Mercredi 19 décembre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Patrice Gélard rapporteur sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, conséquence du Traité de Lisbonne, sous réserve de son dépôt.

Bioéthique - Groupe de travail sur la maternité pour autrui - Désignation des membres

Puis la commission a procédé à la désignation des membres du groupe de travail sur la maternité pour autrui.

Elle a désigné : Mmes Michèle André, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yves Détraigne, Jean-Jacques Hyest, Georges Othily, Henri de Richemont et Mme Catherine Troendle.

Filiation - Ratification d''ordonnance - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Henri de Richemont sur le projet de loi n° 510 (2004-2005) ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a rappelé que cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 4 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, était entrée en vigueur le 1er juillet 2006 et avait opéré une importante réforme du droit de la filiation consistant à tirer les conséquences de l'égalité de statut entre les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance, unifier les conditions d'établissement de la filiation maternelle, préciser les conditions de constatation de la possession d'état, harmoniser le régime procédural de l'établissement judiciaire de la filiation, sécuriser le lien de filiation, préserver l'enfant des conflits de filiation, simplifier et harmoniser le régime des actions en contestation, notamment en en modifiant les titulaires et les délais.

Il a estimé qu'une réforme du droit de la filiation s'avérait nécessaire car la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle n'avait plus lieu d'être, les modes d'établissement non contentieux de la filiation paraissaient être une source d'insécurité juridique et les règles d'action en justice étaient devenues pléthoriques et complexes. Il a indiqué que le choix de recourir à une ordonnance, inédit en la matière, avait été justifié par le caractère supposé technique des mesures envisagées, mais que la réforme opérée était en réalité importante.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que le Sénat ne s'était résolu à habiliter le gouvernement à reformer le droit de la filiation par ordonnance qu'avec une grande réticence et après avoir circonscrit le champ de l'habilitation.

Présentant les nouvelles dispositions générales du titre VII du livre premier du code civil, M. Henri de Richemont, rapporteur, a mis en exergue le rappel du principe d'égalité entre enfants, le maintien de l'interdiction d'établir un double lien de filiation en cas d'inceste absolu, l'introduction d'une obligation de faire constater la possession d'état par un acte de notoriété ou un jugement et l'adoption de nouvelles règles de dévolution du nom de famille destinées, pour l'essentiel, à conforter le principe d'unité du nom des fratries. Il a toutefois souligné que l'ordonnance avait malencontreusement supprimé, au grand désarroi des parents concernés, toute possibilité de changement du nom de famille des enfants nés avant le 1er janvier 2005, si ce n'est par décret, cette procédure étant cependant longue et onéreuse.

Exposant les nouvelles règles d'établissement non contentieux de la filiation, M. Henri de Richemont, rapporteur, a mis en exergue l'unification des conditions d'établissement de la filiation maternelle (l'indication du nom de la mère dans l'acte de naissance établit désormais la filiation de l'enfant à son égard, qu'elle soit mariée ou non), le maintien de la présomption de paternité du mari et la consécration de la pratique des reconnaissances prénatales. Observant que la rédaction de l'ordonnance était ambiguë sur ce point, il a jugé nécessaire de préciser que le mari dont la présomption de paternité a été écartée a la possibilité de reconnaître l'enfant, sans avoir à prouver en justice sa paternité.

Enfin, M. Henri de Richemont, rapporteur, a présenté les nouvelles règles d'établissement judiciaire de la filiation, en observant que la recherche d'un équilibre entre les composantes biologique et affective qui fondent le lien de filiation avait présidé à leur élaboration. Il a notamment mis en exergue la généralisation du principe chronologique, destinée à mettre l'enfant à l'abri des conflits de filiation (« tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait »), la modification significative des délais pour agir, le délai de prescription de droit commun étant réduit de trente à dix ans, et l'unification des règles de procédure.

Il a toutefois déploré que ces nouvelles règles, singulièrement l'application du principe chronologique, puissent avoir pour conséquence qu'un couple marié se trouve empêché de faire jouer la présomption de paternité du mari au seul motif qu'un autre homme ayant été ou se prétendant l'amant de la mère aurait fait une reconnaissance paternelle prénatale. Aussi a-t-il proposé de prévoir, dans l'hypothèse où l'officier de l'état civil constaterait au moment de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant que les indications relatives au père sont contradictoires avec celles figurant dans une reconnaissance paternelle prénatale en sa possession, qu'il doit porter dans l'acte de naissance les indications communiquées par la personne qui lui déclare la naissance et en aviser le procureur de la République afin qu'il saisisse le tribunal de grande instance pour faire trancher ce conflit de filiation. Il a précisé que cette règle s'appliquerait également aux conflits de filiation résultant de reconnaissances de paternité contradictoires concernant un enfant né hors mariage.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a également proposé, pour prévenir une éventuelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, de supprimer la fin de non-recevoir de l'action en recherche de maternité tenant à la décision de la mère d'accoucher sous X, cette suppression ne remettant pas en cause la possibilité, pour la mère, de demander la préservation du secret de son admission à la maternité et de son identité.

En conclusion, il a évoqué plusieurs pistes de réflexion pour l'avenir, qui ne pouvaient être explorées dans le cadre limité de la ratification de l'ordonnance, concernant l'accouchement sous X, le régime des expertises biologiques, la révision des procès civils et la prohibition de la maternité pour autrui, sur laquelle la commission des lois et celle des affaires sociales ont mis en place un groupe de travail commun.

Souscrivant aux propositions du rapporteur, M. Christian Cointat a suggéré d'interdire les reconnaissances prénatales.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a rappelé que cette pratique était admise depuis fort longtemps et permettait d'établir la filiation paternelle de l'enfant avant sa naissance, ce qui le prémunissait contre la nécessité d'engager une action judiciaire en recherche de paternité contre ses grands-parents paternels en cas de décès prématuré de son père.

Mme Catherine Troendle a suggéré d'encadrer davantage les reconnaissances prénatales, par exemple en subordonnant leur validité à une condition de vie commune des futurs parents.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé qu'un nombre croissant de couples non mariés se présentaient devant les officiers de l'état civil pour effectuer des reconnaissances prénatales, sans doute pour marquer symboliquement la stabilité de leur couple mais aussi dans un souci de sécurité juridique. Soulignant que cette dernière considération devait primer et que les couples non mariés n'étaient astreints à aucune obligation de communauté de vie, il n'a pas jugé opportun de subordonner la validité des reconnaissances prénatales à une telle condition.

M. Christian Cointat a déploré que n'importe qui puisse faire une reconnaissance prénatale, le cas échéant dans la seule intention de nuire aux futurs parents.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a fait valoir que dans la majorité des cas, fort heureusement, l'auteur de la reconnaissance prénatale est de bonne foi et pense être le père de l'enfant à naître. Il a jugé équilibrée la solution proposée à la commission en soulignant que, dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance, l'acte de naissance de l'enfant désignera en qualité de père celui dont l'identité aura été communiquée à l'officier de l'état civil lors la déclaration de naissance, et non l'auteur de la reconnaissance prénatale.

M. Laurent Béteille a observé que la conformité du régime de l'accouchement sous X à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme était effectivement contestée et s'est demandé si la solution proposée par le rapporteur suffirait à éviter toute condamnation de la France.

La commission a adopté un amendement de réécriture de l'article premier (ratification de l'ordonnance) ayant pour objet de ratifier l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation sous réserve des modifications suivantes :

- autoriser le changement de nom de famille des enfants nés avant le 1er janvier 2005 et encore mineurs à la date de ratification de l'ordonnance (abrogation du 5° du II de l'article 20 de l'ordonnance - application de l'article 311-23 du code civil) ;

- permettre au mari dont la présomption de paternité a été écartée de reconnaître l'enfant (article 315 du code civil) ;

- préciser le point de départ des délais pendant lesquels la possession d'état d'un enfant peut être constatée ou contestée (articles 317, 330 et 333 du code civil) ;

- supprimer la fin de non-recevoir de l'action en recherche de maternité tenant à la décision de la mère d'accoucher sous X, cette suppression ne remettant pas en cause la possibilité, pour la mère, de demander la préservation du secret de son admission à la maternité et de son identité (article 325 du code civil) ;

- aligner le délai de contestation de la filiation établie par un acte de notoriété constatant la possession d'état, fixé à cinq ans, sur celui de la contestation, par la voie de la tierce opposition, de la filiation établie par un jugement constatant cette même possession d'état, qui est de dix ans (article 335 du code civil) ;

- fixer une règle de résolution des conflits de filiation respectueuse de la présomption « pater is est » en prévoyant, dans l'hypothèse où l'officier de l'état civil s'apercevrait au moment de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant que les indications relatives au père sont contradictoires avec celles figurant dans une reconnaissance paternelle prénatale en sa possession, qu'il doit porter dans l'acte de naissance les indications communiquées par la personne qui lui déclare la naissance et en aviser le procureur de la République afin qu'il saisisse le tribunal de grande instance pour faire trancher ce conflit de filiation (article 336-1 nouveau du code civil) ;

- aligner le délai de prescription de l'action à fins de subsides, actuellement fixé à deux ans, sur le délai de prescription de droit commun des actions relatives à la filiation, qui est de dix ans (article 342 du code civil).

Elle a ensuite adopté un amendement de réécriture de l'article 2 (coordination) ayant pour objet de préciser certaines références et de procéder à une coordination supplémentaire.

Enfin, elle a adopté un amendement de suppression de l'article 3 (entrée en vigueur différée de la ratification), rendu inutile par la ratification tardive de l'ordonnance du 4 juillet 2005.

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié, M. Jean-Jacques Hyest, président, et Mme Michèle André indiquant qu'ils demanderaient son inscription rapide à l'ordre du jour du Sénat lors de la prochaine conférence des présidents.

Administrations publiques - Archives et archives du Conseil constitutionnel - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. René Garrec sur le projet de loi n° 471 (2005-2006) relatif aux archives et sur le projet de loi organique n° 470 (2005-2006) modifiant l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relatif à ses archives.

Après avoir rappelé que dans son rapport de 1995 consacré au thème de la transparence et du secret dans la vie publique, le Conseil d'Etat avait constaté la revendication par les citoyens d'un « droit de savoir » sur les modalités d'exercice de l'action publique, M. René Garrec, rapporteur, a souligné que la France cherchait de longue date à améliorer la transparence de son action sans nuire pour autant à son efficacité. En particulier, le législateur est intervenu à plusieurs reprises, entre 1978 et 1979, afin de faciliter l'accès des usagers aux documents administratifs et aux archives publiques.

Il a indiqué que, confortant cette démarche d'ouverture, le précédent gouvernement avait déposé sur le Bureau du Sénat en 2006 deux projets de loi relatifs aux archives : l'un, ordinaire, à caractère général, l'autre, organique, consacré au Conseil constitutionnel. S'appuyant sur différentes réflexions, notamment sur le rapport Braibant, paru en 1996 sur Les archives en France, ces textes visent, d'une part, à améliorer la protection des archives, d'autre part, à en faciliter l'accès afin de répondre aux besoins exprimés par les citoyens, soucieux de consulter plus rapidement les sources de leur histoire collective.

En premier lieu, il a mis en avant la nécessité de protéger efficacement les archives, non seulement parce qu'elles constituent, pour leurs propriétaires, la mémoire de leur activité et assurent la sauvegarde de l'histoire collective, mais encore parce qu'elles permettent de justifier les droits des personnes.

S'il appartient à toute personne de veiller à la conservation de ses propres archives privées, il incombe en revanche à l'Etat, a-t-il précisé, de conférer un statut particulièrement protecteur à deux catégories d'archives qui présentent un intérêt administratif ou historique essentiel : d'une part, les archives publiques, c'est-à-dire les archives produites par une personne publique ou une personne privée investie d'une mission de service public, d'autre part, les archives privées classées, c'est-à-dire les archives appartenant à des personnes privées qui ont fait l'objet d'une procédure de classement, eu égard à leur « intérêt public ».

En second lieu, M. René Garrec, rapporteur, a expliqué que les projets de loi facilitaient l'accès aux archives publiques, saluant l'affirmation du principe de libre communicabilité de ces dernières, assorti de délais spéciaux de vingt-cinq, cinquante ou cent ans en fonction de la nature des documents protégés. Ces délais, a-t-il indiqué, sont raccourcis par les projets de loi, citant l'exemple des documents portant atteinte au secret des délibérations du gouvernement, désormais communicables à l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans, au lieu de trente ans, ou des documents susceptibles de mettre à mal le secret de la défense nationale, dont le délai de communication passe de soixante à cinquante ans. Présentant le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel, il a expliqué que son principal objectif était d'abaisser le délai de communication de soixante à vingt-cinq ans.

Il s'est également félicité de ce que les projets de loi consacrent le principe de gratuité de l'accès aux archives publiques, y compris des archives du Conseil constitutionnel. En revanche, il lui est apparu légitime de facturer, au même titre que pour les documents administratifs, les reproductions d'archives, dont le coût peut être très élevé pour les deniers publics.

M. René Garrec, rapporteur, a souligné la consécration juridique, par le projet de loi, de l'existence de protocoles d'archives conclus avec des autorités politiques. Ces protocoles, a-t-il rappelé, sont nés dès le début des années 1980 pour contourner les difficultés de la loi de 1979 sur les archives qui soumettait au droit commun du code du patrimoine les archives des plus hautes autorités de l'Etat, à savoir un délai de communicabilité de trente ans (sauf exceptions), la perte par les autorités politiques de l'accès à leurs archives et la délivrance des autorisations de consultation anticipée par le titulaire de la fonction au moment de la présentation de la demande. Face au risque que cette situation n'entraîne des fuites ou des destructions d'archives au moment des alternances, des « protocoles de remises » ont vu le jour au début des années 1980, puis se sont généralisés. Ce succès repose en grande partie sur les avantages que ces « protocoles de remise » consentent à la personnalité versante qui dispose de la maîtrise totale de l'accès aux documents pendant un délai allant de trente ans pour les ministres à soixante ans pour le Président de la République et le Premier ministre. Elle peut y accéder elle-même sans aucune restriction et toute autre communication, y compris à son successeur, est soumise à son autorisation écrite. Il a souligné que le projet de loi ordinaire proposait opportunément de conférer une base légale à ces protocoles.

M. René Garrec, rapporteur, a ensuite proposé de compléter le projet de loi par deux mesures destinées à conforter l'effort d'accessibilité des documents relatifs à la vie publique :

- permettre une diffusion générale des archives publiques, par exemple par une mise en ligne sur Internet, dès l'expiration des délais de communication ;

- ouvrir plus largement les archives judiciaires audiovisuelles.

En revanche, après avoir rappelé l'importance du droit au respect de la vie privée face à l'allongement de l'espérance de vie, il a jugé trop court le délai de cinquante ans proposé par le texte pour les documents dont la communication est susceptible de porter atteinte à la vie privée, tels que les affaires portées devant les juridictions et les actes authentiques établis par les notaires. Il a proposé, en conséquence, de porter ce délai à soixante-quinze ans.

Par ailleurs, il a souhaité aligner le régime de communication des actes d'état civil sur celui des documents portant atteinte à la protection de la vie privée.

Il a également souhaité réaffirmer le principe d'autonomie des assemblées parlementaires. Relevant que le projet de loi prévoyait, d'une part, d'obliger les assemblées à verser leurs archives définitives aux Archives nationales, d'autre part de soumettre les assemblées au contrôle scientifique et technique de l'administration des archives, il a jugé ces mesures étonnantes eu égard au maintien de l'autonomie des ministères des Affaires étrangères et de la Défense en matière d'archivage et, en tout état de cause, contraires au principe constitutionnel d'autonomie des assemblées, en vertu duquel ces dernières définissent elles-mêmes les règles qui leur sont applicables, et ce afin de protéger les parlementaires de pressions de l'exécutif susceptibles de mettre à mal la séparation des pouvoirs. En conséquence, il a proposé d'insérer, dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires, un article de principe consacrant explicitement la compétence des assemblées dans la définition des modalités de collecte, classement, conservation et communication de leurs archives respectives.

Il a également plaidé pour la définition d'un statut pour les archives conservées par les intercommunalités, compte tenu de leur essor.

Expliquant que tout document administratif devient, dès sa création, une archive publique, même s'il est conservé dans le service producteur, il a mis en exergue la nécessité de rapprocher les régimes de 1978 sur les documents administratifs et de 1979 sur les archives, relevant que les difficultés actuelles d'articulation entre les deux régimes se traduisent, au mieux, par des redondances, au pire, par des contradictions. En conséquence, il a souhaité que s'engage dans les plus brefs délais une réforme encore plus ambitieuse consistant en la réécriture complète de la loi de 1978 afin de clarifier les régimes d'accès aux documents administratifs et aux archives publiques.

M. Christian Cointat s'est demandé quels étaient les délais applicables aux archives du Président de la République.

Il s'est réjoui de l'abaissement à vingt-cinq ans du délai de communication des archives du Conseil constitutionnel, relevant que leur consultation permettrait d'éclairer le sens de certaines décisions constituant des revirements de jurisprudence, citant la récente décision sur la loi organique relative à la Polynésie française.

Il s'est par ailleurs étonné que les dossiers de contentieux électoral soient communicables à l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans pour les élections législatives et sénatoriales du fait de la compétence du Conseil constitutionnel en la matière, alors que ceux des élections locales ne le sont qu'à l'issue d'un délai de cinquante ans en raison de la compétence des juridictions administratives.

Souscrivant à ce propos, M. Robert Badinter a relevé que si le Conseil constitutionnel était plus une institution ou un pouvoir public constitutionnel qu'une juridiction lorsqu'il statue sur la conformité à la constitution d'une loi, d'un règlement des assemblée ou d'un traité, il n'en était pas de même lorsqu'il se prononce sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs, cette mission le rapprochant davantage d'une juridiction « ordinaire ». Or, a-t-il précisé, le délai proposé par le projet de loi pour les archives judiciaires est de cinquante ans et non vingt-cinq, alors même que ces documents, à la différence des comptes rendus de délibérés du Conseil constitutionnel, ne contiennent pas de pièces dont la consultation soit de nature à porter atteinte au secret des délibérés, principe fortement ancré dans la tradition juridique française.

Sous cette réserve, M. Robert Badinter s'est réjoui du raccourcissement des délais de communication des travaux du Conseil constitutionnel, cette évolution lui paraissant de nature à favoriser les recherches juridiques ou historiques.

En réponse, M. René Garrec, rapporteur, a indiqué que les archives du Président de la République seraient désormais communicables après vingt-cinq ans, sauf application de délais spéciaux dans les conditions du code du patrimoine (cinquante ans par exemple en cas d'atteinte à la sécurité publique ou au secret de la défense nationale). Il a par ailleurs souligné que le projet de loi organique confirmait la possibilité pour les chercheurs d'obtenir des dérogations pour consulter de manière anticipée les archives du Conseil constitutionnel et ainsi mieux comprendre le sens des décisions rendues par cette instance. Enfin, il a déclaré, d'une part, que l'existence de deux délais différents en matière de contentieux électoral n'était pas imputable au projet de loi, le délai actuel de soixante ans étant d'ores et déjà dérogatoire au délai de cent ans applicable aux archives judiciaires, d'autre part, qu'il jugeait préférable de prévoir, pour les archives du Conseil constitutionnel, un délai unique de vingt-cinq ans dans un souci de simplification.

Abordant la question des archives judiciaires audiovisuelles, M. Robert Badinter a regretté que les juridictions ne fassent pas un usage plus actif de la faculté, offerte par la loi du 11 juillet 1985, de procéder à l'enregistrement audiovisuel de certaines audiences, relevant qu'outre les « grands procès » indispensables pour le travail historique, les affaires ordinaires présentaient également un intérêt majeur pour la compréhension de la vie judiciaire et, au-delà, pour la connaissance des évolutions de la société.

Il a craint que l'assouplissement du régime de communication proposé par l'amendement n'incite encore plus les juridictions à ne procéder qu'à l'enregistrement des procès historiques, et non à ceux de la justice quotidienne.

M. Pierre Fauchon a mis en garde contre le risque de conserver des archives judiciaires audiovisuelles trop nombreuses et a plaidé pour un « devoir d'oubli » dans un souci d'apaisement des conflits.

M. Jean-Claude Peyronnet s'est demandé comment les juridictions pourraient, parmi les millions d'audiences organisées chaque année, sélectionner celles qui paraissent le plus intéressantes pour l'histoire.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

Après l'article premier, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de clarifier la définition des archives.

A l'article 2 (définition des archives publiques), elle a adopté un amendement consacrant l'autonomie des assemblées dans la gestion de leurs archives.

A l'article 3 (collecte, conservation et protection des archives publiques), la commission a adopté, outre trois amendements rédactionnels, un amendement de clarification et un amendement de coordination, deux amendements tendant à prévoir que les services administratifs d'archives et les sociétés privées d'archivage respectent bien non seulement les conditions d'accès et de communication, mais encore des critères de sécurité et de conservation.

Avant l'article 4, M. René Garrec, rapporteur, a présenté un amendement tendant insérer un article additionnel afin de définir un régime de conservation applicable aux archives produites par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Après que M. Jean-Jacques Hyest, président, eut manifesté le souhait de prendre en compte également les syndicats intercommunaux, la commission a étendu le dispositif à l'ensemble des groupements de collectivités territoriales et a adopté l'amendement ainsi modifié.

A l'article 4 (recrutement des directeurs des services départementaux d'archives parmi les seuls conservateurs ou conservateurs généraux du patrimoine de l'Etat), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Après l'article 4, elle a adopté deux amendements tendant à insérer des articles additionnels afin de compléter le statut des archives produites par les groupements de collectivités territoriales.

A l'article 5 (allongement du délai de la procédure de classement d'archives privées), elle a adopté un amendement de suppression de l'article afin de maintenir le délai actuel de six mois à l'issue duquel l'administration peut décider de classer des archives privées.

A l'article 11 (délai de communicabilité des archives publiques), M. René Garrec, rapporteur, après avoir rappelé que le projet de loi fixait un délai de cinquante ans, ou, s'il est plus bref, de vingt-cinq ans à compter de la date de décès de l'intéressé, pour les documents susceptibles de porter atteinte à la vie privée, a présenté un amendement tendant à porter ces délais respectivement à soixante-quinze ans et dix ans.

M. Robert Badinter ayant approuvé l'allongement du délai à soixante-quinze ans mais jugé trop court le délai de dix ans à compter de la date du décès de l'intéressé, la commission a décidé de porter ce délai à vingt-cinq ans et a adopté l'amendement ainsi modifié.

La commission a également adopté un amendement tendant à permettre une diffusion générale des archives dès l'expiration des délais de communication, ainsi que cinq amendements de coordination et trois amendements rédactionnels.

Après l'article 11, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir une communication immédiate des archives judiciaires audiovisuelles dès lors qu'elle est sollicitée à des fins historiques ou scientifiques.

Aux articles 12 (dispositions pénales du code du patrimoine) et 13 (coordination avec les dispositions applicables à Mayotte), elle a adopté deux amendements de coordination.

A l'article 15 (précisions sur les fonctions notariales des cadis à Mayotte), elle a adopté un amendement de coordination et un amendement rédactionnel.

A l'article 16 (coordination avec les dispositions applicables dans les îles Wallis et Futuna), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 19 (coordination avec la loi de 1951 sur le secret en matière de statistiques), elle a adopté un amendement rédactionnel et un amendement de coordination.

Après l'article 20, elle a adopté sept amendements tendant à insérer sept articles additionnels. Outre un amendement de coordination, ils visent à :

- appliquer un délai de communication de vingt-cinq ans pour les commissions d'enquête parlementaires ;

- affirmer l'autonomie des assemblées dans la gestion de leurs archives respectives ;

- clarifier la notion d'« actes des assemblées parlementaires » ;

- harmoniser les définitions et les régimes de communication des documents administratifs et des archives publiques ;

- harmoniser les régimes de compétence de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) pour les documents administratifs et les archives publiques.