Mardi 12 février 2008

- Présidence conjointe de M. Jean Arthuis, président, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.

Plan en faveur des banlieues - Audition de Mmes Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, et Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, sur le plan en faveur des banlieues

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires économiques, à l'audition de Mmes Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, et Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, sur le plan en faveur des banlieues.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a indiqué que le plan en faveur des banlieues avait bénéficié d'une communication en deux temps, les grandes orientations ayant été annoncées à Vaulx-en-Velin le 22 janvier 2008 par les ministres en charge du dossier, quand le plan lui-même a fait l'objet, le 8 février 2008, d'une présentation par le Président de la République. Il a évoqué les derniers travaux de réflexion et de contrôle sur la politique de la ville, réalisés par les commissions des affaires économiques et des finances.

Il a ensuite précisé que l'emploi, l'éducation et la sécurité figuraient au rang des priorités du plan, qui propose en particulier la création de 200 « unités territoriales de quartier », et d'un contrat d'autonomie pour les jeunes au chômage. Il a relevé, au titre du financement des mesures, l'annonce de l'affectation de 500 millions d'euros, pris sur le « budget » affecté au « Grenelle de l'environnement », à destination d'opérations de désenclavement des quartiers ainsi que d'une réforme des dotations aux collectivités territoriales.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, a tout d'abord rappelé que le Président de la République souhaitait un profond renouveau des politiques de lutte contre la ségrégation urbaine, soulignant que jusqu'à présent, malgré les bonnes volontés et les moyens financiers consentis, les interventions publiques n'avaient pu enrayer la ghettoïsation progressive de millions de citoyens.

Elle a estimé que cette nouvelle politique était fondée sur une vision globale de la ville et relevé les propos du Président de la République déclarant que « quelles que soient ses origines, quel que soit le quartier où il habite, chacun doit pouvoir demain être certain qu'il a les mêmes chances et qu'il a les mêmes droits ». Faisant valoir que les mesures annoncées ne constituaient pas un « énième plan », elle a estimé que la logique de milliards dépensés sans cohérence montrait aujourd'hui ses limites. Il est nécessaire de remettre de la cohérence dans cette politique, proposer une nouvelle dynamique centrée sur les habitants des quartiers, ne plus se limiter au seul traitement social de ces derniers et rendre les dépenses utiles et efficaces.

Se félicitant de porter cette nouvelle ambition avec Mme Fadela Amara, elle a rappelé les deux objectifs fixés par le Président de la République : redonner confiance en l'avenir aux habitants des banlieues et réinsérer les banlieues dans la République. Ce nouveau pacte républicain doit engager l'ensemble des citoyens, et repose sur deux principes : la mise en oeuvre d'un nouveau modèle de pilotage et le « donnant-donnant », fondé sur la responsabilisation des habitants.

Elle a ensuite indiqué que les mesures répondraient aux attentes prioritaires des habitants des banlieues, à savoir la sécurité, l'éducation, l'emploi et le désenclavement et seraient mises en oeuvre selon une nouvelle méthode. En premier lieu, tous les ministres auront désormais pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers et les autres territoires par une mobilisation sans précédent de leurs moyens de droit commun. Mme Christine Boutin a formulé le voeu que les commissions du Sénat puissent à l'avenir entendre, aux cotés des ministres en charge de la ville, les ministres de l'éducation nationale, des finances, des transports et de l'intérieur sur leurs objectifs à ce sujet, et a précisé qu'au niveau local, le retour de l'Etat se manifesterait par un renforcement du rôle des délégués de l'Etat. En deuxième lieu, le plan vise à s'attaquer à la racine des difficultés en mettant fin aux processus qui ont conduit à concentrer tous les problèmes aux mêmes endroits. Enfin, il devra permettre une mobilisation particulière dans ces quartiers des services publics de l'emploi et de l'éducation et inciter les agents les plus expérimentés à y travailler.

Mme Christine Boutin a ensuite présenté les mesures que le Président de la République souhaite mettre en oeuvre rapidement. Tout d'abord la conclusion, avec les bailleurs sociaux, d'un nouveau pacte social garantissant la qualité du service rendu aux habitants, qui prévoit les modalités de son évaluation et, le cas échéant des sanctions en cas d'insuffisance des résultats, notamment au travers du maintien ou non des avantages fiscaux attribués aux organismes. A titre d'exemple, elle a cité l'abattement de 30 % sur la base d'imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les organismes HLM pour leurs immeubles situés en zones urbaines sensibles, qui représentait, en 2005, un coût, pour les finances publiques, de 109 millions d'euros. Elle a également insisté sur la nécessité d'impliquer au maximum les collectivités territoriales dans cette politique.

Mme Christine Boutin a par ailleurs indiqué que serait abordée la question de l'attribution des logements sociaux, celle-ci devant favoriser l'intégration des populations issues de l'immigration et éviter l'enfermement des communautés sur elles-mêmes. Les situations dans lesquelles la logique administrative conduit à regrouper certaines populations dans certains immeubles ne sont plus acceptables, mais il s'agit d'une question très délicate, sur laquelle une réflexion est engagée avec M. Brice Hortefeux, à laquelle les élus et les bailleurs seront associés. Enfin, l'accession sociale à la propriété sera encouragée à travers l'accord signé entre le ministère du logement et l'Union sociale pour l'habitat, mais il faut veiller à ce que les conditions de gestion des logements cédés permettent d'éviter les phénomènes de copropriétés dégradées, comme dans les communes de Montfermeil et de Clichy-sous-Bois. La feuille de route a été clairement établie sous l'autorité du Premier ministre et il lui incombe de coordonner avec Mme Fadela Amara la mise en oeuvre de ces mesures en respectant les échéances fixées.

Rappelant que depuis six mois, la question des banlieues était revenue au centre des préoccupations, Mme Fadela Amara s'est félicitée de ce que, pour la première fois, on évoque ces questions non pour commenter des actes de violence, mais pour proposer des solutions. Faisant valoir que ce changement avait été initié avec Mme Christine Boutin par l'organisation des rencontres territoriales de la ville, elle a considéré que les quartiers populaires avaient besoin de la mobilisation de tous. Saluant le discours du chef de l'Etat, elle a observé que c'était la seconde fois qu'un Président de la République s'impliquait en personne sur cette question, après M. François Mitterrand, le 4 décembre 1990, à Bron.

Elle a ensuite précisé que les priorités du plan s'articulaient autour de l'emploi, la formation, l'éducation, le désenclavement et le droit à la sécurité pour tous. S'agissant de l'emploi et de la formation, il s'agit de mettre en place un parcours sécurisé vers l'emploi, car si le chômage recule en France, il se situe encore autour de 40 % dans ces quartiers. Plus de 150.000 jeunes n'ont pas d'emploi et le contrat d'autonomie proposé par le plan, loin d'être un contrat aidé de plus, constitue un trait d'union entre les demandeurs d'emploi et les recruteurs. Dans ce cadre, des opérateurs publics ou privés, choisis après appel d'offres, évalueront les besoins d'emploi des entreprises et fixeront le nombre de jeunes qu'elles s'engagent à embaucher en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat à durée indéterminée (CDI). Ces opérateurs travailleront avec les associations, les services de l'Etat, les missions locales et l'ANPE et seront rémunérés selon leurs performances. En outre, un double dispositif d'accompagnement personnalisé et d'aide à la création d'entreprise sera mis en place avec pour objectif la création de 20.000 entreprises.

S'agissant de la réussite éducative, Mme Fadela Amara a annoncé la création d'internats d'excellence, qui permettront aux enfants des milieux défavorisés montrant de bonnes aptitudes scolaires d'être mieux accompagnés. En outre, dans les écoles primaires des quartiers, les équipes éducatives seront renforcées et les mesures d'accompagnement éducatif étendues aux « orphelins de seize heures ». Par ailleurs, le « busing » sera expérimenté afin d'organiser la mobilité des jeunes dans les écoles situées en dehors de leur quartier. Les dispositifs de « deuxième chance » seront étendus pour les 150.000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, et il s'agit d'une priorité affirmée par le Président de la République, l'Etat s'engageant financièrement à aider au démarrage de ces écoles par l'affectation d'une partie de la taxe d'apprentissage. A travers ces mesures volontaristes de réussite éducative, il s'agit de faire des quartiers populaires le vivier des élites de la République.

En outre, le désenclavement est indispensable pour « débloquer » l'ascenseur social dans certains quartiers et il convient ainsi, pour les habitants de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, d'améliorer l'accessibilité au bassin d'emploi de Roissy, avec le tramway T4 et le maillage par les transports publics des communes concernées. Dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, un financement de quatre milliards d'euros sur dix ans pour 1.500 kilomètres de transports en commun sur site propre est prévu, dont 500 millions d'euros pour le désenclavement des quartiers en difficulté. Il est essentiel que les collectivités territoriales et les autorités organisatrices de transport s'engagent dans la mise en oeuvre rapide des projets de désenclavement, comme le président Jean-Paul Huchon pour la région Ile-de-France.

S'agissant du droit à la sécurité pour tous, Mme Fadela Amara a fait valoir qu'il s'agissait de la première demande des habitants des quartiers en difficulté et que la pauvreté ne pouvait justifier la présence des délinquants. La lutte contre l'intégrisme, le marché noir et les trafics constitue une priorité, se traduisant par le retour de la police de « voisinage » et des 200 unités territoriales de quartiers annoncées par le Président de la République, les 4.000 policiers supplémentaires devant être fidélisés par l'amélioration de leurs conditions de travail. En outre, il faut tout mettre en oeuvre pour donner aux jeunes une image attractive des métiers de la police.

Mme Fadela Amara a considéré, en outre, que d'autres thèmes comme la santé, la culture, le sport et la condition des femmes ne devaient pas être oubliés. Pour réformer la gouvernance et clarifier les responsabilités, il faut renforcer le binôme « préfet/maire » et prévoir la présence dans chaque quartier, à temps plein, d'un délégué de l'Etat chargé de décliner les objectifs nationaux et de coordonner le travail des services publics. Insistant ensuite sur la nécessaire amélioration de l'évaluation, elle a indiqué qu'elle demanderait précisément où vont les crédits de l'Etat, pour quels résultats sur le terrain et pour quelles améliorations dans le quotidien des habitants des quartiers populaires.

Afin de mobiliser tous les acteurs, les ministres concernés devront présenter, chacun, un programme sur trois ans de mobilisation de leurs services sur ces quartiers. Le Comité interministériel des villes (CIV) ne sera plus un forum de discussion, mais un lieu d'impulsion, de contrôle et de suivi des politiques envisageables afin de répondre aux injonctions de la Cour des comptes et aux recommandations formulées à l'occasion de la loi de finances pour 2008 par les rapporteurs du Sénat.

En conclusion, Mme Fadela Amara a confirmé son total engagement aux côtés de Mme Christine Boutin dans cette dynamique nouvelle et souligné la nécessité d'une réforme fiscale pour une meilleure solidarité territoriale.

Après avoir rappelé qu' une mission avait été confiée au dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une mission avait été confiée au préfet Jean-Pierre Lacroix sur la ville et le logement, dont les conclusions sont attendues pour le mois d'avril 2008, M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a souhaité que le Parlement soit davantage associé à ces travaux, qui pourraient avoir d'importantes répercussions sur ces secteurs, et a interrogé les ministres sur leur état d'avancement.

Après avoir confirmé que les travaux menés par le préfet Jean-Pierre Lacroix ne seraient achevés qu'en avril et qu'il était, dès lors, difficile de donner des éléments précis, Mme Christine Boutin a cité, parmi les pistes envisagées, la simplification de la gouvernance, tant au niveau national que local, le rôle accru du CIV, une meilleure articulation entre les agences et la Délégation interministérielle à la ville (DIV), le rôle accru du préfet de département, délégué de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et de l'Agence pour la cohésion sociale (ACSé), la montée en puissance du préfet de région et, enfin, la généralisation des délégués de l'Etat.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Ville et logement », s'est félicité de l'annonce du renforcement du CIV et de la généralisation des délégués de l'Etat, mesure qu'il avait préconisée dans un récent rapport présenté au nom de la commission des finances. Il a rappelé que ces délégués, institués dans les années 1990 par le préfet Paul Bernard, représentaient une présence utile de l'Etat dans les quartiers en difficulté. Abordant la question des crédits déconcentrés, il s'est interrogé sur le rôle de l'ACSé dans l'amélioration des circuits de versement et sur la possibilité pour les maires d'être délégataires pour le compte de l'Etat de la totalité des crédits d'intervention, les délégués de l'Etat étant chargés de veiller à leur utilisation. Il a également demandé si la réduction des délais de versement des subventions aux associations avait été effective dès le mois de janvier 2008. Rappelant que le Sénat avait adopté le principe d'une révision quinquennale du zonage de la politique de la ville, il a posé une question sur l'état d'avancement de cette révision qui, en principe, devrait intervenir en 2009. Evoquant la volonté de la ministre de confier à l'ANRU une mission sur les centres-villes dégradés, il a fait part des inquiétudes des élus, engagés financièrement dans des projets lourds de démolition-reconstruction, si cette nouvelle mission devait réduire les crédits de l'ANRU affectés à ces projets. Abordant les dispositifs en faveur des jeunes, il s'est interrogé sur l'articulation entre le contrat d'autonomie et les contrats déjà existants, regrettant l'empilement des dispositifs.

En réponse, Mme Christine Boutin a précisé que la réforme des dotations aux collectivités territoriales sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2009 et s'effectuera en étroite concertation avec le comité des finances locales, qui a créé un groupe de travail sur le sujet.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission des finances s'était récemment préoccupée des paiements tardifs des subventions aux associations intervenant au titre de la politique de la ville, dans le cadre d'une enquête qu'elle avait demandée à la Cour des comptes.

Puis Mme Christine Boutin a indiqué les éléments suivants :

- en 2008, pour la première année, les crédits d'aide aux associations ont été disponibles au niveau déconcentré, dès le 17 janvier ;

- le rôle de l'ANRU doit être réaffirmé, mais parallèlement, la politique de réhabilitation doit mieux prendre en compte certains centres-villes anciens abandonnés, où l'habitat indigne est très présent : le financement de leur rénovation pourrait passer par un partenariat privilégié entre l'Etat, le 1 % Logement, la Caisse des dépôts et consignations et les collectivités territoriales ; il convient, en tout état de cause, de lutter plus efficacement contre les « marchands de sommeil » qui instrumentalisent la pauvreté.

Mme Fadela Amara a ensuite précisé les points suivants :

- le contrat d'autonomie n'est pas un nouveau contrat aidé, mais un « nouveau concept » qui prend acte de la défaillance du service public de l'emploi et propose du « sur-mesure » pour suivre les jeunes, en introduisant la culture du résultat et en proposant un « coaching » intensif, qu'il s'agisse de jeunes diplômés victimes de discriminations dans leur recherche d'emploi ou de jeunes sans qualification ;

- une réflexion sur la fusion des contrats existants en un seul contrat pour tous les demandeurs d'emploi de moins de 26 ans serait opportune.

M. Jean Arthuis, président, a jugé intéressante l'idée d'un contrat unique qui serait mis en place, le cas échéant, avec des ajustements locaux.

M. Pierre André, rapporteur pour avis des crédits « Ville » au nom de la commission des affaires économiques, s'est félicité de ce que plusieurs des propositions formulées par la mission d'information sur les quartiers en difficulté, créée par le Sénat, aient été reprises dans le plan, comme l'amélioration de la gouvernance avec le renforcement du rôle du CIV, le développement des écoles de la deuxième chance et des internats d'excellence, la mise en oeuvre du « busing », la réaffirmation du rôle du maire et du préfet, l'engagement financier de l'Etat en faveur du désenclavement, la police de proximité, la simplification des contrats et, enfin, l'amélioration du financement des associations. Il s'est demandé si ce nouveau plan s'adressait à 20 ou 30 quartiers situés en « banlieue », essentiellement parisienne, ou s'il avait également vocation à proposer une politique de la ville en direction des villes de province comportant des quartiers en grande souffrance.

Rappelant la succession rapide des ministres de la ville sur les 20 dernières années, il a estimé que les politiques précédentes avaient eu des effets positifs et qu'il fallait leur laisser du temps pour qu'elles portent pleinement leurs fruits, la politique de la ville ayant besoin de continuité. Il a, en conséquence, interrogé les ministres sur l'articulation entre les mesures du plan et les dispositifs existants comme les contrats urbains de cohésion sociale, l'ANRU et la réussite éducative. Abordant la question du logement, il a rappelé que les problèmes les plus aigus se situaient bien souvent dans des copropriétés privées dégradées, sur lesquelles l'intervention publique est particulièrement difficile. Enfin, il a souhaité connaître la position des ministres sur la révision des zonages et a demandé si celle-ci pourrait déboucher sur la réduction du nombre de quartiers prioritaires à une trentaine.

Mme Christine Boutin s'est élevée contre une contradiction supposée entre politique de la ville et politique des banlieues en insistant sur les convergences des actions menées en direction des quartiers et des autres territoires. Elle s'est déclarée en faveur d'une réconciliation entre les espaces et les populations, affirmant que cette politique permettrait de faire tomber les ghettos.

Elle a affirmé que le plan « Espoir pour les banlieues » ne conduirait pas à l'abandon des politiques antérieures, mais constituait une nouvelle étape de la réflexion en la matière.

M. Jean Arthuis, président, a conclu sur ce point que le plan en faveur des banlieues serait un levier, parmi d'autres, de la politique de la ville.

Mme Fadela Amara, se qualifiant elle-même de « produit » de la politique de la ville, a observé que les mesures spécifiques en faveur des banlieues étaient nécessaires et destinées à des populations qui cumulent toutes les difficultés. Les projets des quartiers constituent la déclinaison d'un projet national visant à rétablir plus d'égalité et les émeutes de 2005 sont la preuve d'un dysfonctionnement réel. Il faut parvenir à une meilleure traçabilité des crédits affectés à ces actions.

M. Jean Arthuis, président, a noté positivement l'affirmation d'objectifs de résultats et de performance pour la politique de la ville.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis des crédits « Logement » au nom de la commission des affaires économiques, s'est félicité de l'accent mis sur l'interministérialité, des annonces en faveur du désenclavement des quartiers et du retour d'une police de « voisinage ». Il a, en revanche, exprimé son « agacement profond » envers la stigmatisation des logements HLM et de leur peuplement, rappelant que les attributions de logements sont réalisées non par les organismes bailleurs, mais par des commissions d'attribution. Il a invité le gouvernement à donner des consignes claires aux préfets pour ne pas loger les personnes relevant du droit au logement opposable (DALO) dans les quartiers qui font l'objet de programmes de rénovation de l'ANRU.

Il s'est ensuite interrogé sur :

- la capacité du gouvernement à tenir ses engagements en matière d'éducation, au regard des expériences passées ;

- le fonctionnement du « busing » et ses éventuelles conséquences sur la carte scolaire ;

- la modification du zonage actuel de la politique de la ville, établi sur des critères objectifs ;

- les conséquences budgétaires des mesures annoncées et la part de financement revenant aux collectivités territoriales ;

- l'ambition réelle de la réforme annoncée de la fiscalité locale, compte tenu des décisions prises en 2007 concernant la dotation de solidarité urbaine (DSU).

Mme Christine Boutin a confirmé sa préoccupation s'agissant du peuplement des logements HLM et a annoncé une « grande loi sur le logement » pour le printemps 2008. Elle a reconnu le risque de concentration des bénéficiaires du DALO dans les logements situés dans des zones tendues et déclaré qu'elle ne donnerait des consignes aux préfets qu'après les élections municipales, en vue de l'éviter. Elle a affirmé que si les crédits budgétaires de la politique de la ville stricto sensu atteignaient 1 milliard d'euros, c'était en réalité tout le budget de la France qui était mobilisé pour la ville.

Mme Fadela Amara a constaté que dans de nombreux quartiers, les besoins pourraient être satisfaits par la mobilisation effective des politiques de droit commun. Elle a souligné à cet égard l'importance de la réactivation du CIV.

S'agissant du « busing », elle a précisé que sa mise en place serait expérimentale sur une cinquantaine de sites et à la demande des maires, sans remise en cause de la carte scolaire. Revenant sur la question du zonage, elle a indiqué que la politique de la ville devait permettre de sortir progressivement les quartiers des zones prioritaires. Elle a rappelé qu'une évaluation des contrats urbains de cohésion sociale serait menée en 2009 et considéré que, d'ores et déjà, certains quartiers ne relevaient plus de la politique de la ville, mais des politiques de droit commun. Elle a estimé que les 100 quartiers les plus difficiles devaient faire l'objet d'une priorité absolue, les qualifiant de « territoires perdus de la République », et que les 600 autres nécessitaient un travail sur des fragilités spécifiques.

En réponse à M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, elle a confirmé que la réforme des finances locales, centrée sur une meilleure répartition des dotations, figurerait effectivement dans le projet de loi de finances pour 2009.

Après s'être félicité des mesures annoncées, M. Dominique Braye a relevé que les ministres seraient toutefois jugés à l'aune de leurs résultats sur le terrain. Il a observé, à ce sujet, que la mise en oeuvre des mesures incombait bien souvent aux successeurs des ministres qui les ont décidées, citant à cet égard l'exemple de la loi relative au droit au logement opposable (DALO), dont il a souligné les difficultés de mise en oeuvre concrète. Il s'est ensuite déclaré satisfait de l'introduction d'une logique du « donnant-donnant » et a salué la prise en compte du caractère interministériel de la politique de la ville, regrettant que, trop longtemps, les ministres concernés par cette question aient été isolés. Réagissant sur la question de l'éducation, il a jugé nécessaire de pouvoir disposer des meilleurs enseignants dans les quartiers les plus en difficulté et a souhaité savoir quelles mesures, notamment financières, étaient envisagées pour attirer les meilleurs d'entre eux dans ces quartiers.

Revenant sur l'annonce de 4.000 nouveaux policiers dans les quartiers en difficulté, il a souligné que les principales victimes de l'insécurité étaient les populations mêmes de ces quartiers. Citant l'exemple du Val Fourré, quartier dans lequel aucun propriétaire ne souhaite disposer d'une place de parking hors de la vue de son appartement, il a déploré que la délinquance et les trafics soient souvent la « première école » pour de nombreux jeunes. Estimant en outre que le langage était un facteur clef dans l'intégration républicaine, il a observé que le « savoir-être » était au moins aussi important que les compétences dans la recherche d'un emploi, et souhaité en conséquence que l'on s'adresse aux jeunes, en particulier lorsque l'on occupe une fonction ministérielle, dans un français irréprochable.

Abordant ensuite les écoles de la deuxième chance, il a indiqué que l'ouverture de ce type d'école était programmée à Trappes et à Mantes-la-Jolie pour septembre 2009 et a relevé que le coût d'un élève, environ 9.000 euros, n'était pas plus élevé que dans un « collège classique ». Il a toutefois regretté l'obligation dans laquelle se retrouvent souvent les collectivités territoriales de devoir pallier le caractère tardif des subventions du Fonds social européen (FSE) et a demandé si des mesures étaient envisagées pour les communes les plus pauvres, qui n'ont souvent pas les moyens financiers suffisants pour avancer les frais. M. Dominique Braye a enfin demandé si la déclinaison de la loi DALO sur le terrain ne risquait pas de porter atteinte à la mixité sociale.

Mme Christine Boutin a rappelé qu'elle avait été le rapporteur de la loi DALO à l'Assemblée nationale et qu'étant aujourd'hui chargée de son application, elle demeurait une fervente militante de cette loi. Estimant que les gouvernements successifs n'avaient pas réussi à construire suffisamment de logements depuis plus de vingt ans, elle a déclaré que des instructions seraient données aux préfets afin d'éviter l'accentuation de difficultés dans les zones qui ont beaucoup de logements sociaux et a rappelé qu'à partir de décembre prochain, l'Etat pourrait être attaqué sur le fondement du droit au logement opposable. Réaffirmant son objectif de résoudre cette question avant la fin du quinquennat, elle a affirmé que la cause du logement nécessitait la mobilisation de tous, notamment des collectivités territoriales.

Mme Fadela Amara a indiqué qu'elle n'était pas favorable à l'utilisation du « verlan » par les jeunes. Elle a confirmé que des mesures seraient préparées en concertation avec le ministre de l'éducation en faveur d'une mixité des enseignants dans les quartiers.

M. Eric Doligé a considéré que le plan en faveur des banlieues comportait beaucoup d'évidences et il a regretté qu'il soit peu fait mention des collectivités territoriales et, principalement, des départements. Il a souhaité que soit mesurée la répercussion des différentes mesures annoncées sur les finances locales.

M. Aymeri de Montesquiou a rappelé que la politique d'aménagement du territoire devait permettre de dépasser le clivage entre la ville et le monde rural en ouvrant des pistes pour le décongestionnement des villes. Il a regretté que les gouvernements successifs aient valorisé à l'excès les dépenses réalisées dans le cadre de la politique de la ville, sans que les habitants des quartiers en aient perçu les effets.

Soulignant l'importance de la péréquation financière entre communes, Mme Nicole Bricq a évoqué les difficultés particulières du département de la Seine-et-Marne, qui comporte à la fois des zones très rurales et très urbaines. Estimant que la communication du Président de la République manquait de précisions, elle a regretté qu'un seul chiffre ait été donné, celui des 500 millions d'euros pour le désenclavement, et a observé que, sur cette somme, pas moins de 200 millions d'euros étaient d'ores et déjà affectés au projet de tramway à Clichy, ne laissant ainsi que 300 millions d'euros pour tout le reste du territoire. Notant, en revanche, que le Président de la République avait été très précis sur la réforme de la fiscalité locale, annoncée pour le projet de loi de finances pour 2009, elle a rappelé que la progression de la dotation de solidarité urbaine prévue par le plan de cohésion sociale avait été limitée dans la loi de finances pour 2008. Elle a demandé si cette dotation reprendrait sa progression dans la prochaine loi de finances.

Abordant ensuite la question du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF), elle a indiqué que des amendements étaient déposés chaque année en loi de finances afin de corriger les mécanismes d'abondement de ce fonds et d'éviter que les communes riches paient de moins en moins. Elle s'est également vivement inquiétée de savoir si les régions, les départements et les communes seraient sollicités pour financer les mesures annoncées par le Président de la République, estimant que ceci poserait un problème de confiance majeur. A propos de la révision annoncée des zonages, elle a rappelé que l'annonce, en 2001, de celle des zones franches urbaines avait suscité une forte contestation au sein de l'opposition de l'époque et a relevé que l'opposition d'aujourd'hui saurait davantage se confronter au principe de réalité.

Mme Bariza Khiari s'est pour sa part félicitée de la mesure proposée consistant à inclure 5 % des meilleurs élèves issus des quartiers en difficultés dans des classes préparatoires aux grandes écoles, soulignant qu'il s'agissait là d'un outil utile de lutte contre les discriminations, mais a voulu savoir ce qui était prévu en matière de transport ou d'hébergement, pour ces élèves issus de familles modestes, dans l'hypothèse où ces classes ne seraient pas créées in situ. Elle a par ailleurs regretté que rien ne soit envisagé sur l'apprentissage des codes sociaux nécessaires pour réussir l'ascension sociale, et a plaidé pour un recrutement plus diversifié des élites, tant au sein des grandes entreprises que de l'appareil d'Etat. Elle a également souhaité savoir si un zonage territorial avait été effectué ou si des lycées avaient d'ores et déjà été identifiés pour l'application de ce dispositif. Evoquant le discours du Président de la République, elle a voulu savoir ce que recouvrait la notion de « volontaires citoyens de la police nationale », s'inquiétant des dérives possibles si elle entraînait la constitution de « milices en armes ». Elle s'est également interrogée sur le rôle du « représentant de l'Etat dans le quartier », considérant que ce dispositif pourrait être interprété comme la mise en place d'un « commissaire politique » par quartier.

M. Daniel Reiner a rappelé que la commission des affaires économiques venait d'achever une mission d'information sur le financement des infrastructures de transport et a souhaité connaître le rôle du ministère du logement et de la ville dans les appels à projet lancés par le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) pour la création de transports en commun en sites propres. Il a également souligné la nécessité d'engager rapidement les projets prioritaires en faveur des communes les plus pauvres. Puis il a estimé que l'amélioration de 5 % du taux de participation de l'Etat au financement des transports dans les zones sensibles, envisagée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, restait largement insuffisante au regard de la faiblesse des moyens des collectivités dans ces zones. Il a enfin souhaité savoir si le ministère de la ville était représenté au sein du MEDAD ou au moins au niveau du secrétariat d'Etat aux transports, pour pouvoir traiter de ces questions.

Répondant aux inquiétudes de M. Eric Doligé, Mme Christine Boutin a souligné que la réflexion sur les dotations aux collectivités territoriales serait menée en concertation avec les élus locaux. De même, les contrats d'autonomie associeront étroitement les entreprises avec les jeunes et l'ensemble des acteurs locaux. M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est à cet égard interrogé sur le contenu de ces contrats en souhaitant savoir s'il ne s'agissait pas d'une « antichambre » du contrat de travail. Répondant positivement, Mme Christine Boutin a précisé que la subvention de l'Etat destinée à prendre en charge les frais afférents au suivi des jeunes ne sera versée qu'en cas d'obtention d'un CDD ou d'un CDI. Elle a précisé qu'une indemnisation des jeunes en contrat d'autonomie était prévue sur la base des crédits de la formation professionnelle et que toutes les mesures annoncées avaient fait l'objet d'une budgétisation.

Répondant ensuite à M. Aymeri de Montesquiou, elle a indiqué, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qu'une réflexion pourrait être menée sur le rôle de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) afin qu'elle passe d'une logique d'aménagement à une logique de compétitivité des territoires et que la ruralité soit mieux prise en compte. S'agissant de la mobilité des personnes, elle a considéré que si celle-ci était effectivement nécessaire, il fallait toutefois tenir compte des souhaits individuels de chacun.

Répondant à Mme Nicole Bricq, elle a rappelé que l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine de 120 millions d'euros avait été permise par M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, et que, dans le cadre de la prochaine loi de finances pour 2009, cette dotation serait modifiée.

Répondant ensuite à Mme Bariza Khiari, elle a tenu à dissiper les craintes relatives à la désignation de citoyens référents dans les quartiers, expliquant qu'à l'occasion d'un déplacement en Angleterre, elle avait pu constater qu'il existait sur tout le territoire un référent pour 500 habitants parmi les citoyens. Elle a souligné que ce dispositif s'était avéré très positif du point de vue de la solidarité entre les habitants et a fait savoir qu'il n'était absolument pas envisagé d'armer les volontaires citoyens en France.

S'agissant des interrogations de M. Daniel Reiner, Mme Christine Boutin a précisé que ses services travaillaient en étroite collaboration avec le MEDAD et a réaffirmé son souhait de voir l'ensemble des mesures proposées faire l'objet d'une évaluation.

Mme Fadela Amara a apporté les précisions suivantes :

- les 5 % de jeunes bénéficiant d'une admission dans les classes préparatoires seront sélectionnés parmi les meilleurs élèves des lycées situés dans les territoires relevant de la politique de la ville ;

- les « volontaires citoyens » ont vocation à remplir un rôle de « correspondants » entre les jeunes et la police afin d'améliorer le fonctionnement du service public de la police, un hommage particulier devant être rendu à celle-ci, qui effectue son travail dans des conditions difficiles ;

- 80 % des conventions passées avec les associations devraient être pluri-annuelles ;

- dans le cadre de la préparation du plan en faveur des banlieues, tous les présidents d'associations d'élus locaux ont été reçus.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a relevé à ce sujet que les élus locaux étaient surtout inquiets à la perspective de devoir participer de manière importante au financement de nouvelles actions.

Enfin, Mme Fadela Amara a estimé que l'idée de faire se rencontrer les jeunesses des milieux urbains et ruraux était intéressante, comme l'avait montré la participation importante des jeunes habitants des villages au « blog » créé dans la perspective de l'élaboration du plan en faveur des banlieues.

Nomination d'un rapporteur

La commission a nommé M. Adrien Gouteyron, rapporteur, sur le projet de loi n° 144 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions et sur les donations.

Contrats de partenariat - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 211 (2007-2008) relatif aux contrats de partenariat, et a désigné comme rapporteur pour avis M. Charles Guené.