Mardi 22 janvier 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.

Transports - Audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, dans le cadre des travaux de la mission d'information « Transports terrestres ».

M. Dominique Bussereau s'est félicité de la création, par la commission des affaires économiques, en octobre dernier, d'une mission d'information sur le financement des infrastructures de transport. Constatant les délais très serrés imposés aux travaux de la mission, il a salué l'implication des sénateurs et de son président en particulier, M. Francis Grignon. Résumant la problématique à laquelle doit répondre la mission d'information, il a évoqué les besoins en infrastructures de transport en France, leur mode de financement et modalités de réalisation, dans un contexte contraint pour les finances publiques. Mentionnant le souhait de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, de présenter au Parlement au printemps prochain un inventaire précis des projets d'infrastructures de transport à financer, M. Dominique Bussereau a déclaré qu'une loi cadre éventuellement suivie d'un Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) fixerait la liste des projets finalement retenus. Se référant au discours du Président de la République du 25 octobre 2007 à la suite des conclusions du Grenelle de l'environnement, il a réitéré l'engagement de l'Etat en faveur d'une « politique d'investissement massif dans les transports » centrée sur les infrastructures alternatives à la route. Il a insisté sur la nécessité d'un développement volontariste des transports urbains et périurbains collectifs, des lignes ferroviaires, mais également des voies fluviales et maritimes. A cette occasion, il a mis l'accent sur l'intérêt qu'il porte à la question des ports français et au report modal, rappelant sa visite la veille, au Havre, en compagnie notamment des sénateurs Charles Revet et Alain Gérard.

Faisant part de l'obligation pour la France de disposer d'infrastructures durables, dont le financement soit assuré, il a indiqué avoir mis en place, en accord avec M. Jean-Louis Borloo, 33 « comités opérationnels » chargés de décliner matériellement les décisions du Grenelle. Evoquant celui relatif aux transports urbains et périurbains, il a déclaré que, suite aux propositions du député Michel Destot, 4 milliards d'euros seraient investis par l'Etat en Ile-de-France et 4 milliards hors Ile-de-France, en complément des investissements des collectivités territoriales. Ceci concerne quasiment tous les projets existants de métropolitains, de tramways et de transport en sites propres.

A propos du deuxième volet consacré aux Lignes à Grande Vitesse (LGV) et au réseau ferroviaire, M. Dominique Bussereau a déclaré que le ministère mènerait les actions suivantes :

- la mise à niveau du réseau existant pour éviter les ralentissements des trains ;

- la construction de 2.000 kilomètres de lignes à grande vitesse d'ici à 2020, suite aux CIADT de 2003 et 2005, puis une étude sur la reprogrammation au-delà de 2020 de 2.500 kilomètres supplémentaires ;

- la poursuite des interconnexions entre les aéroports et les TGV, notamment à Orly, car aujourd'hui seuls les aéroports de Roissy et Lyon Saint-Exupéry sont correctement desservis ;

- l'organisation d'ici l'été 2008 de concertations autour du programme de LGV et l'engagement de négociations avec les collectivités territoriales, dont la Bretagne, le Poitou-Charentes, les Pays de la Loire et l'Aquitaine, sur les priorités, les tracés, les alternatives à la grande vitesse et les clefs du financement. Ce genre de concertation constitue un exercice difficile, comme l'a montré l'expérience du TGV Est.

M. Dominique Bussereau a ensuite évoqué le dernier volet consacré au développement du fret non routier.

En matière de développement du fret ferroviaire, enfin, l'objectif fixé par le Président de la République porte sur l'augmentation d'un quart, d'ici à 2012, de la part de marché du fret non routier. Ceci suppose de :

- développer les autoroutes ferroviaires, car les deux lignes actuellement aménagées connaissent un trafic croissant. Il est prévu le lancement d'un programme complémentaire d'itinéraires (Alpes, Sud-ouest, Luxembourg-Perpignan) et La Poste souhaite désormais utiliser le train et non l'avion pour les livraisons de courte distance. En outre, le projet de TGV Fret (appelé CAREX), soutenu notamment par les élus du Val d'Oise, tend à créer à Roissy-Charles de Gaulle une gare pour des trains adaptés au transport, sur des distances moyennes, de containers pour les colis d'entreprises comme Fedex ou DHL, ce qui limiterait les nuisances liées aux vols de nuit ;

- promouvoir le transport combiné, c'est-à-dire la combinaison d'au moins deux modes de transport au sein d'une même chaîne, sans rupture de charge, tout en minimisant les trajets par route. Ce développement est essentiel compte tenu du développement mondial du transport par container. Dans cette perspective, M. Dominique Bussereau a évoqué la mise en place de « trains longs » sur les deux axes Nord-Sud car l'Espagne exprime de forts besoins en la matière, la révision du système d'aides qui est un peu ancien, le développement des capacités sur l'axe atlantique après la mise en service de la ligne LGV SEA entre Tours et Bordeaux en 2013 et, enfin, l'ouverture déjà réalisée des sillons aux opérateurs ;

- développer le transport fluvial, qui a repris des parts de marché importantes ces dernières années, à travers la signature l'an prochain du contrat relatif au canal Seine-Nord Europe, la préparation du débat public sur la liaison Saône-Moselle prévue en 2009 et le renouvellement du plan d'aide à la modernisation de la batellerie sur la période 2008-2009 ;

- lancer un nouveau programme d'autoroutes maritimes, d'une part sur la façade atlantique (France-Espagne), d'autre part sur la Méditerranée (France-Italie, France-Espagne) sans oublier l'amélioration des voies existantes entre Dunkerque-Calais-Normandie et l'Angleterre.

M. Dominique Bussereau a enfin rappelé sa volonté de maintenir à son niveau actuel la capacité routière globale sauf pour éliminer les points de congestion, pour traiter les problèmes de sécurité ou pour répondre à des enjeux locaux. Il a précisé que selon lui le Grenelle de l'environnement ne signifiait pas la « fin de la route et de l'autoroute ».

Abordant la question du financement de ces projets, M. Dominique Bussereau a estimé qu'il avait présenté de façon objective et transparente au Parlement, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2008, les difficultés auxquelles il était confronté. A compter de 2009, les ressources pérennes de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ne seront pas suffisantes non seulement pour assumer la charge supplémentaire liée aux engagements du Grenelle de l'environnement, mais encore pour financer la poursuite des programmes déjà décidés.

En effet, les produits de cession des sociétés d'autoroute, qui avaient permis une dotation exceptionnelle à l'AFITF de 4 milliards d'euros en 2006, seront épuisés dès 2009. Le produit de la redevance domaniale due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes devrait s'élever à 180 millions d'euros, le produit de la taxe dite d'aménagement du territoire atteindrait 540 millions d'euros et le solde du produit des amendes perçues par les radars automatiques oscillerait entre 100 et 200 millions d'euros. Il en a conclu que l'AFITF, en l'état actuel des choses, ne bénéficierait que de 900 millions d'euros environ en 2009, alors que les besoins annuels de financement sont estimés à plus de 3 milliards compte tenu de l'impact du Grenelle de l'environnement.

Evoquant d'une part le contexte de très forte tension sur nos finances publiques auquel il est particulièrement sensible en tant qu'ancien ministre du budget, et, d'autre part, la distinction entre les sources de financement de court terme et celles de long terme, il a présenté trois séries de pistes de réflexion.

Tout d'abord pour « en avoir plus pour son argent », M. Dominique Bussereau s'est déclaré favorable au développement des contrats de partenariats public-privé (PPP), conformément aux orientations fixées par le Premier ministre. Ces contrats permettront non seulement d'accélérer la réalisation d'infrastructures tout en respectant les coûts et les délais, mais encore de lisser la charge de la construction, de l'entretien et de la maintenance des infrastructures sur longue période. Un projet de loi relatif à la «  stimulation des partenariats public-privé » a été adopté en Conseil des ministres le 3 janvier dernier. Par ailleurs, la question du choix des investissements publics devrait être davantage guidée par des critères économiques, environnementaux et techniques. Il est envisageable d'affecter à l'AFITF le reliquat de produits de privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroute, d'un montant de plus de 300 millions d'euros, inscrit dans les comptes de l'établissement « Autoroutes de France ». Il a par ailleurs approuvé l'idée d'affecter des produits de cessions des actifs non stratégiques de l'Etat au financement d'infrastructures de transport, une telle opération ne constituant en aucun cas un « appauvrissement de l'Etat », mais un simple remplacement d'actifs financiers peu stratégiques par des actifs créateurs de richesse. Il a ajouté que le recours de l'AFITF à l'emprunt serait de bon aloi, à condition de respecter un plafond déterminé en loi de finances. En termes financiers, cette mesure peut rencontrer quelques obstacles compte tenu du niveau d'endettement des administrations publiques et des règles budgétaires communautaires, a-t-il reconnu, mais cet emprunt est justifié en termes économiques, comme le savent les présidents des conseils régionaux et généraux, car il s'agit d'investissements structurants dont la réalisation rapide conditionne les perspectives de croissance de moyen terme du pays. Il faut également réfléchir à des solutions de financement innovantes, à l'instar du système britannique des plaques d'immatriculation personnalisées payantes, qui constituerait une éventuelle recette d'appoint.

Abordant la deuxième série de pistes de réflexion consacrée à la contribution des sociétés d'autoroutes, il a rappelé l'impératif pour l'Etat de respecter l'équilibre des contrats de concession. Il s'est interrogé sur les possibles aménagements de la redevance domaniale ou de la taxe dite d'aménagement du territoire, sur la hausse de certains tarifs, la modification du rythme de leur versement pour financer à court terme l'AFITF et sur le recours à un système d'enchères lors du renouvellement des concessions.

La troisième série de réflexions sur les ressources nouvelles de l'AFITF s'articule autour de trois thèmes : allouer à l'Agence une dotation budgétaire ; lui affecter des ressources existantes ; créer de nouvelles taxes. S'agissant des dotations budgétaires, M. Dominique Bussereau a précisé que ce moyen avait déjà été utilisé en 2006 à hauteur de 62 millions d'euros. L'affectation à l'AFITF de ressources existantes pourrait concerner le reliquat de taxes sur les bureaux, bénéficiant actuellement au fonds d'aménagement pour l'Ile-de-France, le produit des amendes forfaitaires majorées liées à la police de la circulation ainsi qu'une fraction de la taxe sur les véhicules des sociétés, modulée en fonction des émissions de CO2.

M. Dominique Bussereau a ensuite évoqué la création de nouvelles taxes pour financer l'AFITF, rappelant l'engagement du Président de la République, lors des conclusions du Grenelle de l'environnement, sur la mise en place d'une taxe kilométrique sur les poids lourds, rapportant environ 900 millions d'euros par an dès 2011. Conformément à la directive communautaire « Eurovignette », cette taxe sera payée par les véhicules de plus de 12 tonnes qui circuleront sur les autoroutes non concédées et sur les routes nationales. Cette taxe pourrait s'appliquer sur certaines routes départementales congestionnées si le conseil général le souhaite, auquel cas il pourrait récupérer les sommes collectées. Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, le Gouvernement essaiera de faire évoluer la directive « Eurovignette ». D'autres types de prélèvement ont été ensuite évoqués, comme le prélèvement sur les plus-values foncières résultant de la réalisation de nouvelles infrastructures terrestres afin qu'une part des bénéfices issus de la construction d'infrastructures puisse revenir au financement de ces infrastructures, ou encore un prélèvement appelé « ad valorem » sur les chargeurs au titre des factures de transport terrestre acquittées. Ce dernier constituerait une recette transitoire en attendant 2011. M. Dominique Bussereau a mentionné enfin la proposition de la mission d'information d'instaurer une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurances, mais il a considéré que cette mesure, en dépit de son fort rendement, devait être étudiée avec prudence pour tenir compte de son impact sur le pouvoir d'achat des Français et de sa compatibilité avec la création récente du bonus/malus sur les véhicules légers.

Il a rappelé enfin le très grand besoin de financement d'infrastructures nouvelles dans les collectivités ultra-marines.

Evoquant le projet de relance des ports français annoncé récemment par le Premier ministre, M. Dominique Bussereau a rappelé que la France avait perdu la moitié de son trafic de containers, que le port de Marseille était distancié notamment par Barcelone et Rome et que la SNCF avait acheté de nouvelles locomotives pour tirer les trains de fret à Anvers ou Rotterdam alors que techniquement le port du Havre, par exemple, pourrait réaliser le même type de prestation. Il a ajouté que l'objectif du plan de relance des ports français était la création de 30.000 emplois et l'augmentation du trafic de containers. Alors que la moitié du trafic de containers du port d'Hambourg passe par le fret ferroviaire, ce taux varie entre 13 et 16 % pour le port du Havre.

Insistant sur la nécessité d'imaginer de nouvelles sources de financement pour l'AFITF, il a indiqué que le projet de loi instituant la redevance poids lourds serait bientôt débattu par le Parlement. Comme cette redevance ne pourra couvrir à elle seule l'ensemble des besoins évoqués, M. Dominique Bussereau a conclu en déclarant se mettre à l'écoute des sénateurs pour obtenir des idées nouvelles de financement.

M. Francis Grignon, président de la mission d'information, a tenu à indiquer qu'il s'exprimait à titre individuel, et non en tant que président de la mission d'information, puisque le rapport ne serait présenté devant la commission des affaires économiques que fin janvier. Il a ensuite déclaré que les deux mois d'auditions menées dans le cadre de ladite mission lui avaient permis de mieux cerner les enjeux de compétitivité économique, d'aménagement du territoire et de développement durable liés à la question des infrastructures de transport. Si la France est globalement bien dotée en infrastructures de transport, celles-ci sont vieillissantes et appellent des « régénérations musclées » pour les routes et surtout pour les voies ferrées. Il a déploré le mauvais départ du fret en France, ainsi que les relations complexes entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF). Il a par ailleurs mis l'accent sur les économies à réaliser, auxquelles le rapport de la mission d'information consacrera un chapitre entier.

Il a ensuite plaidé pour une utilisation plus rationnelle des infrastructures actuelles. Préférant parler de redevance d'usage plutôt que de taxe poids lourds, il a souhaité une modulation de l'utilisation des routes selon le temps et l'espace grâce à des instruments satellitaires utilisés dans les véhicules comme cela est fait ailleurs en Europe. Concernant les voies ferrées, il a considéré que l'utilisation des sillons ne devait pas être réservée aux seuls TGV. Il a en outre souligné la nécessité de mieux gérer le coût des travaux d'exécution d'infrastructure, en évoquant d'une part l'existence d'échangeurs d'autoroutes « luxueux », d'autre part l'absence de massification des commandes de la SNCF et de RFF qui majore la facture de 15 %.

Concernant le financement de l'AFITF, M. Francis Grignon a souhaité au préalable que l'expérimentation de la redevance d'usage en Alsace en 2010, un an avant sa généralisation au niveau national, ne porte pas préjudice à cette région et qu'une plus grande cohérence soit trouvée entre l'échelon local et l'échelon national. Parmi les pistes de ressources nouvelles évoquées dans le rapport de la mission d'information, il a évoqué la taxation des plus-values foncières, la hausse des contributions des sociétés concessionnaires d'autoroutes, le recours prudent aux partenariats public-privé et la création d'autres recettes annexes. A ce titre, il a évoqué l'aménagement d'espaces publicitaires payants sur les aires de repos d'autoroutes ou la présence d'activités commerciales, à l'instar de ce qui se passe actuellement dans certaines gares TGV, pour lever les fonds destinés à financer les infrastructures de transport. Il existe une batterie de propositions qui présentent un intérêt commercial certain et qui constituent une source de financement pour les infrastructures de transport.

Abordant le thème de l'organisation de l'AFITF, il a refusé que l'on modifie la composition de son conseil d'administration et ses missions, craignant de transformer l'Agence en « usine à gaz ». Il a souligné avec force la nécessité d'un financement de l'AFITF « dédié, fléché, pérennisé » et indépendant des choix du ministère de l'économie et des finances et plaidé pour une planification à long terme des projets d'infrastructures sélectionnés par les pouvoirs publics afin que les Français acceptent les efforts financiers qui leur seront demandés.

M. Dominique Bussereau s'est déclaré favorable à l'idée de programmer à long terme les projets d'infrastructures de transport et il a rappelé les engagements pris en la matière par M. Jean-Louis Borloo.

Il a reconnu que l'on avait commis l'erreur en France de ne pas entretenir régulièrement le réseau ferroviaire et de supprimer définitivement les lignes et les rails de chemins de fer qui n'étaient plus fréquentés, alors qu'en Allemagne, la Deutschbundesbahn a pu réutiliser fort opportunément des voies délaissées vingt ans plus tôt.

Après avoir rappelé la nécessité d'une réforme du fret ferroviaire pour mieux utiliser les sillons et gagner en efficacité économique, il a annoncé la création d'une autorité de régulation pour éviter les conflits entre la SNCF et RFF. Il s'est dit opposé au projet de M. Jean-Claude Gayssot de réintroduire le trafic de voyageurs sur certaines lignes actuellement dédiées au trafic de marchandises. Il a souhaité en outre que les présidents de conseils généraux acceptent la suppression de certains TER sous-utilisés pour dégager des marges de manoeuvre en faveur du transport par fret, estimant que l'intérêt général n'était pas réductible à la défense des intérêts des usagers de transports en commun.

A propos des contrats de travaux passés entre la SNCF et RFF, il a jugé que des mesures comme le travail la nuit sur les voies, l'allongement de la plage horaire d'intervention ou encore l'utilisation de bus de remplacement pendant quelques semaines, étaient susceptibles d'épargner jusqu'à 25 % sur les factures actuelles.

Quant à l'expérimentation de la redevance poids lourds en Alsace, il a assuré que le système technologique alsacien serait compatible avec celui choisi au niveau national.

Il a ajouté qu'il était favorable :

- à l'installation de commerces dans les gares SNCF, comme en Allemagne ;

- à la réappropriation des vieilles gares de triage ou d'infrastructures inutilisées, souvent situées en plein centre ville, tout en veillant à ne pas prendre de décisions irréversibles ;

- à l'augmentation avec précaution des tarifs des péages ferroviaires, qui fait d'ailleurs l'objet actuellement de négociations entre la SNCF, RFF et l'Etat, afin de financer l'entretien et le développement du réseau ferré ;

- à la valorisation des aires de repos sur autoroutes ;

- à la création de nouvelles sources de financement, en évoquant les centres logistiques qui vont s'implanter le long du canal Seine-Nord et qui permettront de financer une partie de cette infrastructure.

A propos des partenariats public-privé (PPP), il a rappelé qu'ils permettaient d'accélérer le processus de financement. Se référant à deux projets non encore validés, à savoir les prolongations de Lignes Grande Vitesse Toulouse-Paris et Nice-Paris, il a insisté sur l'intérêt d'utiliser les PPP pour financer des projets à la rentabilité garantie.

Il a conclu en rappelant que le taux de rentabilité de la Ligne Grande Vitesse Paris-Strasbourg avait été largement revu à la hausse, le train occupant désormais 60 % des parts de marché, sans doute parce que cette ligne a créé sui generis de nouveaux besoins, notamment touristiques.

M. Charles Revet, après avoir remercié le ministre pour sa présence la veille sur le port du Havre, premier port de l'Europe du Nord ouvert sur l'Atlantique, s'est déclaré inquiet du retard français en matière de gestion des sillons, alors que le trafic de containers en France va considérablement augmenter. Il a souhaité une modification de la réglementation applicable aux marchés publics afin que les investissements privés ne soient plus systématiquement moins onéreux que les investissements publics. Concernant le trafic ferroviaire, il s'est interrogé sur la possible réutilisation de rails pour le fret pour renforcer la compétitivité de la France et il s'est dit favorable à une hausse des tarifs voyageurs, à condition que la fiabilité des horaires soit accrue.

M. René Beaumont a affirmé que le fret ferroviaire était moribond en dépit des promesses des anciennes ministres de l'environnement de doubler son trafic. Il a plaidé pour l'entrée sur le marché du transport de marchandises d'entreprises privées, notamment étrangères, pour relancer le trafic. S'interrogeant sur l'avenir du trafic fluvial, il a souhaité connaître les délais de réalisation du projet Seine-Nord et du projet Moselle-Saône. Il s'est ensuite interrogé sur les suites données au projet Europe atlantique et au dossier des concessions d'autoroutes.

M. Dominique Braye a déploré le « droit de rançon » que s'arrogeait la SNCF ou RFF pour autoriser les collectivités territoriales à réutiliser les terrains occupés par les anciennes gares désaffectées, alors que, dans le même temps, les collectivités territoriales doivent construire beaucoup de logements sociaux. Il a ensuite demandé au ministre s'il comptait appuyer le dossier de l'autoroute A 51 aux environs de Gap, car il s'agissait selon lui d'une « autoroute écologique ». Sur ce point, il a appelé le ministre à résister aux exigences de groupes « idéologues » et « dogmatiques ».

M. Paul Raoult, après s'être réjoui de la signature prochaine du contrat du canal Seine-Nord, a souhaité que l'appel d'offres soit effectué au niveau de chacune des sections concernées et non au niveau global du linéaire, afin de ne pénaliser ni les petites et moyennes entreprises ni les artisans. Il a ensuite défendu le projet de la RN 2 contre l'idée de l'autoroute A24, estimant que ce projet soulagerait la liaison Pays-Bas/Belgique, serait techniquement plus facile à réaliser, éviterait de passer par l'autoroute A1 et pourrait s'accompagner d'un péage routier. Il s'est dit offusqué par l'annonce récente, dans la presse régionale, de la fermeture, le matin, des guichets physiques de la gare SNCF du Quesnoy, sans concertation avec les membres du comité des lignes, alors que cette gare compte 1 500 usagers chaque jour. Il a souhaité que les services techniques du ministère cherchent à résoudre l'incohérence du tracé du réseau de chemins de fer, notamment entre Cambrai et Douai. Il a enfin encouragé la création de voies supplémentaires sur les voies ferrées, notamment près de Maubeuge, pour permettre aux trains directs de dépasser les trains à arrêts multiples.

Mme Evelyne Didier, après avoir rappelé que ses collègues n'étaient ni des « idéologues », ni des « dogmatiques », s'est interrogée sur une définition large de la notion de rentabilité pour évaluer les projets d'infrastructures, afin de ne pas répéter les erreurs des acteurs industriels qui avaient laissé certains territoires français en dehors du développement de la téléphonie mobile.

M. Claude Biwer, après avoir rappelé que le TGV-Est avait été en partie financé par les collectivités territoriales, s'est demandé qui allait, à l'avenir, conduire la politique d'investissement massif en matière d'infrastructures de transport, estimant pour sa part qu'il ne fallait pas diluer les responsabilités. Il s'est ensuite interrogé sur les inconvénients, en termes d'offre de trains, qu'a provoqués paradoxalement la mise en service du TGV-Est pour les habitants de la Meuse et a regretté la réduction des horaires d'ouverture des guichets physiques. Puis il a fait part de son étonnement devant le manque d'entretien, notamment en territoire français, de la ligne Calais-Bâle et de l'impact négatif qui en découlait sur l'image de la France à l'étranger.

Rappelant sa participation à la mission d'information sur le financement des infrastructures de transports terrestres, il a indiqué qu'il ne souhaitait pas voir l'AFITF devenir une instance de choix et de gestion des infrastructures de transport ; il a plaidé pour l'instauration d'une taxation des plus-values foncières générées non seulement par la construction d'une gare ferroviaire, mais également par la mise en service de routes en zone rurale, source de richesse considérable, déclarant que les élus locaux ne seraient pas hostiles à une telle taxe.

M. Jean Desessard s'est réjoui de constater que la majorité sénatoriale et le Gouvernement s'étaient ralliés à l'idée d'une redevance sur les poids lourds et à la taxation des plus-values foncières. Il a souhaité ensuite avoir des exemples précis des pistes de financement de l'AFITF, s'agissant notamment du produit de cessions des concessions d'autoroutes. Il a déclaré que les causes du retard français en matière de fret ferroviaire étaient largement imputables à la préférence de la SNCF pour le trafic de voyageurs au détriment du trafic de marchandises et estimé que les choix actuels de la SNCF étaient erronés parce qu'obéissant à une logique de court terme et de rentabilité immédiate, négligeant l'aménagement du territoire. La création de 2 000 km de Lignes à Grande Vitesse était un objectif trop timoré, a-t-il ajouté, comme d'ailleurs le projet de plan de transport en Ile-de-France. Soulignant la longueur excessive de la réalisation de travaux, il a dénoncé le rôle de bouc-émissaire longtemps attribué aux syndicats et s'est demandé s'il existait un audit sérieux sur cette question.

M. Bernard Dussaut s'est interrogé sur l'état d'avancement du dossier du contournement ouest de Bordeaux, décision prise avant le Grenelle de l'environnement et dont la réalisation ne devait pas dépendre de celui-ci.

M. Yannick Texier a demandé si le projet d'aéroport de Notre-Dame-Des-Landes risquait d'être annulé du fait du Grenelle de l'environnement, rappelant que les travaux devaient commencer en 2008-2009. Il s'est également interrogé sur la qualité des liaisons ferroviaires qui desserviraient l'aéroport et sur l'état d'avancement des projets de lignes à grande vitesse Paris-Quimper et Paris-Brest.

En réponse aux différents intervenants, M. Dominique Bussereau a apporté les éléments suivants :

- parmi les pistes de financement des infrastructures de transport figurent celle de taxer les plus-values foncières liées à leur mise en place et la possibilité donnée aux collectivités territoriales d'instituer des péages urbains, ceux-ci existant dans de nombreux pays européens ;

- l'un des avantages des partenariats public-privé est de réduire les délais de construction ;

- les voies d'évitement ne sont pas toujours adaptées aux « trains lourds », ce qui nécessitera des ajustements ; une nouvelle gestion des sillons sera également nécessaire pour les petites voies desservant notamment les ports ou les silos, qui sont quelque peu délaissées, et sur lesquelles pourraient intervenir des opérateurs de proximité, sur le modèle allemand ;

- le développement du fret ferroviaire en France viendra de l'intervention des opérateurs de proximité : fin 2007, 6 à 7 % du trafic était effectué par des opérateurs privés. L'Allemagne a pris beaucoup d'avance en la matière et la SNCF devra s'investir davantage sur ce dossier ;

- les délais de réalisation du canal Seine-Nord seront tenus ; il en ira de même pour la concession de la route Centre-Europe-Atlantique, malgré les problèmes rencontrés sur l'ensemble des territoires concernés ;

- la SNCF et RFF doivent être plus efficaces dans la gestion de leur patrimoine ;

- le projet de l'A51 va être expertisé, une décision politique devant être prise en 2008 ;

- s'agissant du canal Seine-Nord, il faut effectivement trouver les moyens d'associer les entreprises du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie et d'Ile-de-France au projet ;

- les préoccupations exprimées par M. Paul Raoult au sujet de la gare du Quesnoy seront relayées auprès de la SNCF ;

- l'aménagement du territoire n'est pas forcément contradictoire avec la notion de rentabilité : à titre d'exemple, le doublement de la ligne de TGV Paris-Lyon pourrait desservir une zone dans laquelle il n'y a pas de TGV : l'Auvergne et le Limousin notamment ;

- étant donnée l'ampleur des projets d'infrastructures, tous les acteurs doivent participer à leur financement, y compris l'Europe, qui apporte des financements satisfaisants ;

- il a été indiqué à la SNCF que la desserte Meuse devait être améliorée, de même que celle des Ardennes, notamment par la mise en service d'une desserte ferroviaire de voyageurs ;

- les délais de mise en oeuvre des infrastructures ont considérablement augmenté : si les projets autoroutiers décidés au CIADT de 1987 ont été mis en oeuvre 10 ans après, il faut aujourd'hui 15 ans du fait des préoccupations -légitimes- relatives au développement durable et au débat démocratique ;

- le contournement ouest de Bordeaux n'est plus vraiment d'actualité, l'idée étant plutôt désormais une desserte ferroviaire à l'est ;

- le projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes sera mis en oeuvre, précédé d'un « mini-Grenelle » au niveau local comme l'a souhaité M. Jean-Louis Borloo ; il s'agit du dernier grand aéroport construit en France métropolitaine et il doit donc être un modèle en matière d'environnement, notamment s'agissant de sa desserte ferroviaire ;

- les lignes à grande vitesse Bretagne et Pays-de-Loire ne devraient pas prendre de retard.

M. Jean-Paul Emorine, président, a insisté sur la nécessaire prise en compte des études démontrant l'opportunité de la liaison Saône-Moselle-Rhin. A propos des nouvelles ressources finançant les infrastructures, il a rappelé que le parc de voitures particulières s'élevait à 30 millions et fait valoir qu'une taxe sur les polices d'assurance, à hauteur de 40 à 50 euros en moyenne par véhicule, dégagerait environ 1,5 milliard d'euros.

Organismes extra-parlementaires - Désignation de membres

La commission a ensuite désigné M. Philippe Leroy, membre titulaire, et M. Jackie Pierre, membre suppléant, du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois.

Mercredi 23 janvier 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.

Union européenne - Politique économique - Audition de M. Laurent Cohen-Tanugi, Président de la « mission sur l'Europe dans la mondialisation » sur la stratégie de Lisbonne

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition M. Laurent Cohen-Tanugi, président de la « mission sur l'Europe dans la mondialisation » sur la stratégie de Lisbonne, accompagné de M. Yves Bertoncini, chargé de mission.

Après avoir rappelé que Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances et M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité lui avaient confié une mission de réflexion sur « l'Europe dans la mondialisation », M. Laurent Cohen-Tanugi a précisé que celle-ci portait plus spécifiquement sur la stratégie de Lisbonne, qui entre dans son troisième cycle. Le Conseil européen du mois de mars devant se prononcer sur les propositions de la Commission européenne relatives au paquet « Lisbonne III » pour 2008-2010, l'objet premier du rapport d'étape de la mission est d'analyser ce « paquet » et d'émettre des recommandations au gouvernement sur l'attitude à adopter au Conseil européen. Le rapport final doit être remis, quant à lui, pour la mi-mars et traitera de l'après 2010.

M. Laurent Cohen-Tanugi a ensuite indiqué que la première partie du rapport d'étape, intitulée « Etat des lieux », dressait un bilan complet de la stratégie de Lisbonne fin 2007, prenant en compte les différents points de vue, nationaux et académiques, et recensait les « nouveaux défis », c'est-à-dire la manière dont les changements intervenus dans le monde et dans l'Union européenne pouvaient modifier l'avenir de cette stratégie. Il a ensuite explique qu'il existait, en France, un décalage de perception par rapport à cette dernière, les Français ayant le sentiment qu'elle était un échec, sans prendre en compte son recentrage sur la croissance et l'emploi intervenu en 2005 et le fait qu'un certain nombre de pays avaient rempli les objectifs fixés. Le rapport vise, dans ce contexte, à permettre à la France de se réapproprier cette stratégie, qui est centrale et consensuelle en Europe. Les performances françaises ont été relativement médiocres par rapport aux objectifs fixés du fait d'une mise en oeuvre tardive des réformes structurelles et d'une mise en cohérence insuffisante de celles-ci avec les exigences européennes. En outre, l'écart de compétitivité et de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis, à l'origine de la mise en oeuvre de la stratégie en 2000, demeure toujours valable. S'y ajoutent aujourd'hui la forte croissance des pays émergents comme l'Inde et la Chine et l'élargissement de l'Union européenne, qui rendent d'autant plus impérative l'émergence d'une économie de la connaissance en Europe.

Après avoir précisé que le paquet « Lisbonne III » s'inscrivait dans la continuité des précédents, M. Laurent Cohen-Tanugi a relevé que les marges de manoeuvre françaises étaient à court terme limitées, les propositions de la Commission ayant déjà été entérinées par de nombreux Etats membres. Il s'agit plutôt d'accroître la crédibilité de la France dans les deux ans à venir par l'accélération des réformes structurelles et d'élaborer des propositions pour l'après 2010, la réflexion étant extrêmement embryonnaire, voire inexistante, au niveau européen sur ce dernier point. Après avoir indiqué que la présidence française de l'Union européenne devait être l'occasion d'influencer la décennie 2010-2020, il a jugé que la tendance actuelle à intégrer de nombreuses politiques dans la stratégie de Lisbonne était contre-productive, notamment s'agissant du volet « compétitivité externe », qui relève plus des politiques communes intégrées que de la « méthode ouverte de coordination ». Il a précisé que le rapport complémentaire de la mission serait consacré à ce volet externe relatif à la place de l'Union dans le monde, deuxième pilier de la compétitivité de l'Europe et qu'il proposerait, pour le volet interne, un « Lisbonne plus » visant à recentrer la stratégie.

M. Gérard Bailly a souhaité connaître les atouts et les handicaps de la France dans la mondialisation, ainsi que l'analyse de l'intervenant sur les raisons de sa mauvaise position internationale en matière, notamment, de taux d'endettement, de compétitivité ou encore de taux d'emploi des seniors.

M. Dominique Braye, après avoir rappelé la mise en place par l'actuel gouvernement de réformes structurelles, a demandé comment étaient perçues au niveau européen les dernières décisions françaises.

Précisant que les handicaps de l'Europe comme la rigidité du marché du travail ou encore le vieillissement démographique étaient à l'origine même de la stratégie de Lisbonne, M. Laurent Cohen-Tanugi a annoncé que le rapport final de la mission insisterait sur les atouts européens comme la création d'un grand marché ou l'émergence de l'euro comme monnaie internationale et a déploré que ceux-ci ne soient pas suffisamment mis en valeur, notamment du fait que l'Europe ne parle pas toujours d'une seule voix. Il a considéré que les dernières réformes nationales, notamment le récent accord sur le fonctionnement du marché du travail, allaient dans le bon sens, mais n'étaient pas assez harmonisées à la fois entre elles et avec les objectifs de la stratégie de Lisbonne.

M. Yves Bertoncini, chargé de mission, a expliqué que le rapport comportait des tableaux présentant le classement des pays européens en fonction des objectifs chiffrés fixés par les Conseils européens successifs. S'agissant de ses points forts, la France est en 6position sur 27 pour les dépenses de recherche et développement, qui se situent à environ 2 % du produit intérieur brut, l'objectif étant fixé à 3 % (2 % pour le privé, 1 % pour le public). En outre, elle se classe en 1ère position pour le taux d'accueil des jeunes enfants dans des structures subventionnées, avec un taux de 100 % d'accueil des enfants entre 3 et 6 ans, à relier avec un taux de fécondité le plus élevé d'Europe avec l'Irlande. La France se situe dans la médiane pour la proportion de la population parvenant à un niveau supérieur au bac (13e position), pour le taux de sorties prématurées du système éducatif (15e) et pour le déficit public (17e). En revanche, elle se situe dans les derniers rangs pour les deux objectifs les plus importants : le taux de croissance (23e), pour lequel un décrochage a été observé entre 2002 et 2006 et le taux d'emploi (18e), l'âge moyen de sortie du marché du travail étant également bas (58 ans, ce qui classe la France au 24e rang).

M. Laurent Cohen-Tanugi a précisé que le rapport émettait des propositions sur le volet national, dont certaines rejoignaient celles du rapport de la commission présidée par M. Jacques Attali.

M. Yves Bertoncini a attiré l'attention sur les annexes du rapport, notamment l'annexe 10, qui reproduit les recommandations adressées à la France par la Commission européenne. Elles portent constamment sur trois points principaux : les finances publiques, la libéralisation des industries de réseau et des professions réglementées et la mise en oeuvre d'une « flex-sécurité » sur le marché du travail.

Après avoir demandé des précisions sur la notion « d'investissement dans le capital humain », Mme Evelyne Didier s'est interrogée sur les atouts que pourrait apporter une meilleure convergence des normes au niveau mondial, sur la part respective du public et du privé dans les ressources allouées à la recherche française et sur la qualité du tissu industriel et des entrepreneurs français.

Soulignant l'importance des nouveaux moyens de communication dans l'économie de la connaissance, M. Bruno Retailleau a évoqué le retard français par rapport aux Etats-Unis sur ce point et s'est interrogé sur ses conséquences sur la croissance. Abordant ensuite la question de l'agenda social, il a fait part de ses inquiétudes relatives à la récente jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes concernant les règles salariales applicables en cas de détachement.

En réponse, M. Laurent Cohen-Tanugi a apporté les précisions suivantes :

- l'investissement dans le capital humain est primordial, notamment au regard de la concurrence croissante des Etats-Unis et des pays émergents, qui améliorent leur système universitaire et forment de plus en plus d'ingénieurs. L'Europe doit, de ce point de vue, améliorer son système d'enseignement supérieur et de formation continue afin d'accroître la mobilité géographique et professionnelle ;

- le niveau de recherche publique est satisfaisant en France, le problème se situant plutôt du côté du secteur privé ;

- les universités ayant besoin de ressources privées supplémentaires, le rapport préconise d'aider les étudiants à emprunter avec la garantie de la Banque européenne d'investissement ou de l'Etat, à l'instar du système américain, afin de pouvoir augmenter les frais d'inscription, et ainsi abonder le budget des établissements ;

- la maîtrise d'une norme technique, qui permet d'imposer un standard au niveau international est très importante, comme l'a montré l'exemple de la norme Global System for Mobile communications (GSM) pour laquelle l'Europe avait de l'avance ; celle-ci a également de l'avance pour ce qui concerne les normes environnementales, mais a en revanche pris du retard pour les biotechnologies et les technologies de l'information et de la communication ;

- la France est en retard par rapport à l'Allemagne pour la qualité de son tissu industriel : il faut créer un environnement favorable aux PME, qui exportent et créent des emplois, notamment en accélérant la mise en oeuvre du Small Business Act, leur facilitant l'accès aux marchés publics, et que la Commission européenne veut mettre en oeuvre ;

- s'agissant de l'agenda social, la mission a consulté périodiquement un comité de pilotage d'une quinzaine d'experts et, mensuellement, le comité de dialogue social existant au niveau européen ; elle recommande d'intégrer deux nouveaux critères sociaux dans la stratégie de Lisbonne : la qualité de l'emploi et la lutte contre la pauvreté, ainsi que des indicateurs démographiques et d'intégration.

Revenant sur l'arrêt de la CJCE, M. Yves Bertoncini a précisé que celle-ci avait considéré que les difficultés rencontrées par l'entreprise lettone implantée en Suède pour connaître le salaire minimum applicable - déterminé par secteur ou par région dans ce pays- constituaient un obstacle à la libre prestation de services. Il a estimé qu'un tel cas de figure ne pourrait pas se présenter en France, où le salaire minimal est fixé par la loi. Il a ajouté que le rapport insistait sur la nécessaire amélioration du contrôle de l'application de la directive sur le détachement des travailleurs.

M. Laurent Cohen-Tanugi a jugé nécessaire d'élargir la conception du social dans la stratégie de Lisbonne, notamment au secteur de l'éducation, l'accès à la connaissance étant l'un des principaux facteurs d'exclusion sociale.

M. Francis Grignon a rappelé que la commission des affaires économiques avait établi, dans son rapport sur la directive relative au détachement des travailleurs, la nécessité d'établir un accord préalable obligatoire pour le détachement d'un salarié. Le contrôle de l'application de la directive est complexe, les accord douaniers et fiscaux entre pays, par exemple entre la France et l'Allemagne, étant particulièrement difficiles à trouver et à appliquer. Après s'être félicité de la volonté de la Commission européenne de mettre en oeuvre un Small Business Act, il a rappelé que le rapport de la commission des affaires économiques de 1997 préconisait déjà son institution et a déploré le retard pris par la France par rapport aux Etats-Unis, ceux-ci l'ayant adopté dès 1958. Celui-ci se caractérise par trois grandes mesures : la caution de l'Etat pour les PME auprès des banques, l'accès aux marchés publics et la création d'un organisme vérifiant l'absence de complications inutiles pour les PME dans les textes applicables.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité connaître l'impact sur la stratégie de Lisbonne de l'adoption du nouveau traité européen simplifié, de la hausse de l'euro et, enfin, de la présidence française de l'Union européenne.

En réponse, M. Laurent Cohen-Tanugi a apporté les éléments suivants :

- comme le montre l'annexe 9 du rapport, le traité simplifié apporte des améliorations, car il clarifie la répartition des compétences, renforce les compétences communautaires et institue une reconnaissance institutionnelle de l'Eurogroupe ; à ce sujet, le rapport recommande une appropriation politique de la stratégie de Lisbonne par ce groupe, afin d'en réduire l'aspect bureaucratique ;

- la valeur de l'euro est fixée par les marchés et offre l'avantage de minorer le coût des importations de pétrole ; quant aux exportations, d'autres facteurs de compétitivité interviennent, comme l'atteste la position de l'Allemagne ;

- la préconisation la plus importante du rapport concerne la nécessité pour la France, dans le cadre de sa présidence de l'Union, d'engager une réflexion sur l'évolution de la stratégie de Lisbonne après 2010, les travaux de la mission pouvant, dans cette perspective, constituer une première base de travail.

Environnement - Audition M. Jean-Louis Chaussade, directeur général exécutif de Suez Environnement

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Chaussade, directeur général exécutif de Suez Environnement.

M. Jean-Paul Emorine, président, a tout d'abord rappelé qu'après avoir longuement débattu du projet de fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez, dans des conditions plus apaisées qu'à l'Assemblée nationale, le Sénat avait majoritairement approuvé le principe même de cette opération industrielle. Relevant que de nouvelles modalités, tenant à la mise en bourse d'une partie du capital de Suez Environnement, avaient été définies par le gouvernement pour faire aboutir ce processus de rapprochement, il a remercié M. Jean-Louis Chaussade de venir présenter à la commission les détails de ce processus, en relevant que le groupe Suez allait conserver une influence au sein de Suez Environnement.

Après avoir souligné que les conseils d'administration de GDF et de Suez avaient approuvé, le 2 septembre 2007, les nouvelles lignes du projet de fusion tenant compte des orientations fixées par le Président de la République, notamment les conditions de parité d'échange des actions et la part de l'Etat au sein du capital de la nouvelle entité, M. Jean-Louis Chaussade, directeur général exécutif de Suez Environnement, a détaillé les modalités de mise en bourse de celui-ci.

Peu avant la fusion effective entre GDF et Suez, soit à la fin du premier semestre 2008, 65 % du capital de Suez Environnement sera distribué aux 450.000 actionnaires de Suez, le groupe conservant les 35 % restants. Ainsi, le marché ne sera pas sollicité lors de cette opération, ce qui devrait limiter les risques dans le contexte d'agitation actuelle des marchés financiers. Par ailleurs, Suez restera l'actionnaire de référence de Suez Environnement aux côtés de ses grands actionnaires, Albert Frère, la Caisse des dépôts et consignations et Areva notamment, afin de créer un pôle de stabilité dans l'actionnariat de la nouvelle entité. De plus, le pacte d'actionnaires qui les lie les oblige à conserver les actions de Suez Environnement pendant une durée de trois ans pour bénéficier d'un cadre fiscal favorable, ce qui renforcera la stabilité de l'entreprise.

Après avoir ajouté que l'introduction en bourse de Suez Environnement n'emporterait aucune conséquence sur les contrats passés notamment avec les collectivités territoriales, il a précisé que M. Gérard Mestrallet demeurerait le président de cette nouvelle entreprise et que lui-même conserverait ses fonctions actuelles, tout comme les équipes en place.

Présentant ensuite les activités de Suez Environnement dans les domaines de l'eau et de la propreté, exercées par l'intermédiaire de trois filiales, la Lyonnaise des eaux, Sita et Degrémont, M. Jean-Louis Chaussade a indiqué que l'entreprise avait pour mission de répondre aux besoins fondamentaux en services environnementaux et contribuer à atteindre les objectifs définis par les politiques de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.

Puis il a présenté les grands chiffres de Suez Environnement pour l'année 2006. L'entreprise emploie plus de 60.000 personnes, dont 30.000 en France, dessert 68 millions d'habitants en eau potable, offre à 44 millions de personnes des services d'assainissement et à 47 millions des services de propreté, et a investi 56 millions d'euros dans les activités de recherche et développement. Par ailleurs, son chiffre d'affaires s'est élevé à 11,4 milliards d'euros et devrait dépasser les 12 milliards en 2007 et son résultat brut d'exploitation a atteint 2 milliards d'euros, le résultat net se montant à 1 milliard. En définitive, Suez Environnement, présente dans 50 pays, devrait figurer parmi les 35 plus grandes sociétés françaises, l'entreprise devenant alors l'un des deux leaders mondiaux dans le domaine de l'environnement.

M. Jean-Louis Chaussade a également expliqué que les besoins en matière de services environnementaux étaient en croissance dans le monde, favorisant ainsi l'émergence de quelques grands groupes dans ce secteur, notamment en Asie. Puis il a indiqué que, sur le marché français, Suez Environnement était le deuxième acteur dans les métiers de l'eau avec une part de marché de 20 %, derrière Veolia et devant le groupe Saur.

Puis il a relevé que le groupe avait activement participé aux travaux du Grenelle de l'environnement et avait, dans ce cadre, formulé un certain nombre de propositions s'articulant autour de trois thèmes. Pour réduire la consommation d'énergie, Suez Environnement envisage de développer des usines d'eaux résiduaires à « énergie positive », ce qui suppose de conduire d'importants travaux de recherche. En matière de recyclage, déjà largement effectif pour des matières premières comme l'acier, les métaux non ferreux, le papier, un effort particulier doit être réalisé pour le plastique. Enfin, à propos du traitement des eaux résiduaires, secteur dans lequel la France est en retard par rapport à ses engagements communautaires, il est proposé que les usines de traitement puissent être financées en partie par des acteurs privés ou que ces eaux puissent être réutilisées dans les régions en déficit hydraulique.

M. Jean-Louis Chaussade a ensuite évoqué la répartition géographique des activités de l'entreprise, celles-ci s'exerçant à 79 % en Europe, tout en notant que les Etats-Unis, l'Australie, le Moyen-Orient et l'Asie constituaient des zones du monde où Suez Environnement, déjà présente, entendait continuer son développement. Il a relevé que l'Inde, pays où le groupe est peu développé, et la Chine, dont le gouvernement a annoncé son intention d'investir 300 milliards d'euros au cours des cinq prochaines années pour la construction de stations d'épuration, constituaient des cibles privilégiées. En Chine, les préoccupations en matière d'environnement, notamment de qualité des eaux, sont devenues particulièrement prégnantes, le pays craignant que sa croissance ne soit remise en cause par la poursuite du modèle actuel de développement qui ne maîtrise pas les pollutions de toutes origines.

Puis il a souligné que Suez Environnement était un partenaire historique des collectivités territoriales, considérant que le modèle des délégations de service public, qui permet au délégataire de conserver un contrôle de l'activité tout en offrant une haute qualité de service aux usagers, expliquait vraisemblablement le leadership français dans les métiers du secteur de l'environnement. L'Espagne, où Suez Environnement a racheté un acteur important de la filière, et l'Italie ont opté pour ce modèle. Il a estimé que ce mode de gestion répondait à l'ensemble des besoins des collectivités territoriales, même si d'autres modèles peuvent également bien fonctionner, comme au Moyen-Orient ou en Algérie, où le groupe ne fait qu'administrer des investissements réalisés par la puissance publique.

Dans ces conditions, il a expliqué que Suez Environnement souhaitait poursuivre son développement en Europe, en particulier dans les pays de l'Est, mais aussi en Australie, où l'eau fait cruellement défaut ou en Afrique du Nord et investissait à cet effet. La forte progression du marché des services environnementaux ainsi que la technicité des savoir-faire et le besoin d'une solide assise financière, points forts de l'entreprise, lui garantissent une croissance soutenue.

En conclusion, M. Jean-Louis Chaussade s'est déclaré confiant quant au succès de l'opération d'introduction en bourse du capital de Suez Environnement compte tenu du contexte porteur dans lequel elle évolue, de l'existence d'un pôle d'actionnaires de référence stable et des synergies importantes subsistant avec le groupe Suez. Il a estimé que la fusion entre GDF et Suez permettrait de donner naissance à deux grands acteurs de l'économie, l'un dans le domaine de l'énergie, l'autre dans celui de l'environnement.

Après avoir, d'une part, rappelé que les élus locaux avaient été préoccupés par la fusion entre Suez et GDF et, d'autre part, estimé nécessaire l'existence d'une véritable concurrence entre les prestataires de services aux collectivités territoriales, M. Dominique Braye a, en tant que président du groupe d'études sur la gestion des déchets, posé une série de questions :

- les objectifs du Grenelle de l'environnement en matière de recyclage des déchets sont-ils suffisamment ambitieux ?

- la mise en oeuvre de la responsabilité élargie du producteur (REP) est-elle de nature à répondre à la problématique de la maîtrise des coûts, ou d'autres voies doivent-elles être explorées ?

- si la « valorisation-matière » prend normalement le pas sur la valorisation énergétique, celle-ci ne saurait pour autant être négligée : est-il dès lors responsable d'instaurer une taxe sur les incinérateurs, quand bien même son taux serait en définitive moindre que celui proposé à l'origine ?

- quel est l'état de la réflexion sur la production d'énergies renouvelables à partir des déchets ? Des dispositions seraient-elles susceptibles de figurer dans un futur projet de loi en ce domaine ?

- les difficultés de mise en oeuvre de la tarification incitative ne s'opposent-elles pas à sa généralisation au-delà de quelques petites collectivités territoriales ?

M. Jean Desessard s'est interrogé sur la part du milliard d'euros résultant de la différence entre l'Earningo before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA) de Suez Environnement (deux milliards) et son résultat d'exploitation (un milliard), revenant à l'Etat français au titre de l'impôt sur les sociétés.

Il s'est inquiété de la très faible proportion que représentent les 56 millions d'euros investis par l'entreprise dans la recherche et développement (R&D), au regard des 11,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires (CA) consolidé annuel de l'entreprise,

A contrario, il a souligné la très importante marge bénéficiaire dégagée -de l'ordre de 10 % (un milliard d'EBITDA rapporté à 11,4 milliards de CA)- chiffre difficile à comprendre pour les consommateurs, confrontés à un enchérissement régulier du prix de l'eau, et qui pourrait conduire nombre de collectivités territoriales à réexaminer, après les élections municipales, les conditions de gestion des services concédés.

S'appuyant sur l'exemple du renouvellement des contrats relatifs aux ordures ménagères dans le département de Saône-et-Loire (pour une grande partie desquels n'est proposée qu'une seule offre, celle du sortant, à des tarifs en très forte augmentation, pouvant aller jusqu'à + 50 %), M. René Beaumont a appelé au maintien de la concurrence sur l'ensemble du territoire et pour tous les types de services environnementaux. A défaut de quoi, les collectivités territoriales seront contraintes de se tourner vers la régie, qui lui semble pourtant un mauvais système. Par ailleurs, la diminution régulière de la capacité d'investissement de ces collectivités et le coût croissant des équipements de traitement des déchets supposent de développer des partenariats public-privé (PPP). Enfin, sans négliger l'intérêt du traitement sélectif des déchets, l'incinération reste nécessaire, la Suisse, pays exemplaire en matière environnementale, valorisant, par exemple, l'intégralité de ses déchets par leur transformation en énergie.

Après s'être étonné de la permanence de la polémique entre régie et délégation de service public alors même qu'une récente étude de l'UFC Que choisir renvoyait dos à dos ces deux modes de gestion en matière de services environnementaux, M. Bruno Sido a demandé si l'objectif de « bon état écologique des eaux », fixé à l'horizon 2015, pourrait être atteint et, dans l'affirmative, à quel niveau devrait s'élever le coût moyen de l'eau pour y parvenir. Par ailleurs, il a souhaité savoir si la France manquait d'eau potable ou risquait d'en manquer à l'avenir.

M. Charles Revet s'est interrogé sur le traitement des boues de station d'épuration, observant que l'épandage, bien que la meilleure solution, était de plus en plus difficile à mettre en oeuvre compte tenu des contraintes environnementales croissantes. A contrario, l'incinération semble une technique aberrante pour un produit par définition essentiellement constitué d'eau. Après avoir souligné que les frais de traitement des ordures ménagères constituent désormais le poste principal des impositions locales, il a souhaité connaître les produits les plus difficiles et coûteux à traiter et éliminer. Enfin, il s'est interrogé sur la composition de l'actionnariat de la Lyonnaise des eaux.

Mme Evelyne Didier a souhaité savoir quelle était la balance des pertes et des gains entre régies et délégations au secteur privé lors des renouvellements de contrats par les collectivités territoriales. Ayant observé que beaucoup de marchés publics étaient contestés, ce qui induisait des retards parfois longs dans la mise en chantier des travaux, elle s'est demandé s'il s'agissait d'un nouveau mode de gouvernance dans ce domaine. Enfin, après s'être interrogée sur la perspective d'un saut technologique, important et à terme rapproché, dans le tri des déchets ménagers, elle s'est inquiétée de la définition du terme « producteur » utilisé dans le concept « REP », craignant qu'il s'agisse de l'usager, c'est-à-dire du citoyen, et non du fabriquant.

En réponse à ces questions, M. Jean-Louis Chaussade, directeur général adjoint de Suez en charge de Suez Environnement, a apporté les précisions suivantes :

- le producteur dont la responsabilité doit être élargie est bien le consommateur ;

- l'expérience allemande démontre qu'une REP excessive, faisant porter l'essentiel des coûts sur le consommateur, peut conduire à des comportements d'évitement affectant le fonctionnement même du dispositif, alors que l'absence de toute imposition spécifique à la « production » de déchets déresponsabilise les acteurs ; il faut rechercher une répartition équitable des coûts qui en fasse peser une part raisonnable sur les « producteurs », sachant que les difficultés techniques pour élaborer un tel dispositif de suivi individuel sont très grandes ;

- dans le débat sur la taxation des incinérateurs et celle des décharges, il convient d'inciter toute la chaîne à trier en instituant des taxes différentielles selon le niveau de tri, la plus lourde taxation s'appliquant sur les déchets non triés, quel que soit leur mode d'élimination ;

- la valorisation peut être, successivement, « matière », agricole puis énergétique, cette dernière couvrant la production de biogaz dans les décharges et d'électricité et/ou de chaleur dans les incinérateurs (les 56 incinérateurs gérés par Suez Environnement produisent ainsi annuellement 350 MW électriques et 850 MW de chaleur, soit environ autant qu'une tranche nucléaire) ; le débat du Grenelle sur l'incinération n'est pas achevé car, au regard des normes de sécurité aujourd'hui mises en oeuvre dans les équipements, les « grandes peurs » n'ont plus lieu d'être, les dioxines libérées par une installation étant inférieures à celles émises par un feu de cheminée ;

- les marges nettes de Suez Environnement sont inférieures à 5 ou 6 % par an et son effort de recherche, significatif : au-delà de la difficulté à calculer le ratio de recherche-développement au regard des capitaux engagés, qui s'élèvent à 8,3 milliards d'euros, le dispositif de R&D s'appuie sur 400 chercheurs en France et, surtout, sur des alliances avec d'autres opérateurs, en France ou à l'étranger, qui démultiplient les effets de levier ; la période est propice aux ruptures technologiques, notamment pour améliorer le mode de consommation durable de l'eau ou de l'électricité (compteurs « intelligents ») et il est indispensable de poursuivre les efforts de R&D ;

- Suez Environnement est favorable à la concurrence sur le terrain, qui est nécessaire pour les entreprises parce qu'elle constitue un aiguillon technologique et commercial et permet de répondre au mieux aux attentes des consommateurs ; M. Jean-Louis Chaussade avait d'ailleurs en son temps exprimé son opposition à la fusion de Suez Environnement avec son principal concurrent, l'existence d'un « grand champion national » ne lui paraissant pas du tout favorable aux intérêts des clients français, notamment les collectivités territoriales ;

- le développement des PPP est effectivement indispensable dans une période de restriction de l'argent public et de besoins croissants d'investissements ;

- s'agissant du prix de l'eau et du coût de son assainissement, il est nécessaire de comprendre que la diminution de la consommation urbaine ne conduira pas à une réduction des prix, dans la mesure où l'essentiel des charges sont des coûts fixes : usine de traitement, réseaux d'adduction, personnels ;

- outre que la France ne manque pas d'eau, et en tout cas d'eau potable, et que, sous réserve de quelques lieux particuliers, elle ne court pas ce risque avant longtemps, il convient de retenir que seulement 15 % environ de la consommation résulte de la demande humaine, 15 % de l'activité industrielle, et le solde, soit 70 %, de l'activité agricole : dès lors, la question de l'usage quantitatif de l'eau est une problématique essentiellement agricole ; pour autant, la responsabilité n'en incombe pas exclusivement aux exploitants agricoles, même si le recours à des techniques d'irrigation plus économes en eau pourrait être développé, par exemple pour la culture du maïs dans le Sud-Ouest de la France ;

- le traitement des boues passe en effet de moins en moins par l'épandage ; le compostage semble constituer la meilleure solution car il s'agit d'un produit élaboré et traçable, qui peut être retiré du marché en cas de problème écologique (par exemple, la présence excessive de métaux lourds) ; le séchage et l'incinération nécessitent de lourds investissements techniques ;

- Suez est actionnaire à 100 % de la Lyonnaise des eaux ;

- le taux de progression de la production annuelle d'ordures ménagères, de l'ordre de 1,5 %, est légèrement inférieur à celui de la croissance économique ; la question des déchets domestiques est relativement résiduelle dans la problématiques des déchets, les ordures ménagères ne représentant que 30 millions de tonnes (MT) par an, alors que les déchets industriels s'élèvent à 90 MT, les déchets du bâtiment à 350 MT et les autres types de déchets également à 350 MT ; le recyclage des matériaux est essentiel dans les secteurs marchands, par exemple pour les industries aéronautique (300 Airbus vont prochainement arriver en fin d'exploitation), navale (les bâtiments de guerre de la Marine) ou automobile (un million de véhicules obsolètes à traiter) et il ne peut être efficace que s'il est mis en oeuvre de manière très « fine », allant jusqu'à une séparation très minutieuse des produits et matériaux ;

- la répartition entre délégations de service public et régies est globalement stable : dans la distribution de l'eau, elle est de l'ordre de trois quarts contre un quart et dans l'assainissement, la répartition est 50-50 ;

- Suez Environnement est fondamentalement opposé à la contestation systématique des marchés publics, préjudiciable à tous les acteurs en raison de l'instabilité juridique et des retards dans les travaux qu'elle induit : aussi les recours intentés par l'entreprise sont extrêmement peu nombreux, de l'ordre d'un par an en moyenne ;

- l'automatisation du tri est une technologie qui s'améliore régulièrement mais, comme en témoigne l'exemple des bouteilles d'eau minérale, dont les matières et les couleurs sont très différenciées, les difficultés techniques et pratiques restent extrêmement nombreuses.

M. Gérard Bailly, après avoir souligné que les problématiques de l'eau et de l'assainissement n'avaient pas le même contenu en milieu urbain et en zone rurale, s'est interrogé sur la rationalité d'imposer au traitement des déchets de classe 3 des obligations telles que celle impliquant des transports longs pour aller les déposer dans les déchetteries autorisées. S'agissant de l'épandage, et malgré l'importance des efforts fournis par le secteur agricole, il a observé que les réticences grandissaient, notamment pour les produits d'appellation d'origine contrôlée, pour lesquels les producteurs ne peuvent prendre le risque de se voir reprocher d'utiliser des boues comme engrais.

Ayant estimé que la responsabilité des restrictions à l'usage agricole des boues incombait directement aux acheteurs de fruits et légumes, M. Gérard César a observé que dans un département comme les Landes, dont le sol est très sableux, l'arrosage du maïs n'est pas inquiétant, dans la mesure où l'eau revient très rapidement à la nappe phréatique. Par ailleurs, il a demandé quelles étaient les perspectives d'utilisation des torches à plasma et s'est interrogé sur la présence de Suez Environnement sur le marché italien des déchets ménagers.

Après avoir indiqué que sa société n'intervenait pas au sud de Rome, M. Jean-Louis Chaussade, directeur général adjoint de Suez en charge de Suez Environnement, a précisé que le prix de l'eau en France n'avait pas progressé plus rapidement que l'inflation, observant au passage que le volume fourni avait baissé, et que ce prix était plutôt inférieur à la moyenne européenne. Il a toutefois souligné que le coût de l'eau devrait nécessairement augmenter plus vite s'il est demandé au consommateur de supporter les coûts auparavant financés par l'impôt et dès lors que les moyens techniques deviennent plus nombreux et efficaces, donc plus onéreux.

Ayant reconnu que les règles relatives à certains déchets de classe 3 pouvaient être contestées, il a cependant relevé qu'une partie des difficultés pourrait se régler par l'émergence d'un marché des déchets : ainsi, depuis deux ou trois ans, les déchetteries ne collectent presque plus de bois, ce matériau étant à nouveau utilisé par les consommateurs pour leur chauffage.

Il a fait valoir que le compostage constituait le meilleur compromis entre les impératifs économiques et les contraintes environnementales : cette technique élimine les bactéries pathogènes, permet le suivi des matières polluantes telles que les métaux lourds et son produit fini est aisément substituable aux engrais chimiques.

En ce qui concerne l'irrigation du maïs, M. Jean-Louis Chaussade a précisé qu'il ne stigmatisait pas l'ensemble des producteurs ni la culture en tant que telle, mais plutôt certaines techniques traditionnelles d'apport de l'eau, l'arrosage en milieu de journée étant par exemple à proscrire, puisque 40 % de l'eau s'évapore avant même d'avoir touché le sol.

Enfin, il a indiqué que la torche à plasma, qui est une technique de vitrification des déchets, est une méthode intéressante à plus d'un titre, mais dont le coût reste prohibitif.

Organismes génétiquement modifiés - Audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Barnier sur le projet de loi n° 149 (2007-2008) relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Après avoir rappelé, à titre liminaire, le calendrier législatif du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM), M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié le ministre de venir s'exprimer devant la commission et d'avoir convié les présidents des commissions des affaires économiques des deux assemblées à l'accompagner au dernier Conseil des ministres « Agriculture » de l'Union européenne.

Soulignant que cette initiative était sans précédent sous la cinquième République, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a regretté que le Parlement ait été, jusqu'alors, insuffisamment et tardivement informé de l'actualité normative européenne. Il a déclaré souhaiter mieux l'associer dorénavant, en envoyant par Internet à l'ensemble des parlementaires les comptes rendus des Conseils des ministres « Agriculture », le jour même de leur tenue, en offrant à deux parlementaires -un député et un sénateur, de la majorité pour l'un et de l'opposition pour l'autre- la possibilité d'assister auxdits Conseils et en associant une délégation plus large de parlementaires aux travaux avec les institutions européennes et leurs principaux acteurs. Insistant sur l'importance et les pouvoirs croissants du Parlement européen, notamment dans le secteur agricole, du fait de l'utilisation de plus en plus fréquente de la procédure de codécision, il a fait observer que ses travaux étaient déjà largement avancés sur le thème du bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).

Soulignant, à titre d'introduction sur les OGM, que l'agriculture mondiale devrait, selon les projections de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), doubler sa production pour nourrir neuf milliards d'individus en 2050, il a insisté sur la nécessité d'intégrer le dossier des OGM dans une réflexion plus large tenant compte des perspectives de croissance forte de la demande alimentaire mondiale dans les prochaines décennies.

Appelant à donner la priorité à la recherche et à l'innovation en vue de conserver une indépendance nationale sur les biotechnologies, il a dit avoir approuvé la décision de doter de 45 millions d'euros les programmes de recherche sur les biotechnologies végétales et souhaité que soient encouragées toutes les formes de recherche, dont celle en plein champ, en 2008. Désirant que de nouveaux essais en plein champ puissent être autorisés, il a rappelé la nécessité de créer une commission ad hoc d'évaluation pour permettre de délivrer de nouvelles autorisations en attendant que la Haute autorité fonctionne. En effet, les modalités de constitution du comité de préfiguration ne lui permettent pas de jouer ce rôle et la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire n'a pas été renouvelée. Il a indiqué que les grands principes d'action devaient être l'analyse de la stabilité du gène étudié, l'étude des disséminations possibles et des précautions prises pour éviter tout risque environnemental, ainsi que l'étude de la toxicité vis-à-vis des populations non cibles.

Précisant qu'une dizaine de dossiers était en attente d'autorisation, il a appelé à restaurer la confiance en recourant à cinq instruments :

- une loi, qui respecte les grands principes évoqués lors du Grenelle de l'environnement : précaution, transparence et indépendance de l'expertise ; tel est l'objet du prochain examen parlementaire, qui débutera le 5 février prochain ;

- une procédure d'évaluation par la Haute autorité, qui donne lieu à des analyses complémentaires scientifiques d'une part, et socio économiques d'autre part ;

- une décision de nature politique, au regard de ces analyses ;

- une mutualisation de la réflexion à l'échelle européenne ;

- le maintien d'une capacité à anticiper et suivre l'utilisation du progrès scientifique, à travers la mise en place d'un comité de biovigilance compétent au-delà des seuls OGM, et notamment pour les produits phytosanitaires.

S'agissant du projet de loi qui a été soumis à l'examen de la commission, le ministre a rappelé qu'il prévoyait d'encadrer la culture des OGM sur la base des principes définis lors du Grenelle de l'environnement : responsabilité, précaution, transparence et libre choix.

Il en a détaillé certaines dispositions portant sur :

- la Haute autorité (article 2), qui regrouperait l'ensemble des expertises jusqu'alors réalisées par divers organismes. Après avoir noté que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) conservait son mandat d'évaluation du risque sanitaire, il a souhaité que soient distingués les avis des collèges scientifique et sociopolitique de la Haute autorité ;

- la biovigilance (articles 2 et 6), qui dépassait les seuls OGM.

Il a souhaité le maintien du comité de bio vigilance et de sa distinction d'avec la Haute autorité ;

- la transparence (article 6). Estimant que cacher des informations était illusoire et ne pouvait qu'entretenir les peurs et inquiétudes dans l'opinion publique, il a formé le voeu que celles-ci ne soient pas réservées aux seules personnes à même de prouver qu'elles en ont besoin, du fait des complications administratives que cela entraînerait. Il a tenu à ce que soient rappelées, et le cas échéant appliquées, aux personnes demandant des informations sur les plantations d'OGM, les sanctions prévues en cas de harcèlement ou de dégradation ;

- la responsabilité (article 5). Convenant que devait être précisé le champ d'application du principe de la responsabilité de plein droit dans le temps, dans l'espace et dans le calcul de l'indemnisation, il a estimé que l'obligation pour les producteurs de souscrire à une garantie financière ne devait pas être écartée de fait par une carence d'offre de produits assuranciels.

Jugeant que l'année de suspension des cultures d'OGM décidée par le Président de la République devait être utilisée pour aller au terme de l'évaluation scientifique et du débat, il a prôné la mise en place d'une structure à cet effet, à l'instar de la commission nationale du débat public dont il a rappelé avoir été à l'initiative en 1995.

A l'issue de cet exposé, un large débat s'est ouvert.

Relayant les propos de M. Jean-Paul Emorine, président, sur la nécessité de procéder avec prudence en matière d'organisation de débats publics, M. Jean Bizet, rapporteur, a évoqué les 70 % des personnes sondées émettant des craintes quant à la présence d'OGM dans les produits alimentaires. Il a cependant tenu à souligner qu'un tiers uniquement de l'opinion était opposée de manière ferme et irrévocable à l'achat de produits alimentaires issus de la culture d'OGM. Insistant sur le caractère irrationnel de certains des arguments invoqués, il a craint que l'objectif de transparence justifiant l'organisation de débats publics ne soit détourné et ne permette d'amplifier telle une « caisse de résonance » la position des opposants à la culture d'OGM. Evoquant les dangers de l'apparition d'un espace de non-droit lié à cette opposition, il a fait valoir que la destruction illégale de plants d'OGM ne devait pas demeurer impunie et que la transparence des cultures OGM à l'échelle de la parcelle ne pouvait s'imaginer sans sanction systématique des destructions.

Insistant sur la nature stratégique du dossier, il s'est montré particulièrement inquiet de l'éventuelle réaction commerciale des autorités américaines à la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde. Rapportant les chiffres fournis la veille par Mme Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture, lors d'un entretien à Bruxelles, il a précisé que le coût d'une telle réponse américaine pour l'ensemble des pays européens ciblés, dont la France fait partie, pourrait atteindre 800 millions à un milliard de dollars par an. Ces rétorsions devraient surtout frapper les exportations vers les Etats-Unis de produits français de qualité (vins, champagnes, fromages AOC, foie gras...).

S'agissant des dispositions du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est déclaré particulièrement favorable aux dispositions de nature institutionnelle telles que la mise en place d'une structure d'évaluation spécifique, tout en invitant à bien préciser son positionnement à l'égard de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et à externaliser le comité de vigilance. Espérant que cette nouvelle structure contribuerait à rétablir la confiance, il a cependant regretté que les avis, notamment de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), de l'AFSSA, et de l'Institut national de recherche agronomique (INRA), soient aujourd'hui insuffisamment pris en compte.

Puis, évoquant la responsabilité de plein droit pour le préjudice économique qui pourrait résulter de la présence accidentelle d'OGM dans des cultures conventionnelles et biologiques, M. Jean Bizet, rapporteur, a fait valoir la nécessité de protéger les agriculteurs par la mise en place d'un fonds public d'indemnisation à titre transitoire, dans l'attente d'un engagement à terme des assureurs privés sur ce dossier.

Il a conclu en réaffirmant sa confiance dans l'action gouvernementale, sans exclure toutefois le maintien de sa vigilance sur quelques dispositions particulières, notamment en matière de distances et de seuils, dans le souci de rendre possibles tous les types de cultures.

M. Charles Revet s'est appuyé sur son expérience locale pour mettre en garde contre les dérives possibles des débats publics. Il a également attiré l'attention du ministre sur les dangers de pousser la transparence jusqu'au niveau de la parcelle.

M. Daniel Soulage, évoquant la question des distances d'isolement entre cultures OGM et non OGM, a suggéré de s'inspirer de l'exemple des cultures de semences.

M. François Fortassin, après avoir confirmé la nécessité d'accroître la transparence pour atténuer les peurs, s'est déclaré prêt à prendre quelques risques en matière d'OGM si aucun danger n'était avéré et si ces technologies pouvaient contribuer à nourrir la population mondiale.

M. Jacques Muller a émis des réserves sur la pertinence d'une stratégie de diffusion massive d'OGM dans l'agriculture française, considérant que la division internationale du travail ainsi que la théorie des avantages comparatifs recommandent la spécialisation économique de la France dans l'agriculture de qualité. Il a reconnu que la France ne pouvait échapper aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, mais a suggéré de jouer avec ces règles avec la même habileté que le font les Etats-Unis. Il a par ailleurs évoqué la valeur des distances d'isolement entre cultures, estimant à 200 voire 300 mètres la moyenne européenne en la matière.

Après avoir remercié M. Michel Barnier, de son initiative tendant à associer les parlementaires aux travaux du Conseil européen, M. Jean-Marc Pastor a fait observer que la commission des affaires économiques avait la chance de compter parmi ses membres le président du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM et il a regretté que ce collègue soit absent. Revenant sur les enjeux en matière de transparence, il a fait référence au rapport d'information dont il avait été rapporteur et qui avait été adopté à l'unanimité en 2003 par la commission et à sa proposition de plan d'occupation des champs. Enfin, invoquant le principe de précaution, il a estimé que sa mise en oeuvre requérait du temps et qu'il ne serait pas absurde de reporter l'examen du projet de loi.

Réaffirmant son attachement au principe de précaution et se félicitant de la décision prise d'activer la clause de sauvegarde prévue à l'article 23 de la directive 2001/18/CE qui oblige la Commission européenne à s'emparer du dossier sur les éventuels risques sanitaires et environnementaux du maïs Bt MON 810, M. Philippe Darniche a estimé que la responsabilité sociale consistait à rester prudent sur les OGM jusqu'à l'obtention de certitudes scientifiques. Il s'est ensuite insurgé contre les menaces de sanctions américaines. Il a enfin interrogé le ministre sur l'avancement de la recherche et l'existence de programmes européens en ce domaine.

Soulignant la complexité de la situation tant d'un point de vue technique que politique s'agissant du positionnement de la France sur l'échiquier européen, Mme Evelyne Didier a sollicité l'avis du ministre sur le poids de la France dans l'alimentation mondiale. Elle a également fait allusion à l'existence d'autres techniques que les biotechnologies pour améliorer les plantes, notamment la sélection assistée par marqueurs. Enfin, elle a fait valoir la diversité des positions prises par les différents pays européens sur le dossier des OGM.

M. Gérard Larcher, après avoir rappelé que le revenu des agriculteurs était en augmentation de 94 % par rapport à 2006, alors que celui des éleveurs bovins était en diminution de 23 %, a tenu à souligner que deux tiers des tourteaux d'oléagineux, lesquels sont importés et utilisés dans l'alimentation des bovins à hauteur de 25 %, incorporaient des OGM.

En réponse à M. Jean Bizet, rapporteur, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a précisé que la surveillance biologique du territoire relevait du ministère de l'agriculture.

Revenant sur la proposition d'isolement des cultures, évoquée par MM. Daniel Soulage et Jacques Muller, M. Michel Barnier, ministre, a précisé que les périmètres exigés autour des cultures OGM allaient de 25 mètres au Royaume-Uni, en Espagne et aux Pays-Bas, jusqu'à 500 voire 800 mètres dans certains pays européens. Il a indiqué qu'en tout état de cause, selon les études disponibles, avec une distance de 50 mètres, le taux de présence fortuite d'OGM dans les récoltes des parcellaires mitoyens ne dépassait pas le seuil de 0,9 % déclenchant l'obligation d'étiquetage de la présence d'OGM dans le produit, puisque aucune contamination n'avait été observée sur un espace de 22 000 hectares cultivés en France avec du maïs Bt MON 810. La seule interrogation concernait éventuellement les effets de la culture d'un tel maïs sur la vie des abeilles, sans qu'aucune mortalité n'ait cependant été constatée.

M. Michel Barnier, ministre, est revenu sur l'inquiétude formulée par M. François Fortassin quant au manque d'information publique, en insistant sur la nécessité de rétablir un climat de confiance entre les autorités et l'opinion publique.

En réponse aux craintes formulées par M. Jean-Paul Emorine, président, MM. Jean Bizet et Charles Revet, quant à la difficulté d'organiser des débats publics renforçant la transparence et l'efficience de l'action publique, M. Michel Barnier, ministre, a jugé que l'organisation de tels débats s'imposait, eu égard à l'impératif de transparence. Il a alors mis l'accent sur la nécessité d'en être les acteurs plutôt que de les subir.

Répondant à M. Jacques Muller, il a confirmé que le dossier des OGM était d'une portée stratégique pour le positionnement de l'agriculture française, notamment en matière d'alimentation animale. Il a également affirmé vouloir lui aussi tirer l'agriculture française vers le haut.

A l'adresse de M. Philippe Darniche, il a convenu qu'il manquait des programmes européens de recherche sur les questions soulevées par les biotechnologies.

En réponse à Mme Evelyne Didier, M. Michel Barnier a précisé qu'il s'agissait moins de nourrir la population mondiale que de fournir aux pays en développement une aide à la création d'un système agricole capable d'assurer leur propre subsistance. Il a illustré son propos par les importations sénégalaises massives de riz à hauteur de 80 % de leurs besoins.

Jeudi 24 janvier 2008

- Présidence conjointe de M. Jean-Paul Emorine, président, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Economie Française - Audition M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Conjointement avec la commission des finances, la commission a procédé à l'audition de M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française, sur la présentation de son rapport « Libérer la croissance ».

Ayant indiqué qu'il était accompagné de Mme Josseline de Clausade, rapporteur général de la commission, de MM. Erik Orsenna, Eric Labaye, Théodore Zeldin et de Mme Michèle Debonneuil, membres de la commission, M. Jacques Attali a souligné que cette dernière regroupait, non des experts, mais des praticiens, caractérisés par leur grande diversité en termes d'activité professionnelle (personnalités politiques, chefs d'entreprise, syndicalistes, économistes, démographes, psychanalyste...) et origine géographique. Faisant observer que le rapport, rédigé avec l'aide de 35 collaborateurs et au terme de plus de 400 auditions, avait été approuvé à l'unanimité de ses membres, il a tenu à remercier le Sénat, ses membres et son administration pour leur coopération et a rappelé que l'ensemble des propositions du rapport y avaient été élaborées.

Soulignant que les membres de la commission avaient travaillé avec une entière liberté, sans parti pris politique et en recherchant les expériences couronnées de succès à l'échelon tant local que planétaire, il a indiqué avoir donné la priorité, tout au long de l'instruction, à la lutte contre la précarité, notamment des jeunes. Le rapport, d'aspect très pratique, possède une cohérence globale, nécessitant de prendre en compte l'ensemble de ses propositions, sachant néanmoins que les représentants nationaux et gouvernementaux l'utiliseraient à leur guise.

A propos de la croissance mondiale, dont il a noté qu'elle était et demeurerait forte, malgré la crise financière, il a qualifié de très importants les atouts et le potentiel de notre pays pour y participer. Le basculement d'une économie matérielle à une économie de la connaissance va accroître la concurrence provenant en particulier de pays émergents ayant compris l'enjeu majeur que constituent les investissements immatériels. Dès lors, il convient d'augmenter en priorité les crédits publics consacrés à l'enseignement, à commencer par ceux profitant à l'école maternelle, et plus particulièrement à la formation des assistantes maternelles, ainsi qu'aux crèches, afin d'éviter les sorties prématurées d'élèves du système scolaire.

Les moyens doivent être également concentrés sur l'enseignement supérieur, afin de mettre en place dix universités d'envergure mondiale, en supprimant les cloisonnements avec la recherche. D'excellente qualité, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est excessivement diversifié dans ses activités et doit être recentré. Les chercheurs ne devraient plus occuper leur emploi durant toute leur carrière, mais être recrutés au moyen de contrats de quatre ans renouvelables trois fois au maximum, leur évolution vers des postes d'enseignement devant être facilitée. La nécessité impérative d'un contrôle et d'une évaluation de l'enseignement supérieur doit conduire l'agence venant d'être créée à cet effet à commencer très rapidement à fonctionner.

Grande faiblesse française, le développement des petites et moyennes entreprises (PME) doit être encouragé à travers la fixation, par la loi, à 29 jours du délai maximum de paiement. Inspirée des exemples britannique et américain, une agence regroupant les fonctionnaires chargés du contrôle social et fiscal des PME aurait des missions d'assistance et de conseil aux entreprises. Comme c'est le cas en Allemagne, les grandes entreprises doivent être davantage au service des plus petites.

Le secteur de l'économie numérique représente un point de produit intérieur brut (PIB) de croissance potentielle, a déclaré M. Jacques Attali, mais il est paralysé du fait des 83 organes de gestion et de contrôle intervenant dans son champ. Il souffre d'un important retard dans la mise en place d'infrastructures de qualité, indispensables, y compris dans les lieux les plus reculés. La commission s'est déclarée hostile à l'une des propositions du rapport de M. Denis Olivennes, relative à des mécanismes de contrôle des usages individuels, considérant comme contraire aux libertés et à tout le moins improductive cette intrusion dans la sphère privée des internautes.

Soulignant que le secteur de la santé est un vecteur de croissance et non une charge, il s'est félicité de l'augmentation des dépenses y afférentes et a fait valoir que la France, qui occupe une des toutes premières places du secteur de l'industrie pharmaceutique, devait en profiter. En outre, Paris a les moyens de devenir une très grande place financière internationale, à condition qu'une série de réformes soit réalisée, dont un meilleur accueil des étrangers. Pointant le gros retard des ports français, en dépit d'atouts géographiques majeurs, il a estimé que Roissy devait devenir l'une des premières plate-formes aéroportuaires mondiales. Appelant à développer substantiellement le secteur des services à la personne, il a souligné le vaste potentiel de croissance que recèle l'industrie de l'environnement et du développement durable. Contrairement à l'Allemagne ou l'Autriche, la France est peu présente en ce domaine et devra y investir massivement, en repensant le contenu du principe de précaution, incompréhensible et inapplicable dans sa version actuelle.

La mobilité sociale, a poursuivi M. Jacques Attali, doit augmenter, mais en s'accompagnant de davantage de sécurité. En panne depuis une trentaine d'années, elle doit être stimulée par un accompagnement des quartiers et familles défavorisés, ainsi qu'en obligeant les entreprises à décliner par sexe, âge et origine les conditions d'accès aux emplois qu'elles proposent, notamment pour encourager l'emploi des jeunes.

La mobilité géographique doit également être encouragée et l'offre de logements améliorée à travers une mobilisation du foncier constructible, une réforme du coefficient d'occupation des sols (COS) et une révision du fonctionnement des offices HLM.

La mobilité concurrentielle doit être étendue et réformée. Les lois sur la distribution n'ont pas protégé le petit commerce, mais créé des rentes de situation profitant aux grands groupes, dont la valeur repose désormais plus sur le patrimoine immobilier que sur l'activité commerciale. Les produits distribués l'ont été à des prix de connivence entre producteurs et distributeurs, au détriment des consommateurs. Il est impératif de mettre en place une autorité de la concurrence veillant à éviter la création de nouveaux cartels de grande distribution.

Il faut encourager la mobilité internationale, qui concerne déjà 50.000 jeunes diplômés français quittant chaque année le pays, tandis que deux millions de nos concitoyens résident à l'étranger. En outre, l'immigration d'une main d'oeuvre étrangère est une chance dès lors qu'elle se fait selon des critères tenant, non à l'origine ou à la profession, mais au niveau de compétence. La France doit accueillir un maximum d'étudiants étrangers et leur faire payer leur formation.

Puis M. Jacques Attali a fait valoir que l'Etat, les collectivités territoriales et le système de sécurité sociale devaient prendre leur part dans les réformes et donner l'exemple. L'Etat dispose de moyens humains d'une remarquable qualité, mais ne lutte pas suffisamment contre les gaspillages. Le rapport propose dix programmes d'administration électronique permettant de dégager une économie de 15 milliards d'euros. Les départs à la retraite des agents publics ne doivent pas être intégralement remplacés et les activités étatiques doivent être confiées à des agences qui, sous tutelle de l'Etat, recourraient à des contrats de droit public ou privé pour leur personnel, tout en assurant des missions de service public. Le recrutement dans les grands corps de l'Etat et les hautes juridictions administratives, financières et judiciaires doit avoir lieu par concours après cinq années minimum d'activité, une fois que les agents ont acquis une réelle expérience de terrain. Certaines professions réglementées devraient voir leur cadre statutaire révisé : fusion des professions de notaires, d'avoués et d'avocats ; ouverture du capital des pharmacies et des sociétés d'avocat à des financeurs extérieurs ; suppression du numerus clausus des médecins ...

La structuration des collectivités territoriales doit être revue. L'excès de niveaux d'administration et le manque de clarté dans la répartition des compétences doit conduire à les repenser globalement dans un objectif général d'économie. La région et l'agglomération étant amenées à jouer un rôle croissant, le département serait voué à terme à disparaître. Le territoire français est appelé à se structurer progressivement autour d'agglomérations, certaines aussi importantes que des départements, qui assureraient les services de proximité.

Des secteurs ou instances aujourd'hui problématiques dans leur gestion, tels que les organismes paritaires collecteurs agréés (FAF) finançant la formation permanente, les chambres de commerce et de métiers, les tribunaux de commerce, les offices HLM gérant le 1  % logement ... devraient être regroupés, rendus plus transparents et soumis à évaluation en vue de réaliser des économies.

Soulignant pour conclure que le rapport appelait une application rapide entre les mois d'avril 2008 et juin 2009, avant qu'une nouvelle période électorale ne débute, M. Jacques Attali a indiqué avoir proposé à cet effet une procédure de mise en oeuvre très concrète, ajoutant que le rôle des membres de la commission s'arrêtait désormais là où celui des décideurs commençait.

Répondant à M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui l'interrogeait sur le regroupement des élections, M. Jacques Attali a précisé qu'il n'avait pu traiter tous les sujets, notamment le cumul des mandats, et fait part de son hostilité au système du quinquennat.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, s'est demandé si la faible densité de population dans l'espace rural français constituait une faiblesse ou un atout. Il s'est interrogé sur l'efficacité des pôles de compétitivité et sur l'opportunité de créer des plans d'occupation territoriale pour les communes rurales.

M. Jacques Attali a dit voir dans l'espace rural français une chance pour la France, et avoir établi des préconisations pour le valoriser au mieux, notamment sur le plan touristique. Les nouvelles technologies permettent d'atténuer la distinction entre la ville et la campagne, en offrant une équivalence des infrastructures, a-t-il poursuivi, précisant que le professeur Théodore Zeldin était un expert incontournable sur le sujet. S'agissant des pôles de compétitivité, il les a jugés efficaces dans le domaine de la recherche.

M. Erik Orsenna a estimé, en tant que vice-président de la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (FARM), que l'agriculture allait jouer un rôle central et que les terres arables, plus encore que l'eau, deviendraient un bien rare. Soulignant la grande richesse de notre pays en la matière, il a appelé à les exploiter au mieux.

Après avoir salué la qualité du travail accompli, M. Pierre Bernard-Reymond a déclaré percevoir une contradiction entre l'objectif principal du rapport -stimuler la croissance- et celui du « Grenelle de l'environnement » -garantir un développement durable. Proposant de supprimer les subventions actuellement octroyées aux communes et intercommunalités par les collectivités de rang supérieur en vue d'assurer une plus grande indépendance de ces dernières et de réaliser des économies, il s'est également interrogé sur la coordination du rapport tant avec la révision générale des politiques publiques qu'avec la révision générale des prélèvements obligatoires, ainsi que sur les causes expliquant la faiblesse chronique de la croissance française.

En réponse, M. Jacques Attali a estimé qu'il n'y avait pas de contradiction entre l'objectif d'une forte croissance du PIB et les préoccupations écologiques, dans la mesure où ce qui était générateur de nuisances environnementales, était non la croissance en tant que telle, mais le niveau du PIB, de sorte qu'il convenait selon lui non de brider la croissance, mais d'en modifier le contenu. Il a considéré que s'il existait des instruments de mesure du développement autres que le PIB, comme l'indice de développement humain, la notion de PIB demeurait incontournable. En ce qui concerne la réforme de l'Etat, il s'est félicité de ce que le rapporteur général adjoint de la commission pour la libération de la croissance française, inspecteur des finances, ait été chargé de diverses missions à ce sujet.

M. Théodore Zeldin, historien et sociologue à l'université d'Oxford, a souligné la qualité de vie en France, et a considéré que celle-ci provenait en grande partie des liens familiaux, de voisinage et professionnels. Il a estimé que les sénateurs, qui connaissaient la « vraie France profonde », pouvaient jouer un rôle important dans le renforcement de ces liens.

M. Eric Doligé a jugé que M. Jacques Attali avait tenu publiquement des propos excessivement critiques au sujet des départements. Il a tenu à rappeler le rôle central des départements en matière de développement des technologies de l'information et de la communication, d'enseignement supérieur et de soutien aux PME.

En réponse, M. Jacques Attali a précisé que la proposition de suppression des départements provenait non de l'idée que les départements seraient peu efficaces, mais de celle qu'il y aurait trop de niveaux d'administration territoriale en France.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souligné que la commission des finances était consciente du fait que la nécessité de maîtriser les dépenses publiques concernait notamment les collectivités territoriales.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur le coût des 316 propositions et sur les modalités de leur financement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souhaité disposer des estimations chiffrées sur lesquels s'appuyait le rapport.

En réponse, M. Jacques Attali a indiqué que le rapport ne comprenait pas de tels chiffrages, afin que le débat se focalise sur ses propositions. Après avoir souligné la présence, au sein de la commission qu'il présidait, de MM. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee, Philippe Aghion, professeur d'économie à l'université d'Harvard, Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique, François Villeroy de Galhau, ancien directeur général des impôts, et indiqué que M. Philippe Josse, directeur du budget, avait participé à ses travaux, il a déclaré que de tels chiffrages avaient bien été réalisés, et a fait part de sa certitude que le scénario était « parfaitement bouclé ». A titre d'exemples, il a évalué les économies annuelles dues à la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et au développement de l'administration électronique à, respectivement, 2 milliards d'euros et 15 milliards d'euros. Il a par ailleurs rappelé que le rapport proposait de désindexer les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. En ce qui concerne le développement des dix grands pôles d'enseignement supérieur et de recherche, il a estimé que la Caisse des dépôts et consignations pourrait prêter 7 milliards d'euros. Il a rappelé que, selon les estimations réalisées, les propositions de la commission permettraient de ramener la dette publique à 55 points de PIB d'ici à 2012.

M. Jean Arthuis a considéré que M. Jacques Attali proposait de faire de la Caisse des dépôts et consignations le « fonds souverain » de la France.

M. François Marc a déploré que le rapport n'ait pas abordé suffisamment, selon lui, les questions de la redistribution des revenus par la fiscalité, de l'amélioration des conditions du travail et du maintien des services publics et des petits commerces en zone rurale.

En réponse, M. Jacques Attali a estimé que, sa lettre de mission lui demandant d'examiner « les conditions d'une libération de la croissance française », le rapport ne pouvait porter que sur les conditions de la croissance, et non sur la redistribution des fruits de la croissance, qui constituait un enjeu politique. Il a considéré que l'égalité des territoires était en filigrane de chaque proposition.

M. Joël Bourdin a déclaré partager l'analyse du rapport, selon laquelle il y aurait trop de niveaux d'administration locale en France.

M. Michel Mercier s'est demandé pourquoi le rapport préconisait de supprimer les départements, estimant que le problème essentiel en matière d'organisation territoriale était le trop grand nombre de communes.

M. Joël Bourdin a souhaité disposer d'un chiffrage du coût et de l'impact économique des propositions du rapport.

M. Eric Labaye, directeur général de McKinsey France, a estimé que la large majorité des mesures proposées n'avaient pas d'impact budgétaire, et que certaines auraient un impact rapide sur la croissance, comme le recul de l'âge du départ en retraite. Il a considéré que seulement quatre mesures étaient coûteuses : les dix grands pôles d'enseignement supérieur et de recherche, la mise en place du très haut débit pour tous, la création des dix « Ecopolis », et le « contrat d'évolution », destiné à rémunérer les chercheurs d'emploi suivant une formation. Il a cependant précisé qu'il était proposé de financer les trois premières mesures par la Caisse des dépôts et consignations ou par des partenariats public-privé, et la quatrième par un redéploiement des moyens actuellement consacrés à l'indemnisation du chômage.

Mme Marie-France Beaufils a jugé que la réduction du coût du travail n'avait pas d'impact sur l'emploi et que le rapport abordait insuffisamment les questions du financement des PME et du droit du travail. Elle a en outre estimé que la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat privait le gouvernement des marges de manoeuvre financière pour mettre en place des réformes utiles.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a considéré que les mesures préconisées en matière de fiscalisation des recettes de la sécurité sociale étaient modestes.

M. Jacques Attali a contesté cette analyse, rappelant que le rapport proposait de définir, pour l'assurance maladie, des crédits limitatifs, et de fusionner la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui revenait selon lui à une fiscalisation des cotisations concernées. Il a déclaré qu'il existait un consensus des experts mondiaux sur l'utilité de réduire le coût du travail pour lutter contre le chômage, que le rapport faisait de nombreuses propositions concernant le financement des PME, et qu'en matière de droit du travail, il proposait un « contrat d'évolution » pour rémunérer les demandeurs d'emploi suivant une formation, une facilitation de la rupture à l'amiable du contrat de travail, et un régime de bonus/malus afin d'encourager les entreprises à engager des jeunes et des chômeurs.

M. Michel Charasse a exprimé son accord avec une large majorité des propositions. Il a cependant estimé, ainsi que M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qu'il ne serait pas possible en pratique de réduire les délais de paiement des PME par l'Etat et par les grandes entreprises, les PME étant dans un rapport de force trop défavorable pour demander l'application du droit. Il a par ailleurs déploré que le rapport n'aborde pas la question des « doublons » administratifs entre l'Etat et les collectivités territoriales, et, au sein de ces dernières, entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. Il a en outre estimé le coût immédiat pour les finances publiques des propositions à une somme comprise entre 10 et 15 milliards d'euros, et s'est interrogé sur leur compatibilité avec les engagements européens de la France en matière de solde public.

En réponse, M. Jacques Attali a souligné que le rapport ne prévoyait aucune indemnisation des membres des professions qu'il proposait de déréglementer, et a exprimé son désaccord avec l'analyse de MM. Michel Charasse et Jean Arthuis au sujet de la réduction des délais de paiement des PME par l'Etat et par les grandes entreprises. Il a rappelé que la « décision » 259 du rapport consistait à transformer les intercommunalités en « agglomérations », entités de niveau constitutionnel. Il a indiqué qu'il était à la disposition du Sénat pour présenter le chiffrage des propositions. Il a estimé que la direction du budget pourrait être associée à la présentation de ce chiffrage.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a estimé que cela serait en effet utile et qu'il conviendrait donc que les deux commissions procèdent, dans les semaines à venir, à une telle audition.

M. Michel Houel a exprimé ses interrogations au sujet des propositions du rapport en ce qui concernait les collectivités territoriales.

En réponse, M. Jacques Attali a souligné que le rapport prévoyait l'élection des présidents et des conseillers d'agglomération au suffrage universel.

M. Robert Badinter a considéré que seulement certaines des 316 propositions seraient mises en oeuvre. Il a estimé que le rapport n'insistait pas suffisamment sur la nécessité d'améliorer le système juridictionnel afin de favoriser la croissance.

Mme Josseline de Clausade, rapporteur général de la commission pour la libération de la croissance française, et M. Jacques Attali ont jugé que le rapport faisait de nombreuses propositions en ce domaine.

M. Paul Raoult s'est demandé si, plutôt que d'envisager la suppression des départements, il ne conviendrait pas d'envisager la fusion de certaines communes. Il a déploré le coût élevé des dépenses fiscales, et le fait que les « élites » soient peu enclines à se diriger vers des secteurs comme le commerce, l'artisanat, ou le bâtiment.

M. Michel Mercier a approuvé l'analyse du rapport, selon laquelle il y aurait trop d'échelons d'administration territoriale en France. Il a néanmoins considéré que le rapport en tirait des conclusions erronées, en refusant d'admettre la nécessité de fusionner certaines des 36.000 communes.

En réponse, M. Jacques Attali a rappelé que la « décision » 302 du rapport consistait à restructurer l'ensemble des niches de l'impôt sur le revenu, pour limiter leur coût total à 10 % de cet impôt. Citant une formule de M. Edouard Balladur, il a déclaré vouloir aller vers « l'évaporation des départements ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a déploré que le rapport n'ait pas souligné avec davantage de force l'impact néfaste des délocalisations sur l'emploi. Il a en outre considéré que l'empilement législatif et le taux très élevé des prélèvements obligatoires étaient de puissants facteurs d' « évaporation » économique.