Mercredi 20 juin 2012

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

Audition de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci d'avoir répondu à notre invitation. La création de notre mission d'information, que nous devons à l'initiative de Mme Nicole Bonnefoy, fait suite à l'affaire Paul François en Charente. Nous travaillons, dans un premier temps, sur l'impact des pesticides sur la santé, non seulement des agriculteurs, mais de tous les professionnels et particuliers exposés lors de l'utilisation de pesticides. Je vous propose de commencer par un tour de table permettant à chacun de se présenter.

Pr Geneviève Van Maele-Fabry, de l'Université catholique de Louvain. - Je travaille à l'Université catholique de Louvain au Louvain center for Toxicology and Applied Pharmacology (LTAP, anciennement appelé Unité de toxicologie industrielle et de médecine du travail) comme chercheur qualifié et professeur. Je suis responsable de l'axe centré sur la réalisation de revues systématiques et méta-analyses. Mes travaux portent en grande partie sur les relations entre l'exposition aux pesticides et les cancers.

M. Xavier Coumoul, maître de conférences, UMRS 747 pharmacologie, toxicologie et signalisation cellulaire de l'Université Paris-Descartes. - Je suis et professeur de biochimie et de toxicologie à l'Université de Paris-René Descartes ; je suis co-directeur de l'équipe de recherche qui travaille sur les aspects mécanistiques de l'influence de différents polluants.

Mme Marie-Christine Lecomte, directeur de recherche, responsable du Centre d'expertise collective de l'INSERM à la Faculté de Médecine Xavier-Bichat. - Je suis responsable du centre d'expertise collective à l'INSERM et vous prie d'excuser l'absence de Jean-Paul Moatti, directeur de l'ITMO Santé Publique, retenu.

Dr Victor Demaria-Pesce, directeur de recherche, directeur des relations institutionnelles. - Je suis directeur de recherche à l'INSERM et responsable des relations institutionnelles. A ce titre, je suis en charge des relations avec le Parlement français et le Parlement européen.

Dr Isabelle Baldi, maître de conférences et praticien hospitalier au Laboratoire Santé-Travail-Environnement (LSTE) de l'Université Bordeaux II. - Je suis médecin épidémiologiste et travaille, à l'Université de Bordeaux II, notamment à des études épidémiologiques relatives à l'exposition des travailleurs du monde agricole aux pesticides.

Mme Sylvaine Cordier, directeur de recherche, responsable de l'équipe de recherches épidémiologiques sur l'environnement et la reproduction de l'Université de Rennes I. - À l'Université de Rennes, je suis des cohortes de femmes enceintes et d'enfants en Bretagne et en Guadeloupe. Je travaille sur l'exposition prénatale, notamment aux pesticides.

Mme Marie-Christine Lecomte. - Nos travaux visent à apporter un éclairage scientifique à la décision politique dans le champ de la santé publique. En réponse à une demande institutionnelle, nous établissons un bilan des connaissances scientifiques. À partir de la littérature scientifique internationale, nous constituons un fonds documentaire qu'analyse un groupe d'experts.

La direction générale de la santé (DGS) nous a sollicités pour mener un travail sur les pesticides et leurs effets à long terme sur la santé, notamment à travers les expositions professionnelles agricoles et les expositions prénatales. Ce travail devrait être terminé à la fin de l'année 2012.

Nous avons interrogé trois disciplines : l'expologie, soit la mesure des expositions ; l'épidémiologie, en ciblant un certain nombre de pathologies neurodégénératives - Parkinson, Alzheimer -, la sclérose latérale, les troubles cognitifs et psychiatriques, les cancers - un important volet -, dont les cancers hématopoïétiques, les troubles de la reproduction, le développement de l'enfant ; enfin, l'approche toxicologique.

Nos difficultés ? C'est d'abord, l'abondance de la littérature scientifique sur le sujet - 130 000 références traitant de pesticides. Nous avons choisi de cibler, dans les banques de données, les familles chimiques ou les pesticides que les études épidémiologiques avaient pu signaler comme suspects ou potentiellement impliqués dans le développement de pathologies. Autres difficultés, l'évaluation des expositions et la disparité des études.

Le groupe de l'expertise collective est amené à faire des recommandations, dont les grandes lignes sont encore en débat à ce jour.

Dr Isabelle Baldi. - Nous travaillons, pour beaucoup, sur les maladies neurologiques, les cancers et les troubles de la reproduction, pour lesquels de nombreuses données sont disponibles.

Il faut garder à l'esprit que nous tenons compte de tous les facteurs de risque, nombreux dans le modèle agricole ; leur part respective est difficile à déterminer.

Au-delà du monde agricole, bien des professions sont concernées et aujourd'hui sous-étudiées, depuis les professionnels des espaces verts, de la voirie, de la SNCF, jusqu'aux métiers du bois en passant par ce qu'on appelle l'hygiène publique (les vétérinaires, les pompiers,...).

Il ne faut pas oublier non plus l'exposition non professionnelle dont celle des enfants. Reste que c'est sur la population agricole que l'on dispose des schémas d'exposition les plus complets, et du recul le plus important.

Les nombreuses études épidémiologiques sur les troubles neurologiques portent surtout sur la maladie de Parkinson. Il faut savoir que, en épidémiologie, c'est l'analyse des différentes études qui permet de parvenir à des conclusions positives.

Pour les troubles cognitifs, en dépit du nombre d'études, nous manquons encore d'études sur la durée et les effectifs étudiés sont généralement étroits. Quatre cohortes sont à l'étude. L'ensemble de la littérature, notamment les études transversales, conduit à imaginer des associations positives entre exposition et effets sur la santé dans les années qui suivent. Presque toutes les études ont porté sur une famille de pesticides, les insecticides organophosphorés.

L'étude Phytoner porte sur une cohorte d'un millier d'agriculteurs et de viticulteurs de Gironde, sur une quinzaine d'années. Nous nous attachons à la mesure de l'exposition, en regardant de près les tâches effectuées, comme au détail des fonctions cognitives. On a relevé des détériorations très nettes de celles-ci chez les personnes exposées aux pesticides, parfois des performances très abaissées en termes d'attention ou de conceptualisation, ce qui n'est pas sans conséquence sur la vie quotidienne. Ces troubles pourraient à terme évoluer vers des pathologies neurodégénératives telles que la démence ou la maladie d'Alzheimer.

S'agissant de la maladie d'Alzheimer, nous ne disposons que d'une dizaine d'études cas-témoins, plutôt fragiles, puisqu'il s'agit d'interroger des personnes qui ont des troubles de la mémoire. Les résultats sont cependant convergents : il y a augmentation du risque.

J'en viens aux troubles psychiatriques, notamment la dépression et le suicide en milieu agricole, sur lesquels existe une trentaine d'études épidémiologiques, pour déterminer s'il y a un lien avec les pesticides. La difficulté tient à la conjonction des facteurs environnementaux, sociaux et professionnels. Reste que l'on ne peut écarter l'hypothèse d'une influence de l'exposition aux pesticides sur les troubles de l'humeur et d'une contribution aux troubles dépressifs.

On parle davantage de la maladie de Parkinson. On dispose, avec les rapports de cas, les études écologiques et les études cas-témoins, d'une vraie séquence. Une soixantaine d'études fait apparaître l'existence d'un doublement du risque combiné pour les personnes exposées aux pesticides. Mais les données des études sont hétérogènes. Des conférences de consensus ont pointé les incertitudes sur les contextes agricoles et les familles de pesticides - on ne peut dire si tel ou tel type d'agriculture, ou tel ou tel produit est plus spécifiquement concerné, bien que l'on ait quelques pistes ; les facteurs génétiques, la sensibilité individuelle comptent aussi, de même que l'association des produits à un moment donné ou tout au long de la vie.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Et les adjuvants ?

Dr Isabelle Baldi. - On ne peut exclure leur rôle. Des interrogations demeurent également sur la fenêtre et la nature de l'exposition. C'est dire que les connaissances ne sont pas abouties même si la maladie a été inscrite au tableau des maladies professionnelles. D'autres maladies sont en cours d'examen.

Le débat est social : nous nous contentons d'apporter les éléments de connaissance scientifique ; à la société de dire ensuite si elle doit apporter une réponse. En tout cas, il y a peu de maladies pour lesquelles la relation de cause à effet est absolument établie.

J'en arrive au cancer. Sur le fondement de deux études, l'une de Monsanto, en 1998, l'autre du National Cancer Institute, en 1992, on observe moins de cancers dans la population agricole que dans le reste de la population, comme l'a fait apparaître aussi, bien plus tard, l'étude Agrican. Pour certains cancers, comme celui du poumon, le risque est moindre - les agriculteurs fument peu ; pour d'autres cancers, il est plus élevé, mélanomes, lymphomes, ou leucémies...

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - A-t-on des données pertinentes par type d'agriculture ? Les risques sont-ils augmentés, par exemple en viticulture ?

Dr Isabelle Baldi. - On ne peut le dire de cette façon. L'analyse mériterait sans doute d'être affinée par secteurs ou même par sites. Il faudrait une quinzaine d'études spécifiques à la grande culture, autant à la viticulture... On travaille aujourd'hui davantage sur les produits.

Mme Sophie Primas, présidente. - Croise-t-on les données d'exposition ?

Dr Isabelle Baldi. - Autant que possible. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a établi un classement des pesticides en fonction de leur cancérogénicité, mais seulement une soixantaine de molécules sur un millier ont été évaluées, soit environ 5%. Il s'agit d'analyses de substances et non de produits. A titre d'exemple, l'arsenic est classé en catégorie 1, le captafol et le dibromure d'éthylène en catégorie 2A. Nous manquons encore d'études. C'est assez frustrant...

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Et se pose la question des expositions combinées et des mélanges.

Pr Geneviève Van Maele-Fabry. - Nous disposons de peu de données en cette matière. De plus, il est impossible d'isoler un pesticide parmi ceux utilisés par les agriculteurs.

Dr Isabelle Baldi. - Les intérêts en jeu, dans ce débat, sont multiples...

M. Gérard Miquel. - La chlordécone, qui a fait bien des ravages outre-mer, n'est classée qu'en catégorie 2B !

Dr Isabelle Baldi. - Sur les tumeurs cérébrales, une vingtaine d'études existe, dont certaines remontent aux années 1980. Les mesures d'exposition sont fragiles et les tumeurs mal caractérisées. Depuis l'année 2000, les études sont plus solides et des associations positives ont été mises en évidence. Le problème reste cependant de disposer de mesures d'exposition fiables et de données suffisantes pour un même type de tumeur.

Pr Geneviève Van Maele-Fabry. - Les études épidémiologiques permettent de mettre en évidence une association entre un facteur et une pathologie -ce qui ne veut pas dire que ledit facteur est la cause de la pathologie. Il faut prendre en compte d'autres éléments, par exemple la relation dose/effet. Mais souvent les données précises d'exposition manquent. Il faut aussi prendre en compte la plausibilité biologique, que les études sur l'animal aident à établir.

Pour bien des pathologies, les données épidémiologiques, très nombreuses, sont contradictoires. Isolément, beaucoup d'études n'ont pas une puissance statistique suffisante. D'où l'exercice de méta-analyse, qui n'est cependant justifiée que si l'hétérogénéité entre les résultats des études n'est pas trop grande. Si tel est le cas, on procède par sous-groupes ou stratification pour tenter d'en identifier les sources.

Pour le cancer de la prostate, les méta-analyses font apparaître, comme l'AHS américaine, une augmentation significative du risque. Les résultats ont été rééquilibrés pour tenir compte de la moindre prévalence des cancers en général dans la population agricole. L'évidence épidémiologique est relativement forte, mais les données sont insuffisantes pour démontrer la causalité.

Mme Sophie Primas, présidente. - Pas de lien scientifique formel, donc, entre pesticides et cancer de la prostate, mais de fortes présomptions ?

Pr Geneviève Van Maele-Fabry. - De fortes présomptions, appuyées sur la mécanistique en toxicologie. Pour le cancer de la prostate, l'augmentation du risque reste inférieure à 2.

Pour les lymphomes non hodgkiniens (LNH), même évidence épidémiologique - méta-analyses et AHS - et augmentation faible du risque, mais données, là aussi, insuffisantes pour démontrer la causalité de l'association. Pour la maladie de Hodgkin, l'évidence épidémiologique est très faible.

Pour la leucémie, les résultats restent difficiles à interpréter. L'évidence épidémiologique est moyenne. Comme dans les lymphomes, on est face à un groupe très hétérogène de pathologies. Des facteurs étiologiques différents peuvent être à l'oeuvre. D'où l'intérêt des stratifications.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je comprends que les paramètres à prendre en compte sont multiples...

Pr Geneviève Van Maele-Fabry. - C'est bien pourquoi l'on ne peut avancer à la vitesse de l'éclair. La quantité de littérature à étudier est pharamineuse.

Pour les myélomes multiples, les données sont insuffisantes et les études assez hétérogènes. L'évidence épidémiologique varie entre moyenne à faible.

Mme Sylvaine Cordier. - Mes travaux portent sur l'exposition aux pesticides pendant la grossesse. Les sources d'exposition aux pesticides en population générale, outre les activités professionnelles, comme celle des agriculteurs ou des vétérinaires, comprennent aussi l'alimentation. La période prénatale conditionne la vie entière. Pour courte que soit cette période, elle se caractérise par une très grande vulnérabilité du foetus. L'exposition aux pesticides peut avoir un impact sur le déroulement de la grossesse, le poids à la naissance, la prématurité, le développement de l'enfant. Il est probable que d'autres impacts sur la santé seront découverts.

Une méta-analyse est disponible sur les fentes orales : l'augmentation du risque suite à une exposition maternelle aux pesticides est de 37 % ; celle sur les hypospadias montre une augmentation du risque de 36 %. Trois des quatre études publiées ultérieurement montrent un risque augmenté. Sont concernées des mères qui ont travaillé pendant leur grossesse dans des professions potentiellement exposées aux pesticides. On ne peut cependant mettre en évidence la responsabilité d'un produit plutôt que d'un autre, d'autant que les associations sont possibles, de même que peut exister une susceptibilité génétique particulière. Beaucoup d'études se fondent sur le sang du cordon.

Il a également été souligné l'augmentation possible du risque de malformations congénitales après exposition résidentielle à des pesticides : la diminution possible du poids de naissance lors d'exposition prénatale aux triazines et aux insecticides organophosphorés ; plus solide, grâce à quatre études de cohorte, l'impact de l'exposition prénatale aux organophosphorés, au chlorpyrifos en particulier, sur le neuro-développement se traduisant par l'altération de la motricité fine, la diminution de la mémoire à court terme, des difficultés attentionnelles.

En outre, on peut mettre en évidence un effet possible de l'exposition aux pesticides anciens et persistants, via l'alimentation. Par exemple, le lindane aurait des effets sur la croissance et l'obésité de l'enfant, à travers des mécanismes de perturbation endocrinienne. Enfin, il y a d'autres cibles potentielles, comme la maturation sexuelle ou les fonctions thyroïdiennes.

Pr Geneviève Van Maele-Fabry. - Les études sur les leucémies de l'enfant font apparaître une augmentation statistiquement significative, mais faible, du risque dans la plupart des méta-analyses de cas-témoin. Cette augmentation est plus marquée après une exposition maternelle pendant la grossesse. L'évidence épidémiologique est forte, mais les données sont insuffisantes pour démontrer le lien de causalité.

Pour les cancers du cerveau chez l'enfant, on a constaté une augmentation significative du risque, y compris dans les études de cohortes, mais sur des données qui demeurent très limitées et devront être confirmée par d'autres relatives à la plausibilité biologique.

M. Xavier Coumoul. - Les études mécanistiques s'intéressent, s'agissant de l'exposition aux pesticides, aux propriétés chimiques de ceux-ci, à l'existence des différentes barrières biologiques, aux métabolismes des pesticides - parfois, seule la transformation est dangereuse -, aux phénomènes de détoxification, aux polymorphismes génétiques - nous sommes inégaux devant les pesticides - ainsi qu'aux cibles des toxiques - ADN, protéines, lipides et membranes - et aux mécanismes cellulaires associés - dérégulation de la prolifération et de la survie cellulaire, mort cellulaire, stress oxydant.

L'exemple de la maladie de Parkinson est parlant. Chez les malades la substantia negra a disparu ; elle est due à une molécule contenue dans les neurones dopaminergiques, qui produisent la dopamine, dont la libération contribue à la régulation des mouvements volontaires. Ces neurones peuvent mourir : il n'y a plus dès lors de substance noire ni de mouvements régulés. Les mitochondries sont des organites essentiels à la vie des neurones ; elles consomment de l'oxygène et le transforment en énergie, régulent l'apoptose. Notre travail consiste à identifier les mécanismes permettant de faire le lien entre la dérégulation des fonctions mitochondriales et l'exposition aux pesticides.

Nous nous sommes intéressés à plusieurs pesticides, dont le paraquat qui peut atteindre de nombreuses cibles dans la cellule. Un des mécanismes qui peuvent être activés en cas d'exposition est le stress oxydant ; néanmoins, il faut être prudent, car les études se fondent sur des taux d'exposition élevés, voire très élevés.

L'influence potentielle des pesticides sur le métabolisme est illustrée par la persistance des pesticides organochlorés, qui ciblent des organes aussi essentiels que le foie, le pancréas et le tissu adipeux. On peut relier l'exposition aux pesticides aux syndromes métaboliques comme le diabète de type 2.

Certes, les pathologies ciblées par l'expertise existaient avant l'invention des pesticides, mais la question posée en mécanistique est celle du rôle favorisant de ces produits. Le stress oxydant est suspecté de provoquer des dommages à l'ADN susceptibles de conduire à des cancers et à un vieillissement cellulaire.

De nombreuses études expérimentales ont été réalisées avec des protocoles incluant des hautes doses et des molécules individuelles ; or, il importe de veiller à développer des protocoles réalistes.

De nouvelles études montrent un amincissement du cortex cérébral chez les enfants après exposition au chlorpyrifos...

Mme Sylvaine Cordier. - ...et dans la période prénatale.

M. Xavier Coumoul. - Il sera important à l'avenir de caractériser tous les effets pour mieux identifier les cibles. Enfin, l'interface entre épidémiologistes et toxicologues est à favoriser car elle est capitale pour faire progresser la prévention. L'information détenue par les épidémiologistes est attendue par les toxicologues.

Mme Marie-Christine Lecomte. - Il faut étudier aussi l'effet des mélanges.

Mme Sophie Primas, présidente. - En matière de santé publique, des priorités s'imposent, notamment pour ce qui concerne la prévention. Quelle est l'urgence de l'urgence ?

Mme Marie-Christine Lecomte. - Développer des études épidémiologiques de grande ampleur, être attentif aux produits utilisés en France, particulièrement les fongicides, peu utilisés aux États-Unis d'Amérique.

Dr Isabelle Baldi. - Aux États-Unis, les herbicides sont davantage utilisés.

Mme Marie-Christine Lecomte. - Il faut aussi approfondir nos connaissances sur la toxicité des mélanges, la toxicologie prédictive et le danger pour les femmes enceintes.

M. Xavier Coumoul. - C'est une population à protéger.

Dr Isabelle Baldi. - Comme les études sont focalisées sur les traitements effectués au moyen de pesticide, tâche traditionnellement dévolue aux hommes dans l'agriculture notamment, elles prennent peu en compte les femmes cependant exposées au foyer. Il doit y avoir à leur égard un devoir d'information, de prévention et de précaution.

M. Xavier Coumoul. - On peut penser aussi à l'exposition domestique, au jardinage...

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Les équipements de protection industrielle protègent-ils vraiment ?

Dr Isabelle Baldi. - C'est compliqué. Les vêtements de protection ne sont pas forcément portés comme il le faudrait et ne protègent pas autant qu'on le pensait. Les pratiques influent autant que le vêtement. Mettre des gants usagés, c'est pire que de ne pas mettre de gants. Il y a eu beaucoup de fausses pistes suivies. Et beaucoup de facteurs entrent en jeu, comme le type de tracteur ou de pulvérisateur, par exemple - sur le matériel aussi, il y a des progrès à faire. Quant aux masques de protection, ils sont peu utiles dans l'ensemble puisque 90 % des contaminations s'effectuent par la voie cutanée. Il ne s'agit pas de dire que les équipements de protection mis sur le marché ne servent à rien, mais on n'est pas sûr qu'ils soient conformes aux normes à respecter. Huit combinaisons sur dix ne sont pas conformes aux normes de perméation. Le concepteur du matériel se soucie de l'efficacité de la machine mais non de la protection de l'utilisateur.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Que pensez-vous des autorisations de mise sur le marché (AMM) ?

Dr Isabelle Baldi. - La réglementation est beaucoup plus stricte pour les pesticides que pour les autres substances chimiques. Ce qui se fait dans le cadre de REACH est très en deçà.

M. Henri Tandonnet. - Les pesticides sont-ils donc mieux évalués que d'autres produits ?

M. Xavier Coumoul. - Le problème des études toxicologiques, c'est qu'elles ne sont pas menées sur longue période...

Dr Isabelle Baldi. - ...et ne sont évidemment menées que sur l'animal. Il est difficile d'extrapoler à l'homme. Comme pour le médicament, l'AMM ne signifie pas qu'il n'y a pas de danger. Des études après mise sur le marché sont indispensables, y compris épidémiologiques.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Sont-elles suffisantes ?

Dr Isabelle Baldi. - Elles ne sont ni réglementaires ni systématiques. Il n'y a pas de suivi, de traçabilité des molécules après mise sur le marché.

Mme Sophie Primas, présidente. - N'y a-t-il donc pas de traçabilité fiable de l'exposition ?

Mme Marie-Christine Lecomte. - Ce sera l'une de nos recommandations : un suivi individuel.

Dr Isabelle Baldi. - Il faudrait obtenir un recueil systématique des expositions passées, présentes et à venir. C'est très compliqué de reconstruire le passé de l'exposition. Une maladie de Parkinson peut survenir après, peut-être, quarante ans d'exposition. Il faut se doter d'outils pour l'avenir.

Mme Sylvaine Cordier. - En Californie, depuis plusieurs décennies, il existe un suivi géographique, précis des produits utilisés, de l'exposition des riverains...

Mme Sophie Primas, présidente. - Comment est-il assuré ?

Mme Sylvaine Cordier. - Par la réglementation, l'enregistrement.

Dr Isabelle Baldi. - Attention à ne pas faire de raccourci entre utilisation de pesticides et exposition. Les agriculteurs ne traitent pas tous mais beaucoup sont exposés. De plus, une journée d'exposition indirecte après re-entrée peut être équivalente à une journée de traitement...d'où une sous-évaluation de l'exposition.

Mme Sylvaine Cordier. - Cela concerne aussi les riverains des zones agricoles. Des traces évidentes de pesticides ont été trouvées chez ceux-ci, que ce soit aux États-Unis ou en Bretagne.

Dr Isabelle Baldi. - L'exposition est un phénomène complexe, qu'il est essentiel de bien identifier.

Mme Sylvaine Cordier. - Les utilisations domestiques, non professionnelles, doivent donner lieu à une information du public. On sait ce qu'il en est de la pollution de l'air intérieur...

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Il y a beaucoup d'autres produits chimiques que les pesticides utilisés en agriculture. Les risques sont-ils très différents ?

M. Xavier Coumoul. - Les cibles d'action des polybromés par exemple sont différentes de celles des pesticides. Les organes et tissus ciblés ne sont pas les mêmes, les pathologies associées non plus. On sait, par exemple, que les amines aromatiques augmentent le risque de cancer de la vessie. Chaque molécule doit être prise en compte de façon individuelle, il faut faire très attention aux généralisations.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - On constate que les agriculteurs sont beaucoup plus sur la sellette que d'autres professions ou même que les industriels.

Dr Isabelle Baldi. - Ils sont le dernier maillon de la chaîne dont chaque maillon renvoie sur le suivant, on peut toujours leur reprocher de n'avoir pas lu l'étiquette...

M. Xavier Coumoul. - Alors qu'ils sont davantage victimes que coupables !

Dr Isabelle Baldi. - La prévention vaut pour tous les maillons de la chaîne.

Mme Sylvaine Cordier. - Il faut aussi réfléchir aux usages.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Pourquoi mettre sur le marché des produits connus comme étant cancérogènes et mutagènes ?

Pr Geneviève Van Maele-Fabry. - La politique actuelle est de ne plus mettre sur le marché de tels produits.

Dr Isabelle Baldi. - Nous vivons cependant environnés de produits cancérogènes - voir les particules diesel...

M. Xavier Coumoul. - L'exposition à une molécule peut changer votre métabolisme et influer sur les conséquences que vous subirez d'une exposition aux pesticides. Et ce n'est pas parce qu'une molécule n'est pas cancérogène qu'elle ne peut pas le devenir en mélange.

Mme Sophie Primas, présidente. - Vous mentionnez le plan Écophyto 2018 dans votre étude...

Dr Isabelle Baldi. - Il semble qu'il ait ciblé en priorité l'agronomie plus que la santé des utilisateurs. Or c'est crucial.

Quinze années d'expérience dans ce secteur permettent d'affirmer que l'indépendance des chercheurs est un point clé. Des pressions de plus en plus fortes s'exercent sur les chercheurs et les experts. L'indépendance des financements est de plus en plus difficile à obtenir. Et, sans financement pérenne, on aura de plus en plus de mal à obtenir des études dont les résultats ne seront pas discutés. Il me semble que la santé ait été un peu oubliée.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Elle ne l'a pas été quant à la prévention.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous émettrons des recommandations en ce sens. Cela fait partie de notre mission. L'indépendance de la recherche est capitale.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Pour les AMM, les études sont fournies par les firmes, qui se retranchent derrière le secret industriel. Nous aurons, sur ce sujet aussi, des propositions à faire.

Mme Sophie Primas, présidente. - La solution n'est sans doute pas franco-française... Merci à tous.

Audition de M. Bernard Géry, porte-parole du collectif Sauvons les fruits et légumes de France et de M. Vincent Schieber, président de Carottes de France

Mme Sophie Primas, présidente. - Les membres de la mission d'information souhaitent connaître votre point de vue sur le secteur, très exposé, des fruits et légumes.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Pour mémoire, je vous indique que c'est à la suite du cas de M. Paul François, en Charente, que j'ai sollicité la création de cette mission.

M. Vincent Schieber, président de Carottes de France. - Agriculteur, je suis président de l'association Carottes de France et d'Invenio, d'un centre d'expérimentation en Lot-et-Garonne, géré par les producteurs eux-mêmes qui valident les programmes de recherche et en financent une partie.

M. Bernard Géry, porte-parole du collectif « Sauvons les fruits et légumes de France ». - Je suis producteur maraîcher en région nantaise, où la mâche occupe une superficie de 5 000 hectares et emploie 2 500 personnes, ce qui en fait le premier lieu de cette production en Europe. J'ai été huit ans président de la section nationale des producteurs de salades. Je suis responsable économique des légumiers du bassin du Val de Loire, qui regroupe treize départements.

L'association Sauvons les fruits et légumes de France a été créée après l'arrêté du 12 septembre 2006, qui portait de nombreuses interdictions et a désemparé les producteurs. Nous avons alerté les élus sur la situation qui nous était ainsi faite et notre groupe s'est étoffé. Il compte des producteurs conventionnels comme des producteurs bio, concernés comme les autres par le redoutable mildiou, qui s'est réveillé brutalement cette année avec la régularité des précipitations.

Nous entendons garantir la qualité aux consommateurs ; nous sommes parties aux appellations d'origine protégée (AOP) existantes pour les grands produits et travaillons dans tous les domaines, techniques, protection phytosanitaire, recherche, pour améliorer nos productions. Nous sommes organisés - aucun de nos adhérents n'est un petit producteur indépendant. Toutes nos structures comptent en leur sein des ingénieurs-conseils. Nous employons des ingénieurs-conseils dans nos structures.

Mme Sophie Primas, présidente. - Essayez-vous de réduire l'usage des pesticides ?

M. Vincent Schieber. - Si nous avons fondé ce collectif, c'est pour faire connaître les évolutions techniques de nos productions sur les vingt dernières années : la réduction de l'usage des produits chimiques en fait partie - les pesticides coûtent cher. Le travail de nos centres d'expérimentation vise à améliorer la qualité des produits comme la rentabilité économique. Nous avons mis au point des techniques complémentaires - je n'aime pas le qualificatif « alternatives ». On ne peut remplacer totalement les pesticides, mais on peut en réduire l'usage par une meilleure connaissance du parasitisme, des données de croissance des plantes, de l'impact du climat sur celles-ci de même que sur les parasites. Nous disposons aujourd'hui de modèles informatiques - de l'INRA, hollandais ou anglais - pour traiter ces différents paramètres.

Mme Sophie Primas, présidente. - Qui les a mis au point ?

M. Vincent Schieber. - Des chercheurs de l'INRA et du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CETIFL). Le modèle que j'utilise pour lutter contre l'alternaria associe des chercheurs étrangers. Par ailleurs, j'anime un programme national « carottes » auquel travaillent l'INRA, le CETIFL, Agrocampus et deux stations expérimentales, en Basse Normandie et en Aquitaine. Deux ingénieurs de Rennes et Montpellier nous apportent leur concours. Nous sommes aussi en contact avec des équipes polonaise ou allemande. Les recherches avancent vite dans certains domaines, plus lentement dans d'autres, mais le résultat est là : on utilise moins de pesticides qu'auparavant.

Mme Sophie Primas, présidente. - Avez-vous beaucoup diminué ?

M. Vincent Schieber. - Pour désherber, j'utilise le linuron, une molécule classée CMR2 à spectre large qui sera interdite au 31 décembre 2013. Il y a vingt ans, j'en mettais 6 kg à l'hectare, j'en mets aujourd'hui 600 grammes, avec le même dosage. On a appris à travailler de mieux en mieux avec les molécules. Nous réalisions des analyses de résidus dès 1996-1997. Ma région à révolutionné la production de carottes, qui était auparavant l'apanage de la région nantaise.

Tous les centres d'expérimentation travaillent désormais d'arrache-pied à des solutions techniques complémentaires mais aussi à la substitution par des molécules de même spectre mais moins toxiques.

Pour répondre aux exigences de la réglementation, je vais substituer quatre pesticides au linuron, avec lequel, pourtant, je sais aujourd'hui travailler sans dépasser les limites maximales de résidus (LMR), qui multiplieront mon indice de fréquence de traitement (IFT) par 3 à 5 même en ayant supprimé une molécule toxique : c'est dire que le sujet est complexe.

M. Henri Tandonnet. - Ces quatre pesticides sont-ils des désherbants ?

M. Vincent Schieber. - Oui, des désherbants. Le linuron avait un spectre très large et des conditions d'utilisation très plastiques - ce qui dessinait aussi sans doute son profil toxicologique... L'effet pathologique de certains parasitismes est insidieux, on ne le voit pas toujours quand on fait un tour de champ... Puis, quand il s'exprime, c'est trop tard.

M. Henri Tandonnet. - Vous avez révolutionné la culture de la carotte, dites-vous ? Cela a-t-il entraîné l'usage de nouveaux herbicides ?

M. Bernard Géry. - C'est plutôt une question de surface : la région nantaise n'est plus en tête en ce domaine parce qu'ils se sont développés sur des milliers d'hectares, sans petits tunnels, en utilisant des machines plus sophistiquées.

M. Vincent Schieber. - Nous travaillons sous bâche plastique pour pousser la précocité. Et là, on ne pulvérise pas. Mais, ailleurs, on traite.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ce qui veut dire que vous traitez parfois pour rien...

M. Vincent Schieber. - On ne traite pas dans tous les cas. On peut laisser se développer le champignon qui s'attaque au feuillage de la plante déjà développée quand celle-ci n'a plus besoin de feuilles. Sur une plante en pleine croissance et dans de bonnes conditions climatiques, on s'abstient aussi de traiter. Il y a vingt ans, on traitait systématiquement tous les vingt et un jours, parce que l'on nous disait que la rémanence du produit était de vingt jours. La fréquence est aujourd'hui différente selon la croissance de la plante et le climat. La modélisation nous a fait avancer à pas de géant.

M. Bernard Géry. - Et l'on ne peut récolter qu'une fois passée la période de rémanence. Aujourd'hui, nous avons mis en place dans nos serres la lutte biologique intégrée : un insecte pour lutter contre un autre. Nous avons ainsi une dizaine d'auxiliaires. Tout est contrôlé.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - On revient, en somme, au bon sens.

M. Bernard Géry. - Les producteurs ne sortent plus, aujourd'hui, du fond de leur campagne. Ils sont titulaires de BTS, épaulés par des ingénieurs, en prise sur la recherche internationale. Tout le monde est en veille permanente.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - La recherche porte-t-elle sur toutes les espèces ? Quid des cultures de petits volumes ?

M. Vincent Schieber. - Les producteurs sont plus ou moins entreprenants : cinquante espèces différentes de fruits et légumes sont concernées, on ne peut avancer partout à la même vitesse. L'INRA et les CETIFL ont leurs priorités, mais la prise de conscience est générale.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Et Ecophyto ?

M. Bernard Géry. - Avant même le Grenelle, nous avions réduit l'usage des pesticides. En serre, on est en milieu clos, on contrôle tous les paramètres. C'est ainsi que l'on a pu introduire les auxiliaires. Nous avons mené des recherches pendant dix ans, avec l'appui des régions Pays-de-Loire et Bretagne, mais la direction générale de la répression des fraudes nous a interdit de mettre sur les emballages de nos produits : « Lutte biologique intégrée ».

Les agriculteurs saisissent aussitôt l'innovation performante. Pour le bio, cela ne marche pas car il n'est pas cultivé sous serre.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Qu'en est-il en plein champ ?

M. Bernard Géry. - On a obtenu des résultats sur l'artichaut en Bretagne. Les agriculteurs ne sont pas idiots, leur objectif, depuis toujours, c'est de ne pas intervenir. Mais, en plein air, si les vents sont contraires, on n'y peut pas grand-chose. On ne peut appliquer des recettes toutes faites : nous sommes des observateurs permanents de la nature. Et nos clients veulent des garanties de traçabilité.

Mme Sophie Primas, présidente. - Qu'est-ce qui empêche les agriculteurs conventionnels de passer en bio ?

M. Bernard Géry. - Le côté aléatoire de la production...

M. Vincent Schieber. - Mais on travaille avec les deux formes d'agriculture dans les centres d'expérimentation. Auparavant, nous avions deux pôles séparés puis on a mis tout le monde autour de la même table. C'est logique, on a les mêmes parasites. Les résultats de nos travaux sont partagés. Les bios s'inspirent de ce qui se fait dans le conventionnel et vice versa. Ce qui empêche la généralisation du bio, ce sont des critères économiques : le marché s'effondrerait.

Mme Sophie Primas, présidente. - C'est-à-dire ?

M. Vincent Schieber. - Au-delà de 3 % à 5 % de bio, le marché n'absorbe pas et ne peut rémunérer le surcoût de la production bio. Les produits de traitement ont amené la sécurité alimentaire, que l'on demandait aux agriculteurs d'assurer. Aujourd'hui, on leur demande de produire avec moins de pesticides et des auxiliaires. Ils savent désormais le faire sous serre. Ce sera ensuite le cas en plein champ, même si c'est plus difficile. On y arrive pour certains traitements fongicides, et encore sous certaines conditions : le Contans par exemple, implanté dans le sol, débarrasse du sclérote. Une multitude de producteurs d'espèces différentes, conventionnels ou bios, sont intéressés. En revanche, pour le rhizoctone, destructeur racinaire, on n'a aucun moyen de lutte.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Les budgets de recherche ne demeurent-ils pas insuffisants ?

M. Vincent Schieber. - Les budgets des centres d'expérimentation sont cent fois, mille fois moindres que ceux des sociétés privées.

M. Bernard Géry. - Pour la profession maraîchère, nous avons engagé un programme de recherche, le PICLEG, pour la production intégrée en culture légumière ; l'INRA et le CETIFL sont en pointe. Mais les chercheurs nous annoncent des pistes, un résultat possible... dans dix ans. À quand l'entrée en production ? Je suis paysan, pas philosophe !

M. Vincent Schieber. - Dans la recherche sur le vivant, les délais sont très longs : on ne peut pas répondre d'emblée aux demandes de la société, il faut prendre en compte les progrès déjà réalisés et nous laisser le temps. Dire qu'on peut réduire de 50% l'utilisation de pesticides avant dix ans, c'est très ambitieux mais néglige la réalité du terrain ; on pourra peut-être y arriver pour certaines cultures, mais pas pour toutes...

Mme Sophie Primas, présidente. - Pouvez-vous préciser ce que vous appelez l'aléa de la culture biologique ? Est-ce affaire de rendements ?

M. Bernard Géry. - Le climat... En 2011, mai et juin ont été très chauds, cela a moins été le cas cette année... Et puis, malheureusement, la recherche n'avance pas toujours ; il arrive même qu'elle recule. Un pôle de recherche qui réunit toutes les compétences du pays de la Loire a travaillé l'an dernier sur les méthodes complémentaires - plutôt qu'alternatives : il vient de nous annoncer que ses résultats étaient invalidés... par la météo. Il faut donc recommencer.

M. Vincent Schieber. - Reste que de plus en plus de producteurs savent maîtriser leur production en bio. Le mouvement est irréversible. Mais demeure le souci du marché, de la régularité et de la sécurité des résultats, d'incident imprévu, d'accident climatique. En agriculture conventionnelle, la palette est plus large en cas d'accident de végétation. En bio, si on rate un désherbage, il faut passer au manuel. Même sur dix hectares, nous ne trouvons plus personne pour le faire. C'est pourquoi les agriculteurs sont prudents : ils n'avancent que sur la base de résultats sécurisés. C'est le bon sens paysan...

M. Henri Tandonnet. - J'ai lu dans un article sur la tomate que le bio ne pouvait utiliser les serres.

M. Bernard Géry. - Mais si !

M. Vincent Schieber. - La production biologique intégrée (PBI) existe bien en serres. Mais l'apparition de la drosophile suzukii, l'an dernier, a durement touché les fruits rouges, notamment dans le Lot-et-Garonne pour les fraises sous serre. Ceux qui ont abandonné le label biologique et sont passés à un traitement chimique ont sauvé leur production car sans insecticide, il était impossible de réagir. Voilà une production en PBI depuis longtemps qui, passez-moi l'expression, s'est ramassée. Il y a des parasitismes émergents, il faut être constamment à l'affût, trouver un plan B en cas de problème...

M. Bernard Géry. - Nous avions donné une conférence de presse à l'Assemblée nationale pour parler des parasites exotiques dont la cause est la mondialisation. C'est un sujet d'inquiétude majeur. Personne n'a la solution aujourd'hui. Le frelon asiatique remonte...

M. Henri Tandonnet. - Quid de la commercialisation et de la valorisation de vos produits ? Au Kenya, au Maroc, ils sont arrosés de pesticides. Mais le consommateur voit-il la différence sur les marchés ? Ne peut-on mettre en valeur les productions prudentes, en lutte biologique intégrée, qui sont les vôtres ?

M. Bernard Géry. - Depuis le 14 juin 2011, la libre circulation de tous les produits dans l'Union européenne impose les mêmes règles d'achat partout ; l'harmonisation des techniques de production, est de plus en plus stricte dans l'Union européenne. Les Allemands conduisent des analyses systématiques, à grands frais. Les poivrons espagnols avaient été traités avec des produits chinois interdits et ont ainsi été totalement écartés d'Allemagne.

Mme Sophie Primas, présidente. - On dit que l'exposition aux pesticides est plus importante en Espagne, notamment dans les serres...

M. Bernard Géry. - Ils ont à faire face à des températures plus élevées que nous ; ils ont plus de difficulté à contrôler les auxiliaires. Mais ils rattrapent leur retard.

M. Vincent Schieber. - Les divers modes de production devraient être indiqués pour permettre aux consommateurs de choisir. Il ne faut pas importer de produits étrangers traités avec une molécule interdite.

M. Henri Tandonnet. - Dans ce domaine, il y a tout à faire.

M. Vincent Schieber. - On n'empêchera pas les gens de vouloir des haricots verts à Noël, mais il y aurait beaucoup à dire sur les haricots du Kenya !

Mme Sophie Primas, présidente. - Quel est le degré de conscience des agriculteurs sur la dangerosité des pesticides ?

M. Bernard Géry. - A cet égard, à Nantes, voilà plus de dix ans que nous formons sur ce thème les salariés dans les exploitations.

M. Vincent Schieber. - On voit parfois des photos d'agriculteurs revêtus de combinaisons de protection... C'est anxiogène ! A croire qu'ils sont en train d'empoisonner tout le monde ! Alors que les produits sont homologués et qu'ils se protègent...

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Il y a des produits qui ne sont pas anodins.

M. Vincent Schieber. - La sensibilisation est la même que pour les conducteurs routiers... Nous avons une obligation de résultat en termes de qualité et de quantité ; mais il faut nous laisser le temps.

Mme Sophie Primas, présidente. - Dans les maraîchages, chez les riverains, il y a des maladies qui se déclarent...

M. Bernard Géry. - Si l'agriculture bio perd le cuivre, le soufre et la roténone, il n'y aura plus de bio ! En 2004, le mildiou a frappé fort. Les producteurs bio aussi protègent leurs cultures, ils mettent beaucoup de cuivre, métal lourd qui reste dans le sol. Que faire en cas d'attaque ? Si on ne fait rien, la culture est perdue. En 2004, les agriculteurs bio ont demandé et obtenu l'autorisation d'utiliser des produits conventionnels pour traiter leurs pommes de terre.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ce qui est intéressant, c'est la façon dont vous travaillez ensemble.

M. Bernard Géry. - Les producteurs bio utilisent aussi du soufre, de la roténone et d'autres produits que nous n'utilisons pas en serre parce qu'ils tuent les auxiliaires... Nous travaillons sur du vivant. De même que l'homéopathie ne peut pas tout soigner... A Nantes, le petit navet rond violet de printemps va sans doute disparaître car la mouche des crucifères les ravage.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Selon M. Jean-Marie Pelt, la culture conjointe de la carotte et de l'oignon ou du poireau, déroute les trips et autres parasites et favorise les carabes et staphylins, prédateurs des mouches de la carotte.

M. Vincent Schieber. - Je m'interroge : les bassins de production ne sont pas les mêmes pour la carotte et l'oignon ! En revanche, ils sont les mêmes pour la carotte et le poireau. Si ces mariages étaient efficaces, cela se saurait... Cela fait vingt ans que je mange de la carotte sans aucun souci !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Je connais un producteur d'oignons devenu paraplégique à la suite d'une intoxication aux pesticides... Il s'est mis au bio et ne mange plus d'oignons !

M. Vincent Schieber. - Je me méfie d'un producteur qui ne consomme pas ses produits.

M. Bernard Géry. - Depuis plus de quinze ans, nous devançons les attentes. Nous mangeons quotidiennement nos propres produits. Je vous invite à venir nous voir.

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci.

Audition, pour l'association France Nature Environnement, de Mme Claudine Joly, experte pesticides et de Mme Marie-Catherine Schulz, coordinatrice du réseau agriculture

Mme Claudine Joly, experte pesticides. - Merci de nous entendre. France Nature Environnement (FNE) est une fédération nationale d'associations de protection de la nature et de l'environnement, créée en 1978, à l'époque où la plupart de nos associations étaient naturalistes. Elles sont aujourd'hui de plus en plus impliquées dans la défense de l'environnement. FNE fédère aussi des associations nationales comme la Ligue de protection des oiseaux (LPO). La force de notre fédération, c'est son réseau territorial de bénévoles - près d'un million - et sa présence dans de nombreuses commissions officielles et instances techniques de concertation.

J'ai été vétérinaire pendant vingt-cinq ans et suis épouse d'agriculteur. Au niveau national, je représente FNE dans le cadre d'Ecophyto. Je siège également dans toutes les instances qui traitent des problématiques abeilles/pesticides. Ce sont toujours des bénévoles qui siègent. Il existe une dizaine de réseaux spécialisés différents. J'appartiens au réseau agriculture.

Mme Sophie Primas, présidente. - Comment êtes-vous financés ?

Mme Claudine Joly. - Nous recevons des financements des ministères de l'écologie et de l'agriculture, les cotisations de nos membres, des dons, quelques partenariats.

Mme Marie-Catherine Schulz, coordinatrice du réseau agriculture. - Nous essayons de diversifier nos financements vers les partenariats et les dons des particuliers. Le Crédit agricole ne finance plus FNE.

Mme Claudine Joly. - Ce sont toujours des partenariats très ciblés ; nous ne vendons pas notre âme ; nous en avons un avec Lafarge, que nous avons traîné au tribunal l'an dernier... Nous sommes très surveillés par nos adhérents bénévoles...

Mme Marie-Catherine Schulz. - Nous avons une charte de partenariat.

Mme Claudine Joly. - Nous sommes contraints de diversifier nos sources de financement. Les ressources provenant de l'Etat ne sont pas nécessairement gages de plus d'indépendance que d'autres, et vont aller en diminuant...

La défense de l'environnement aura besoin de plus en plus de bras. Il est vrai que nous avons un problème de communication : nous faisons un travail énorme que le public connaît peu. L'action menée au moment du Concours agricole l'an dernier nous a fait connaître...

M. Henri Tandonnet. - Elle a été peu appréciée des agriculteurs.

Mme Claudine Joly. - Elle a été appréciée par nos adhérents... Je travaille au contact des agriculteurs. Elle n'était pas dirigée contre eux mais contre des décisions allant à l'encontre du progrès. Ainsi, il y a le Grenelle, mais aussi des textes qui autorisent l'extension des élevages de porcs, avec les problèmes d'effluents que l'on connaît ; il y a Ecophyto, mais aussi l'autorisation donnée au Cruiser...

Après avoir été vétérinaire, j'ai étudié les problèmes environnementaux. Je vis dans une ferme céréalière, mon mari est agriculteur pluriactif. J'ai suivi une formation à l'université de Caen en gestion et valorisation environnementales et une autre en apicologie. FNE est la seule association à suivre Ecophyto. Avant, les agriculteurs riaient que FNE souhaite réduire l'usage des pesticides. Je suis en charge des dossiers techniques sur ce thème avec un collègue de FNE.

Nous sommes globalement satisfaits des engagements du plan Ecophyto. Le plan d'action a été mis au point par M. Michel Barnier en 2009 ; il est nouveau et important. Le congrès de FNE, en janvier dernier, a salué la démarche du Grenelle, en dépit de la diversité des opinions politiques de chacun. Nous avons maintenant Ecophyto en région et des réunions nombreuses. Le réseau des fermes de démonstration DEPHY est essentiel ; l'exemple « par-dessus la haie » est fondamental pour l'agriculteur.

Ecophyto est complexe à mettre en place, c'est une énorme machine. Nous avons de fortes discussions avec les acteurs agricoles, il y a des résistances. La première d'entre elles porte sur l'utilité de la diminution de l'usage (NODU) plutôt que celle de la quantité. C'est pourtant ce qui fait l'originalité du plan, non la quantité mais le nombre de doses. En fait, c'est surtout l'usage de la bouillie bordelaise qui a été réduit. On nous demande aujourd'hui de travailler sur des indicateurs de risque car la NODU augmente. Ce fut un grand combat pour parvenir à la prise en compte des traitements de semences dans Ecophyto.

Mme Sophie Primas, présidente. - Qu'en est-il des traitements des stockages ?

Mme Claudine Joly. - Ils ne sont pas pris en compte. Nous avons gagné la bataille des traitements de semences, désormais intégrés dans l'indice de fréquence des traitements (IFT), malgré la très forte présence des firmes dans le groupe de travail, qui voulaient que l'on prenne en compte la surface ensemencée. Le combat n'est pas tout à fait fini, parce qu'il faut maintenant passer à un IFT substance active tenant compte du traitement des semences.

Pour le suivi, dans les fermes, le changement du mode de calcul de l'IFT n'est pas simple pour les acteurs de terrain, mais la machine est lancée. Ecophyto a été mis en place alors que tout n'était pas finalisé...

Le Certiphyto, qui doit toucher tous les agriculteurs au début de 2014, a un réel impact sur le terrain, malgré les résistances initiales. Des formations doivent être organisées, avec des financements d'Etat - les agriculteurs n'ont pas l'habitude de mettre la main à la poche. Deux jours, c'est peu, plutôt une sensibilisation qu'une formation, mais, au moins, on éveille, on alerte sur les dangers, les protections. Les évaluations de risque sont faites sur des gens protégés, alors que sur le terrain beaucoup d'agriculteurs ne se protègent pas ! Ecophyto finance des études, dans le cadre de son axe 9, pour fabriquer des équipements de protection portables et efficaces. Nous avons toujours soutenu la démarche en dépit de la méfiance initiale de notre base, mais le diable est dans les détails. Il faut être vigilant et présent dans tous les comités techniques. Quand ils utilisent des semences tractées, les agriculteurs ne se rendent pas compte qu'ils traitent.

Depuis longtemps, je réclame une réorientation de l'enseignement agricole et des programmes dans le sens d'une diminution de l'usage des pesticides. On n'y est pas encore. C'est un vrai problème. Je connais, dans ma région, des lycées et des enseignants qui sont bien impliqués, mais il reste beaucoup à faire. Nous demandons un cadrage plus important.

Quant à la surveillance biologique du territoire, la mise en place du bulletin de santé du végétal coûte cher. Le suivi existe, plutôt efficace. Mais le passage aux mains du privé pose question ; il ne faut pas que les services de l'Etat disparaissent. Ces bulletins doivent inciter les agriculteurs à aller voir eux-mêmes ce qu'il y a sur leurs parcelles. Il faut absolument des contrôles aléatoires et une remontée des informations d'épidémiosurveillance. De son côté, le suivi des effets non intentionnels des pesticides commence à se mettre en place, mais il va être difficile de mesurer ces effets avec les protocoles plutôt simplistes du Muséum et le peu de formation des acteurs qui en sont chargés. Notre association sera impliquée dans le suivi sur le terrain. Ce sera une bonne façon de mettre en contact agriculteurs et écologistes, ce qui ne va pas de soi...

Mme Sophie Primas, présidente. - Les pratiques de certains écologistes ne sont-elles pas parfois un peu brutales ?

Mme Claudine Joly. - Vous savez, je vis sur une exploitation conventionnelle... À FNE, nous voulons une agriculture productive, nourricière, socialement durable, même si l'environnement est notre coeur de métier. Si on veut sauver la biodiversité sur le territoire, 7% de jachère, c'est peu !

Mme Sophie Primas, présidente. - Dans mon département, les Yvelines, l'agriculture est contrainte par le développement urbain. Les contraintes écologiques se surajoutent à bien d'autres, qui rendent difficile l'exploitation agricole en Île-de-France.

M. Henri Tandonnet. - Plutôt que des règles générales, je préfèrerais un contrat par exploitation, qui prenne en compte les progrès accomplis.

Mme Claudine Joly. - Cela suppose un diagnostic coûteux. Il y a besoin de biodiversité partout. Lors de journées de formation, un agriculteur m'a demandé : « où est notre avantage économique ? ». Si cet avantage était évident, cela serait déjà fait depuis longtemps. La biodiversité, c'est un outil de travail sur une exploitation. Songez aux pollinisateurs ! Leur disparition aurait un impact énorme, pire pour moi que celui du changement climatique. Il n'y aura jamais assez de biodiversité. Quand je pense que l'INRA retient un taux de 30 % du territoire en biodiversité ! Nous demandions 10 % ; le ministère nous a dit : il faut au moins 15 % avec des diagnostics ; et on nous dit qu'on en reste à 7%, avec des coefficients d'équivalence ! Pour cent hectares, il suffira donc de mettre 700 mètres de haies dont on n'évaluera même pas la qualité ! 7%, c'est une misère ! Il faut agir vite pour sauver les pollinisateurs ! Je ne veux pas faire dans le catastrophisme, mais il y va de la survie de l'humanité !

Il faut agir d'urgence pour faire baisser l'usage des phytos. Après le Grenelle, j'ai été impliquée dans un protocole de suivi post-homologation du Cruiser, quelque chose de très fragile scientifiquement. Résultat, on a conclu à un effet nul sur les abeilles. C'est de ce moment-là que j'ai commencé à me battre. L'ANSES s'est depuis intéressée de plus près à la question. Mais on a toujours des évaluations faites sur un animal sain qu'on expose aux pesticides le moins longtemps possible... Et ce sont toujours les firmes productrices qui font les études, sans comité de lecture, sans validation. J'ai vu une étude qui portait sur deux hectares de culture traités ! Quand on sait que les abeilles butinent sur au moins 3 000 hectares ! A quand un contrôle de second degré ?

M. Henri Tandonnet. - Allez-vous passer au bio sur votre exploitation ?

Mme Claudine Joly. - En céréales, c'est difficile. Avant de m'impliquer dans Ecophyto, j'ai cherché un chef de culture en bio. Outre que l'on m'a mise en garde sur les résultats, je n'en ai pas trouvé. Pas plus en agriculture durable. Cela étant, j'ai conservé des parcelles en prairies permanentes, j'ai des bandes enherbées, 15 % de surface agro-écologiques... Ce qui complique ma déclaration PAC... Mais on ne me regarde pas comme quelqu'un d'extérieur...

Mme Sophie Primas, présidente. -Parlez-nous du conseil...

Mme Claudine Joly. - Le noeud du problème, pour nous, c'est le conseil aux agriculteurs. Lors du Grenelle, nous avons demandé une vraie séparation de la vente et du conseil des phytosanitaires, que l'on n'a pas obtenue. Le code rural prévoit bien un agrément plus strict, mais le conseil reste facultatif. Nous plaidons pour la création d'une profession de « phytiatres », avec une formation en agronomie et en écotoxicologie, qui feraient des prescriptions de pesticides comme les médecins de médicaments ; et la coopérative ferait office de pharmacie. La voie d'une réduction de l'usage, c'est l'accompagnement de chaque agriculteur par des personnes dotées d'une solide formation agronomique, qui rendraient visite à l'exploitant une fois par an pour dialoguer avec lui, lui rappeler les limites de prescription. Un suivi au cas par cas.

M. Henri Tandonnet. - On revient à ma suggestion : un diagnostic par exploitation.

Mme Bernadette Bourzai. - Il faut d'abord passer par la région de production pour descendre ensuite à des contrats par exploitation ; on reviendrait au modèle des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) qui ont été supprimés...Cela suppose aussi un changement de gouvernance au niveau de la PAC.

Mme Claudine Joly. - La démarche ne peut pas reposer sur le seul volontariat. Il faut que tout le monde bouge. Le « phytiatre » serait non seulement prescripteur, mais conseiller. Le diagnostic et l'accompagnement par exploitation, c'est l'idéal. Pour l'utilisation des phytos, cela pourrait être financé par l'agriculteur lui-même, parce qu'il y gagne. Reste le problème de l'accompagnement individuel « biodiversité » : qui le financera ?

Mme Sophie Primas, présidente. - La biodiversité, c'est un bien public...

Mme Claudine Joly. - Nous plaidons pour le verdissement effectif du premier pilier de la politique agricole commune...

Mme Sophie Primas, présidente. - Je vous remercie.