Mercredi 10 décembre 2008

-Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président, et de M. Jean-Jacques Hyest, président -

Loi pénitentiaire - Audition de M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur des lieux de privation de liberté

Au cours d'une première séance qui s'est tenue dans la matinée, la commission a d'abord procédé, dans le cadre de l'examen du projet de loi pénitentiaire, à l'audition de M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur des lieux de privation de liberté.

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur des lieux de privation de liberté, a déclaré, en premier lieu, qu'il ne lui appartenait pas de porter un jugement d'ensemble sur le projet de loi, notant au surplus que les dispositions relatives au service public pénitentiaire et à la condition de la personne détenue tenaient dans le texte une moindre place que celles concernant les aménagements de peine.

Evoquant le volet pénitentiaire, il a d'abord jugé souhaitable de distinguer plus clairement, dans le projet de loi, les agents de l'administration pénitentiaire des collaborateurs du service public pénitentiaire. Il a, en particulier, jugé étonnant que l'article 4 paraisse imposer un code de déontologie aussi bien aux premiers qu'aux seconds, parfois déjà astreints à un code de déontologie propre à leur profession, tels les médecins.

Ensuite, après avoir expliqué que la réserve civile pénitentiaire, créée par le projet de loi, était destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires, il s'est interrogé sur l'interdiction faite par l'article 6 à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice de ces missions de se porter volontaire pour entrer dans cette réserve civile. Il a souhaité qu'il soit tenu compte du délai écoulé depuis le prononcé de la sanction -jugeant souhaitable une durée de cinq ans.

En outre, il s'est demandé si la consécration dans la loi de l'aide en nature dispensée aux détenus les plus démunis (art. 13) impliquait que le soutien financier qui leur était également apporté dans beaucoup d'établissements pénitentiaires perdrait, de ce fait, son fondement légal, alors même qu'il devait, au contraire, être privilégié.

Par ailleurs, sur la question du travail des détenus, il a jugé plus opportun de faire référence à un contrat de travail aménagé plutôt qu'à un acte d'engagement dont il a relevé la nature ambiguë. Il a également regretté que le texte soit muet sur l'offre de travail en détention, en voie de raréfaction compte tenu de la conjoncture économique actuelle.

Abordant la vie en détention, il s'est réjoui que le texte ouvre à l'ensemble des détenus, et non, comme aujourd'hui, aux seuls condamnés, le droit de téléphoner, notant, en outre, que la rédaction prévoyait opportunément une liste de personnes pouvant être appelées, à savoir les membres de la famille du détenu et les personnes préparant sa réinsertion, alors que la pratique actuelle fonctionnait, semble-t-il pour des raisons techniques, selon une logique inverse, source d'erreur selon lui, fixant une liste de personnes ne pouvant pas être appelées.

Sur le contrôle du courrier, il a souhaité que la loi précise l'obligation de refermer le courrier après le contrôle, afin de préserver la confidentialité de son contenu jusqu'à sa remise au détenu.

Soulignant que l'article 24 du projet de loi dispose que la nature et la fréquence des fouilles à corps sont adaptées aux circonstances de la vie en détention, à la personnalité des détenus et aux risques que leur comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans les établissements, il s'est interrogé sur l'apport de cette disposition au regard des dispositions réglementaires en vigueur. Notant le caractère humiliant des fouilles pour les intéressés, il a jugé souhaitable de ne les pratiquer qu'en cas de stricte nécessité.

Il a enfin regretté qu'un détenu puisse perdre son emploi en détention en guise de sanction disciplinaire alors que l'objet même de la prison est de préparer sa réinsertion.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a noté que de nombreuses personnes qu'il avait entendues considéraient que le projet de loi portait plus sur les aménagements des peines que sur la vie pénitentiaire stricto sensu. Il s'est interrogé sur l'absence de référence, dans le projet de loi, à une définition du sens de la peine qui puisse servir de guide à l'action des personnels en détention. Il a ensuite demandé si la différenciation des conditions de détention, prévue par le projet de loi, ne risquait pas de renforcer le pouvoir discrétionnaire de l'administration pénitentiaire qu'il convenait, au contraire, d'encadrer davantage. Il a également mis en avant le risque de banalisation de l'encellulement collectif. Il a enfin jugé prioritaire de faciliter l'accès au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires.

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur des lieux de privation de liberté, a noté que la loi apportait une réponse au problème de la surpopulation carcérale par une amélioration substantielle des aménagements de peine. Il a ajouté que le projet de loi ne modifiait pas l'équilibre entre, d'une part, la dignité des détenus, d'autre part, la sécurité des personnes et le maintien de l'ordre dans les établissements.

Il a appelé de ses voeux la poursuite de la réflexion sur les alternatives à l'incarcération en fonction de la nature de la peine.

Par ailleurs, après avoir rappelé que la différenciation des conditions de détention était aujourd'hui largement répandue au sein des établissements pénitentiaires, il a douté que sa consécration législative réduise le pouvoir discrétionnaire de l'administration pénitentiaire.

Il a souligné en outre la nécessité d'offrir un accès effectif à toutes les activités proposées en milieu pénitentiaire, à savoir la formation professionnelle, les ateliers culturels, artistiques ou sportifs.

Il a jugé souhaitable, d'une part, de réduire les différences entre les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires, d'autre part, de poursuivre l'objectif de l'encellulement individuel, conformément aux engagements internationaux de la France.

M. Pierre-Yves Collombat a demandé au Contrôleur général s'il lui paraissait matériellement possible de spécialiser les établissements pénitentiaires en fonction du degré de dangerosité des détenus, à l'image du système canadien.

Après avoir souligné que cette spécialisation existait déjà, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur des lieux de privation de liberté, a mis en avant la nécessité de laisser la possibilité aux détenus de passer d'un établissement à un autre en fonction de l'évolution de leur comportement.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats

Puis la commission a procédé à la désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires :

- Mme Anne-Marie Escoffier a été désignée membre suppléant pour siéger au sein de la commission supérieure de codification ;

M. Simon Sutour a été désigné membre titulaire pour siéger au sein du conseil d'administration du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

Mme Virginie Klès a été désignée membre titulaire pour siéger au sein du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire ;

M. Jean-René Lecerf et Mme Alima Boumediene-Thiery ont été désignés membres titulaires pour siéger au sein du conseil supérieur de l'administration pénitentiaire ;

Mme Eliane Assassi a été désignée membre suppléant pour siéger au sein de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour ;

M. François Pillet a été désigné membre titulaire pour siéger au sein de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, sous réserve de la saisine du Premier ministre à cette fin.

La désignation de deux candidats pour siéger au sein du comité des finances locales a été reportée à une prochaine réunion.

Législation funéraire - Examen d'un amendement en deuxième lecture

La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, à l'examen d'un amendement sur la proposition de loi n° 108 (2008-2009), modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative à la législation funéraire.

A l'article 7 (durée de l'interdiction du démarchage commercial), elle a demandé le retrait de l'amendement n° 1, présenté par MM. Philippe Leroy, Gérard César et Francis Grignon, tendant à réduire à un mois, à compter du décès, la durée au cours de laquelle tout démarchage commercial en matière funéraire est interdit auprès des familles endeuillées.

Article 25 de la Constitution - Election des députés - Examen des amendements

La commission a procédé, sur le rapport de M. Patrice Gélard, à l'examen des amendements sur le projet de loi organique n° 105 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution, et sur le projet de loi n° 106 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés.

Elle a donné sur les amendements les avis suivants sur le projet de loi n° 105.

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article additionnel après l'article premier

Nombre des députés

8

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Satisfait

Article 2

Remplacement temporaire à l'Assemblée nationale des députés ayant accepté des fonctions gouvernementales

9

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

4

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article 3

Remplacement temporaire au Sénat d'un sénateur élu au scrutin majoritaire et ayant accepté des fonctions gouvernementales

10

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

5

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

2

Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 4

Coordination

11

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

6

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

3

Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 5

Procédure de désignation d'une personnalité par le Président de la République pour siéger à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution

7

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article 7

Abrogations

1 rect. bis

M. Bernard Magras et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Elle a donné sur les amendements les avis suivants sur le projet de loi n° 106.

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article premier

Commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution

1

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

3

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

4

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

21

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

5

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

22

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

6

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

23

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

7

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

8

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

9

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

10

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article 2

Habilitation du Gouvernement à procéder au découpage des circonscriptions législatives par ordonnance

11

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

24

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

12

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

13

M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

1 rect. bis

M. Michel Magras et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

14

M. Richard Yung et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

15

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article 3

Diverses dispositions relatives à l'élection des députés élus par les Français établis hors de France et aux circonscriptions législatives

16

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

17

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

18

M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

19

M. Richard Yung et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 4

Remplacement temporaire au Parlement européen des représentants français nommés membres du Gouvernement

25

Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche

Défavorable

   

20

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

M. Christian Cointat a jugé grave que l'Assemblée nationale essaye de remettre en cause le principe, traditionnellement respecté, selon lequel il est élu au moins un député dans chaque collectivité d'outre-mer. Concernant l'évaluation du nombre de Français établis hors de France pour le calcul du nombre de députés élus par ces derniers, il a constaté que le nombre de députés des départements était fixé en fonction de la population et donc en partie en fonction du nombre d'étrangers présents sur le territoire national, et a ajouté qu'il aurait donc fallu majorer le nombre d'inscrits au registre des Français établis hors de France avec un coefficient permettant la prise en compte de la population étrangère.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a souligné que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait affirmé à plusieurs reprises qu'un député serait bien élu à Saint-Barthélemy. Il a observé que l'ensemble des amendements tendant à supprimer les dispositifs de remplacement temporaire au Parlement des députés et sénateurs devenus membres du Gouvernement n'était pas conformes à la Constitution, précisant que l'article 25 prévoyait désormais le principe de ce remplacement temporaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a affirmé que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. René Dosière, prévoyant une atténuation du critère de population pour la répartition des sièges de députés lorsque, dans un territoire, les évolutions de la population et du nombre d'électeurs inscrits étaient divergentes, risquait de poser de nombreuses difficultés. Il a rappelé que Mayotte était représentée au Sénat par deux sénateurs et que l'absence de prise en compte de la croissance démographique de la collectivité pour l'actualisation du nombre de députés ne semblait pas satisfaisante. Il a noté que le critère démographique avait été jusqu'alors déterminant pour l'adaptation des effectifs de l'Assemblée nationale et qu'il n'était pas envisageable d'appliquer des critères différents selon les points du territoire.

Loi pénitentiaire - Audition de M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon

Puis la commission a entendu, dans le cadre de l'examen du projet de loi pénitentiaire, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, président du comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire.

Après avoir salué la forte implication du Sénat sur les questions relatives à la justice, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a indiqué que le comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, qu'il avait présidé, avait été institué par la garde des sceaux le 11 juillet 2007 et avait rendu ses travaux le 12 novembre 2007, lesquels comportaient 122 préconisations s'ordonnant autour de sept orientations : faire de la peine privative de liberté l'ultime recours ; donner un sens à l'exécution de la peine privative de liberté ; rendre le détenu acteur de son temps d'enfermement et accompagner son parcours d'exécution de peine ; diversifier et revisiter les régimes de détention ; garantir au détenu les droits ordinaires du citoyen et affirmer les devoirs qui en sont le corollaire ; mettre en oeuvre l'exécution de la peine privative de liberté en l'individualisant et en l'aménageant ; offrir les voies et moyens nécessaires, par la promotion d'un grand service public pénitentiaire et en favorisant les indispensables synergies entre acteurs en milieu « fermé » et acteurs en milieu « ouvert ».

Il a fait observer que le comité d'orientation avait eu pour objectif de définir les missions d'un grand service public pénitentiaire modernisé.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a regretté que le projet de loi ne soit pas accompagné des projets de décret nécessaires à son application, la vie quotidienne des détenus résultant avant tout de dispositions à caractère réglementaire. Il a observé en particulier que les dispositions relatives à la communication au médecin des éléments psychiatriques contenus dans le dossier pénal du détenu, ainsi que celles concernant le respect de la confidentialité du dossier médical du détenu, étaient définies au seul niveau réglementaire. Il a souligné que près des trois quarts des propositions émises par le comité d'orientation relevaient du domaine réglementaire.

Analysant les dispositions du projet de loi, il s'est félicité de ce que son article premier définisse pour la première fois les missions du service public pénitentiaire, chargé à la fois de l'exécution des décisions de justice et des mesures de détention ainsi que de l'insertion et de la probation, et prévoie qu'il doit être organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines.

Il a jugé intéressant que l'article 2 du projet de loi précise la participation au service public pénitentiaire des associations, des collectivités territoriales et d'autres personnes publiques ou privées. En revanche, il lui a semblé maladroit d'évoquer le « concours » des autres services de l'Etat en matière de santé ou d'enseignement, dans la mesure où, en ces deux matières, l'administration pénitentiaire n'a plus la compétence. Il a en conséquence estimé qu'il serait opportun de poser clairement le principe selon lequel l'éducation des détenus soumis à obligation de scolarité relève de la compétence de l'Education nationale et leur santé de celle du ministère de la santé.

Constatant que l'article 3 reprend pour l'essentiel les préconisations du comité d'orientation, il a souligné la pertinence du caractère expérimental du dispositif proposé, destiné à permettre d'évaluer le degré d'implication des régions en matière de formation professionnelle.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, s'est félicité de ce que l'article 4 du projet de loi prévoie l'établissement d'un code de déontologie des agents de l'administration pénitentiaire et des collaborateurs du service public pénitentiaire, soulignant que la France disposerait ainsi d'un corps de règles semblables à celles existant dans d'autres Etats européens. Il a insisté sur l'importance du serment auquel seraient désormais soumis les agents de l'administration pénitentiaire.

Il a jugé que l'article 12 permettrait opportunément aux détenus d'élire domicile, pour l'exercice de leurs droits civiques, dans l'établissement pénitentiaire où ils sont incarcérés, estimant cependant qu'il devait s'agir d'une simple faculté pour les détenus disposant d'un domicile personnel.

Il a fait observer que l'institution d'un revenu minimum au profit des détenus avait fait l'objet de longues discussions au sein du comité d'orientation, qui se concrétisaient à l'article 13 du projet de loi par la création d'une aide en nature versée par l'Etat afin d'améliorer leurs conditions matérielles d'existence. Il a estimé qu'un dispositif consistant à verser une rémunération aux détenus suivant une formation aurait pu être retenu.

Il a salué le fait que l'article 14 prévoie désormais un acte d'engagement professionnel pour la participation de détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires. Il lui a toutefois semblé souhaitable que cet engagement revête un caractère contractuel.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a souligné l'importance pratique du droit à l'accès au téléphone pour les détenus, consacré par l'article 16, qui met fin à une différence de traitement injustifiée entre les prévenus, pour lesquels cet accès n'est actuellement pas garanti, et les condamnés. Il a estimé que cette mesure pourrait limiter les recours à la « téléphonie sauvage », c'est-à-dire à l'introduction et à l'utilisation illicites au sein des établissements pénitentiaires de téléphones portables. Il a rappelé qu'en effet, faute pour de nombreux établissements pénitentiaires de disposer d'un « glacis » suffisant autour de leurs emprises, de nombreux objets étaient projetés de l'extérieur.

Evoquant l'article 23, il a regretté l'absence d'une disposition instituant une obligation de procéder à un inventaire des biens des détenus lors de leur transfèrement, relevant que la disparition alléguée de biens à l'occasion de ces mouvements était au coeur de très nombreuses réclamations des détenus.

Il a indiqué que le principe d'une adaptation aux circonstances de la nature et de la fréquence des fouilles, prévu par l'article 24, constituait une avancée, mais il a regretté que le dispositif proposé ne précise pas expressément que les fouilles corporelles ne devraient intervenir qu'à défaut de tout autre type de mesure d'investigation.

Il a déploré qu'aucune disposition du projet de loi n'évoque les conditions dans lesquelles doivent intervenir les perquisitions et saisies dans les cellules des détenus à la suite de la constatation de certaines infractions. Faisant observer que des règles en ce domaine existaient au niveau européen, il a indiqué qu'il n'y avait aujourd'hui en droit français aucune garantie en la matière, ce qui avait récemment conduit à l'annulation de certaines perquisitions ou saisies. Il a estimé que l'une des solutions à ce problème pourrait être de donner aux directeurs d'établissements pénitentiaires la qualité d'officier de police judiciaire aux seules fins d'effectuer ce type d'opérations.

Abordant le titre II du projet de loi consacré aux aménagements de peine, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a salué le principe, figurant à l'article 32, selon lequel le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme en matière correctionnelle doit constituer un ultime recours.

Commentant les dispositions de l'article 33, il s'est interrogé sur la pertinence, dans la pratique, de permettre d'exécuter sous le régime de la semi-liberté des peines pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement, faisant observer qu'en général, les obligations résultant d'un tel régime n'étaient respectées par les condamnés que pendant une période d'un an au plus. Il a en revanche approuvé l'augmentation du quantum de la peine pouvant donner lieu à fractionnement.

A l'article 34, ayant pour objet de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général, il a jugé contradictoire de prévoir l'exécution d'une telle peine en même temps qu'une assignation à résidence sous surveillance électronique ou qu'un placement à l'extérieur.

Il a estimé que les dispositions de l'article 35 permettant la conversion des peines mixtes en sursis assortis de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général risquaient de poser des difficultés d'application, l'exécution du travail d'intérêt général entraînant le non-avenu de la totalité de la peine.

Il a souligné que l'article 37 prévoyait que la durée de l'assignation à résidence avec surveillance électronique s'imputerait sur la peine d'emprisonnement ferme prononcée et instituait un droit à réparation lorsque la personne ayant fait l'objet de cette mesure bénéficiait d'une décision de relaxe, de non-lieu ou d'acquittement. Il a estimé souhaitable que ce droit soit reconnu pour toute mesure coercitive, en particulier pour les mesures de contrôle judiciaire et les gardes à vue.

Concernant les autres dispositions relatives aux aménagements de peines, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a relevé, pour s'en féliciter, la suppression de l'obligation d'organiser un débat contradictoire lorsque la mesure d'aménagement fait l'objet d'un accord unanime, une simple ordonnance du juge de l'application des peines paraissant effectivement suffisante.

Relevant l'intérêt d'enserrer dans des délais stricts, comme le propose l'article 48, la convocation par le juge d'application des peines, puis par le service pénitentiaire d'insertion et de probation du condamné non encore incarcéré, il a estimé souhaitable de limiter la possibilité d'utiliser cette procédure simplifiée d'aménagement aux peines inférieures à un an et de prévoir un système d'homologation par le juge de l'application des peines de la mesure proposée par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, par l'intermédiaire du parquet. Il a souligné que l'individualisation des peines devait conduire à un aménagement contractualisé de celles-ci, assorti d'un contrôle strict.

Abordant la question du droit à l'encellulement individuel, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a regretté que le projet de loi ne l'érige plus en principe, mais prévoie sa mise en oeuvre au bénéfice des seules personnes en faisant la demande. Il a toutefois reconnu que les contraintes immobilières actuelles limiteraient incontestablement la portée pratique d'un tel principe. Enfin, il a jugé que le projet de loi devrait, en tout état de cause, obliger l'Etat à garantir à chaque condamné une place décente en détention.

Concernant la possibilité, prévue par l'article 50, de maintenir en maison d'arrêt des condamnés ayant un reliquat de peine supérieur à deux ans et en attente d'un aménagement de peine, il a estimé qu'il conviendrait à l'inverse de poser le principe selon lequel les intéressés devraient être transférés dans un établissement pour peines, une telle mesure lui paraissant de nature à apporter de réels progrès par rapport à la situation actuelle.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, s'est enfin déclaré choqué par les dispositions de l'article 43 qui permettraient à une juridiction de l'application des peines de relever elle-même un condamné d'une interdiction professionnelle prononcée à titre de peine complémentaire, estimant qu'une telle décision devrait continuer de relever de la compétence de la seule juridiction de jugement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné la discordance entre l'exposé des motifs et le dispositif du projet de loi, le second apparaissant en retrait par rapport aux principes énoncés par le premier. Il a regretté que le texte présenté ne comporte aucune disposition sur la question de la santé mentale dans les prisons, dont il a jugé nécessaire qu'elle puisse être traitée rapidement dans un autre véhicule législatif.

Il a fait observer que les juges de l'application des peines craignaient que la généralisation du placement sous surveillance électronique mobile s'apparente à une sorte de « grâce électronique ».

Il a souligné l'importance des moyens humains et financiers nécessaires à la mise en oeuvre du projet de loi.

Il s'est interrogé sur la soumission au code de déontologie prévu par le projet de loi, non seulement des agents de l'administration pénitentiaire, mais encore de l'ensemble des personnes concourant au service public pénitentiaire.

Il a évoqué son souhait, qui ne lui semblait pas partagé par le Gouvernement, d'instituer une allocation minimale de réinsertion au profit des détenus.

Il a estimé que le travail d'intérêt général ne pourrait se développer en pratique sans une volonté réelle des collectivités territoriales.

Enfin, il a jugé, d'une part, que le principe de l'encellulement individuel devrait être inscrit dans le projet de loi, d'autre part, que les dispositions de l'article 24 concernant la fouille à corps n'étaient pas satisfaisantes.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a observé que la rédaction de l'article 24 constituait la reprise des dispositions actuellement applicables aux gardes à vue.

Se déclarant favorable à un aménagement systématique des peines des condamnés arrivant au terme de leur incarcération, il a toutefois estimé qu'il ne devrait pas nécessairement se traduire par un placement sous surveillance électronique.

Il a indiqué que les dispositions du projet de loi concernant l'encellulement individuel ne devraient revêtir qu'un caractère transitoire, le principe d'un droit à l'encellulement individuel conservant sa pertinence.

Concernant les implications budgétaires du projet de loi, il a jugé que la priorité était avant tout de renforcer les moyens de l'exécution des peines en milieu ouvert, les services pénitentiaires d'insertion et de probation étant actuellement sous-dimensionnés au regard de leurs missions. Selon lui, des financements pourraient être dégagés grâce à certaines économies, notamment si était envisagée la création d'établissements pénitentiaires à sécurité différenciée : des établissements pourraient être réservés à des détenus présentant une faible dangerosité et nécessitant, de ce fait, un moindre encadrement en personnel et des dispositifs de sécurité plus légers, donc des coûts réduits.

Mission d'information - Polynésie française - Examen du rapport d'information

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Christian Cointat et Bernard Frimat sur leur mission en Polynésie française.

M. Christian Cointat, co-rapporteur, indiquant que la mission d'information s'était rendue du 21 avril au 2 mai 2008 dans les cinq archipels de la Polynésie française, a rappelé que celle-ci avait été la première collectivité d'outre-mer à bénéficier de l'autonomie dans les conditions prévues par l'article 74 de la Constitution issu de la révision du 28 mars 2003.

Rappelant qu'entre février 2004 et septembre 2008, sept présidents s'étaient succédé à la tête de la collectivité et cinq motions de censure ou de défiance avaient été adoptées, il a précisé que le statut de la Polynésie française avait été modifié par la loi organique du 7 décembre 2007, visant à renforcer la stabilité et la transparence des institutions.

Soulignant que les communes étaient restées dans une situation de dépendance à l'égard du pays d'outre-mer, il a précisé que la Polynésie française comprenait 48 communes et 98 communes associées, réparties sur 118 îles, dont 70 sont habitées.

Relevant que la Polynésie française était une collectivité à l'échelle de l'Europe, couvrant une zone économique exclusive de 4,8 millions de km2, il a expliqué que les communications étaient particulièrement difficiles entre les communes et parfois même entre les communes associées appartenant à la même commune.

Evoquant les conséquences néfastes de l'instabilité politique sur la situation économique, il a insisté sur l'absence de politique d'investissement à long terme et sur l'insuffisante utilisation des crédits publics. Il a précisé qu'un quart seulement du budget consacré par le territoire à l'éducation avait été mandaté en 2007, ce qui se traduisait par une dégradation des établissements scolaires, et le fait qu'au cours des dix dernières années, seuls 53 % des autorisations d'engagement en matière d'investissement avait été dépensées.

Insistant sur le ralentissement de l'économie polynésienne et sur la dégradation du secteur touristique, il a indiqué que plusieurs acteurs économiques avaient évoqué les déficiences du groupement d'intérêt économique « Tahiti Tourisme », qu'ils imputaient à une instabilité politique préjudiciable à une gestion de long terme.

Il a souligné les dangers de cette morosité économique pour la jeunesse arrivant sur le marché du travail, le nombre d'emplois créés chaque année apparaissant très inférieur à l'augmentation de la population active.

M. Christian Cointat, co-rapporteur, expliquant que la collectivité attribuait sans critère précis des aides importantes aux communes, a souligné les considérables disparités d'équipement de ces dernières, les communes dispersées sur plusieurs îles étant contraintes de multiplier leurs efforts pour apporter des services équivalents à la population. Il a observé que l'exercice par les maires de leur mandat pouvait être rendu difficile par les difficultés de transport, le maire de Rapa (îles Australes) étant ainsi obligé, lorsqu'il se rendait à Tahiti, d'y demeurer pendant de longues semaines, en attendant le bateau suivant pour regagner sa municipalité.

Il a estimé que les subventions aux communes favorisaient le clientélisme et devaient être mieux encadrées, afin d'assurer la transparence de la vie politique en Polynésie française. Rappelant que la Polynésie française comptait près de 260.000 habitants, il a indiqué que les trois quarts de cette population vivaient dans les 13 communes des Iles du Vent (Tahiti et Moorea).

Précisant que les archipels des Australes, des Tuamotu-Gambier et des Marquises avaient tendance à se dépeupler au profit de Tahiti, il a souligné que l'attraction exercée par les Iles du Vent en termes d'emplois et de conditions de vie pouvait engendrer des désillusions et des problèmes sociaux.

Relevant que près de 15.000 Marquisiens vivaient à Tahiti, alors que 9.000 seulement habitaient aux Marquises, il a indiqué que l'archipel des Iles sous-le-Vent connaissait en revanche une augmentation de sa population, grâce au développement touristique de Bora Bora.

Expliquant que dans les Tuamotu, le secteur de la perliculture, après avoir connu un essor important, était confronté depuis quelques années à une crise durable, il a regretté l'évolution défavorable du tourisme, alors que la Polynésie française présente sans doute les plus beaux paysages tropicaux du monde.

M. Bernard Frimat, co-rapporteur, a souligné que la mission d'information avait permis de mesurer pleinement l'immensité du territoire polynésien et les profondes disparités entre les îles.

Il a expliqué que la représentation proportionnelle ne s'appliquait pas dans les communes associées, même lorsqu'elles comptaient plus de 3.500 habitants. Précisant que chaque commune associée constituait une section électorale, il a indiqué que les élections municipales pouvaient donc donner lieu à un troisième tour, au résultat parfois inattendu dans les communes comprenant des communes associées. Il a expliqué, à titre d'exemple, que la commune de Fangatau comptait au total 275 habitants répartis sur deux atolls distants de 90 km, chacun constituant une commune associée.

Rappelant que la loi du 24 décembre 1971 avait ajouté aux communes de Papeete, Uturoa, Faa'a et Pirae, quarante-quatre autres communes, il a expliqué que trente des quarante-huit communes polynésiennes comprenaient des communes associées qui pouvaient être des îles, ou des subdivisions d'une île. Précisant que chaque commune associée élisait un maire délégué, il a relevé que les communes constituaient les principaux employeurs dans les îles peu peuplées ne bénéficiant pas du développement touristique.

Soulignant que les communes étaient soumises à la fois à la tutelle administrative de l'Etat et à la tutelle financière du pays, il a relevé l'absence, en fait, de libre administration des communes, en raison de leur dépendance totale à l'égard des transferts financiers.

Il a observé que l'économie polynésienne était largement dépendante des transferts de l'Etat, qui attribue notamment à la collectivité, depuis la fin des essais nucléaires en 1996, une dotation globale de développement économique (DGDE), destinée à financer en priorité des investissements.

Indiquant que la commune de Rapa (Iles Australes), la plus méridionale, dépendait à 99 % des dotations versées par l'Etat et par la Polynésie française, il a observé que les communes bénéficiant d'une activité économique soutenue, comme Bora Bora, dépendaient encore à 70 % des mêmes dotations, tandis que les grandes communes comme Papeete en dépendaient à 60 %. Relevant que l'assiette des centimes additionnels que pouvaient lever les communes était limitée à la contribution sur les licences, à la taxe sur les propriétés bâties et aux patentes, il déclaré que le jeu des subventions versées par la collectivité favorisait l'instabilité politique, en contraignant les élus locaux à faire allégeance au pouvoir de Papeete.

M. Bernard Frimat, co-rapporteur, expliquant que, selon l'expression locale, les élus étaient ainsi contraints, pour réaliser des investissements dans leur commune, de se rendre « là où l'herbe était la plus verte », ou d'avoir la bonne couleur politique, il a souligné qu'en dépit de l'accroissement potentiel des compétences communales depuis le statut de 2004, les communes demeuraient des vassales de la collectivité.

Rappelant que le Fonds intercommunal de péréquation (FIP) était essentiellement alimenté par un prélèvement de 17 % sur les recettes fiscales du budget de la Polynésie française, il a relevé que l'ensemble des personnes rencontrées au cours de la mission avaient jugé équitable la distribution des ressources de ce fonds.

Observant que la réforme communale constituait un véritable défi pour les élus municipaux, il a indiqué que l'ordonnance du 5 octobre 2007 étendait à la Polynésie française les première, deuxième et cinquième partie du code général des collectivités territoriales, et prévoyait le passage de communes polynésiennes à un contrôle de légalité a posteriori de leurs actes, au plus tard le 1er janvier 2012. Précisant que les communes deviendraient ainsi des collectivités territoriales de plein exercice, il a expliqué que celles qui le souhaiteraient pourraient bénéficier de ce nouveau régime par anticipation. Soulignant que le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire a priori étaient effectués par les chefs de subdivision administrative, il a indiqué que ceux-ci résidaient à Tahiti, à l'exception de l'administrateur chargé des Marquises, et effectuaient des tournées régulières dans leur archipel de compétence. Il a estimé que cette organisation ne leur permettait pas toujours d'apporter aux maires le soutien de proximité dont ils auraient besoin.

Déclarant que l'ordonnance du 5 octobre 2007 comportait des délais précis pour la mise en oeuvre des compétences communales en matière de distribution d'eau potable (31 décembre 2015), d'assainissement (31 décembre 2020) et de traitement des déchets (31 décembre 2011), il a relevé que ces délais détermineraient l'appréciation des diligences normales accomplies par les maires, pour d'éventuelles carences en matière environnementale sanctionnées par le code pénal. Il a jugé que le respect de ces délais semblait toutefois impossible compte tenu de la faiblesse des ressources des communes.

Il a expliqué que de nombreuses communes recouraient encore à des décharges à ciel ouvert, l'une des deux décharges de Rangiroa par exemple située près d'une passe réputée pour la plongée sous-marine défigure gravement le littoral. La difficulté pour chaque commune d'assumer seule la gestion des déchets apparait de façon aigüe dans les atolls des Tuamotu, généralement peu peuplés, très dispersés, et dont le relief ne permet pas le recours à l'enfouissement.

M. Bernard Frimat, co-rapporteur, a précisé que cinq des 48 communes étaient en mesure de distribuer une eau de qualité relativement satisfaisante, si bien que 10 % seulement des habitants de la collectivité avaient accès à une eau potable. A Moorea, la mission d'information a visité une station d'ultrafiltration de l'eau, à l'arrêt depuis de longs mois, en raison d'un défaut de conception et d'entretien. Il a souligné que les communes des Tuamotu n'avaient d'autres ressources que de collecter les eaux de pluie, le principal du collège de Rangiroa étant d'ailleurs contraint de distribuer aux élèves des bouteilles d'eau minérale, en raison de la contamination des citernes d'eau de pluie par les rejets d'une station d'épuration défectueuse.

Souvent laissé à l'initiative des particuliers, le traitement des eaux usées est en général déficient, ce qui entraine la pollution des lagons et la détérioration de la qualité des eaux de baignade. Il a relevé que les communes étaient à cet égard dans des situations très contrastées, Bora Bora disposant d'installations exemplaires, tandis que d'autres communes, comme Moorea, possèdent des équipements inutilisés ou ne procèdent encore à aucun traitement des eaux usées.

Considérant comme indispensable la correction des disparités entre les communes, il a déclaré que de nombreux maires souhaitaient que le taux de participation de la Polynésie française au FIP soit porté à 20 % du produit des impôts perçus par la collectivité. Il a jugé que le renforcement des moyens des communes constituait une urgence, le respect des délais fixés par l'ordonnance du 5 octobre 2007 ne pouvant être exigé de la part de collectivités entièrement dépendantes de ressources de transfert. Ce renforcement représente également un impératif environnemental, puisque la capacité des communes à assurer le traitement des déchets et des eaux usées conditionne la préservation du milieu naturel, dont la qualité est par ailleurs déterminante pour le développement du tourisme.

Il a expliqué que la formation du personnel communal, marqué par un taux d'encadrement insuffisant, devait également être améliorée dans un contexte d'accroissement des compétences et pour préparer la fin de la tutelle a priori des actes des communes.

M. Bernard Frimat, co-rapporteur, précisant que l'ordonnance du 5 octobre 2007 permettait la création en Polynésie française de communautés de communes et de communautés d'agglomération, a estimé que le développement de l'intercommunalité était une condition indispensable à l'exercice par les communes de leurs compétences. Il a relevé que le recours à des établissements publics intercommunaux regroupant toutes les communes polynésiennes devait être envisagé pour assurer l'exercice de certaines attributions, telles que l'adduction d'eau ou le traitement des déchets.

Il a indiqué que les élus des archipels avaient exprimé leurs attentes en matière de développement en constituant un groupe des « Iliens » au sein de l'assemblée de la Polynésie française, les élus des Marquises ayant même envisagé la transformation de leur archipel en collectivité d'outre-mer. Il a estimé que la création d'une communauté de communes regroupant les six îles des Marquises semblait plus adaptée. Il a relevé que cet archipel devrait ainsi avoir la capacité de mieux assurer sa desserte maritime, l'absence de port d'une taille suffisante conduisant aujourd'hui les navires à se rendre sans escale de Panama à Tahiti, tandis que de plus petits navires revenaient de Tahiti aux Marquises pour les approvisionner.

Il a insisté sur la nécessité, pour la Polynésie française de réfléchir à une réforme concertée de la fiscalité et à une nouvelle répartition des ressources, afin de donner aux communes les moyens de leur compétence et d'échapper à une situation de vassalité.

Il a considéré que le succès de la réforme communale reposait sur une redéfinition des rapports entre l'Etat et la collectivité, d'une part, et entre la collectivité et les communes, d'autre part. Il a souligné que cette démarche devait s'appuyer sur un dialogue de tous les acteurs, les élus rencontrés au cours de la mission, instruits par l'expérience de l'instabilité politique, ayant dressé des constats convergents à cet égard.

M. Gaston Flosse a estimé qu'il appartenait à l'Etat de définir l'organisation des communes et d'assurer, au plus tard jusqu'en 2012, la tutelle a priori de leurs actes. Soulignant que le statut de 2004 contraignait la Polynésie française à verser au minimum 15 % de ses recettes fiscales au Fonds intercommunal de péréquation, il a expliqué que les communes, en raison de leurs très faibles ressources fiscales et foncières, étaient entièrement dépendantes des dotations versées par le FIP et par l'Etat. Précisant que le FIP, autrefois présidé par la haut commissaire, était co-présidé par le haut commissaire et le président de la Polynésie française, il a estimé que l'Etat devrait verser aux communes une dotation équivalente au montant alloué chaque année par la collectivité au FIP.

Relevant que le pays pouvait, depuis le statut de 2004, apporter aux communes des subventions ainsi qu'un appui en personnel et un soutien technique, il a estimé que l'octroi de ces aides avait pu donner lieu à des pratiques clientélistes. Il a cependant expliqué que, pendant plusieurs années, des communes situées, par rapport au pouvoir majoritaire à Papeete, dans l'opposition, s'étaient refusées à demander des subventions à la collectivité et avaient ensuite prétendu être maltraitées par celle-ci.

Estimant que le financement des communes constituait un problème crucial, il a précisé que les communes des Tuamotu étaient confrontées à des difficultés particulières en matière de distribution d'eau, puisqu'elles n'avaient d'autres ressources que les eaux pluviales. Expliquant que la collectivité fournissait en conséquence à chaque famille une citerne destinée à recueillir l'eau de pluie, il a souligné que l'eau minérale était en outre considérée comme un produit de première nécessité et n'était donc soumise à aucune taxe en Polynésie française, le coût du fret étant pris en charge par le pays et les marges bénéficiaires des revendeurs étroitement contrôlées.

Il a estimé que l'objectif pour les communes de distribuer une eau potable à l'ensemble de la population avant le 31 décembre 2015 ne pourrait être atteint, le recours à des osmoseurs pour dessaler l'eau de mer supposant des investissements très lourds et une capacité à produire l'énergie nécessaire.

Considérant que la collecte et le traitement des déchets relevaient autrefois de la compétence du pays, il a noté que si cette compétence avait été transférée aux communes, sa prise en charge restait assurée par la collectivité. Il a jugé que les communes n'avaient pas davantage les moyens d'assurer le traitement des eaux usées.

Il a relevé que l'attribution de ces compétences aux communes avait été décidée par l'Etat, auquel il appartenait aujourd'hui d'attribuer les moyens nécessaires.

Estimant que le gouvernement de la Polynésie française serait disposé à apporter sa contribution à l'exercice de ces compétences par les communes, il a indiqué qu'une commission comprenant des représentants de l'Etat, des communes et du pays avait été constituée, afin de réfléchir aux modalités de financement des charges qui leur sont attribuées. Rappelant que la collectivité réalisait déjà un effort important en versant 17 % de ses recettes fiscales au FIP, il a jugé qu'il ne revenait pas à la Polynésie française de supporter les coûts de mise en oeuvre des compétences communales.

M. Bernard Frimat, co-rapporteur, considérant qu'une réflexion sur les flux financiers affectés à la Polynésie française apparaissait inévitable, a souligné que la fiscalité applicable en Polynésie française bénéficiait presque entièrement à la collectivité d'outre-mer.

Jugeant qu'il convenait de mettre les moyens des communes en adéquation avec leurs compétences, il a estimé que la réflexion ne devait pas seulement porter sur le montant du Fonds intercommunal de péréquation, mais aussi prendre en compte la répartition de l'ensemble des ressources attribuées à la Polynésie française.

M. Christian Cointat, co-rapporteur, a jugé que la France avait procédé à l'égard de l'outre-mer à une décentralisation « jacobine », qui avait concentré l'essentiel des compétences et des moyens dans les mains des collectivités, oubliant les communes. Il a expliqué que ce transfert centralisé avait confié à la Polynésie française les dotations de l'Etat et l'ensemble de la fiscalité, plaçant les communes dans une situation de dépendance.

Considérant que même les communes polynésiennes les plus indépendantes à l'égard des dotations de l'Etat et de la collectivité disposaient de seulement 40 % de ressources propres, il a estimé que la répartition de la fiscalité devait être revue en concertation avec le pays.

Soulignant que, si la Polynésie française concentrait l'essentiel des ressources financières, le statut de 2004 lui permettait néanmoins de créer une fiscalité destinée aux communes, il a rappelé que cette possibilité n'avait pas été mise en oeuvre, en raison d'un refus des acteurs concernés.

Il a insisté sur la nécessité, pour les communes et la collectivité, d'organiser une vaste réflexion visant à rénover la fiscalité et à redéfinir la répartition des ressources financières.

M. Jean-Jacques Hyest, président, considérant que l'Etat était compétent pour définir l'organisation des communes, a relevé que celles-ci avaient en général dans les collectivités d'outre-mer une existence et une autonomie limitées.

Il a jugé que l'exercice en Polynésie française des compétences concernant la distribution d'eau, le traitement des déchets et le traitement des eaux usées, faisait apparaître la nécessité d'appliquer le principe de subsidiarité, les communes constituant l'échelon de mise en oeuvre le plus pertinent.

Estimant que le développement de l'intercommunalité était indispensable à l'exercice de telles compétences par des communes peu peuplées et dispersées géographiquement, il a relevé qu'à Mayotte, où les communes disposent également de très peu de moyens, un syndicat intercommunal regroupait l'ensemble des communes pour l'exercice des compétences en matière de gestion des déchets et d'assainissement.

M. Gaston Flosse, rappelant que la compétence fiscale appartenait à la collectivité, a souligné que le statut de 2004 permettait aux communes de proposer à la Polynésie française de leur transférer des impôts ou taxes et que les communes n'avaient pas mis en oeuvre cette possibilité. Il a indiqué que la Polynésie française serait pourtant disposée à créer, à leur demande, une fiscalité propre aux communes.

La commission a donné un avis favorable à la publication du rapport d'information.

Vidéosurveillance - Examen du rapport d'information

Au cours d'une seconde séance qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a examiné le rapport d'information de MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, co-rapporteurs, sur la vidéosurveillance.

MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, co-rapporteurs, ont dressé un état des lieux de la vidéosurveillance en France et souligné les difficultés posées par le cadre juridique en vigueur.

M. Jean-Patrick Courtois, co-rapporteur, a notamment insisté sur les développements technologiques à venir de la vidéosurveillance et leur répercussion sur les libertés individuelles et le respect de la vie privée.

Il a également mis en exergue l'expérience anglaise qui démontre que la vidéosurveillance est moins un outil de prévention de la délinquance qu'un instrument efficace dans la phase d'investigation et d'enquête.

M. Charles Gautier, co-rapporteur, a souligné les incertitudes sur les limites exactes de la compétence de la CNIL ainsi que les insuffisances de la législation en matière de contrôle. Il a également remarqué que la loi du 21 janvier 1995 n'était pas adaptée à de nouvelles utilisations de la vidéosurveillance, notamment la mise en place de dispositifs mobiles temporaires.

MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, co-rapporteurs, ont ensuite présenté leurs recommandations en soulignant qu'elles étaient le fruit d'un travail commun et que chacune recevait leur entière approbation.

Parmi les onze recommandations, ils ont particulièrement insisté sur :

- la réunion sous une seule autorité, celle de la CNIL, des compétences d'autorisation et de contrôle en matière de vidéosurveillance ;

- une meilleure notification des sites au public, notamment par une signalisation effective sur la voie publique et par la mise en ligne de cartes indiquant les zones de la voie publique placées sous vidéosurveillance ;

- un usage raisonné de la vidéosurveillance, l'accent devant porter sur la qualité des systèmes et leur adéquation aux objectifs poursuivis plutôt que sur la multiplication du nombre de caméras implantées ;

- la délimitation de zones vidéo surveillées à l'intérieur desquelles le responsable du système de vidéosurveillance serait libre de déplacer les caméras et d'en moduler le nombre dans la limite d'un plafond, plutôt que de délivrer une autorisation pour chaque caméra installée comme c'est le cas aujourd'hui ;

- le recours facilité à des dispositifs mobiles de vidéosurveillance implantés pour une durée limitée, par exemple à l'occasion d'une manifestation ou d'un évènement culturel ou sportif présentant des risques particuliers de délinquance, de préférence à des dispositifs permanents à l'utilité variable.

M. Alex Türk s'est félicité de ces propositions. Il a précisé que la CNIL n'avait aucun parti pris à l'égard de la vidéosurveillance.

S'agissant de la mission de contrôle, il a estimé que les commissions départementales n'étaient pas formées à cela, à l'inverse de la CNIL qui dispose de contrôleurs professionnels.

Evoquant les développements liés à la biométrie, il a observé que cette technologie permettrait d'identifier des individus en plus de les observer. Incidemment, il a alerté la commission sur le fait que les aéroports, et probablement les gares dans un proche avenir, seront des lieux complètement surveillés, les voyageurs y étant mis à nu aux sens propre comme figuré du fait de l'addition de mesures de sécurité très intrusives : « bodyscanning », collecte des données PNR (« Passenger Name Record »), insertion d'une puce RFID (« Radio Frequency Identification ») dans les billets d'avion, passeports biométriques, vidéosurveillance...

M. Patrice Gélard a demandé si la recommandation n° 3 tendant à ne pas déléguer la vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées aurait pour effet d'interdire les partenariats public-privé pour la mise en oeuvre des systèmes de vidéosurveillance.

Il a également demandé si l'autorisation de la CNIL serait exigée pour l'installation de la vidéosurveillance sur des parkings privés.

M. Charles Gautier, co-rapporteur, a précisé que la recommandation n° 3 ne portait que sur les agents chargés de visionner les images de la voie publique en temps réel.

M. Jean-Patrick Courtois, co-rapporteur, a expliqué que l'ouverture au public est requise pour qu'un système de vidéosurveillance soit soumis à une procédure d'autorisation. Un parking privé ouvert au public, comme un parking de supermarché, sera donc soumis à une procédure d'autorisation.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que les attentats de Londres en 2005 avaient montré l'utilité de la vidéosurveillance.

M. Charles Gautier, co-rapporteur, a précisé que les attentats de Londres avaient surtout démontré l'efficacité de la vidéosurveillance dans la phase d'enquête et d'investigation. En revanche, il a estimé que les résultats étaient plus nuancés et incertains en matière de prévention de la délinquance. Le facteur « vidéosurveillance » est difficile à isoler d'autres facteurs concourant à la prévention et il est par définition délicat de mesurer des faits non advenus.

Toutefois, il a déclaré ne pas croire à un report massif de la délinquance vers les zones non placées sous vidéosurveillance, hormis pour certains types d'infraction.

M. Alex Türk a précisé que tel était cependant le cas pour les infractions à la législation sur les stupéfiants ou pour la prostitution.

Mme Virginie Klès a indiqué que des habitudes de délinquance ne se modifiaient pas immédiatement.

M. Charles Gautier, co-rapporteur, a déclaré que même en cas de report, on ne pouvait pas rendre responsable la commune ayant implanté des caméras.

Mme Catherine Troendle a fait part d'un déplacement de la délinquance vers les zones rurales à la suite de l'implantation de systèmes de vidéosurveillance urbaine dans plusieurs villes du Haut-Rhin.

M. Jean-Patrick Courtois, co-rapporteur, a observé que la vidéosurveillance n'était pas réservée aux communes importantes, les communes rurales pouvant y recourir pour un coût raisonnable. A cet égard, il a relevé qu'une caméra couplée à un système d'enregistrement mais sans retransmission des images en temps réel vers un centre de supervision pouvait être très efficace.

La commission a autorisé la publication du rapport d'information.

Loi pénitentiaire - Audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux,ministre de la justice

Enfin, la commission a entendu Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi pénitentiaire n° 495 (2007-2008).

M. Jean-Jacques Hyest, président, a tenu à rappeler en préambule que ce projet de loi avait été déposé au Sénat le 28 juillet 2008 et qu'il avait depuis fait l'objet d'un travail important de la part du rapporteur et des membres de la commission des lois. Il a relevé que ce texte était très attendu et qu'il serait vraisemblablement discuté en séance publique au début de l'année 2009.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a introduit sa présentation en précisant que ce projet de loi pénitentiaire, voulu par le Président de la République, constituait le second texte pénitentiaire examiné en l'espace de soixante ans, avec la loi « Chalandon » de 1967. Elle a rappelé que ce texte avait fait l'objet d'une intense réflexion préalable au sein du comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire et d'une large concertation avec les ministères concernés, les professionnels du secteur et les associations membres de la commission nationale consultative des Droits de l'homme. Elle a précisé que ce texte poursuit deux objectifs essentiels : la lutte contre la récidive et la réinsertion des personnes détenues, rappelant à cette occasion que les aménagements de peine permettent de diminuer sensiblement le taux de récidive.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a reconnu que les prisons françaises connaissent à l'heure actuelle une situation particulièrement difficile, caractérisée par une surpopulation carcérale (63.750 détenus pour 50.989 places au 1er novembre 2008), un parc pénitentiaire ancien (la moitié des établissements ont été construits avant 1912) et une aggravation des violences entre détenus et contre le personnel pénitentiaire (480 agressions en 2007, plus de 400 depuis le début de l'année 2008) : selon elle, il y a donc urgence à agir, et, en dépit des nombreuses expérimentations qui ont pu être menées à l'initiative du ministère de la justice, il est aujourd'hui nécessaire de passer par un texte législatif.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a affirmé que des efforts budgétaires substantiels avaient été réalisés par le Gouvernement depuis plus d'un an afin d'améliorer les conditions de vie des personnes détenues : ainsi, les crédits alloués à l'administration pénitentiaire ont crû de 6,4 % en 2008 et augmenteront de 4,1 % en 2009 ; 1.100 postes ont été créés en 2008, 1.087 le seront en 2009 ; dans un objectif de revalorisation des statuts des personnels, le régime indemnitaire des directeurs d'établissements et des surveillants a été amélioré ; enfin, 2.800 places nouvelles ont été créées en 2008 (permettant par conséquent la fermeture d'établissements vétustes), 5.130 le seront en 2009 (correspondant à 7 nouveaux établissements et 2 quartiers de courtes peines), et 6.500 bracelets électroniques seront disponibles en 2009.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, s'est également félicitée de l'institution d'un contrôleur de l'ensemble des lieux de privation de liberté, et non pas seulement des prisons, comme tel est le cas en Grande-Bretagne, en rappelant que l'institution d'une telle autorité avait été proposée par M. Jean-Jacques Hyest en 2000 avant de faire l'objet d'un engagement du Président de la République lors de la campagne présidentielle.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite abordé la question de la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes : elle a ainsi indiqué que, depuis le début de l'année 2007, la direction de l'administration pénitentiaire avait engagé une action destinée à confronter ses pratiques professionnelles aux 108 règles élaborées dans le cadre du Conseil de l'Europe et relatives aux droits concrets des détenus et aux pratiques professionnelles des personnels. Elle a notamment précisé qu'un référentiel national de bonnes pratiques était en cours d'élaboration et que huit règles spécifiques à l'accueil et à la prise en charge des détenus faisaient actuellement l'objet d'une expérimentation dans 28 établissements pilotes (ces règles concernent notamment l'accueil individualisé des détenus, la séparation des prévenus des condamnés ou encore le maintien des liens familiaux). La ministre a ainsi considéré qu'il était possible de tirer un premier bilan d'étape très positif de ces expérimentations, qui mettent en évidence une baisse des violences et du nombre des agressions physiques sur les agents dans les établissements pilotes ainsi qu'un fort investissement des personnels, notamment en matière d'accueil des arrivants et de la séparation des prévenus et des condamnés. Il est donc prévu de généraliser progressivement la mise en oeuvre de ces normes européennes, dont un certain nombre figurent d'ores et déjà dans le projet de loi, ainsi que de procéder au lancement d'une démarche de labellisation (AFNOR) de la procédure d'accueil des arrivants.

Abordant la question des procédures d'aménagement de peines, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a tenu à souligner le fait que ces dernières contribuaient à la réinsertion des détenus et qu'elles constituaient un élément efficace de lutte contre la récidive : aussi a-t-elle personnellement tenu à mener une politique forte et volontariste en matière d'aménagement de peine, en contrepoint de son action axée sur davantage de fermeté et sur la lutte contre l'impunité. Son action s'est ainsi concentrée sur la création des conférences régionales d'aménagement des peines (qui permettent d'avoir une politique unique en matière d'aménagement de peine), sur l'assouplissement du régime des permissions de sortie, sur la généralisation de l'application du bracelet électronique (dont elle a indiqué qu'elle n'avait à ce jour été suivie d'aucune récidive), sur le développement des partenariats (notamment avec le MEDEF et la Caisse des dépôts et consignations) destinés à favoriser la réinsertion professionnelle des détenus et sur l'expérimentation du placement sous surveillance électronique en fin de peine (depuis l'été 2008, cette expérimentation a été menée dans les ressorts des TGI et des maisons d'arrêt de Béthune et d'Angoulême, puis dans une quinzaine d'établissements pénitentiaires). Au total, ces procédures d'aménagement de peine se substituent aux anciennes procédures de régulation de la population carcérale (amnisties, grâces collectives, etc.), qui ont été supprimées. Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a attiré l'attention sur le fait que cette action présentait une indéniable efficacité : depuis sa prise de fonctions, 6.000 personnes, soit 12 % des condamnés, ont bénéficié d'aménagements de peine (ce qui représente une hausse de 26 % depuis mai 2007), 3.333 détenus ont fait l'objet d'un placement sous surveillance électronique (ce qui représente une augmentation de 45 % en un an) et les libérations conditionnelles ont augmenté de 10 % entre 2005 et 2007. A ce sujet, la ministre a insisté sur le fait que les libérations conditionnelles constituaient sans aucun doute le meilleur outil de réinsertion des condamnés.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite évoqué les dispositions du projet de loi destinées à améliorer la prise en charge des détenus et à favoriser leur réinsertion. Elle a tout d'abord insisté sur la clarification apportée aux missions du service public pénitentiaire : celui-ci doit participer, avec le concours des autres services de l'Etat (en matière de santé et d'éducation notamment) et des collectivités territoriales, à l'exécution des décisions privatives ou restrictives de liberté, tout en contribuant de façon essentielle à la réinsertion des détenus.

En second lieu, la ministre a insisté sur le fait que les restrictions apportées à l'exercice des droits des détenus devaient être strictement limitées à la sécurité ou au maintien de l'ordre au sein des établissements pénitentiaires. Elle a toutefois précisé qu'il ne s'agissait pas de créer de nouveaux droits pour les détenus, dans la mesure où ces droits sont déjà consacrés par la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen et par la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle a indiqué que les détenus pourraient désormais être domiciliés à l'établissement pénitentiaire, ce qui leur permettrait de bénéficier d'une adresse pour établir des documents d'identité, obtenir des prestations sociales, et, le cas échéant, pour exercer leur droit de vote. La ministre a également fait référence aux dispositions permettant de maintenir les liens familiaux (amélioration de l'accueil des familles lors des visites, généralisation de l'usage du téléphone, etc.) et d'assurer le droit au travail et à la réinsertion. A ce sujet, elle a rappelé que le principe d'un contrat de travail pour les détenus n'avait pu être retenu, en raison des contraintes et obligations liées à la situation même de détention (celle-ci exclut par exemple l'application des règles relatives aux congés payés, aux droits à indemnisation en cas de rupture du contrat, etc.) : les détenus auront donc la possibilité de signer un acte d'engagement qui définira précisément quels sont leurs droits et quelles sont leurs obligations ; ils pourront également suivre des actions de formation professionnelle. Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a insisté sur le fait que la réinsertion des personnes condamnées constituait un enjeu essentiel pour notre société et que, de ce point de vue, l'implantation d'entreprises et d'ateliers d'insertion dans les établissements pénitentiaires, obtenue au prix d'âpres négociations, devait être regardée comme une avancée significative pour les droits des détenus. En outre, elle a affirmé que la participation des détenus aux formations professionnelles serait encouragée, précisant que le projet de loi prévoyait de mettre en place une expérimentation avec plusieurs régions (cinq se sont d'ores et déjà portées volontaires : Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Basse-Normandie, Pays de la Loire et Nord-Pas-de-Calais) dans le cadre de l'organisation et du financement d'actions de formation professionnelle continue.

Elle a enfin indiqué que des cours d'alphabétisation, de remise à niveau et de préparation aux diplômes seraient proposés aux détenus, rappelant que 60 % d'entre eux ne disposaient d'aucun diplôme, que 12 % d'entre eux étaient considérés comme illettrés et 12 % comme présentant de graves difficultés de lecture, et que 56 % des condamnés étaient inactifs. Rappelant également que plus de 35 % de la population carcérale se trouvait en situation d'indigence (avec des ressources inférieures à 45 euros par mois), la ministre a indiqué que les plus démunis bénéficiaient d'une aide en nature (produits d'hygiène, nécessaire de correspondance, matériel scolaire, etc.) ainsi que, ponctuellement, d'une aide en numéraire, réservée toutefois aux détenus acceptant de travailler ou de s'investir dans un processus de formation. Toutes ces dispositions s'appliqueront également aux détenus mineurs.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a par ailleurs affirmé que le projet de loi pénitentiaire avait pour objectif de renforcer l'autorité et la protection juridique des personnels : un code de déontologie des personnels pénitentiaires et de l'ensemble des collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi qu'une cérémonie de prestation de serment seront institués, et une réserve civile pénitentiaire sera chargée d'assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les services des établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a, en quatrième lieu, indiqué que le projet de loi pénitentiaire apportait un certain nombre de clarifications en matière de conditions de détention, l'objectif étant de permettre l'individualisation des régimes de détention et de mieux encadrer les pouvoirs de l'administration pénitentiaire en matière de mesures coercitives. Elle a ainsi estimé que le projet de loi abordait la question de l'encellulement individuel de façon pragmatique : le programme immobilier pénitentiaire devant être achevé en 2012, le projet de loi prévoit la possibilité d'une détention en cellule individuelle ou en cellule collective si celle-ci est adaptée à recevoir plusieurs détenus et s'ils sont reconnus aptes à la cohabitation.

Elle a également indiqué que le texte prévoyait l'élaboration d'un parcours d'exécution de peine pour tout condamné, dans un objectif de responsabilisation, et une individualisation des régimes de détention en fonction de la personnalité, de la dangerosité et des efforts de réinsertion des détenus.

Enfin, elle a attiré l'attention sur le fait que les dispositions relatives au régime disciplinaire des détenus et aux moyens de surveillance étaient élevées au niveau législatif. Après avoir rappelé que toutes les sanctions disciplinaires pouvaient désormais faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative, elle a également précisé que la durée maximale de placement en cellule disciplinaire serait réduite (40, 21, 14 et 7 jours selon la gravité des fautes, contre respectivement 45, 30 ou 15 jours à l'heure actuelle).

Enfin, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a de nouveau affirmé que le projet de loi pénitentiaire avait pour objectif, par le moyen des aménagements de peines, de prévenir le risque de récidive : considérant que la prison constituait une sanction nécessaire, mais qu'elle devait toujours être regardée comme la sanction ultime, elle a indiqué que le texte prévoyait notamment l'institution de l'assignation à résidence avec surveillance électronique (une procédure qui va au-delà de l'actuel contrôle judiciaire sous surveillance électronique), avec l'accord de la personne intéressée, comme alternative à la détention provisoire, le temps passé en assignation à résidence avec surveillance électronique étant désormais retranché du quantum de la peine en cas de condamnation.

La ministre a également indiqué que les peines allant jusqu'à deux ans de prison (et non un an comme actuellement) pourraient désormais faire l'objet d'une mesure d'aménagement, ce qui devrait concerner 90 % des condamnations. Compte tenu du vieillissement de la population carcérale, les détenus de plus de 75 ans dont l'insertion et la prise en charge seront assurées pourront bénéficier d'une libération conditionnelle sans condition de délai.

Enfin, la ministre a insisté sur les simplifications apportées aux procédures d'aménagement de peine, précisant par exemple que le projet de loi permettait au chef d'établissement ou au directeur du SPIP de modifier les horaires d'une mesure d'aménagement de peine si cette modification est favorable au condamné en avisant immédiatement le juge de l'application des peines, qu'en cas d'urgence, une suspension de peine pour raisons médicales pourrait intervenir sur présentation du certificat du médecin traitant (alors qu'actuellement, deux expertises médicales sont exigées) et que des procédures simplifiées destinées aux condamnés en fin de peine et à ceux qui ne sont pas encore incarcérés permettraient de prononcer des mesures d'aménagement en l'absence de débat contradictoire.

En tout état de cause, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé qu'à tous les stades, le condamné conservait la possibilité d'être assisté par un avocat, que des recours étaient toujours possibles quelle que soit la procédure adoptée, et qu'à tout moment, le juge de l'application des peines pouvait décider de la procédure la plus adaptée à la situation et que le parquet pouvait toujours demander la tenue d'un débat contradictoire.

En conclusion, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que ce projet de loi pénitentiaire ferait entrer notre système carcéral dans le XXIe siècle et qu'il constituait un rendez-vous important pour notre pays.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que le Sénat avait adopté plusieurs propositions de loi sur ces sujets et qu'il s'attacherait à rester fidèle à ses principes.

Il a jugé que les polémiques récentes sur la création d'un revenu minimal carcéral illustraient la difficulté de dépasser les réactions démagogiques contre les mesures apparaissant comme favorables aux détenus. Il a souligné que la prison ne pouvait pas avoir pour objectif d'enfermer pour enfermer, mais devait créer les conditions d'une réinsertion à la sortie afin de prévenir la récidive.

A cet égard, tout en approuvant les récentes lois sur la récidive, il a regretté que leur pendant indispensable, à savoir le présent projet de loi, n'ait pas été examiné simultanément.

Enfin, il a indiqué que la réussite de cette nouvelle politique pénitentiaire reposerait sur la mobilisation de tous les acteurs, le juge de l'application des peines ne devant plus se trouver seul pour rechercher des solutions adaptées à chaque détenu.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souhaité avoir des précisions sur l'incidence des peines-plancher sur l'augmentation de la population carcérale.

Il a ensuite déclaré que l'oisiveté en prison était l'un des maux les plus importants. Il a d'ailleurs regretté que les objectifs figurant dans le projet de loi de finances pour 2009 ne soient pas plus ambitieux. Tout en rejetant l'idée du travail obligatoire, il a jugé en revanche qu'une obligation d'activité devrait être instaurée, les conventions internationales et européennes ne s'y opposant pas. Il a indiqué qu'un tel objectif supposait une vraie volonté politique, par exemple en insérant des clauses réservataires dans les marchés publics.

Il a ensuite exprimé ses interrogations sur les moyens budgétaires nécessaires à la mise en oeuvre effective du projet de loi. Il a jugé les crédits prévus pour 2009 insuffisants, les créations de poste étant liées pour l'essentiel à l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.

Enfin, il a estimé que la résorption de la surpopulation carcérale actuelle serait déjà un grand progrès, l'encellulement individuel devant néanmoins rester l'objectif. Il a déclaré avoir été marqué par les exemples de détenus préférant être placés à l'isolement ou en quartier disciplinaire pour être seuls.

Tout en saluant les dispositions du projet de loi relatives aux aménagements de peine et aux peines alternatives à l'emprisonnement, Mme Alima Boumediene-Thiery a regretté que la reconnaissance de nouveaux droits aux détenus n'aille pas plus loin, en particulier en matière de droit à l'information, de liberté d'expression, de transferts, de prise en charge des soins avant et après la sortie et de discipline. A cet égard, elle a jugé anormal qu'un même fait commis en prison puisse donner lieu à plusieurs sanctions administratives et à des poursuites judiciaires. Elle a qualifié cette situation de double, voire triple peine.

M. François Zocchetto a constaté que les horaires insuffisamment matinaux d'ouverture des centres de semi-liberté et leur localisation souvent à la périphérie des villes n'étaient pas adaptés à l'exercice d'une activité professionnelle.

A propos du placement sous surveillance électronique, il a rappelé que cette alternative à l'emprisonnement ne convenait pas à toutes les situations et ne pouvait pas être utilisée pendant une trop longue durée.

Il a ensuite mis en garde contre certaines tentations d'impliquer le juge de l'application des peines dans le prononcé des sanctions disciplinaires. Il a jugé que ces dernières devaient relever exclusivement du chef d'établissement.

Enfin, il a souhaité savoir si le projet de loi prévoyait des dispositions particulières pour les quartiers disciplinaires.

M. Alain Anziani a regretté que le projet de loi n'apporte pas de réponses à la hauteur du défi de la prise en charge des troubles mentaux en prison, près de 30 % des détenus en souffrant.

De la même façon, il a estimé que les dispositions relatives aux mineurs pourraient être complétées.

Il a ensuite constaté l'insuffisance de l'offre de travail, ainsi que le flou des critères d'attribution.

Enfin, il a demandé si les projets de décret pourraient être communiqués avant l'examen du texte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a partagé les observations de M. Jean-Jacques Hyest, président, sur les difficultés à faire adhérer l'opinion à un projet pénitentiaire ambitieux.

Elle a ensuite exprimé son inquiétude quant à la prise en charge des troubles mentaux, au vieillissement de la population carcérale, au retard de l'encellulement individuel et aux suicides en prison.

S'agissant du placement sous surveillance électronique, elle a déclaré que ce n'était pas la solution parfaite et que son efficacité nécessitait parallèlement un suivi socio-judiciaire réel.

Enfin, elle a souhaité avoir des précisions sur l'avenir de la prison de la Santé à Paris. Elle s'est prononcée en faveur du maintien d'un établissement pénitentiaire au coeur de la capitale qui ne soit pas réservé à des détenus particuliers, notamment des personnalités.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé qu'il y avait aujourd'hui 680 mineurs en détention, pour des actes criminels graves tels que les viols en réunion ou des extorsions, ajoutant que le rapport de la commission présidée par M. André Varinard proposait de fixer l'âge de la responsabilité pénale à douze ans et d'interdire l'incarcération d'un mineur de moins de quatorze ans, sauf en matière criminelle. Elle a précisé que cette dernière proposition n'avait pas été retenue par le Gouvernement.

Elle a déclaré qu'elle partageait le constat de MM. Jean-René Lecerf, rapporteur, et Jean-Jacques Hyest, président, sur l'oisiveté des détenus en prison, en particulier des plus jeunes, et a rappelé l'obligation éducative posée dans le projet de loi pour ces derniers, ajoutant qu'il fallait obliger les jeunes à suivre une scolarité.

Constatant que l'indigence en prison était sans doute un problème encore plus important que celui de l'inactivité, elle a souligné qu'elle était prête à discuter de l'institution d'une obligation d'activité pour les détenus majeurs, liée à un revenu minimal. Elle a rappelé qu'avec 39 % de détenus actifs, la France possédait déjà à l'heure actuelle l'un des taux d'activité en prison les plus élevés d'Europe mais que, le plus souvent, la vétusté ou l'inadaptation des locaux ne permettait pas de développer plus d'activités et de formations en faveur des détenus.

Elle a indiqué que le nombre de conseillers d'insertion et de probation avait été augmenté de 100 personnes en 2008, que 170 conseillers supplémentaires seraient recrutés en 2009 et que l'administration pénitentiaire bénéficierait de 500 conseillers supplémentaires d'ici à 2012.

Elle a précisé que, lors de l'examen de l'avant-projet de loi, le Conseil d'Etat avait refusé l'insertion d'une liste exhaustive des droits fondamentaux des détenus et considéré que le texte adopté en Conseil des ministres était déjà assez précis sur ce point.

Soulignant la nécessité de veiller à la bonne santé des détenus, en particulier des plus jeunes, elle a insisté sur l'importance des deux articles du texte examiné garantissant l'amélioration des soins en prison et indiqué qu'il y aurait 711 places dans les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) d'ici à 2012, ajoutant que les détenus souffrant de troubles mentaux feraient l'objet d'une prise en charge adaptée dans les établissements de Lyon et de Rennes.

M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est interrogé sur la référence du texte à un concours du ministère de la santé pour les soins en prison, affirmant que ce dernier en était responsable depuis 1994, et a déclaré que ce ministère devait libérer des moyens assez importants pour assurer le succès des initiatives évoquées par la garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé le rôle premier du ministère de la santé en matière de soins en prison, estimant que « l'hôpital devait venir en prison ».

Elle a indiqué que la poursuite au pénal les détenus auteurs d'agressions sur le personnel pénitentiaire, déjà sanctionnés par une mesure administrative, ne posait pas de difficulté juridique et qu'elle avait elle-même donné des instructions aux parquets pour qu'ils poursuivent systématiquement ces infractions.

Elle a indiqué que la vingtaine de décrets d'application du projet de loi était en cours d'élaboration.

Elle a précisé qu'il y avait aujourd'hui 2.400 détenus de plus de soixante ans dans les prisons françaises et que le projet de loi comportait plusieurs mesures destinées à favoriser l'aménagement de leurs peines.

Concernant les centres de semi-liberté, elle a partagé le constat selon lequel certains d'entre eux, éloignés des centres-villes et mal desservis par le réseau des transports en commun, n'étaient pas occupés en totalité. Elle a souligné que le ministère de la justice rencontrait de nombreuses difficultés pour ouvrir de tels centres dans les agglomérations, le plus souvent en raison de l'hostilité des élus locaux.

Après avoir noté que les centres de semi-liberté n'avaient pas besoin d'un niveau de sécurité équivalent à celui des établissements pour criminels dangereux, M. Jean-Jacques Hyest, président, relevant le fonctionnement satisfaisant du centre de Meaux, a souligné l'intérêt de permettre à des personnes en semi-liberté de pouvoir revenir le soir au centre et a observé que cette faculté n'était possible que si ce dernier se situait dans une zone urbaine bien desservie par les transports en commun.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a affirmé que la réforme ne remettait pas en cause le rôle du juge de l'application des peines, lui donnait au contraire des outils supplémentaires pour aménager les peines, mais ne prévoyait nullement de lui confier le contrôle des sanctions disciplinaires infligées aux détenus. Rappelant qu'à l'heure actuelle, le maintien d'une personne sous bracelet électronique était possible pour une durée d'un an, elle a déclaré que le projet de loi portait cette durée à deux ans et a souligné l'intérêt de cette mesure pour éviter qu'une personne condamnée rencontre sa victime.

Elle a rappelé que les coûts quotidiens de la détention en établissement pénitentiaire, du port d'un bracelet électronique fixe et du port d'un bracelet électronique mobile, étaient respectivement de 70 euros, de 15 euros et de 30 euros.

Concernant l'avenir de la prison de la Santé, elle a réfuté l'idée selon laquelle cet établissement serait réservé à des détenus particuliers, soulignant que la détention était la même pour tous. Elle a souligné qu'elle souhaitait conserver cet établissement au coeur de Paris avec une capacité de 200 à 300 places, estimant que sa situation à proximité des juridictions parisiennes était particulièrement précieuse en cas de procès lié au grand banditisme ou au terrorisme.