Mardi 17 février 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président. -

Loi pénitentiaire - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Nicolas About sur le projet de loi pénitentiaire n° 495 (2007-2008), dans le texte n° 202 (2008-2009) adopté par la commission des lois le 4 février 2009.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a fait état de la situation médiocre de la santé en prison : le taux de suicide, qui avait plutôt tendance à diminuer ces dernières années, remonte depuis 2008 et a atteint un pic dans les premiers jours du mois de janvier 2009 ; les détenus souffrent, dans une proportion importante mais encore mal déterminée, de troubles psychologiques et mentaux, ainsi que de maladies contagieuses comme la tuberculose, quasiment disparue dans le reste de la population.

Cet échec de la prise en charge a incité la commission des affaires sociales à se saisir pour avis du projet de loi pénitentiaire qui ne consacre que trois articles à la santé. De nombreuses visites sur le terrain permettent d'affirmer que le problème ne tient ni aux personnels médicaux, ni aux personnels pénitentiaires, mais résulte de la prison elle-même.

Ceci étant, la loi du 18 janvier 1994 a incontestablement marqué un tournant dans la prise en compte de la santé en prison. Désormais, le détenu est considéré comme un patient à part entière titulaire de droits, dont celui d'accéder à un niveau de soins égal au reste de la population. Aujourd'hui, il faut donc garantir que ces principes correspondent à la réalité.

Depuis 1994, chaque établissement pénitentiaire est doté d'une unité carcérale de soins ambulatoires (Ucsa) qui dispense les soins courants ainsi que, le plus souvent, les soins dentaires et les visites de certains spécialistes. Un psychiatre est également affecté à l'Ucsa, à moins qu'il n'y ait dans l'établissement une unité spécialisée, le service médico-psychologique régional (SMPR).

L'installation d'une Ucsa ou d'un SMPR fait l'objet d'une convention entre l'établissement carcéral et un hôpital de rattachement qui met à disposition les moyens matériels et humains. Les psychiatres et les SMPR relèvent souvent d'un hôpital différent de celui des personnels chargés des soins somatiques, ce qui cause de nombreuses difficultés, notamment pour établir entre eux un système informatique unique.

Le financement des unités de soins en prison relève pour partie de la tarification à l'activité mais surtout d'une dotation au titre de la mission d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac). Malgré les contrôles effectués par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), on constate que certains hôpitaux négligent ces unités de soins ou utilisent leur dotation pour le fonctionnement général de l'hôpital : des cas d'affectation fictive de personnels médicaux en prison ont été signalés.

Les personnels des Ucsa et SMPR sont d'abord motivés par la mission de service public qu'ils exercent, les primes et aménagements horaires dont ils bénéficient s'avérant peu de chose au regard des contraintes qu'ils subissent. Il existe peu de postes de médecins à plein temps en milieu carcéral, ce qui limite les perspectives de progression de carrière ; ceci étant, il est nécessaire qu'ils puissent continuer à pratiquer à temps partiel une médecine hospitalière plus classique car les actes répétitifs et déqualifiants sont le quotidien de la médecine carcérale. Il n'en demeure pas moins que, malgré la priorité de reclassement dont ils bénéficient en principe, les personnels médicaux exerçant la totalité de leur service en prison ont, quand ils souhaitent en partir, des difficultés à trouver un poste dans le service de leur choix.

Aux difficultés des personnels s'ajoute la faiblesse de la prise en charge par les hôpitaux. Les lits des SMPR sont parfois occupés pendant plusieurs années par un même détenu, que son état de santé mentale rend incapable de subir une incarcération ordinaire. C'est là la preuve qu'une erreur a été faite en le mettant en prison où il monopolise les faibles moyens consacrés aux soins psychiatriques des prisonniers. Les consultations à l'hôpital sont également difficiles en pratique, en raison de la rareté des chambres sécurisées. Les hôpitaux sont parfois tentés de se débarrasser le plus rapidement possible des détenus ou de confiner en cellule d'isolement les malades psychiatriques.

Des unités de soins intermédiaires sont actuellement en cours d'installation. Elles s'avèrent particulièrement coûteuses et doivent encore faire leurs preuves en matière de soins. L'essentiel est de garantir le bon fonctionnement des unités carcérales existantes, notamment en réaffirmant que les personnels soignants sont là pour soigner des malades et non pour effectuer des missions de sécurité comme les fouilles corporelles. Les droits du détenu malade doivent également être respectés. Or, ils font aujourd'hui l'objet de nombreuses entorses, notamment en ce qui concerne le respect du secret médical.

Il faut également faire bénéficier les unités de soins en prison de moyens matériels aussi modernes que ceux dont sont dotés les hôpitaux et favoriser le développement de la télémédecine qui permettrait de réduire certains coûts et d'éviter le transfert de détenus.

Des moyens technologiques modernes, comme les scanners utilisés dans certains aéroports américains, pourraient également remplacer les fouilles à corps par palpation ou intrusion, ce qui permettrait de concilier sécurité et respect de la dignité des détenus.

Enfin, il faut veiller à améliorer les conditions de détention car la surpopulation carcérale, notamment dans les maisons d'arrêt, entraîne une promiscuité impropre à l'hygiène. Il est également nécessaire de garantir la continuité des soins entre la prison et l'extérieur et d'éviter qu'un traitement commencé à l'occasion d'une incarcération prenne fin brusquement à la libération du détenu.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a conclu en précisant que les amendements proposés ont pour but de compléter le projet de loi afin d'améliorer l'organisation des soins, de clarifier les missions des personnels soignants, de promouvoir l'emploi des technologies les plus modernes, de renforcer les conditions d'hygiène et, enfin, de favoriser la réinsertion du détenu grâce au maintien des liens familiaux, à l'accès à la formation et à la poursuite des traitements médicaux.

Mme Bernadette Dupont a souligné le problème de l'évaluation psychiatrique des détenus : celle-ci devrait avoir lieu à leur arrivée, pour identifier ceux qu'il est nécessaire de diriger vers des unités spécialisées, mais aussi lorsqu'une sortie anticipée est envisagée, car celle-ci devrait être précédée d'une concertation entre le médecin expert et le médecin traitant.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a confirmé que l'on enferme en prison des personnes dont l'état mental demanderait plutôt qu'elles soient hospitalisées. La prison a également pour effet d'aggraver les dérèglements légers, voire de susciter la survenance de troubles psychologiques et mentaux. La tendance à l'incarcération de personnes atteintes de troubles psychiatriques résulte partiellement d'une conception plus large de la responsabilité en droit pénal et de la prise en compte légitime des victimes. Pour autant, il faudrait prévoir la mise en oeuvre de peines alternatives par le juge au moment de la condamnation, lorsque le cas le justifie.

Mme Marie-Thérèse Hermange a cité l'exemple de la prison pour femmes de Rennes qui est un établissement modèle et qui illustre l'idée que les prisons pour femmes paraissent mieux fonctionner que les prisons pour hommes. Elle a dénoncé le fait que des psychiatres nommés à plein temps en prison ne semblent pas y exercer l'intégralité de leur service et le manque de coordination entre l'hôpital et la prison. Il lui paraît nécessaire de faire en sorte qu'il n'y ait pas de sortie sans accompagnement : plusieurs associations travaillant pour la réinsertion des détenus se trouvent entravées dans leur action par la rupture qui existe entre leur travail et celui du service pénitentiaire d'insertion et de probation qui s'exerce à l'intérieur de la prison. La baisse du nombre d'appartements-relais au cours des dernières années pose également de nombreuses difficultés.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a noté que c'est une violence différente qui semble s'exercer dans les prisons pour femmes et dans les prisons pour hommes. On constate par ailleurs qu'elles se portent plus facilement volontaires pour l'exercice des tâches et activités, ce qui leur permet parfois d'obtenir un complément de revenus et réduit leur sentiment d'isolement. Ceci peut expliquer que les prisons pour femmes paraissent plus faciles à gérer.

En ce qui concerne la présence effective des médecins affectés au sein des unités carcérales, il s'agit là d'un réel problème qui appelle un renforcement des contrôles.

L'absence de coordination efficace et formalisée entre les personnels hospitaliers et pénitentiaires est partiellement compensée par des contacts verbaux réguliers entre les médecins et le directeur de l'établissement, dans l'intérêt des détenus.

Sur la question de l'interruption des soins après la libération du détenu, un amendement prévoyant une visite médicale obligatoire de sortie sera soumis à la commission.

Mme Raymonde Le Texier a indiqué partager les préoccupations exprimées par le rapporteur sur la santé en prison et sur les conditions souvent indignes dans lesquelles sont actuellement pratiquées les fouilles à corps. La difficulté d'accès aux douches résulte, à son sens, moins de la surpopulation carcérale que des risques d'agression, ce qui impose qu'une surveillance soit mise en place. Par ailleurs, la commission devrait également se pencher sur les conditions d'accouchement des femmes en prison ainsi que sur la préparation de la séparation et le maintien du contact avec l'enfant après qu'il a atteint l'âge de dix-huit mois. Ceci passe, entre autres, par la mise en place de pièces spécialement aménagées. Enfin, elle s'est étonnée que l'on n'ait pas fait état des difficultés d'emplois, d'activité et de formation des détenus.

Mme Anne-Marie Payet a fait état de la situation particulièrement précaire des prisons outre-mer. L'ancienne prison de Saint-Denis-de-la-Réunion, aujourd'hui heureusement fermée et remplacée, s'est longtemps trouvée dans une situation dramatique. Il en est encore ainsi à Mayotte. Par ailleurs, l'académie nationale de médecine a dénoncé le manque de psychiatres en prison et l'insuffisance de la formation des personnels soignants en milieu carcéral.

M. Marc Laménie a insisté sur l'importance des conditions de détention et sur le problème de la surpopulation carcérale. Le problème est toujours de trouver un juste équilibre entre les coûts liés à la construction de prisons à taille humaine et le bien-être des détenus. Il a souhaité savoir pourquoi des personnes souffrant de troubles mentaux graves se retrouvent en prison. Peut-il s'agir d'une erreur de l'expertise médicale au moment du jugement ?

M. Jacky Le Menn a témoigné avoir vécu du côté du monde hospitalier la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 1994. La situation antérieure était véritablement dramatique. La pratique consistant à donner aux malades leurs médicaments dissous dans une bouteille d'eau était source d'un trafic et donc de consommations abusives pouvant amener au coma et à la mort. Quinze ans après, les difficultés à harmoniser culture hospitalière et culture pénitentiaire persistent. Il est encore très difficile de faire sortir les détenus malades pour les conduire à l'hôpital. Les personnels en charge de la surveillance ne sont pas clairement déterminés lors du séjour dans un service et on compte trop peu de chambres sécurisées, d'autant que celles qui existent sont souvent utilisées pour les urgences.

La détection des maladies en prison doit encore être améliorée, notamment en ce qui concerne les maladies mentales. On sait par ailleurs que l'enfermement aggrave la maladie. Les unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA), qui sont présentées comme un moyen de faciliter les soins hospitaliers, n'accueilleront en fait que les malades les plus dangereux et identifiés comme tels. On assiste aussi à des demandes accrues en matière de sécurité de la part du ministère de l'intérieur au détriment de l'approche en termes de soins.

Les enveloppes budgétaires accordées au financement des unités de soins en milieu carcéral doivent être garanties contre les tentatives de captation pour le financement des autres activités hospitalières.

Enfin, une des pistes d'amélioration des soins dispensés en prison est, à son sens, l'élaboration de profils médicaux précis pour chacun des détenus.

M. Jean-Marc Juilhard s'est enquis du statut des personnels soignants exerçant en prison, de l'impact des problèmes de démographie médicale et des conditions d'organisation de la réinsertion des détenus.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a confirmé à Mme Raymonde Le Texier que, dans certaines prisons, on lui a rapporté que les détenus sollicitaient la protection de l'aumônier pour se rendre aux douches afin de se prémunir contre les actes de violences.

Mme Raymonde Le Texier a déclaré qu'il faudrait dès lors rendre obligatoire la surveillance des douches.

Abordant la question de l'activité en prison, M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a précisé que la commission des lois, saisie au fond, a adopté de nombreuses mesures tendant à améliorer les possibilités de formation et d'emploi pour les détenus. L'obligation d'activité est un premier pas pour la réinsertion en ce qu'elle évite que les prisonniers restent enfermés dans leur cellule, mais il proposera des amendements pour renforcer ce volet du texte. En ce qui concerne la situation des femmes enceintes ou avec de jeunes enfants, la commission des affaires sociales pourra se saisir spécifiquement de ce sujet dans le cadre d'un rapport d'information. Les cas d'accouchements de femmes menottées résultent de l'obligation faite aux gardiens de s'assurer qu'il n'y aura pas de tentative d'évasion. Ils illustrent surtout le fait que le manque de chambres sécurisées est criant.

Il a indiqué à Mme Anne-Marie Payet être sensible à la situation des prisons dans les collectivités ultra-marines, notamment en Guyane où la maison d'arrêt affiche un taux d'occupation de 171 %.

Le développement des peines alternatives est une nécessité si l'on veut régler la question de la surpopulation carcérale et les problèmes qui en découlent. Il est vraisemblable que le recours à la détention provisoire est trop utilisé.

Pour atténuer le plus possible le choc des cultures décrit par M. Jacky Le Menn, une clarification des rôles est nécessaire, qui passe notamment par l'interdiction de demander aux médecins et aux personnels médicaux des actes sans lien avec la médecine.

Enfin, il a précisé à M. Jean-Marc Juilhard que les personnels des unités de soins en milieu carcéral relèvent pour la majeure partie de la fonction publique hospitalière, mais qu'on compte aussi quelques vacataires. Le véritable problème est celui d'obtenir un médecin quand il y a urgence. Les difficultés d'accès font que les médecins extérieurs hésitent ou renoncent à répondre aux appels qui viennent de prison. Par ailleurs, la question de la réinsertion des détenus fait l'objet de plusieurs amendements soumis à la commission.

A l'issue de ce débat, la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur pour avis.

Après l'article 3, elle a adopté un article additionnel tendant à prévoir que les procureurs de la République et les juges d'instruction effectuent au moins une visite annuelle dans les prisons qui relèvent de leur ressort.

Après l'article 11 bis, elle a adopté un article additionnel tendant à ce que les prisonniers puissent acheter et recevoir des produits alimentaires de leur choix sous la seule réserve de la préservation de la sécurité et de la santé.

A l'article 11 ter (consultation des détenus sur leurs activités), elle a adopté un amendement prévoyant l'apprentissage des enseignements fondamentaux pour les détenus qui ne les maîtrisent pas.

Avant l'article 13, elle a adopté un article additionnel tendant à encadrer le mode de calcul de la rémunération minimale du travail des personnes détenues.

A l'article 14 (insertion par l'activité économique), à la suite d'un débat au cours duquel sont intervenues Mmes Marie-Thérèse Hermange, Raymonde Le Texier et Bernadette Dupont, elle a adopté un amendement de réécriture prévoyant la signature d'un contrat de travail de droit public entre le détenu et l'administration pénitentiaire.

A l'article 15 (droit des détenus au maintien des relations avec leur famille), elle a adopté un amendement fixant un nombre minimal de visites autorisées aux détenus.

Avant l'article 20, elle a adopté un article additionnel garantissant le droit des détenus au secret médical et au secret de la consultation.

A l'article 20 (prise en charge des soins par le service hospitalier - restriction des informations susceptibles d'être communiquées aux proches), elle a adopté deux amendements, le premier tendant à supprimer la restriction prévue aux informations susceptibles d'être communiquées aux proches et le second prévoyant l'organisation de la permanence des soins en milieu carcéral.

A l'article 22 (rémunération des aidants par l'administration pénitentiaire), elle a adopté un amendement prévoyant que le détenu faisant fonction d'aidant d'un détenu handicapé peut être rémunéré par l'administration pénitentiaire.

Après l'article 22, elle a adopté sept articles additionnels qui visent respectivement à :

- interdire la réalisation d'actes dénués de lien avec les soins par les personnels soignants intervenant en milieu carcéral ;

- prévoir une visite médicale de sortie ;

- offrir la possibilité aux personnes détenues de faire appel, sous conditions, à un praticien extérieur aux unités de soins et hôpitaux de rattachement ;

- mettre en place un dossier médical électronique unique pour chaque détenu ;

- imposer la passation d'un contrat d'entretien spécifique pour les matériels des unités de soins en milieu carcéral ;

- demander au Gouvernement de présenter un plan d'équipement des unités de soins en milieu carcéral en moyens de télémédecine ;

- placer dans un établissement spécialisé les détenus ayant effectué un séjour continu de plus de douze mois dans un service médico-psychologique régional.

Avant l'article 24, elle a adopté un article additionnel tendant à ce que le Gouvernement présente au Parlement un plan d'équipement des prisons en moyens de détection électronique permettant d'éviter les fouilles à corps.

A l'article 24 (fouilles), elle a adopté deux amendements, l'un précisant que les fouilles avec intrusion ne peuvent être effectuées que si les moyens de détection électronique sont insuffisants, l'autre qu'un médecin participant aux soins en milieu carcéral ne peut être requis pour effectuer ces fouilles.

Après l'article 32, le rapporteur pour avis a présenté un amendement portant article additionnel tendant à interdire l'incarcération d'un détenu dans un établissement affichant un taux d'occupation supérieur de 20 % à ses capacités.

M. Claude Jeannerot a souhaité savoir pourquoi fixer ce seuil à une suroccupation de 20 % et non dès que la capacité d'accueil est atteinte.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis, a précisé que l'importance du taux de rotation des détenus dans les maisons d'arrêt fait qu'on ne peut interdire les dépassements ponctuels.

M. Claude Jeannerot a souligné le problème des détenus prétendument en transit dans une maison d'arrêt mais dont le séjour s'éternise.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie pour avis, sous réserve des amendements qu'elle présente.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats

La commission a ensuite procédé à la désignation des candidats suivants pour siéger au sein d'organismes extraparlementaires :

M. Alain Gournac, titulaire, et Mme Anne-Marie Payet, suppléante, pour le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ;

M. Paul Blanc pour le Conseil national de la montagne.

Mme Marie-Thérèse Hermange pour le conseil d'administration de l'Etablissement public de santé national de Fresnes spécifiquement destiné à l'accueil des personnes incarcérées ;

- Mme Françoise Henneron pour le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale.

- Présidence commune de M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. -

Développement économique de l'outre-mer - Audition commune de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer

La commission, conjointement avec les commissions des finances, des lois et des affaires économiques, a enfin procédé à l'audition de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur le projet de loi n° 496 (2007-2008) pour le développement économique de l'outre-mer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est félicité de la tenue de cette audition qui, en conséquence du contexte aigu de crise que traversent les territoires ultramarins, a été reportée à deux reprises. Après avoir rappelé que le projet de loi relatif au développement économique de l'outre-mer a été déposé au Sénat le 21 juillet 2008, il a souligné la nécessité de prendre en compte, lors de l'examen du texte, les préoccupations actuellement exprimées par nos concitoyens des collectivités d'outre-mer.

M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a expliqué que le conflit qui agite l'outre-mer depuis plusieurs semaines nécessite, en effet, un « travail de terrain » qui mobilise l'ensemble de ses équipes. Après avoir rappelé que le projet de loi témoigne d'une volonté politique forte de promouvoir un développement économique endogène de l'outre-mer et d'y développer le logement social grâce à la révision de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 dite loi « Girardin », il a observé que la crise financière et économique modifie les équilibres qui existaient il y a encore quelques mois. A cet égard, il convient de prendre acte des changements profonds en cours en réadaptant, en temps réel, les outils et les périmètres des dispositifs proposés par le projet de loi.

Il s'est ainsi déclaré favorable à un travail de « co-production » avec le Parlement, et ce d'autant plus que les réponses à apporter restent à préciser, afin que leurs modalités de mise en oeuvre soient pleinement en accord avec l'objectif de soutien des secteurs économiques les plus fragilisés. Il a donné l'exemple de la proposition, plébiscitée initialement, consistant à réduire, quel que soit le domaine d'activité, les charges sociales jusqu'à 1,4 Smic. Elle ne se révèle plus, après examen, pleinement adaptée puisqu'elle reviendrait, par son caractère général, à ne pas soutenir les secteurs qui en ont le plus besoin. Au regard de l'effort financier qui serait consenti s'agissant de la diminution des charges sociales, soit un milliard d'euros, il importe de définir les dispositifs les plus efficients. De même, il a souligné que les mesures qui seront adoptées ne doivent pas conduire à aggraver les taux de chômage de ces collectivités, qui comme le relève une enquête récente d'Eurostat, sont les plus élevés d'Europe. Il a ainsi estimé nécessaire de parvenir à trouver un équilibre entre, d'une part, le jeu social, marqué par les questions de coût de la vie, et d'autre part, le taux d'emploi.

S'agissant du développement du logement social, qui est aussi bien un enjeu de société qu'un enjeu économique, il a indiqué que, au-delà de l'effort financier conséquent qui est opéré sur la ligne budgétaire unique par le projet de loi, d'autres mesures ont été prises telles que le décret n° 2009-100 du 30 janvier 2009 relatif aux subventions et prêts pour la construction, l'acquisition et l'amélioration de logements locatifs aidés dans les départements d'outre-mer et modifiant le code de la construction et de l'habitation. Il a observé qu'en Martinique seulement 400 logements sociaux ont été construits en 2008 alors que les listes d'attente comptent plusieurs milliers de personnes.

S'agissant du soutien au développement économique de l'outre-mer, il a rappelé les deux principales mesures du projet de loi :

- la création de zones franches d'activité, qui permettront à certaines entreprises de bénéficier d'une déduction fiscale à hauteur de 50 % de leur revenu, portée à 80 % pour certains secteurs choisis par chaque collectivité. Le tourisme, les nouvelles technologies ou l'agro-production seraient ainsi des domaines particulièrement soutenus compte tenu de l'intérêt qu'ils représentent ;

- les exonérations de charges sociales, dont les modalités précises de mise en oeuvre restent encore soumises à discussion.

M. Yves Jégo a observé ensuite que la situation économique dans les territoires ultramarins appelle des réponses structurelles qui devront faire l'objet d'un traitement particulier. La création du comité interministériel de l'outre-mer décidée par le Président de la République témoigne de cette volonté. Plusieurs sujets sont propres à ces territoires, tels que l'octroi de mer ou les conséquences contradictoires de l'insularité sur la structuration des économies ultramarines. En effet, l'étroitesse des marchés locaux peut, soit favoriser certaines entreprises par le biais du développement d'une clientèle captive, soit handicaper celles-ci compte tenu du manque de débouchés. En outre, M. Yves Jégo a reconnu que l'Etat n'a peut être pas toujours exercé comme il aurait dû son rôle de contrôle et de garant de la transparence. Le projet de loi ne constitue ainsi que la première étape du changement de modèle économique indispensable pour ces territoires.

Il a indiqué enfin que l'examen tardif du projet de loi par le Parlement, soit sept mois après son dépôt, nécessite de revoir l'entrée en vigueur des dispositifs prévus tout en gardant une démarche pragmatique afin de ne pas porter préjudice aux opérations économiques en cours, telles que les programmes immobiliers.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que l'examen du projet de loi relatif au développement économique de l'outre-mer s'inscrit dans le cadre des nouvelles procédures issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le texte examiné en séance sera ainsi le texte adopté par la commission des finances, saisie au fond, après examen des amendements des rapporteurs et des membres de la commission.

M. Eric Doligé, co-rapporteur au nom de la commission des finances, a souhaité obtenir des précisions sur le plan annoncé lundi 16 février en Guadeloupe, d'un montant de 87,8 millions d'euros. Cette somme n'est pas négligeable au regard du chiffrage actuel du projet de loi qui s'élève à 290 millions. Par ailleurs, compte tenu des observations formulées par M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Haut commissaire à la jeunesse, lors de son audition par la commission des finances le 6 mai 2008, il s'est interrogé plus particulièrement sur la possibilité de faire entrer en vigueur le revenu social d'activité (RSA) en outre-mer.

En réponse, M. Yves Jégo a rappelé que l'urgence a été déclarée sur le projet de loi. Il a précisé que le plan annoncé fait suite aux réponses du Gouvernement aux 132 revendications des représentants ultramarins. Ce chiffrage, qui compte des dispositifs concernant l'ensemble de l'outre-mer, renvoie aux mesures suivantes :

- l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terres agricoles ;

- le soutien à l'investissement dans le cadre du plan de relance ;

- l'aide au fret via une évolution de la TVA, dite « non perçue récupérable » (TVA NPR) ;

- la modernisation du secteur du tourisme ;

- la mise en oeuvre, avant fin 2009, du RSA « chapeau », c'est-à-dire en faveur des personnes, qui même étant employées, ont un niveau de revenu très faible, situation plus fréquente en outre-mer qu'en métropole. Environ 100 000 personnes pourraient être concernées ;

- l'augmentation de la prestation de restauration scolaire, afin de privilégier un approvisionnement, au moins à hauteur de 50 %, en produits locaux ;

- la revalorisation de l'aide au logement.

Ce chiffrage ne comprend toutefois pas l'effort supplémentaire qui pourrait être consenti sur la diminution des charges sociales.

M. Marc Massion, co-rapporteur au nom de la commission des finances, s'est interrogé sur la négociation menée par le Gouvernement, au regard de l'insatisfaction exprimée par les différentes parties. Il s'est demandé également dans quelle mesure le texte n'est pas devenu caduc compte tenu du contexte de crise et des modifications qui sont en cours de discussion. Il a estimé que les conditions d'examen du présent projet de loi contredisent la volonté de revaloriser le Parlement et souhaité que le calendrier soit revu.

En réponse, M. Yves Jégo a affirmé que le texte n'est pas caduc dans la mesure où il permet notamment de soutenir des secteurs économiques privilégiés par les collectivités locales. Le travail de concertation a été mené ; néanmoins, il reste nécessaire de poursuivre les négociations parallèlement à l'examen du texte qui ne saurait être reporté compte tenu de l'acuité de la crise économique et sociale.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a présenté ses observations sur les deux dispositifs principaux contenus dans le projet de loi : la création de zones franches globales d'activités et la réforme de la politique du logement.

Elle a tout d'abord pris acte de ce que le Gouvernement semble favorable à une harmonisation des secteurs prioritaires entre les départements d'outre-mer, mais s'est interrogée sur la décision qu'il prendra au sujet de la date d'application de la modification du système d'exonération de charges patronales, fixée au 1er avril 2009 par la dernière loi de finances. Parmi les zones prioritaires, elle s'est demandé s'il est possible d'inclure les Hauts de la Réunion pour le bénéfice du taux majoré de 80 %. Dans le même esprit, est-il possible d'inclure dans le dispositif et à certaines conditions le petit commerce de détail dans ces zones particulièrement défavorisées ? La Guadeloupe a bien montré depuis quelques semaines combien ce secteur est primordial pour l'activité économique au quotidien.

En ce qui concerne la politique du logement, il apparaît nécessaire de mieux définir la notion de primo-accédant pour ne pas limiter excessivement le bénéfice du dispositif. Par ailleurs, il serait sans doute souhaitable de conserver, au moins pour une certaine durée, le dispositif actuel de défiscalisation, lorsque le propriétaire loue son bien aux conditions de loyer et de ressources d'un logement social.

Enfin, pour bien prendre en compte les effets de la crise économique et financière qui touche encore plus durement des économies fragilisées comme celles d'outre-mer, le Gouvernement devrait envisager de programmer la création des nouveaux dispositifs et la suppression des anciens de manière plus souple et plus étalée dans le temps. Le secteur du bâtiment travaux publics, essentiel à l'activité économique, ne pourra pas s'adapter, en effet, aussi rapidement que le prévoit le projet de loi actuel. Cette période de transition pourrait se révéler catastrophique pour l'économie.

M. Yves Jégo a répondu que le Gouvernement s'est engagé, lors du débat sur le projet de loi de finances, à ce que le nouveau dispositif relatif à l'exonération de charges patronales ne rentre pas en vigueur avant la promulgation de la loi pour le développement économique de l'outre-mer. Par ailleurs, le petit commerce bénéficie d'ores et déjà de mesures d'aide jusqu'à 1,3 Smic. Le Gouvernement accueillera avec bienveillance un amendement qui concernerait l'intégration des Hauts de la Réunion dans la liste des zones particulièrement défavorisées, comme la Guyane et les îles de la Guadeloupe. Le Gouvernement envisage également une période de transition entre l'entrée en vigueur des nouveaux dispositifs et la sortie des anciens ; cette période pourra peut-être être prolongée pour que les chantiers lancés puissent se terminer : l'idée est que tout ce qui est déjà en cours de réalisation doit pouvoir être achevé.

Après s'être réjoui de l'organisation de l'audition commune aux quatre commissions saisies du projet de loi, M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a souligné le contexte particulier de l'examen du texte au Sénat. Il a tout d'abord souhaité connaître les marges de manoeuvre du Gouvernement, tant sur le plan financier que pour les ajustements à prévoir.

Après avoir salué la prise en compte par le projet de loi des difficultés des îles du Sud de la Guadeloupe, qui souffrent de la double insularité, il a souhaité que le taux bonifié d'exonération de 80 % puisse être appliqué à l'ensemble des entreprises de ces territoires et a interrogé le ministre sur la possibilité d'étendre à ces îles les dispositions en vigueur en Guyane, notamment en matière de TVA.

Il a ensuite appelé de ses voeux la suppression de la taxe foncière sur les propriétés non bâties au bénéfice des agriculteurs et l'augmentation des seuils prévus par le projet de loi en matière de rénovation hôtelière, tant pour ce qui est du nombre de chambres concernées par opération que du montant de l'aide.

S'agissant des mesures de soutien à la construction de logements, il s'est montré favorable à la suppression de la défiscalisation dans le secteur libre, tout en évoquant la possibilité de décaler l'échéance d'un an. Il s'est inquiété de la situation du logement intermédiaire, dont le rôle est essentiel tant en matière de besoins de logements que pour le secteur du BTP. Il a enfin estimé qu'il pourrait être intéressant d'adapter les plafonds pour la défiscalisation des logements sociaux.

M. Yves Jégo a rappelé que les exonérations de charges avaient représenté, pour les finances publiques, un coût de 1,358 milliard d'euros en 2008 et que l'estimation du nouveau dispositif pour 2009 est de 1,456 milliard d'euros.

Il a annoncé que le gouvernement proposerait l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les départements d'outre-mer, une interrogation demeurant sur la possibilité de restreindre cette disposition aux seuls agriculteurs.

Il a indiqué qu'il est ouvert aux propositions d'amendements s'agissant des îles du Sud de la Guadeloupe. Pour ce qui est de l'hôtellerie, il a annoncé une amélioration du dispositif, le Gouvernement souhaitant faire passer le plafond de la subvention de 5 000 à 7 500 euros par chambre, dans la limite des cent premières chambres, quelle que soit la taille de l'hôtel.

Enfin, il a fait observer que l'augmentation du coût du foncier provient en partie de la pression exercée par la défiscalisation, raison pour laquelle le projet de loi exclut pour l'avenir le logement libre du dispositif de défiscalisation pour favoriser en contrepartie le seul logement social.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a relevé que la technique de la défiscalisation, qu'elle s'applique outre-mer ou ailleurs, peut effectivement fausser la concurrence sur le marché.

M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois, a souligné que le projet de loi a été préparé avant la crise mais qu'il va être examiné par le Parlement pendant celle-ci.

Il a rappelé que la solidarité continue de la métropole en faveur de l'outre-mer a permis, depuis 1946, d'apporter une amélioration substantielle à la qualité de la vie dans ces territoires en termes d'éducation, de santé, de logement et de niveau de vie, mais que la crise économique qui frappe la France a des conséquences encore plus aigües outre-mer compte tenu de l'équilibre instable de son économie.

Il a souhaité que la crise économique actuelle soit l'occasion de cerner les questions réelles qui se posent en matière de développement des économies ultramarines et d'y apporter des réponses efficaces. A défaut, les tensions actuelles en Guadeloupe et dans les autres départements d'outre-mer persisteront.

Il a mis en exergue les abus de position dominante fréquents dans les départements d'outre-mer, citant l'exemple du cartel mis en place sur le prix du kérosène à la Réunion, récemment sanctionné par le conseil de la concurrence. Du fait de ces situations monopolistiques, le coût de la vie outre-mer est plus élevé qu'en métropole alors même que le revenu par habitant y est inférieur.

Il a estimé qu'il est nécessaire d'utiliser les possibilités offertes tant par l'article 73 de la Constitution que par l'article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne, qui permettent un traitement différencié des départements d'outre-mer par rapport à la métropole. Il serait opportun que, dans ce cadre, une adaptation des dispositions de l'article L. 410-2 du code de commerce soit apportée à l'occasion de la discussion du projet de loi afin que l'Etat puisse réglementer, dans les départements d'outre-mer, le prix de produits de première nécessité. Seule une mesure de ce type permettrait de mettre fin aux abus résultant de l'existence de monopoles de fait dans ces territoires.

Abordant la question du logement outre-mer, M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte la réalité des besoins de financement. Il a indiqué que le financement du logement social outre-mer par le biais d'un financement croisé faisant intervenir à la fois les crédits de la ligne budgétaire unique et les dispositifs de défiscalisation recèle une complexité qui pourra empêcher le montage d'opérations d'envergure.

Il a souhaité que des dispositions soient insérées dans le projet de loi afin de favoriser le financement du logement patrimonial intermédiaire à vocation sociale, qui pourrait être offert à la location à un montant de 7,5 euros par mètre carré.

Il a évoqué la nécessité de favoriser le développement du secteur des énergies renouvelables outre-mer, à commencer notamment par les mécanismes de « co-génération » charbon-bagasse, pour lesquels la Réunion est en pointe.

Il a souligné que la productivité du travail a davantage augmenté outre-mer dans les dernières années qu'en métropole. Il convient désormais de favoriser l'emploi dans les secteurs porteurs, tels que ceux des technologies de la communication et de l'information, des énergies renouvelables et de l'agro-nutrition.

Il a noté que les effets bénéfiques sur l'emploi de l'extension outre-mer du revenu de solidarité active seront limités dans la mesure où ils ne favoriseront pas un grand nombre de créations d'emplois nouveaux. Il a jugé essentiel de favoriser la formation professionnelle, en particulier celle des jeunes, l'effort devant être d'autant plus important compte tenu de l'isolement et de la distance des départements d'outre-mer par rapport à la métropole.

M. Yves Jégo a indiqué que les lois ordinaires qui devront accompagner les lois organiques relatives à la Nouvelle-Calédonie et, le cas échéant, à la départementalisation de Mayotte, qui seront présentées au mois de juillet 2009, seront l'occasion de mettre en place des dispositifs s'attaquant aux problèmes structurels évoqués par M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a suggéré l'ajout au projet de loi d'un titre portant sur le soutien au pouvoir d'achat outre-mer, qui comprendrait des dispositifs adaptant les règles de la concurrence dans ces territoires, en particulier en instituant un mécanisme de contrôle des prix.

M. Yves Jégo s'est dit très favorable à l'insertion de telles mesures, ajoutant qu'il a saisi l'Autorité de la concurrence de deux demandes d'avis concernant les conditions de la concurrence dans les départements d'outre-mer : l'une concernant le prix des carburants, l'autre relative aux produits de consommation courante. Il a ajouté qu'il s'était entretenu avec les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de définir une politique de contrôle dans ces départements.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souligné les effets économiques négatifs induits par la réglementation actuelle de l'octroi de mer qui, s'il constitue une taxe à l'importation participant au financement des collectivités territoriales d'outre-mer, a pour effet de renchérir le prix payé par les consommateurs.

M. Yves Jégo a répondu que la question de l'octroi de mer constitue un problème de nature structurelle et que sa suppression impliquerait de trouver d'autres modes de financement des collectivités ultramarines.

Il a insisté sur le fait que le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer doit permettre d'apporter des réponses destinées à sortir du conflit en cours dans les Antilles et qu'il conviendra d'engager une réflexion plus approfondie sur les problèmes structurels que connaît l'outre-mer.

M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis, a jugé opportun que la commission des finances se saisisse de la question de la réforme de l'octroi de mer, et notamment de son rôle dans la détermination des prix, suggérant l'institution d'une TVA spécialement applicable outre-mer.

M. Yves Jégo a rappelé que l'octroi de mer permet de financer les collectivités ultramarines à hauteur de 900 millions d'euros. Il a estimé qu'une évolution du dispositif pourrait être envisagée, d'autant que la Commission européenne n'a autorisé le maintien de cette taxe que jusqu'en 2014.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, s'est interrogé sur la large habilitation prévue dans le projet de loi pour actualiser et adapter l'organisation juridictionnelle et le statut civil personnel de droit local à Mayotte. Il a souhaité savoir si les ordonnances envisagées auront pour objet de mettre fin aux fonctions juridictionnelles des cadis et de rendre le statut personnel pleinement compatible avec les principes républicains, compte tenu de la démarche vers la départementalisation souhaitée par les élus de Mayotte.

M. Yves Jégo a indiqué que cette habilitation avait été inscrite dans le projet de loi avant même que le calendrier de la consultation référendaire sur l'avenir de Mayotte soit établi. Il a jugé que cette habilitation pourrait offrir le support juridique permettant une mise en oeuvre rapide de la feuille de route présentée par le Gouvernement, dès lors que les Mahorais se seront prononcés positivement sur la départementalisation de leur collectivité. Il a ajouté que, le cas échéant, il ne serait pas opposé à ce que les mesures envisagées soient définies dans un autre support législatif.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a souhaité connaître le délai dans lequel l'Autorité de la concurrence sera amenée à rendre ses avis sur les prix du carburant et les prix à la consommation outre-mer.

M. Yves Jégo a indiqué que ces avis lui seront remis avant l'été, afin de permettre aux services de l'Autorité de la concurrence d'effectuer un examen de la situation locale.

M. Thierry Repentin a formulé trois observations.

Il s'est tout d'abord déclaré satisfait que le ministre ait annoncé que le forfait de charges serait traité de manière uniforme en métropole et outre-mer. M. Yves Jégo a précisé qu'il s'agit du forfait hors chauffage.

Ensuite, M. Thierry Repentin a jugé que l'ouverture de la défiscalisation au logement social ne doit pas remettre en cause, même à long terme, la ligne budgétaire unique (LBU), qui doit rester le socle du financement du logement social outre-mer. Mais la question va se poser de la manière de mobiliser les investisseurs métropolitains sur ce type de produit, dans la mesure où en métropole, ce genre de dispositif n'a jamais rencontré le succès escompté. M. Yves Jégo a alors rappelé l'engagement clair du Gouvernement d'augmenter la LBU dans les prochaines années ; elle passera de 209 millions en 2009 à 229 millions en 2011.

Enfin, M. Thierry Repentin s'est inquiété de l'annonce faite sur le blocage des loyers dans les départements d'outre-mer. La situation du logement social est déjà assez dramatique et de nombreux organismes sont en situation financière tendue, voire en plan de redressement. Dans ce contexte, le blocage des loyers, qui pourrait se propager en métropole, remettrait en cause le fragile équilibre financier des organismes. Sur ce point, M. Yves Jégo a rappelé que le blocage des loyers en Guadeloupe est une annonce volontaire des bailleurs sociaux de ce département. Enfin, la coexistence de la LBU et du mécanisme de défiscalisation doit être conçue de façon très souple : certains programmes ne nécessiteront que l'un des deux soutiens, d'autres les deux.

Mme Gélita Hoarau a évoqué la crise profonde qui touche depuis longtemps les départements d'outre-mer. Le taux de chômage y est plus élevé qu'en métropole, comme le taux d'illettrisme, mais il ne s'agit pas ici de chercher des responsables. La question est en effet de savoir comment sauver collectivement les territoires concernés. Pour cela, il est indispensable de concevoir une rupture et de casser les pratiques habituelles en cours dans ces départements. Par exemple, le coût de la vie souffre naturellement des surprofits des monopoles et de l'éloignement des sources d'approvisionnement ; il est nécessaire d'orienter les échanges vers les voisins les plus proches. Pourquoi ne pas favoriser la création d'une compagnie maritime régionale pour réaliser ce commerce intra zone ? La crise frappe par ailleurs les plus démunis et des mesures urgentes doivent être prises en leur faveur, par exemple en mutualisant les crédits des minima sociaux pour améliorer leur efficacité. Le conseil régional de La Réunion a engagé de nombreuses politiques en ce sens, notamment en matière de développement durable, de grands travaux ou de tourisme. En conclusion, Mme Gélita Hoarau a souhaité savoir si le comité interministériel sur l'outre-mer sera permanent ou temporaire.

M. Yves Jégo a répondu qu'il est disposé à participer à ce travail de fond, particulièrement nécessaire au regard de la situation outre-mer.

Mme Odette Terrade a souligné la nécessité de prendre des mesures exceptionnelles afin de répondre à la crise actuelle. Elle a estimé que cette crise montre les limites de la politique de défiscalisation, peu efficace, voire néfaste en termes d'emploi et d'urbanisme. Elle a donc fait part de son inquiétude quant aux dispositions du projet de loi. Enfin elle a appelé le gouvernement à prendre en compte la dimension culturelle du mouvement en cours aux Antilles et a espéré que les forces de l'ordre ne seront pas amenées à intervenir.

En réponse à Mmes Hoarau et Terrade, M. Yves Jégo a souligné qu'un travail de fond important est en effet nécessaire : il a ainsi estimé que le projet de loi est un texte conjoncturel, des évolutions plus structurelles demeurant par ailleurs nécessaires.

Mme Nicole Bricq a estimé que le Gouvernement a tardé à prendre la mesure de la mobilisation dans les Antilles. Elle a jugé que les conditions de travail des parlementaires sur ce projet de loi sont difficiles du fait des modifications du texte qui devront être présentées par le Gouvernement et de l'application de la nouvelle procédure issue de la réforme constitutionnelle.

Elle a relevé que l'examen de ce projet de loi, qui comprend une réforme du dispositif de défiscalisation, intervient dans un contexte fiscal marqué par le vote par le Parlement en 2008 du plafonnement des niches fiscales.

Elle a souligné que certaines mesures annoncées par le Gouvernement ou demandées par les parlementaires ultramarins ne figurent pas à ce jour dans le texte, et nécessiteront un véritable travail de fond. Elle a enfin souhaité avoir plus d'information sur le « plan B » évoqué dans la presse.

En réponse, M. Yves Jégo a indiqué que le « plan B » consiste à adapter des dispositifs de baisse des charges en faveur des secteurs où ils seront les plus utiles. Il a souligné que le projet de loi n'évoque pas les niches fiscales. Il a par ailleurs rappelé que le texte a été adopté en conseil des ministres le 21 juillet 2008 et que son examen n'est donc pas précipité, les modifications qui pourraient y être introduites en réponse à la crise actuelle n'en altérant pas l'orientation générale.

M. Georges Patient a estimé qu'un report de l'examen du projet de loi est nécessaire au vu de la situation dans les Antilles. Il a rappelé que la Guyane a connu des événements similaires en novembre 2008, indiquant que, trois mois après la signature d'un protocole de sortie de crise, aucune réunion ne s'est encore tenue pour faire le point sur la situation. Il a enfin jugé nécessaire d'assortir le dispositif des zones franches globales de contreparties en matière de retombées salariales.

En réponse, M. Yves Jégo a indiqué que les présidents du conseil général et du conseil régional de la Guadeloupe ont publié un communiqué appelant à examiner en urgence le projet de loi. S'agissant du protocole guyanais, il a annoncé que le rapport sur le prix de l'essence sera remis à la fin du mois et qu'il souhaite travailler en liaison étroite avec les élus sur cette question.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé le calendrier relatif au projet de loi :

- les amendements des membres de la commission des finances peuvent être déposés jusqu'au 17 février à 16 heures ;

- la commission des finances se réunira pour examiner le rapport de MM. Doligé et Massion et les amendements des commissaires le jeudi 19 février après-midi ;

- les commissions saisies pour avis devraient se réunir le 4 mars au matin pour examiner les rapports des rapporteurs pour avis ;

- les amendements des sénateurs non membres de la commission des finances pourront être déposés jusqu'au 4 mars à midi ;

- la commission des finances se réunira afin de procéder à l'examen des amendements des rapporteurs pour avis et des sénateurs non membres de la commission des finances le 5 mars. Les rapporteurs pour avis seront conviés à cette réunion afin de pouvoir défendre les amendements adoptés par leur commission respective ;

- le texte devrait être discuté en séance à partir du 10 mars.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a indiqué qu'il déposera un amendement visant à introduire un titre relatif au pouvoir d'achat et à la concurrence. Il a espéré par ailleurs que le Gouvernement puisse transmettre ses amendements au plus vite à la commission des finances, afin que le texte issu des travaux de celle-ci soit le plus complet possible.

Présidence de M. Nicolas About, président. -

Le médicament dans le soin psychiatrique - Table ronde

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu, au cours d'une table ronde consacrée à l'usage du médicament dans le soin psychiatrique, Mmes Armelle Desplanques, responsable de l'unité « programmes pilotes » et Nathalie Riolacci, de la Haute Autorité de santé (HAS), M. Guy Gozlan, psychiatre au centre hospitalier Sainte-Anne et coordinateur du réseau de santé Prépsy, Mme Marie-Odile Krebs, directrice de l'unité Inserm « Physiopathologie des maladies psychiatriques » au centre hospitalier Sainte-Anne, M. Gérard Massé, psychiatre au centre hospitalier Sainte-Anne, Mme Sophie Ravoire, directeur médical de Lilly France, M. Gilles Poutout, directeur du pôle Stratégie, Mme Ioana Bianchi et M. Raphaël Schwob, consultants du centre national de l'expertise hospitalière (CNEH).

M. Alain Milon, rapporteur, a rappelé que cette table ronde est la seconde organisée dans le cadre de la préparation du rapport de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps) sur l'état de la psychiatrie en France. Face à la surconsommation de médicaments psychotropes en France, il paraît important de pouvoir préciser la nature exacte des médicaments prescrits, les déterminants des prescriptions, l'état de la recherche et les initiatives prises pour garantir l'observance des traitements.

M. Raphaël Schwob, consultant du CNEH, a rappelé le bilan dressé par un précédent rapport de l'Opeps consacré au bon usage des médicaments psychotropes et établi en 2006. Il en ressort que la consommation des médicaments psychotropes est en moyenne deux fois plus élevée en France que dans les autres pays européens avec une exposition particulière des personnes âgées. Néanmoins, on ne dispose pas de données fiables permettant de documenter l'évolution des consommations dans la population française : leur niveau élevé paraît sans lien avec la prévalence des troubles psychiatriques avérés et 80 % des psychotropes sont prescrits en médecine générale. On constate également que les recommandations de bonne pratique concernant la durée des prescriptions de médicaments ainsi que les indications des traitements sont peu respectées.

L'efficacité très limitée de l'action des pouvoirs publics en la matière s'explique, entre autres, par la faible coordination entre les différents acteurs du système de soins et par la quasi-absence d'évaluation de l'impact des mesures et recommandations prises en la matière. Or, il existe des alternatives thérapeutiques au traitement par psychotropes, que ce soit des psychothérapies, des prescriptions homéopathiques ou phytothérapiques ou le respect de règles d'hygiène de vie dont l'efficacité est réelle, notamment pour les troubles du sommeil. En outre, une meilleure information des prescripteurs, en matière de prévention de la dépendance aux médicaments psychotropes et de sevrage, est nécessaire pour limiter la surconsommation de ces médicaments.

Toutes ces questions ont donné lieu à l'établissement de recommandations par l'Opeps en 2006, qui n'ont pour l'heure guère été suivies d'effet.

M. Gérard Massé, psychiatre au centre hospitalier Sainte-Anne, a souligné le paradoxe selon lequel des patients nécessitant des soins n'en ont pas alors qu'on constate la surconsommation de médicaments psychotropes par des personnes qui n'en ont pas besoin.

De nombreux progrès ont néanmoins été accomplis ces dernières années grâce à une plus grande acceptabilité de médicaments qui ont transformé la prise en charge de la maladie mentale. On estime cependant que 35 % à 40 % de la population européenne relèvent des soins psychiatriques, parfois au titre de maladies mentales avérées mais surtout pour surmonter des épisodes « de crise » dont le nombre augmente depuis quelques années. Malgré l'évolution du soin psychiatrique permise par cette acceptabilité nouvelle des médicaments, celui-ci souffre de l'image négative que véhiculent les psychotropes, accusés, par certaines sectes et une fraction de l'opinion publique, de créer la maladie au lieu de la guérir.

L'un des problèmes essentiels est celui de définir la frontière entre l'action du généraliste et celle du psychiatre. La formation psychiatrique des non-spécialistes est faible et, si ce n'est peut-être les gériatres, ils n'ont pas élaboré de capacités de dialogue avec les psychiatres. Il faut donc favoriser la formation initiale et continue des généralistes en matière de psychiatrie.

Comme pour de nombreuses spécialités, c'est moins le nombre de médecins que leur répartition qui pose un problème. On compte à l'heure actuelle environ 12 500 psychiatres en France et ils ne seront plus que 8 500 à l'horizon 2015-2020. Ce chiffre restera supérieur à l'effectif constaté au Royaume-Uni ou à l'Allemagne de 6 000 psychiatres. La difficulté est que 3 500 des 6 500 psychiatres libéraux exercent en Ile-de-France. Il y a donc de véritables « zones blanches » en matière de psychiatrie qui doivent être corrigées par la mise en oeuvre d'une obligation de service public et la pratique du « zoning » telle qu'elle s'exerce dans la plupart des pays occidentaux.

Il faut également aboutir à une définition stable de la profession de psychothérapeute. Le fait que seuls les médecins puissent prescrire des médicaments remboursés est de moins en moins compris par la population.

On observe, au sein de la société, une véritable prise de conscience des enjeux liés à la psychiatrie, favorisée par la publication régulière de rapports sur la question. Les conclusions de la commission Couty, particulièrement sur les groupements locaux de coopération pour la santé mentale, méritent d'être étudiées.

M. Gilbert Barbier a demandé si l'on constate une moindre prévalence des troubles psychiatriques dans les zones où aucun psychiatre n'exerce.

M. Gérard Massé a indiqué qu'en l'absence d'évaluation, il est impossible de connaître exactement la situation mais qu'il a la faiblesse de penser que la population n'ayant pas accès à un médecin psychiatre est moins bien soignée.

A M. Gilbert Barbier, qui souhaitait savoir comment stabiliser la définition de la profession de psychothérapeute, M. Gérard Massé a répondu qu'il conviendrait de soumettre l'exercice de cette profession à l'obtention d'un diplôme. La France forme à l'heure actuelle 30 000 psychologues par an qui n'ont que de rares débouchés professionnels.

M. Gilbert Barbier s'est interrogé sur l'évolution des remboursements des frais de soins psychiatriques.

M. Gérard Massé a souligné que les remboursements devraient être amenés à augmenter, sans doute de manière importante, et que, dès lors, des choix s'imposeront en matière d'organisation des soins et de pratiques thérapeutiques.

M. Gilbert Barbier s'est enquis du mode de prescription des médicaments psychotropes et du bien-fondé du monopole des médecins en la matière.

M. Gérard Massé a répondu que, la prescription étant liée à une capacité de diagnostic, elle doit rester de la compétence des médecins.

M. Gilbert Barbier s'étant inquiété de la diversité des écoles de psychiatrie et de leurs querelles, M. Gérard Massé a estimé qu'il s'agit là d'un débat dépassé puisqu'il est désormais possible de codifier et donc d'établir des protocoles de soins à partir de psychothérapies d'origines diverses.

Mme Anne-Marie Payet a souhaité connaître le rôle de l'alcoolisme dans le déclenchement des maladies mentales et savoir comment la psychiatrie traite de la question des addictions.

M. Gérard Massé a insisté sur la nécessité de revoir le problème de l'alcoologie en France. Il est indispensable de concevoir cette discipline dans sa spécificité, à côté de la psychiatrie, en raison de l'importance de la comorbidité. La question des addictions dépasse d'ailleurs le seul problème de l'alcool et se développe tout récemment dans le domaine du jeu pathologique. Le problème est que les patients potentiels, notamment les jeunes, répugnent à être inclus dans des soins de type psychiatrique.

Puis M. Guy Gozlan, membre du Haut Conseil de la santé publique, a présenté les caractéristiques de la population française en matière d'accès aux soins en santé mentale. Les catégories de population les plus exposées sont les plus jeunes et les plus âgées. Elles disposent de peu d'informations sur l'accès aux soins et ont tendance à méconnaître les troubles, d'autant que ceux-ci peuvent demeurer longtemps compatibles avec un mode de vie en communauté. L'offre de soins est particulièrement morcelée en France et il existe de nombreux obstacles à la prise en charge, parmi lesquels figurent le caractère plutôt réactif que préventif du système de soins, avec une tendance à la banalisation du premier épisode de crise, et l'absence de coordination et de suivi. Les inégalités sociales se reflètent également dans le domaine de la santé mentale et viennent aggraver les maladies. Le système de soins est par ailleurs engorgé et on estime que ce phénomène prive un tiers des schizophrènes, la moitié des patients atteints de dépression et les trois quarts des personnes souffrant d'abus d'alcool d'avoir accès à un traitement ou à des soins simples et abordables.

La mauvaise image de la psychiatrie explique que les familles soient réticentes à y avoir recours malgré l'importance des comorbidités. Cette absence de soins a des conséquences négatives en matière de développement psycho-social et de prescription de traitements inadéquats, qui entraînent une diminution de la réponse au traitement adapté et une augmentation du risque de rechute.

Il a ensuite rappelé les missions du Haut Conseil de la santé publique en matière de santé mentale ainsi que les objectifs inscrits dans la loi de santé publique concernant les toxicomanies, le lien entre psychoses chroniques et précarité, les troubles bipolaires, dépressifs et névrotiques et le suicide. Sur tous ces sujets, l'évaluation faite fin 2007 a montré qu'aucun des objectifs n'a été atteint. Dès lors, de nouveaux objectifs devraient être définis dans une prochaine loi de santé publique, portant sur le repérage précoce de la souffrance et du trouble psychique chez l'enfant et l'adolescent, l'amélioration de l'accès aux soins et la réduction des facteurs de risques, l'amélioration du repérage et de la prise en charge des troubles psychiques associés à une pathologie somatique et, enfin, le développement de l'éducation thérapeutique des patients. Or, sur tous ces sujets, des obstacles demeurent, tenant notamment au financement des mesures à mettre en oeuvre.

M. Nicolas About, président, a souhaité savoir quelles sont les maladies psychiatriques émergentes dont le Haut Conseil de la santé publique souhaite améliorer la détection chez les enfants et adolescents.

M. Guy Gozlan a précisé qu'il s'agit des troubles envahissants du développement comme l'autisme, et des prémices de maladies se caractérisant par des troubles de l'humeur de type maniaco-dépressif ou schizophrénie.

M. René Teulade a noté le nombre particulièrement élevé des Français souffrant de troubles névrotiques ou anxieux. Ce phénomène est-il lié à l'allongement de la durée de vie ?

M. Guy Gozlan a regretté qu'en l'absence de données fiables, il soit impossible de mesurer la corrélation entre allongement de la durée de vie et augmentation des troubles psychiatriques.

M. René Teulade a insisté sur les conséquences potentielles de plusieurs évolutions sociales, et notamment l'éclatement des familles, la coexistence d'un nombre élevé de générations désormais et l'âge plus tardif à la naissance du premier enfant.

M. Guy Gozlan a confirmé que l'assistance des plus âgés aux plus jeunes est un moyen efficace de prévention des maladies mentales et de soutien en cas de troubles avérés. En matière de toxicomanie, le rôle préventif de la famille est également essentiel.

M. Gérard Massé a signalé qu'on assiste à un déplacement des pathologies névrotiques vers les personnes les plus âgées, ce qui est d'autant plus inquiétant que la prise en charge psychiatrique est de plus en plus mal organisée après soixante-cinq ans.

A M. Gilbert Barbier, qui souhaitait savoir si l'objectif de lutte contre la toxicomanie dans la loi de santé publique concerne uniquement les substances illicites, M. Guy Gozlan a indiqué que les substances addictives en cause ne couvrent que les opiacés.

M. Gilbert Barbier ayant demandé si la prescription permanente de Subutex doit être considérée comme un problème, M. Guy Gozlan a insisté sur le rôle utile de ce produit en matière de prévention du risque, tout en faisant observer que la question du sevrage est complexe car on ignore dans quelle mesure il est possible.

M. Nicolas About, président, a souligné que lors de ses rencontres avec des psychiatres exerçant en prison, il a constaté deux approches radicalement opposées : certains médecins estiment que l'incarcération offre l'occasion d'un sevrage, d'autres estiment qu'elle constitue une opportunité pour mettre en place un traitement de substitution. L'élaboration de référentiels paraît nécessaire sur ce point.

M. Guy Gozlan a répondu que les deux approches, sevrage et substitution, peuvent être erronées selon le cas d'espèce et qu'il s'agit de déterminer le meilleur traitement adapté à chaque personne. Il existe de nombreux référentiels élaborés par la Haute Autorité de santé (HAS) mais il appartient aux médecins de les consulter.

Puis Mme Armelle Desplanques, responsable de l'unité « programmes pilotes » de la HAS, a présenté les travaux du groupe créé par la HAS pour améliorer la prescription de psychotropes chez le sujet âgé. Ce groupe tend à mettre en place la plus grande concertation possible et implique plus de cent personnes liées à différentes institutions et sociétés savantes.

On observe que l'avancée en âge s'accompagne de l'augmentation de la consommation de médicaments psychotropes. Cette situation est d'autant plus inquiétante que l'effet délétère des neuroleptiques est désormais avéré et que cette information est insuffisamment connue des médecins et des patients.

Le groupe de travail a essayé de dégager les déterminants des prescriptions à partir de cas concrets de psychotropes délivrés aux personnes âgées par les médecins généralistes. Son important travail d'étude et de coordination a déjà abouti à l'élaboration d'une liste d'usage des médicaments psychotropes et à l'établissement du bilan suivant : quatre millions de personnes âgées prennent des psychotropes, soit 40 % des plus de soixante-cinq ans, 15 % d'entre elles ayant des prescriptions de trois médicaments ou plus. En contradiction avec les référentiels qui ne prévoient la prescription de psychotropes que pour une période courte en cas de crise, on remarque que toutes les prescriptions sont chroniques et augmentent avec l'âge. Ainsi, plus de 50 % des personnes âgées de quatre-vingt-cinq ans et au-delà prennent des psychotropes.

Dans de nombreux cas, les médicaments ne sont pas adaptés à la situation : 85 % des troubles du sommeil dont souffrent les personnes âgées ne sont pas en réalité des insomnies mais sont néanmoins traités comme telles.

Le groupe de travail s'est engagé à mener une évaluation des pratiques sur les deux prochaines années et à communiquer les résultats obtenus. Une partie d'entre eux est déjà disponible sur l'internet.

M. Gilbert Barbier ayant demandé s'il ne serait pas préférable de prescrire des traitements alternatifs plutôt que des psychotropes, Mme Armelle Desplanques a indiqué que cette piste est effectivement à explorer. Ceci étant, le groupe de travail se donne à l'heure actuelle pour but d'améliorer les prescriptions mais n'a pas vocation à approfondir la question du traitement alternatif.

Puis Mme Marie-Odile Krebs, directrice de l'unité Inserm « Physiopathologie des maladies psychiatriques » au centre hospitalier Sainte-Anne, a dressé les perspectives en matière de recherche de nouvelles thérapeutiques. Les maladies mentales sont particulièrement difficiles à soigner étant donné leur caractère chronique, récidivant et invalidant. Elles sont néanmoins évolutives, susceptibles de rémission et influencées par l'âge et l'environnement. Face aux maladies, les médicaments restent plus ou moins tolérés, en particulier aux âges extrêmes, et suscitent des réticences de la part des patients. A l'heure actuelle, il existe des médicaments « systémiques », des médicaments qui soignent les symptômes, mais pas de médicaments étiologiques capables de guérir.

La recherche se donne pour objectif de trouver des médicaments efficaces à tous les âges, faciles à prendre, agissant rapidement et, si possible, étiologiques. Plusieurs questions se posent, notamment celle de l'élaboration de différentes spécificités de médicaments selon le public auquel ils sont destinés ou selon leur méthode d'action.

Afin de trouver de nouveaux médicaments, il est nécessaire de développer des modèles à partir de l'expertise clinique car la recherche en laboratoire n'a donné jusqu'à présent que peu de résultats. Il importe de sortir du « tout moléculaire » et du « tout génétique » en adoptant de nouvelles formes de raisonnement.

Il existe plusieurs formes de thérapies non pharmacologiques, notamment les thérapeutiques de stimulation et les thérapeutiques cognitives.

D'autres pistes sont également à explorer dans le cadre d'une prise en charge globale incluant la nutrition, l'âge et l'éducation à la santé. Il est nécessaire d'élaborer de véritables stratégies thérapeutiques. Toutes ces avancées reposent sur la possibilité d'obtenir des financements tant la recherche en psychiatrie est coûteuse et nécessite, pour pouvoir fonder ses analyses, l'existence de cohortes longues.

L'élaboration de modèles et de référentiels est importante. On ne peut non plus se passer d'une évaluation systématique des nouvelles thérapeutiques. Une démarche physiopathologique globale, renouvelée et intégrée est nécessaire pour trouver des pistes de recherche et aboutir à une vraie compréhension des maladies. Il faut également approfondir la connaissance des spécificités des populations, notamment liées à l'âge.

Enfin, Mme Sophie Ravoire, directeur médical de Lilly France, a présenté le point de vue de l'industrie pharmaceutique sur le médicament psychotrope. Comme l'a indiqué le professeur Krebs, les recherches dans ce domaine sont particulièrement difficiles. Notamment, on ne peut véritablement associer un médicament au traitement d'une maladie.

On parle beaucoup de la surconsommation française en matière de psychotropes. Or, il est intéressant de constater qu'après une augmentation très importante au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, celle-ci ne progresse en fait que lentement depuis le milieu des années deux mille. La prise de conscience des éventuels risques liés aux médicaments comme les antidépresseurs est réelle et a sans doute joué un rôle dans ce ralentissement. Il serait intéressant que les pouvoirs publics développent des campagnes d'information sur le thème du bon usage du médicament psychotrope car ceci pourrait permettre de limiter les prescriptions abusives et de rendre plus efficaces les prescriptions nécessaires.

Concernant les axes de recherche de l'industrie médicale, elle a indiqué que malgré le nombre d'antidépresseurs actuellement sur le marché, 30 % des malades ne répondent pas aux traitements. L'industrie cherche donc à développer des médicaments nouveaux et plus rapides dans leurs effets. En matière de traitement de la schizophrénie, l'attention de l'industrie se concentre notamment sur la possibilité de prévenir les rechutes et récidives. Les médicaments permettant de traiter les troubles du sommeil caractérisés sont à l'heure actuelle trop souvent susceptibles d'entraîner des dépendances, ce qui doit être corrigé. Un important chantier est celui de la maladie d'Alzheimer pour lequel il paraît difficile de trouver un traitement étiologique. L'industrie est néanmoins mobilisée pour tenter d'apporter une solution aux malades et à leur famille. Il est intéressant de noter que des axes de recherche pharmacologique sont actuellement en développement pour prendre en charge de nouveaux types de troubles comme les conduites addictives.

Il est, à son sens, inquiétant que la recherche française soit si mal classée en termes d'innovation étant donné le rôle structurant de l'industrie pharmaceutique dans l'organisation des traitements. Sur certains sujets, comme les troubles atteignant les personnes âgées, la grande difficulté à faire des essais cliniques ralentit la recherche.

L'industrie pharmaceutique est prête à s'investir sur la question de l'observance mais se trouve pratiquement dans l'impossibilité juridique de le faire. Cette situation se traduit par une perte pour le patient et donc pour la santé publique.

Mercredi 18 février 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président. -

Simplification du droit - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de Mme Françoise Henneron sur la proposition de loi n° 34 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures, dans le texte n° 210 (2008-2009) adopté par la commission des lois le 11 février 2009.

Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis, a souligné que la simplification du droit permet d'améliorer la vie des citoyens et des entreprises en éliminant les formalités inutiles, en supprimant les ambiguïtés ou les incohérences qui affectent la compréhension de certains textes ou encore en rendant plus lisible la rédaction de lois excessivement complexes.

Une dizaine d'articles de la proposition de loi, qui en compte près de quatre-vingts, entrent dans le champ de compétences de la commission des affaires sociales. Les trois premiers sont relatifs au droit du travail et proposent :

- d'autoriser, avec l'accord du salarié, la remise de son bulletin de paie sous forme électronique ;

- de remplacer l'obligation faite aux entreprises de transmettre à l'inspection du travail le rapport annuel sur leur situation économique et financière par une simple obligation de tenir ce rapport à sa disposition ;

- de corriger une erreur rédactionnelle qui affecte la définition du gérant de succursale.

Quatre autres articles sont relatifs à la santé et tendent :

- à supprimer une disposition obsolète du code de la santé publique, qui autorisait les médecins ou sages-femmes étrangers à continuer d'exercer en France lorsqu'ils avaient commencé de le faire avant 1945 ; sur ce point d'ailleurs, les professionnels de santé étrangers, hors Union européenne, n'ont, en principe, pas le droit d'exercer sur le territoire national, mais une proposition de loi déposée par Mme Bariza Khiari, récemment approuvée par le Sénat, vise à faire disparaître cette interdiction ;

- à donner une base légale à un décret de 2007, relatif à la reconnaissance du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2002 sur les droits des malades, l'utilisation de ces titres est subordonnée à l'obtention d'un diplôme délivré par une école agréée ; pour éviter que les étudiants qui étaient alors en formation dans des écoles qui n'ont finalement pas été agréées ne se trouvent pénalisés, le décret permet au préfet de leur reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur, après avoir vérifié qu'ils ont bien suivi les formations prévues par la loi ;

- à soumettre à une simple obligation de déclaration préalable, et non à une nouvelle procédure d'autorisation, les modifications « non substantielles » apportées à un médicament vétérinaire ayant déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché ;

- à autoriser la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed) à avoir accès aux dossiers nominatifs des victimes d'accidents médicaux, afin d'harmoniser les pratiques des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation.

Ensuite, deux articles modifient certaines procédures applicables en matière de protection sociale :

- les caisses de mutualité sociale agricole (MSA) et le guichet unique du spectacle occasionnel (Guso) seraient autorisés à transmettre à l'administration fiscale certaines données salariales, ce qui dispenserait les employeurs d'accomplir eux-mêmes cette formalité ; les comités départementaux des prestations sociales agricoles seraient par ailleurs supprimés, leurs compétences étant redondantes avec celles des caisses de MSA ;

- les commissions départementales d'aide sociale deviendraient compétentes pour statuer sur les contestations relatives aux remboursements d'indus demandés par les complémentaires santé et sur les demandes de remise ou de réduction de la dette ainsi constituée ; le directeur de l'établissement national des invalides de la marine (Enim) deviendrait compétent pour statuer sur toutes les décisions d'octroi de pension de retraite ou d'invalidité, sous le contrôle du tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass).

Enfin, une dernière mesure consiste à rendre insaisissable, comme c'est déjà le cas pour les assurés du régime général, la majoration de pension pour aide à domicile dont bénéficient les fonctionnaires frappés d'invalidité.

Puis Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis, a indiqué que la commission s'est également saisie pour avis de certaines dispositions de l'article 66 bis de la proposition de loi, qui propose de ratifier une série d'ordonnances, dont une dizaine entrent dans son champ de compétences :

- deux ordonnances de 2005 simplifiant les règles applicables aux établissements hospitaliers et à certains personnels de la fonction publique hospitalière qui, d'ailleurs seront largement remises en cause par le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) en cours d'examen ;

- une ordonnance transposant en droit interne une directive communautaire relative au don de gamètes et à l'assistance médicale à la procréation ;

- deux ordonnances tendant, respectivement, à améliorer la protection sociale des petits exploitants agricoles et à renforcer les garanties offertes aux salariés et non-salariés agricoles en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle (AT-MP) ;

- dans le domaine social et médico-social, deux ordonnances, l'une clarifiant la composition et les compétences de la Cour nationale et des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale ; l'autre allégeant les procédures d'admission à l'aide sociale et simplifiant les règles relatives à la création et au fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux ;

- deux ordonnances, enfin, concernant la sécurité sociale : la première comportant, outre des rectifications matérielles, plusieurs dispositions relatives aux conditions de suivi des victimes d'AT-MP ; la seconde organisant le transfert d'une partie du personnel de la caisse de sécurité sociale des mines à la caisse des dépôts et consignations, chargée de gérer l'assurance vieillesse-invalidité du régime minier.

En conclusion, Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis, a proposé d'approuver, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles, les mesures de simplification figurant dans le texte et de ratifier ces ordonnances.

M. Claude Jeannerot s'est étonné que la proposition de loi prévoie de remplacer l'obligation de transmettre le rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise par une simple obligation de mise à disposition, alors que les directions du travail utilisent ces documents pour élaborer leurs prévisions et leurs analyses sur la conjoncture économique. La suppression de cette obligation risque de dégrader la connaissance que doivent avoir les pouvoirs publics de la réalité du tissu économique local.

M. Marc Laménie a souligné l'intérêt de la démarche de simplification du droit qui permet de réduire l'excessive complexité des règles juridiques. Il s'est cependant interrogé sur l'apport réel de la mesure tendant à autoriser la remise du bulletin de paie sous forme électronique, dès lors que ce document sera vraisemblablement imprimé, la plupart du temps, par son destinataire.

M. Nicolas About, président, a fait observer que l'une des mesures de simplification proposée prévoit de supprimer la disposition qui confie à la CNAMed la mission d'assurer la formation des experts en matière de responsabilité médicale. Cette suppression est justifiée par le fait que les facultés de médecine dispensent elles aussi ce type de formation et qu'il convient donc de ne pas donner l'impression que la CNAMed disposerait d'un monopole. Cependant, ne faudrait-il pas indiquer plus explicitement dans la loi que la CNAMed peut continuer à exercer cette mission, concurremment avec les facultés de médecine ?

Mme Isabelle Debré a demandé si les dispositions de la proposition de loi déposée par Mme Bariza Khiari sur le droit d'exercice des professionnels de soins étrangers sont susceptibles d'être intégrées dans la loi HPST.

M. Jean Boyer a fait observer que le régime d'invalidité des agriculteurs souffre de certaines incohérences, qu'il conviendrait de corriger. Il est par exemple singulier que les personnes frappées des taux d'invalidité les plus élevés soient autorisées à continuer à travailler sur leur exploitation, alors que celles qui présentent des taux d'invalidité inférieurs ne le peuvent pas.

M. Paul Blanc a rappelé que la loi « Handicap » de 2005 a prévu de privilégier désormais une approche en termes d'employabilité et de ne plus tenir compte du taux d'incapacité.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a ajouté qu'une modification législative récemment adoptée à l'initiative de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, est venue conforter cette orientation.

Mme Brigitte Bout a approuvé les changements prévus par la proposition de loi Khiari, soulignant que la faculté de médecine de Lille compte beaucoup d'étudiants étrangers qui ne peuvent exercer en France.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a jugé paradoxal que la législation autorise un ressortissant français ayant, par exemple, obtenu son diplôme en Roumanie à exercer la médecine en France, alors qu'un étranger ayant fait toutes ses études dans notre pays y est interdit d'exercice.

M. Nicolas About, président, a précisé que les étudiants français ayant accompli leurs études à l'étranger doivent passer un concours avant de pouvoir exercer, sauf s'ils ont étudié dans un pays membre de l'Union européenne, ce qui est précisément le cas de la Roumanie désormais.

Mme Christiane Demontès a elle aussi redouté que la suppression de l'obligation de transmettre le rapport économique et financier ne prive les pouvoirs publics d'un instrument précieux d'information. Elle a par ailleurs souhaité que les modifications apportées par la présente proposition de loi soient mises en cohérence avec la future loi HPST et souligné que la proposition de loi Khiari est encore loin d'aboutir au terme de son parcours législatif. Elle a également souhaité obtenir des précisions sur les conditions de reconnaissance du titre d'ostéopathe, soulignant que ceux qui exercent cette profession ont reçu des formations variées, en kinésithérapie par exemple.

Mme Isabelle Debré a indiqué ne pas comprendre comment le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur pourrait être reconnu à des personnes diplômées d'une école non agréée.

M. Gilbert Barbier a souligné que cette reconnaissance serait encore plus délicate lorsque la formation a été reçue dans une école située à l'étranger. En ce qui concerne la proposition de loi Khiari, l'interdiction actuelle ne s'applique qu'aux médecins libéraux puisque de nombreux médecins étrangers sont employés dans les hôpitaux, en tant que salariés, avec des conditions de rémunération qui sont d'ailleurs parfois peu satisfaisantes. Il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles ces médecins étrangers pourraient s'inscrire à l'ordre, puisque cette inscription est actuellement subordonnée à une condition de nationalité. Il s'est également demandé comment la disposition de la proposition de loi Khiari qui prévoit que les médecins étrangers exerceront sous l'autorité d'un médecin français trouverait à s'appliquer s'agissant de médecins libéraux.

Enfin, il a regretté que la proposition de loi de simplification du droit, texte d'origine parlementaire, tende à banaliser la technique du recours aux ordonnances, par laquelle le Parlement abdique son pouvoir législatif, en proposant la ratification en bloc d'un grand nombre d'entre elles.

M. Paul Blanc a estimé que les médecins étrangers qui seraient autorisés à exercer en France risquent de s'installer dans les zones urbaines déjà surmédicalisées, ce qui n'améliorera pas la sous-dotation des zones rurales. Au sujet des ostéopathes, il a rappelé que la mesure en débat a été prise parce que le Gouvernement a tardé à publier le décret d'application de la loi de 2002 : dans l'intervalle, des étudiants se sont inscrits dans des écoles, sans savoir si elles seraient agréées, et il convient maintenant de ne pas les pénaliser de façon excessive.

M. Bernard Cazeau a estimé que la pratique de l'ostéopathie requiert certes la maîtrise de connaissances théoriques, notamment en anatomie, mais surtout un certain savoir-faire. Ne peut-on exclure que les réticences de certains médecins à l'égard de cette profession soient motivées par la crainte de la concurrence que pourraient leur livrer les ostéopathes, d'autant que les formations en ostéopathie dispensées à l'étranger, notamment en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Canada, sont souvent de grande qualité ?

Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis, a d'abord proposé d'interroger le Gouvernement en séance afin d'obtenir des précisions sur les conséquences que pourrait avoir, pour la bonne information des pouvoirs publics, la suppression de l'obligation de transmission du rapport annuel sur la situation économique de l'entreprise.

En ce qui concerne les ostéopathes, les décrets pris en application de la loi de 2002 précisent quels modules d'enseignement doivent avoir été suivis pour pouvoir se prévaloir de ce titre. Le préfet peut reconnaître le titre à des personnes diplômées d'une école non agréée, mais il consulte, à cette fin, une commission composée de personnalités qualifiées.

Puis la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur pour avis.

Après l'article 15 bis, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de supprimer une redondance figurant dans le code du travail.

Après l'article 16, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel dans le but d'étendre aux illustrateurs de livres et à certains photographes le mécanisme de prise en charge partielle des cotisations de retraite complémentaire instauré au bénéfice des seuls écrivains et traducteurs.

A l'article 19 (simplification de certaines déclarations de salaire pour les employeurs agricoles et pour ceux du spectacle vivant ainsi que des procédures de versement d'aides aux exploitants agricoles et suppression des comités départementaux des prestations sociales agricoles), elle a adopté un amendement de coordination qui supprime une obligation déclarative auprès de l'administration fiscale.

A l'article 21 (extension du dispositif de reconnaissance du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur), elle a adopté un amendement rédactionnel.

Après l'article 35, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'autoriser la remise du dossier médical de la victime à un médecin placé auprès du tribunal et à un médecin désigné par l'employeur en cas de contentieux de l'incapacité.

A l'article 49 (amélioration des dispositions relatives à l'indemnisation des accidents médicaux), elle a d'abord adopté un amendement rédactionnel puis, sur la proposition de M. Nicolas About, président, un amendement précisant que la CNAMed contribue à la formation des experts en matière de responsabilité médicale.

Après l'article 49, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour supprimer l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps). M. Nicolas About, président, a précisé que cette décision a été prise en accord avec l'Assemblée nationale et que la commission conserverait les moyens précédemment affectés à l'Opeps, qui pourront donc être consacrés à l'établissement d'études conduites par des experts extérieurs.

Enfin, à l'article 66 bis (ratification d'ordonnances), elle a adopté deux amendements tendant, respectivement, à la ratification de l'ordonnance n° 2008-717 du 17 juillet 2008 portant sur les dispositions pénales relatives à certains produits de santé et de l'ordonnance n° 2008-507 du 30 mai 2008 portant transposition de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie pour avis, sous réserve des amendements qu'elle présente.

Nouvelles méthodes de travail en commission - Echange de vues

La commission a ensuite procédé à un échange de vues sur les nouvelles méthodes de travail en commission résultant de la révision constitutionnelle.

M. Nicolas About, président, a rappelé que, à compter du 1er mars prochain, l'examen des textes législatifs se déroulera selon des procédures rénovées découlant de la révision constitutionnelle de juillet dernier. En conséquence, il a demandé à M. Jean-Pierre Cantegrit, en sa qualité de membre du groupe de travail constitué sur ce sujet auprès du président du Sénat, de présenter à la commission les orientations envisagées. Cette communication pourrait être utilement complétée par les observations de MM. Guy Fischer et Jean-Pierre Godefroy qui sont également membres de ce groupe de travail au titre de l'opposition.

M. Jean-Pierre Cantegrit a indiqué que si le groupe de travail formé autour du président Gérard Larcher s'est efforcé de mettre la réforme constitutionnelle « en musique », les orientations doivent encore être traduites dans le règlement du Sénat et dans les pratiques internes. Ceci étant, les travaux ont été denses, menés dans un climat de collégialité et de respect mutuel, sous la conduite de deux corapporteurs, MM. Jean-Jacques Hyest et Bernard Frimat. Cette réforme offre au Parlement de nombreux outils pour mieux légiférer et mieux contrôler. Ils permettront de favoriser la présence en commission ou en séance et d'intéresser davantage les citoyens aux débats sénatoriaux.

En ce qui concerne la maîtrise accrue du calendrier, le groupe de travail a prévu de consacrer en priorité trois journées - les mardi, mercredi et jeudi - à la séance publique et aux réunions de commission. Les commissions permanentes se tiendraient le mercredi matin, mais aussi le mardi matin jusqu'à 10 heures 30 pour permettre aux groupes politiques de se réunir ensuite de 10 heures 30 à 13 heures. Le but est d'éviter, autant que possible, les télescopages de réunions et de favoriser la présence.

L'établissement de l'ordre du jour s'organise désormais sur une période de quatre semaines, le dernier trimestre de l'année restant dévolu à l'examen de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Une plus grande publicité des travaux du Sénat pourrait être envisagée tant au stade des travaux préparatoires de ces deux lois qu'à celui de l'évaluation de leur exécution. L'expérience a montré l'intérêt des auditions publiques des membres du Gouvernement et des services concernés au cours desquelles les rapporteurs et les autres membres de la commission peuvent poser des questions aux ministres et sensibiliser le Gouvernement aux difficultés que rencontrent les Français.

La nouveauté réside dans la semaine dont disposera désormais le Sénat dans l'ordre du jour partagé, dans celle dévolue au contrôle et à l'évaluation et dans la « niche parlementaire » mensuelle réservée aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires. Les travaux du Sénat seront programmés sur la durée d'une session ordinaire. La conférence des présidents organisera cette programmation, en lien étroit avec le Gouvernement et avec les représentants des commissions. Au début de chaque session ordinaire, elle déterminera les semaines de séance en les répartissant conformément au cadre tracé par la Constitution, ce qui permettra une meilleure visibilité des travaux. Il y aura bien entendu des adaptations en cours de session en fonction de l'actualité et des priorités politiques du moment.

M. Jean-Pierre Cantegrit a ensuite présenté la nouvelle procédure législative ordinaire, que les commissions des lois et des affaires économiques ont d'ailleurs déjà décidé d'expérimenter.

Il n'y aura pas de changement pour la discussion des projets de loi de finances et de financement : pas d'études d'impact car d'autres documents sont déjà prévus, inscription possible en priorité à l'ordre du jour par le Gouvernement, discussion sur la base du texte transmis par l'Assemblée nationale, absence de délai d'examen entre le dépôt du texte et la séance publique.

Pour les autres textes, et hors procédure accélérée, le parcours d'un projet de loi déposé en première lecture au Sénat sera le suivant :

- la première étape sera l'établissement par le Gouvernement d'une étude d'impact afin d'expliquer les raisons pour lesquelles il faut légiférer, d'énumérer les textes abrogés ou remplacés, de déterminer le coût des mesures nouvelles, les modes de financement retenus et les conséquences pratiques de la loi nouvelle. Il ne faudrait pas que ces études soient ou bien trop sommaires ou, au contraire, tellement détaillées que la lecture ne puisse en être réservée qu'à des spécialistes. La conférence des présidents de la première assemblée saisie est chargée d'y veiller avec la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel ;

- la deuxième étape, facultative, consistera en la tenue d'un débat préalable, qualifié de « général », où s'exprimeront le Gouvernement et les représentants des groupes politiques. La conférence des présidents en décidera, lorsqu'elle l'estimera opportun, certainement sur des textes d'importance politique majeure, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- la troisième étape sera celle de l'établissement du rapport, qui intégrera désormais non seulement les amendements du rapporteur mais tous les autres amendements adoptés par la commission, qu'ils émanent du Gouvernement ou des sénateurs, membres ou non de la commission. Désormais, la discussion en séance publique portera sur le texte du rapport et non sur celui du projet gouvernemental. Cela signifie que les commissaires qui voudront présenter des amendements auront le plus grand intérêt à venir en séance de commission. Si leur amendement est incorporé au rapport, il aura, en effet, de plus grandes chances d'être définitivement adopté et cette intégration leur évitera de devoir le défendre longuement en séance publique. Les noms des auteurs d'amendements intégrés au rapport pourraient y être mentionnés pour qu'ils puissent en rendre compte à leurs électeurs. Le président de chaque commission aura la charge de statuer sur les irrecevabilités financières de l'article 40 de la Constitution ;

- la quatrième étape sera, comme actuellement, celle de l'avis de la commission sur les amendements extérieurs au rapport.

Enfin, pour ce qui concerne les règles de vote en commission, le principe « un sénateur, une délégation » sera respecté. Le bureau de la commission sera chargé de vérifier les pouvoirs et leurs motifs en plus du contrôle du secrétariat général de la présidence.

Après ces quatre étapes aura lieu le débat en séance publique. La discussion générale sera organisée. Il n'y aura aucune procédure de discussion globale programmée contrairement à ce que prévoit l'Assemblée nationale.

Puis M. Jean-Pierre Cantegrit a présenté les procédures de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.

Désormais une semaine de séance sur quatre sera réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. Il a été envisagé de créer un deuxième hémicycle dédié de préférence à ces travaux.

Le contrôle se fera d'abord selon les formes traditionnelles éprouvées. S'agissant des commissions d'enquête, des droits spécifiques seront reconnus aux groupes minoritaires et d'opposition : un droit de tirage annuel et la répartition des fonctions de président et de rapporteur entre la majorité et l'opposition. Ces groupes bénéficieront également d'un droit de tirage annuel pour les missions d'information. Il faut donc s'attendre à la création de davantage de formations de ces deux types.

De nouvelles formes de contrôle et d'évaluation sont prévues : le vote de résolutions, les déclarations du Gouvernement sur un sujet déterminé, les questions cribles qui auront lieu tous les quinze jours pendant trois quarts d'heure, et les débats d'initiative sénatoriale.

Les résolutions pourront être présentées par un ou plusieurs sénateurs. Seront irrecevables celles qui mettent en cause la responsabilité du Gouvernement ou contiennent des injonctions à son égard. On ignore, à ce stade, si les commissions pourront être saisies des propositions de résolution en raison d'une divergence entre les deux assemblées : l'Assemblée nationale exclut tout renvoi aux commissions et le Sénat préférerait le prévoir à titre facultatif, sur demande de la commission compétente.

Enfin, les débats d'initiative sénatoriale pourront avoir lieu sur décision de la conférence des présidents, à la demande d'un groupe politique, d'une commission, de la commission des affaires européennes, d'une délégation ou d'un office parlementaire. Le débat sera ouvert par le représentant du groupe ou de l'instance auteur de la demande.

Avant de conclure, M. Jean-Pierre Cantegrit a évoqué la question des affaires européennes sur laquelle l'accord du groupe de travail reste à préciser. Sous cette réserve, celui-ci a délibéré de la meilleure manière de coordonner les travaux de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes. La commission des affaires européennes aura pour rôle de centraliser les documents et de les diffuser aux sénateurs, aux groupes et aux commissions. Elle sera également chargée d'une mission générale d'information et d'instruction. Chaque commission pourra toujours désigner un représentant pour participer à l'examen d'un texte européen par la commission des affaires européennes.

Pour ce qui concerne l'adoption des rapports et résolutions européens, chaque commission permanente pourra se saisir en amont d'un texte européen dans les quinze jours suivant sa publication. Tout sénateur pourra déposer des amendements et le texte adopté par la commission sera réputé adopté par le Sénat sauf si le président du Sénat, un président de groupe, un président de commission ou le Gouvernement demande sa discussion en séance publique. La conférence des présidents pourra soit inscrire le texte à l'ordre du jour du Sénat, soit y faire obstacle dans les sept jours, auquel cas la résolution sera réputée adoptée.

Tout sénateur pourra également déposer une proposition de résolution. Dans ce cas de figure, soit la commission permanente compétente décidera de s'en saisir dans le délai de quinze jours et l'on appliquera la procédure, ou bien elle s'abstiendra de le faire et le dossier sera instruit par la commission des affaires européennes puis transmis à la commission permanente.

M. Jean-Pierre Cantegrit a considéré que chaque sénateur ne devrait pas hésiter à se saisir de cette faculté pour relayer les difficultés rencontrées par les citoyens européens, par exemple en matière de sécurité sociale ou d'aide sociale. En sa qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France, il suivra cette question très attentivement.

Il a conclu en saluant l'inventivité du constituant dans son désir de rééquilibrage des pouvoirs publics. Il faut souhaiter que les nombreuses procédures nouvelles pourront contribuer à accroître l'attractivité des travaux du Sénat, en accordant des délais plus longs au travail législatif et du temps supplémentaire au contrôle et à l'évaluation.

M. Alain Gournac s'est demandé si cette nouvelle organisation des travaux permettra réellement d'accroître le taux de présence des sénateurs, en commission et en séance publique, et de limiter la durée des séances de nuit qui, lorsqu'elles se prolongent à l'excès, ne favorisent pas la qualité des débats. Sur ce point, le passage à une session unique n'a pas abouti au résultat escompté. Enfin, ne doit-on pas craindre que le fait de se prononcer désormais sur le texte de la commission et d'examiner longuement les amendements extérieurs ne conduise à accroître, dans des proportions importantes, la durée de ses réunions ? L'objectif premier doit être, à son sens, d'améliorer l'image du Sénat dans l'opinion publique et d'éviter de donner l'impression de débats monocordes et répétitifs en séance.

M. Nicolas About, président, a considéré que l'apport majeur de la réforme réside dans le fait que, désormais, les sénateurs ne seront plus amenés à choisir entre leur présence en commission ou en séance publique car les réunions ne seront plus simultanées, d'autant que les groupes d'étude et d'amitié se réuniront, pour leur part, les lundis et vendredis.

Les modifications des méthodes de travail résultent de l'article 42 de la Constitution, qui fixe les nouvelles règles de délai applicables à l'examen des textes et qui indique que la séance s'ouvrira sur le texte issu des travaux de la commission saisie au fond. En ce qui concerne les modalités pratiques de sa mise en oeuvre, le vote de la loi organique est en cours, la modification du règlement interviendra ensuite et se développeront, sans doute, des usages au sein des commissions permanentes.

Ceci étant, certaines orientations semblent déjà pouvoir être dégagées. Un délai-limite interne à la commission sera fixé pour les amendements du rapporteur et des commissaires. Ce délai ne fera, à son sens, pas obstacle au respect du droit d'amendement de chaque parlementaire qui pourra s'exprimer dans un deuxième temps, après le « temps de la commission », au titre des amendements dits « extérieurs », sachant que ceux-ci devront alors se rattacher au texte adopté par la commission et non plus à celui déposé par le Gouvernement. La logique veut, d'ailleurs, que cette règle s'applique également aux amendements du Gouvernement car il serait singulier que celui-ci amende immédiatement le texte qu'il vient juste de déposer, avant que la commission saisie au fond ne se soit prononcée. Il est, en revanche, parfaitement concevable qu'il propose, par voie d'amendement, de revenir à son texte initial s'il est opposé aux modifications adoptées par la commission.

Mme Isabelle Debré a souhaité savoir comment la commission envisage de gérer l'hypothèse d'un amendement identique présenté par un grand nombre de ses membres. Elle a considéré, à son tour, que cette nouvelle procédure est susceptible d'allonger considérablement la durée des réunions de commission.

M. Nicolas About, président, a répondu que, comme c'est actuellement le cas en séance, des amendements identiques seront mis en discussion commune puis intégrés au texte de la commission s'ils sont adoptés. Le rapport signalera dans ce cas le nom du ou des parlementaires qui en ont pris l'initiative. Ceci étant, la durée des réunions de commission risque effectivement de s'accroître : l'Assemblée nationale qui travaille déjà suivant cette procédure, a mis vingt-cinq heures pour adopter le texte « hôpital » en commission.

Mme Isabelle Debré a fait observer que les sénateurs sont en général soucieux de défendre eux-mêmes, en séance, les idées qu'ils soutiennent.

M. Nicolas About, président, a indiqué qu'ils auront toujours la possibilité de les déposer au titre des amendements « extérieurs » mais que, d'une certaine manière, cette pratique conduirait à remettre en cause l'esprit et l'intérêt de la réforme constitutionnelle.

M. Bernard Cazeau ayant demandé s'il est prévu au Sénat, comme c'est le cas à l'Assemblée nationale, de désigner en qualité de président de la commission des finances un sénateur issu de l'opposition, M. Nicolas About, président, a répondu par la négative, pour l'instant en tout cas.

M. Bernard Cazeau s'étant ensuite enquis des conditions d'application de l'article 40, M. Nicolas About, président, a indiqué que chaque président de commission permanente jugera désormais du bien-fondé de son application au stade de l'examen par la commission saisie au fond. En revanche, les amendements « extérieurs » suivront le parcours actuel, c'est-à-dire le dépôt au service de la séance et le contrôle de la commission des finances.

M. Claude Jeannerot a souhaité connaître les modalités d'intervention des commissions saisies pour avis.

M. Nicolas About, président, a précisé que la commission pour avis interviendra alors après celle saisie au fond. C'est précisément ce qui a été fait lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire et de la proposition de loi « simplification ». La commission saisie au fond examinera donc les amendements des commissions saisies pour avis comme elle le fera pour tous les amendements « extérieurs ». Ceux-ci ne seront évidemment pas intégrés à son texte et viendront en discussion individuellement dans l'hémicycle.

M. Alain Gournac a demandé confirmation du fait qu'un amendement intégré au texte de la commission saisie au fond ne donnera plus lieu à débat en séance publique.

M. Nicolas About, président, le lui a assuré, sauf, bien sûr, si d'autres amendements, notamment du Gouvernement, sont déposés pour revenir au projet initial ou contredire le texte de la commission sur ce point.

Il a ensuite fait observer que l'opposition peut être conduite à arbitrer entre deux positions : soit déposer ses amendements dès la première réunion de commission, pour obtenir éventuellement leur intégration au texte ; soit privilégier la séance et donc ne les déposer qu'au « second tour ». C'est à l'usage qu'elle pourra juger de la meilleure façon de procéder. Ceci étant, l'intérêt de la commission est aussi de produire un texte aussi créatif que possible et d'associer au mieux ses membres dans ce travail collectif.

M. Paul Blanc a rappelé qu'il existe une sorte de palmarès annuel des sénateurs, calculé en fonction de leur productivité. Il sera désormais très difficile de mesurer la paternité de telle ou telle disposition si elle est fondue dans un texte d'ensemble.

M. Nicolas About, président, a fait valoir que le point de savoir si les réunions de commission seront ou non publiques n'est pas encore tranché.

M. Bernard Cazeau a indiqué qu'elles sont toujours ouvertes au public aux Etats-Unis.

M. Nicolas About, président, a ajouté que la question de la présence du Gouvernement en commission jusqu'au moment du vote n'est pas davantage résolue à ce stade. Son sentiment personnel est que le Gouvernement peut assister à tous les débats et faire connaître son sentiment sur tous les amendements mais qu'il ne doit pas être présent au moment des votes.

M. Gilbert Barbier a demandé à quel stade de la procédure d'examen interviendra le Gouvernement pour présenter son texte.

M. Nicolas About, président, a précisé qu'il le fera, comme c'est actuellement le cas, avant l'examen du rapport par la commission saisie au fond. Il s'est déclaré partisan que cette présentation puisse prendre la forme d'un véritable dialogue avec les commissaires, et notamment avec le rapporteur qui indiquerait, dès ce stade, les premières réflexions que le texte lui inspire et les orientations qu'il envisage de proposer par la suite.

M. Gilbert Barbier a souhaité savoir si la présentation du ministre serait la même selon que le Sénat est saisi en premier lieu ou après l'Assemblée nationale.

M. Nicolas About, président, a souligné que la situation sera la même qu'aujourd'hui : le ministre présentera son texte, assorti éventuellement des amendements votés par l'Assemblée nationale.

A M. Gilbert Barbier qui demandait si des amendements refusés au premier stade par la commission pourraient ensuite être redéposés pour le tour extérieur, M. Nicolas About, président, a répondu par l'affirmative.

M. Gilbert Barbier a souhaité s'assurer que l'ensemble des cosignataires d'amendement seraient nommément cités dans le rapport.

M. Nicolas About, président, le lui a confirmé, en précisant toutefois que si tous les commissaires d'un même groupe signent l'amendement, on utiliserait cette formule collective par souci de simplification de présentation.

M. Gilbert Barbier a fait observer que chaque sénateur risque alors d'être tenté de déposer les amendements à titre individuel pour être personnellement identifié.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souhaité que les commissaires puissent avoir une visibilité suffisante du calendrier d'examen des textes, de leur dépôt à l'examen en séance, pour organiser leurs interventions. Elle a par ailleurs fait confirmer que l'examen des amendements « extérieurs » se déroulera sans changement par rapport à la situation actuelle. Enfin, en ce qui concerne les commissions d'enquête, elle a demandé si celles constituées à l'initiative des sénateurs d'opposition, sur leur droit de tirage annuel par exemple, bénéficieront également de l'aide apportée par les services des fonctionnaires des commissions.

M. Nicolas About, président, l'a assurée que, quelle que soit l'origine de la demande de constitution, une commission d'enquête sera formée à la proportionnelle des groupes et se verra affecter les personnels nécessaires à la conduite des travaux.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a voulu savoir si une disposition prévoit de s'opposer au dépôt d'amendements du Gouvernement en dernière minute, voire pendant l'examen du texte lui-même.

M. Nicolas About, président, a signalé que seuls le Gouvernement et la commission saisie au fond seront autorisés à s'affranchir des règles du délai-limite de dépôt des amendements, comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui. En revanche, et c'est une nouveauté, la loi organique en cours d'examen envisage que, dans ce cas de figure, le droit d'amendement soit alors rouvert au profit de tout parlementaire pour une durée n'excédant pas vingt-quatre heures.

En ce qui concerne les délais d'examen des textes, l'article 42 de la Constitution fixe à six semaines le délai minimal entre le dépôt d'un texte et l'ouverture du débat en séance publique pour la première assemblée saisie, puis à quatre semaines entre la transmission et le débat pour la suite de la navette. Ces délais ne s'appliquent toutefois pas en procédure accélérée, ni pour l'examen du projet de loi de financement.

Mme Isabelle Debré a indiqué que, à son sens, la présence du Gouvernement en commission doit être entendue comme visant le ministre lui-même et non son cabinet. A titre personnel, elle s'est déclarée non hostile à la présence du Gouvernement au moment des votes en commission, considérant que cela ne présente pas de différence réelle avec sa présence lors des votes en séance, et plutôt favorable à la tenue publique des réunions de commission. Enfin, elle a constaté que la répartition des différents types de réunions internes au Sénat sur les cinq jours de la semaine risque de constituer un handicap pour les élus non franciliens. Le problème sera d'ailleurs le même pour la réouverture des délais d'amendement, et surtout pour les élus ultra-marins.

M. Nicolas About, président, a considéré que cette question pose aussi celle du cumul des mandats et des fonctions. Si l'on confirme la possibilité de réouverture du délai-limite, ce sont les parlementaires présents qui pourront réagir et déposer d'éventuels amendements supplémentaires. Si nécessaire, des suspensions de séance ou des mesures de procédure se rapportant à l'ordre des articles seront décidées. Il n'est pas anormal, à son sens, que le Gouvernement prenne conscience des conséquences liées au dépôt tardif de ses amendements. Il appartiendra au président de séance d'en décider, après avis de la commission du Gouvernement et, peut-être, du Sénat lui-même.

M. Louis Pinton, à son tour, a voulu s'assurer que, sur les amendements adoptés par la commission, il sera bien signalé l'identité du sénateur qui en aura pris l'initiative, même si le texte en est ensuite modifié.

M. Nicolas About, président, en a pris bonne note. Puis il a évoqué la question de la présence éventuelle des commissaires de groupe en commission, qui est également envisagée par certains. Il a considéré qu'elle ne pourrait être acceptable que si des parlementaires dudit groupe sont effectivement présents, et non à titre de suppléance.

Enfin, il a souhaité attirer l'attention des commissaires sur un point d'ordre pratique qui lui paraît, pour l'instant, réglé de manière incohérente et inadéquate. Il a constaté que, dans les documents « consolidés » établissant le texte voté par la commission au fond - en l'occurrence, la commission des lois pour le projet de loi pénitentiaire et pour la proposition de loi « simplification » -, la présentation en est ainsi faite qu'elle ne permet pas de repérer facilement si tel article est conforme à celui du projet de loi initial ou si il a été modifié lors de l'examen en commission. Cette situation est fâcheuse pour la bonne information du parlementaire car elle oblige le lecteur à reconstituer le parcours de la disposition en s'aidant des tableaux comparatifs, ce qui est très malcommode. La difficulté sera pire encore au fil des navettes ou pour les propositions de loi dont le cycle d'examen est plus complexe, sans parler des très longs articles que l'on trouve par exemple déjà dans le projet de loi « hôpital - HPST » et pour lesquels il serait utile de préciser, à chaque paragraphe, s'ils ont ou non fait l'objet de modification.

Il a donc marqué sa préférence pour qu'une mention signale explicitement sous chaque article, dans le document présenté sous bandeau gris, s'il est différent ou pas du projet initial du Gouvernement, suggestion que la commission a unanimement soutenue.