe.

M. Günter Verheugen a rappelé qu'au début des années 90 le Président de la Bundesbank avait estimé au Bundestag que la création d'une monnaie unique sans création d'une politique fiscale et budgétaire commune serait une véritable aventure et il a indiqué partager cette opinion. Il a estimé que grâce au pacte de stabilité, la monnaie commune fonctionnait, mais que le problème posé par l'absence d'une politique fiscale commune subsistait. Soulignant que l'harmonisation de la fiscalité était inimaginable actuellement, du moins dans l'Europe à vingt-sept, il a néanmoins indiqué que la Commission était favorable à une harmonisation des bases de calcul de la fiscalité des entreprises. Il s'est demandé, dans la mesure où certains pays seraient probablement hostiles même à cette forme d'harmonisation fiscale, s'il ne faudrait pas recourir à une coopération renforcée dans ce domaine, par exemple entre les membres de la zone euro.

Traités et conventions - Délivrance des brevets européens - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a examiné le rapport pour avis de M. Francis Grignon sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Après avoir rappelé l'enjeu fondamental que représentait la protection de la propriété industrielle dans une économie fondée sur la connaissance, M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, s'est attaché à présenter les multiples dimensions de la problématique des brevets. Il a ainsi souligné que les brevets étaient un bon indicateur du dynamisme des entreprises françaises en matière de recherche et développement. Il a ensuite mis en évidence que le brevet était un double vecteur d'innovation, en raison du paradoxe lié à la protection de la propriété industrielle, qui consiste, d'un côté, à protéger l'innovation en offrant à l'inventeur le bénéfice temporaire d'une situation de monopole dans l'exploitation de son invention, et de l'autre, à assurer une diffusion de l'innovation dans l'ensemble de la société en exigeant la publication de l'invention.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a ensuite présenté successivement les quatre axes d'analyse qui ont structuré l'élaboration de son rapport.

Il a, tout d'abord, tenu à présenter ce que recouvrait la notion de brevet en précisant les différentes phases du processus conduisant à sa validation finale. Il a, à cet égard, expliqué qu'un brevet comprenait deux parties: les revendications, qui constituent la partie stratégique du brevet en ce qu'elles définissent le champ et le niveau de la protection demandée ; les descriptions, qui forment la partie technologique du brevet en ce qu'elles exposent de façon technique l'invention, au besoin avec des dessins et schémas.

Présentant ensuite les différentes phases qui conduisent à la validation du brevet, il a souligné que le dépôt par les entreprises françaises était dans leur très grande majorité effectué dans leur langue nationale. Puis il a indiqué que la demande faisait l'objet d'une publication, dix-huit mois après le premier dépôt, soulignant le caractère fondamental de cette publicité pour les autres entreprises. S'agissant de la phase d'instruction du brevet, il a rappelé que l'Office européen des brevets (OEB) procédait à un examen de la demande, tant du point de vue des revendications que de la description, avant de rendre un avis au demandeur sur la brevetabilité de son invention. Il a enfin indiqué qu'en l'état actuel du droit, le brevet devait être intégralement traduit dans la langue du pays où le déposant souhaitait bénéficier de la protection, pour pouvoir y être validé.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, s'est, par ailleurs, attaché à décrire la situation des entreprises françaises en matière de propriété industrielle. Il a constaté que les entreprises françaises n'étaient pas performantes dans le dépôt de brevet par comparaison avec les autres économies développées et s'est inquiété de ce que ces entreprises ne déposaient pas plus de brevets aujourd'hui qu'il y a dix ans. Analysant les raisons de cette faible propension française à déposer des brevets, il a mis en avant quatre raisons principales : un défaut de « culture du brevet », les entreprises françaises n'étant pas encore assez sensibilisées aux enjeux de la propriété industrielle ; des dépenses de recherche et développement relativement faibles par rapport aux autres pays développés ; un déficit d'entreprises de taille suffisante, la propension à breveter étant très liée à la taille des entreprises alors que, dans le même temps, les obligations administratives tendent à favoriser les petites structures en France ; le coût du brevet en lui-même. Sur ce dernier point, il a présenté un tableau récapitulant ses différentes composantes. A cet égard, il a mis l'accent sur les coûts de traduction, qui représentent 30 à 40 % du coût total du brevet et qui apparaissent encore trop souvent dissuasifs pour les petites et moyennes entreprises, qui, en plus, n'en perçoivent pas l'utilité directe.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a ensuite mis en évidence les gains que les entreprises françaises pouvaient espérer tirer d'une ratification du Protocole de Londres. Dans cette perspective, il a souligné que ce dernier ne changeait rien au droit en vigueur jusqu'à la phase de délivrance du brevet, indiquant que les entreprises conservaient la possibilité de déposer leur demande dans l'une des trois langues officielles de l'OEB, donc notamment en français. Il a ainsi constaté que l'élément nouveau issu de l'Accord de Londres consistait en la suppression de l'obligation de traduction des descriptions du brevet au stade de la délivrance du brevet. Après avoir rappelé que la fin de cette obligation n'handicapait en rien la veille technologique des entreprises françaises, qui intervenait dès la publication du brevet et non au stade trop tardif de la délivrance, il a précisé qu'en cas de litige, les descriptions devraient de toute manière être traduites dans la langue du pays de l'instance.

Enfin, M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a insisté sur les conséquences directes de l'adoption de l'Accord de Londres pour une entreprise française :

- une simplification de la procédure de dépôt de brevets grâce à la faculté ouverte de mener en français toute la procédure de demande jusqu'à la délivrance du brevet ;

- une diminution du coût du brevet, aujourd'hui estimé en moyenne à 29.800 euros : la suppression des traductions des descriptions permettrait à une entreprise d'économiser sur ce montant environ 10.000 euros, qu'elle pourrait réinvestir dans l'innovation, la recherche ou dans l'extension du champ géographique de la protection conférée par le brevet.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a, par ailleurs, tenu à évoquer le débat sur les enjeux linguistiques du Protocole de Londres. Il a rappelé que si, dans la Convention de Munich de 1973, au fondement du système européen des brevets, la fourniture de traductions intégrales dans la langue du pays où l'invention avait vocation à être protégée n'était qu'une simple faculté, les exigences persistantes de la France et d'autres Etats avaient conduit à faire de cette option une règle générale, alors même que durant les dix ou quinze premières années, l'Allemagne et le Royaume-Uni n'avaient pas demandé la traduction des descriptions. Il a reconnu que cela avait finalement conduit à la nécessité de conclure l'Accord de Londres. Puis il a tenu à rappeler que le français n'était absolument pas sacrifié, mais au contraire sanctuarisé comme langue officielle de l'OEB et que, seules, les descriptions ne feraient plus à l'avenir l'objet d'une traduction intégrale.

En définitive, M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, a reconnu que la ratification du Protocole de Londres constituait une opportunité pour les entreprises françaises qui bénéficieraient, en matière de brevets, d'une procédure plus simple et d'un coût diminué et qu'elle aurait assurément un effet d'entraînement sur le recours à la protection de la propriété industrielle ainsi que sur les négociations visant à améliorer encore le brevet européen, grâce à l'unification du contentieux, ou à créer un brevet communautaire unique valide sur tout le territoire de l'Union européenne.

M. Daniel Raoul a déclaré qu'il partageait tout à fait l'analyse du rapporteur, selon laquelle une ratification du protocole de Londres serait propice à l'innovation et à la croissance économique, surtout pour les PME. Il a insisté sur la trop petite taille des entreprises françaises, élément majeur d'explication de l'insuffisante propension à breveter dans notre pays. Evoquant les hésitations de certains parlementaires socialistes au nom de la francophonie, il a déclaré comprendre les inquiétudes des traducteurs, tout en relevant que de nombreuses entreprises travaillaient déjà dans cette langue véhiculaire qu'est l'anglais.

M. Gérard Bailly a souhaité connaître la proportion de brevets qui faisaient ensuite l'objet de litiges, à l'occasion desquels la traduction intégrale du brevet était indispensable.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis, lui a indiqué que cette part était infime, de l'ordre de 2 pour mille, puisque, sur 180.000 brevets européens délivrés, on comptait seulement 350 cas annuels de contentieux de validité.

La commission a alors adopté, à l'unanimité, le rapport de M. Francis Grignon donnant un avis favorable au projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.