Mardi 4 mai 2021

- Présidence de M. Jean Hingray, président -

La réunion est ouverte à 16 heures.

Audition de Mme Emmanuelle Pérès, directrice de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

M. Jean Hingray, président. - Nous recevons cet après-midi Mme Emmanuelle Pérès, directrice de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au ministère de l'éducation nationale, déléguée interministérielle à la jeunesse, qui est accompagnée de Mme Sylvie Hel-Thelier, sous-directrice des politiques interministérielles de jeunesse et de vie associative.

Madame la directrice, vous avez été nommée dans vos fonctions tout récemment, le 24 mars dernier. Votre audition aujourd'hui est donc l'occasion d'évoquer votre ressenti sur l'état des lieux que vous avez pu dresser, depuis cette date, sur l'action engagée en matière de politique de la jeunesse, ainsi que les priorités qui vous ont été assignées et les perspectives envisagées.

Au regard de la situation de la jeunesse et de la question de l'égalité des chances, qui préoccupe notre mission d'information, vous exercez une double responsabilité. D'une part, votre direction joue un rôle propre dans le soutien à l'éducation « informelle », pour favoriser l'accès des jeunes à la culture, aux loisirs et aux activités pouvant contribuer à leur autonomie ; d'autre part, depuis 2014, le directeur de la jeunesse est également délégué interministériel à la jeunesse, avec une mission de coordination des ministères qui contribuent, chacun dans leur secteur, à la politique en direction des jeunes.

C'est sous ce double aspect que nous souhaitons vous entendre aujourd'hui.

Mme Emmanuelle Pérès, directrice de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse. - Je vous remercie de votre accueil pour ma première audition dans le cadre de ces nouvelles fonctions que j'exerce depuis le 24 mars dernier. La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva) est une direction de l'administration centrale qui est composée de trois sous-directions : la sous-direction des politiques interministérielles de jeunesse et de vie associative, dirigée par Sylvie Hel-Thelier ; la sous-direction de l'éducation populaire qui traite en priorité des accueils collectifs de mineurs, en lien étroit avec le tissu associatif ; enfin, la sous-direction du service national universel (SNU), plus récente, ce rattachement à notre direction de ce qui constituait une mission de préfiguration ayant permis de lever certaines difficultés.

L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), dont le directeur, Thibaut de Saint Pol, vous a exposé le panorama des jeunesses, est pour nous un observatoire très précieux, y compris au travers de la statistique, sur les jeunesses et les politiques en leur faveur. Nous assurons également le secrétariat général du Haut Conseil à la vie associative (HCVA), instance qui oriente nos politiques, et le secrétariat du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) mis en place en 2016 : il réunit tous les acteurs intéressés par ces politiques et met à leur disposition sa production. Notre action s'appuie aussi sur l'ensemble du réseau déconcentré de la jeunesse et des sports, dont la collaboration étroite pour mettre en place ces politiques sur les territoires relève désormais des recteurs et des préfets.

S'agissant de l'égalité des chances, l'agenda du Gouvernement s'étend sur toute la durée du quinquennat et inclut de nombreuses politiques publiques, telles que l'émancipation des individus, la lutte contre l'assignation à résidence et l'autocensure ainsi que l'accent porté sur les plus jeunes. La jeunesse est le coeur de cible de ces politiques d'égalité des chances, qui ont pour souci premier de promouvoir l'égalité des chances et d'assurer une vraie continuité de la maternelle à l'entrée dans la vie professionnelle.

La crise sanitaire a révélé des fractures très importantes au sein de la jeunesse. Nous sommes dans une situation d'urgence, la crise Covid ayant accéléré des phénomènes préexistants.

Le Gouvernement a dès le départ engagé un plan très ambitieux avec le doublement des classes de CP et de CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) et les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+), renforcé par le grand plan « 1 jeune, 1 solution » diffusé l'été dernier et comprenant de nombreux dispositifs en faveur de l'emploi et de la formation. S'agissant de ceux qui relèvent du champ de compétence de la Djepva, nous avons l'ambition d'accueillir 245 000 jeunes en mission de service civique au cours de l'année 2021 - contre 140 000 en 2020 - et d'ajouter aux 1 000 postes supplémentaires financés par le Fonds de coopération jeunesse et éducation populaire (Fonjep) au profit des associations prévus en 2021, 1 000 autres postes spécifiques aux jeunes de moins de trente ans, et ce dès 2022.

L'égalité des chances, qui est au coeur des principaux dispositifs de la Djepva, passe par l'information des jeunes, avec un fort enjeu de lisibilité des dispositifs et une vigilance particulière pour les jeunes ruraux, les ultra-marins et les « invisibles » : au lieu d'attendre qu'ils viennent, nous devons aller vers eux.

Nous travaillons aussi étroitement avec le ministère du travail sur le projet de Garantie jeunes universelle et tous les parcours d'accompagnement. De plus, dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », a été développée une plateforme servicielle distincte d'un site internet classique afin qu'elle s'adresse spécifiquement aux jeunes. Dans le même esprit, nous avons mis en place « La boussole des jeunes », qui est un nouveau service numérique pleinement complémentaire. visant à fédérer les acteurs sur un territoire. Nous travaillons actuellement à articuler les deux initiatives. Il s'agit de permettre aux jeunes d'accéder à des personnes physiques susceptibles de les accompagner et de les informer sur l'ensemble des dispositifs accessibles sur un territoire.

Nous nous appuyons sur l'enquête menée par l'Injep sur les attentes, les besoins et les comportements des jeunes pour faire évoluer l'information en direction de la jeunesse. Il s'agit non pas de décider pour eux, mais bien de les comprendre ; c'est la condition sine qua non pour renforcer l'égalité des chances. Enfin, nous nous référons à l'expertise du Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ).

Le deuxième volet de notre action s'inscrit dans la mise en oeuvre du programme d'investissement d'avenir (PIA) pour la jeunesse et du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ), lancé il y a une dizaine d'années. Ils ont vocation à financer des projets innovants et à les assortir d'une évaluation scientifique pour pouvoir éventuellement les généraliser. Les deux axes retenus pour ces projets sont le dépassement des déterminismes sociaux dans les phases d'apprentissage et la prévention des discriminations et du creusement des inégalités. À ce jour, plus de 60 expérimentations ont été menées, toutes très instructives, car elles ont permis de définir de bonnes pratiques, de créer, entre autres, « La Malette des parents », les internats d'excellence, la Garantie jeunes : autant d'initiatives portées par des acteurs de terrain.

Le troisième volet est le SNU, dans ses trois composantes. La première est le séjour de cohésion - le prochain aura lieu le 21 juin -, qui dure une douzaine de jours en fin de seconde et vise à accentuer la mixité sociale et à ouvrir le champ des possibles pour ces jeunes adultes en devenir. Il s'agit aussi d'offrir une vraie occasion de mobilité géographique, bien souvent la première pour ces jeunes... Toutefois, cette année, en raison de la crise sanitaire, ils ne pourront se déplacer qu'au sein de leur région d'attache, ce qui n'empêchera pas les jeunes urbains d'être accueillis dans des zones rurales. À leur retour, les jeunes remplissent, cette fois-ci sur leur territoire, une mission d'intérêt général - c'est la deuxième composante du SNU - grâce à laquelle ils font l'expérience de l'engagement, prennent confiance et mettent en pratique les compétences transversales reçues lors du séjour de cohésion. Troisième composante : l'engagement volontaire, avant l'âge de 25 ans, dans des actions de trois mois minimum, dont le service civique est le dispositif le plus emblématique.

Il convient également de citer toute la politique de mobilité internationale en direction du plus grand nombre au travers d'actions volontaristes comme Erasmus +, le Corps européen de solidarité, l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) pour les 3 à 30 ans et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) pour les 18 à 35 ans.

Autre grand chantier, l'accueil des jeunes en centres de loisirs sur le temps périscolaire et extrascolaire. Je pense en particulier au « Plan mercredi » et à l'action « Vacances apprenantes » qui devrait être renouvelée cette année. L'État n'organise pas directement les colonies de vacances, mais il les accompagne. Pour ce faire, nous travaillons en étroite collaboration avec les grands acteurs concernés, tels que l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) et La Jeunesse au plein air (JPA). Ces acteurs sont très fragilisés par la crise, alors que leur accueil est très important durant toute l'année pour ouvrir le champ des possibles et donner aux jeunes de nouvelles expériences. C'est pourquoi nous apportons un soutien très fort à ce secteur, notamment par le biais de campagnes de communications ou la prise en charge intégrale des frais de séjour en faveur de 70 000 enfants dans des « Colos apprenantes » en 2020. Nous réfléchissons à des modalités d'aide plus simples et plus accessibles au plus grand nombre.

Enfin, nous venons de clore l'appel à projets du mentorat. Comme l'a annoncé le Président de la République, l'enjeu est de créer 100 000 tandems en 2021 et 200 000 en 2022, au moment de l'insertion professionnelle, mais aussi dès le collège pour les jeunes moins favorisés.

En tant que déléguée interministérielle à la jeunesse, je me dois d'avoir une vision transversale sur l'ensemble des politiques de la jeunesse : la santé, l'emploi, la lutte contre la précarité, la culture, les sports, etc. Nous travaillons en lien avec les autres ministères et avons aussi la possibilité de réunir un comité interministériel de la jeunesse. Il est indispensable de nouer un dialogue structuré entre les pouvoirs publics, les régions - la loi en fait les chefs de file des politiques de la jeunesse - les représentants de la société civile et les jeunes, en vue d'élaborer et d'articuler les orientations stratégiques entre acteurs.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Cela montre l'étendue de votre mission.

Mme Emmanuelle Pérès. - Elle est passionnante, mais effectivement étendue !

Mme Monique Lubin, rapporteure. -En matière d'égalité des chances, les nombreuses actions en direction des jeunes passent par des politiques locales, ce qui suppose de coordonner différents acteurs : administrations, collectivités, associations. Comment s'effectue cette coordination ? Quelles difficultés rencontrez-vous ? Quel est le rôle de l'État, notamment depuis la disparition des directions départementales de la jeunesse et des sports ? La loi Égalité et citoyenneté de 2017 entendait donner un rôle de chef de file à la région : cette disposition a-t-elle trouvé une réelle traduction ?

Mme Emmanuelle Pérès. - La disparition des directions départementales s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État. Ont été créées les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes). Cette nouvelle organisation doit nous permettre de mieux assurer un suivi continu de l'enfant et de l'adolescent. Les Drajes pilotent les services déconcentrés, en particulier dans les départements, qui comptent plus de 2 000 agents travaillant dans le domaine de la jeunesse et des sports.

Aujourd'hui, la situation est très tendue dans les départements. Nous travaillons à assurer l'adéquation entre nos politiques publiques, qui sont ambitieuses, et les moyens déployés sur les territoires. Depuis ma prise de fonctions, je fais des déplacements tous les quinze jours dans les régions, et je suis en contact avec les partenaires sociaux. Cette réforme a été voulue par tous parce qu'elle offrait davantage de cohérence sur le papier. Néanmoins se pose la question des moyens dans les départements.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - En tant qu'élue locale, je regrette ces fusions : les services de l'État dans les départements se réduisent comme peau de chagrin. Dans mon département, nous avons maintenant un grand service de l'État regroupant toutes les anciennes directions, avec de moins en moins de fonctionnaires et de moyens.

Mme Emmanuelle Pérès. - L'idée est de créer toutes les synergies possibles avec les rectorats, mais je vous rejoins sur la question des moyens dans les territoires. Nous y travaillons. Nous avons attiré l'attention de la secrétaire d'État sur ce point.

Mme Sylvie Hel-Thelier, sous-directrice des politiques interministérielles de jeunesse et de vie associative. - Le principe d'un dialogue structuré territorial et le chef de filât des régions au sein des collectivités locales ont été inscrits dans la loi Égalité et citoyenneté. Certains conseils régionaux se sont saisis de cette compétence pour organiser un dialogue entre l'État, les collectivités locales, la société civile, notamment les associations, et les jeunes. C'est le cas notamment en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie, en Provence-Alpes-Côte d'Azur. En fonction de l'intérêt du conseil régional et des élus locaux pour ces sujets, on assiste à une plus ou moins grande mise en synergie des différents acteurs des politiques de jeunesse.

À notre niveau, nous avons organisé des séminaires associant les différentes parties prenantes - le dernier s'est tenu début 2020 juste avant le premier confinement. Nous avons également mis à la disposition des élus, des associations et des organisations de jeunesse des outils de travail, dont ils ont toute liberté de se saisir ou non.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Les organisations de jeunesse estiment que la coordination interministérielle des politiques de jeunesse, prévue par les textes, est inexistante. À quand remonte la dernière réunion du Comité interministériel de la jeunesse et est-il envisagé de le réunir à nouveau ? Quelles sont les difficultés pour faire émerger une politique plus globale en direction des jeunes ?

Mme Emmanuelle Pérès. - La dernière réunion du comité interministériel date de 2015. La décision de le réunir relève du Gouvernement - il me semble que c'est en projet compte tenu des enjeux. Le plan « 1 jeune, 1 solution » traduit la volonté de mener une action qui soit interministérielle. La mission qui m'a été confiée est justement de donner de la lisibilité et d'accentuer la dimension interministérielle.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Après avoir entendu de nombreuses structures, je fais le constat qu'un certain nombre de jeunes ne profitent pas des opportunités qui leur sont offertes alors qu'il existe une multitude d'acteurs et de dispositifs.

Vous avez évoqué le problème de l'information, mais il existe aussi un problème de coordination.

Mme Emmanuelle Pérès. - Certes, et il y a de quoi faire ! Nous cherchons à fluidifier le parcours des jeunes. Il existe énormément de dispositifs, qu'ils soient ministériels ou portés par les collectivités locales. C'est à nous d'« absorber » cette complexité pour que le jeune ait accès à l'information et qu'il puisse mobiliser les dispositifs qui lui correspondent. Notre responsabilité partagée, c'est qu'il n'y ait pas de rupture dans son parcours : passer d'un dispositif à l'autre ne doit pas engendrer une cassure qui serait source d'anxiété ou de décrochage.

Sur l'information, nous menons un travail pour « aller vers ». On peut développer des outils attractifs, mais si les jeunes ne s'en saisissent pas nous n'aurons fait que nous faire plaisir sans atteindre notre objectif. Il faut travailler étroitement avec ces publics : nous avons monté des expérimentations dans le cadre du FEJ, et le réseau Information Jeunesse, qui est un réseau multipartenarial incluant les collectivités locales, les associations, les régions, nous permet d'être au plus près des besoins.

La plateforme « 1 jeune, 1 solution » apporte une information de premier niveau au jeune ou, au moins, à celui qui l'accompagne. Il ne faut pas se priver des outils numériques qui apportent une meilleure lisibilité. Nous sommes au milieu du gué : l'enjeu, c'est l'accompagnement et la lisibilité. Comme le disait la ministre, la délégation interministérielle est la boussole des politiques pour la jeunesse, qu'il faut - j'insiste - rendre plus lisibles. C'est la mission qui m'a été confiée : elle n'est pas aisée, mais il faut s'y atteler.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Comment « aller vers » ? L'expression est reprise par tout le monde, mais de quels moyens dispose-t-on pour y parvenir ? La plateforme est-elle un de ces moyens ?

Mme Emmanuelle Pérès. - C'est un outil qui atteint certains publics, notamment ceux qui sont autonomes, et qui peut aider ceux qui accompagnent les jeunes, car elle est très accessible et ergonomique. Cela ne reste qu'un outil. C'est un outil précieux, il faut qu'il soit performant : les jeunes ne doivent pas être privés des technologies les plus efficaces et de l'intelligence artificielle pour obtenir des informations à jour sur les dispositifs correspondant le mieux à leur profil.

Pour autant, le « aller vers » passe surtout par le contact humain. Le réseau Information Jeunesse mène des actions de ce type. Nous soutenons également un certain nombre d'associations, en particulier dans le cadre des expérimentations jeunesse. Une expérience menée par les Apprentis d'Auteuil à Marseille consistait à aller dans les cages d'escalier des immeubles pour rencontrer les jeunes sur le terrain et susciter leur intérêt. De jeunes volontaires du service civique travaillent également avec ces associations, ce qui permet de faire un travail « de pair à pair ».

Le « aller vers » se décline de différentes façons, mais il passe par des actions très concrètes : ce n'est pas seulement un slogan.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Les structures d'éducation populaire ont un rôle important en matière d'égalité des chances, en permettant aux jeunes d'élargir le cadre de leur milieu d'origine. Nous avons le sentiment qu'elles sont en situation moins favorable que par le passé. Quelle appréciation portez-vous ? Quelle est l'action des pouvoirs publics en la matière, alors que les organisations de jeunesse ont mentionné une diminution du soutien de l'État ces dernières années ? Quelles sont les pistes pour revivifier ce moyen de contribuer à l'autonomie des jeunes et de leur ouvrir des opportunités ?

Nous avons entendu les représentants des structures d'éducation populaire : ils sont toujours aussi volontaires et passionnés, mais quelque peu découragés.

Mme Emmanuelle Pérès. - Surtout dans la période que nous venons de traverser...

S'agissant des colonies de vacances, qui représentent une activité importante des associations d'éducation populaire, on a assisté à un décrochage ces dix dernières années, que nous avons commencé à corriger en 2017. En 2018 et 2019, on accueillait à peu près 1,4 million de jeunes durant l'été, ce qui était un peu mieux que les années précédentes. Avec la pandémie, 600 000 jeunes seulement ont été accueillis l'année dernière. Vous pouvez imaginer la situation économique de ces structures... Nous avons mis en place un fonds d'urgence pour les aider, et nous les réunissons régulièrement pour examiner comme travailler ensemble. Les conditions sanitaires ne nous ont pas permis d'organiser les fameux stages de formation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) en résidentiel et en présentiel. Nous devons travailler à tous ces sujets.

Nous nous mobilisons aussi pour que le dispositif des colos apprenantes soit renouvelé parce qu'il est un moyen de soutenir ces structures. Enfin, nous menons une campagne de communication sur les colonies de vacances.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Les associations ont évoqué les difficultés administratives liées à leur mission. On leur demande de répondre à des appels à projets, au lieu de leur donner un cahier des charges avec le financement correspondant. Les appels à projets sont des procédures compliquées, qui prennent du temps et qui ne leur assurent pas des ressources pérennes. Je sais bien que les appels à projets répondent à certaines logiques : il ne s'agit pas de subventionner pour subventionner sans droit de regard sur le travail des différentes structures.

Néanmoins, le constat doit être entendu : ne faudrait-il pas essayer de trouver des solutions pour pérenniser les financements de ces structures dont nous ne pouvons pas nous passer dans un certain nombre de domaines, notamment en zones rurales ?

Mme Emmanuelle Pérès. - En zones rurales, mais pas exclusivement. Certaines structures ont eu un rôle extrêmement actif pendant le confinement : elles ont assuré les accueils collectifs de mineurs pour les publics prioritaires.

En sortie de confinement, nous aurons encore davantage besoin d'elles : il faudra accueillir et accompagner les jeunes et peut-être réparer les maux découlant de la période d'isolement dont ils risquent de souffrir. Nous allons travailler en partenariat avec ces structures.

S'agissant des financements, nous avons mis en place des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO) : les engagements sont pris sur trois ans, et non plus sur une base annuelle.

Tout l'enjeu est bien sûr de garantir la pérennité de ces associations et d'assurer leur développement. Nous sommes en train d'engager un important travail avec elles en ce sens, car il s'agit pour nous de partenaires non seulement historiques, mais également stratégiques pour la politique en faveur de la jeunesse.

M. Michel Bonnus. - Je suis élu d'un canton très populaire, avec 78 % de logements sociaux pour 49 000 habitants. Vous êtes dans le vrai, mais les indicateurs mis en place doivent nous orienter par rapport à notre localité, à notre département et à notre région. Il importe en effet que nous soyons complémentaires. Il est essentiel à mon sens de se rapprocher des écoles et des collèges, qui sont une source d'informations sur les familles en difficulté et l'habitat. Quid également du suivi ? Nous devons avoir une capacité de lecture afin d'accompagner les fratries. Je ne perds pas de vue non plus l'aide à la parentalité. La sécurité, ce n'est pas que la justice, c'est aussi l'éducation et la culture.

Mme Emmanuelle Pérès. - La réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE) permet très concrètement de pouvoir travailler ensemble. Pour l'opération « Vacances apprenantes », nous devons nous appuyer sur les chefs d'établissement pour aller chercher certains jeunes, voire pousser les familles à les y inscrire. Il en va de même du Plan mercredi. Quant au SNU, il concerne aujourd'hui 25 000 jeunes, contre 2 000 volontaires il y a deux ans. Clairement, notre objectif est de demander aux chefs d'établissement, en passant par les recteurs, de favoriser la diversité. J'ai pu participer à des visioconférences avec 800 jeunes de milieux ruraux pour leur expliquer le sens du SNU et surmonter les autocensures. Notre nouvelle organisation administrative doit nous permettre de mieux assurer ce suivi complet de l'enfant et de l'adolescent. Ce ne sont pas que des mots, car nous décloisonnons nos champs d'action pour mieux travailler ensemble et accompagner ces jeunes dans leur individualité. Nous n'avions pas ces capacités-là au démarrage du SNU.

M. Michel Bonnus. - Comment se passe l'opération « Vacances apprenantes » ?

Mme Emmanuelle Pérès. - Il s'agissait d'anticiper l'année dernière sur le fait qu'un certain nombre de jeunes ne pourraient pas partir en vacances et également de compenser des carences de certains dans l'apprentissage scolaire. Il ne s'agit pas de refaire l'école, car il y existe aussi le dispositif « École ouverte » grâce auquel les enfants peuvent bénéficier de soutien scolaire pendant les vacances. L'opération « Vacances apprenantes » s'inscrit davantage dans la dynamique des colonies de vacances et elle est portée par les organisations de jeunesse. Nous avons mis l'accent sur des séjours thématiques, avec des acquisitions de compétences plus formalisées.

M. Michel Bonnus. - Quelle est la prise en charge de l'État pour le dispositif « École ouverte » ?

Mme Emmanuelle Pérès. - Elle est importante, c'est l'éducation nationale qui paie les enseignants. Concernant les colonies apprenantes, la prise en charge s'élevait l'année dernière à 500 euros par semaine et par enfant, avec un reste à charge de zéro pour les familles.

M. Michel Bonnus. - Le dispositif « École ouverte » s'adresse à quelle tranche d'âge ? Quelle est sa périodicité ?

Mme Emmanuelle Pérès. - De la maternelle jusqu'à seize ans, les quinze premiers jours de juillet et quinze jours avant la rentrée.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Vous avez évoqué tout à l'heure la nécessité de s'intéresser aux jeunes dès la petite enfance et jusqu'à l'entrée dans l'âge adulte. C'est exactement le périmètre que couvre notre mission. Nous avons auditionné de nombreux acteurs de la petite enfance. Le constat est clair : tout se joue durant les trois premières années de la vie d'un enfant. L'une des solutions serait de pratiquer la mixité sociale dès les premiers mois. Pour autant, les familles les plus en difficulté, notamment les familles monoparentales, n'ont guère accès aux structures d'accueil - crèches, haltes-garderies - avant la scolarisation à l'école maternelle. Que peut-on faire pour les inciter à recourir à ces structures pour que la mixité s'installe dès la toute petite enfance ?

Mme Emmanuelle Pérès. - La petite enfance ne relève pas du périmètre de ma direction, même si c'est un sujet qui me préoccupe en tant que déléguée interministérielle à la jeunesse. En revanche, nous pouvons être amenés à prendre en charge de jeunes mamans, l'idée étant de démonter certaines idées reçues et de les accompagner, notamment dans le cadre de l'information jeunesse. Notre objectif est de changer les déterminismes. Quant à la mixité dans les crèches, je sais que des actions sont engagées, mais elles n'entrent pas stricto sensu dans mon domaine d'intervention. Il pourrait s'agir d'un sujet à traiter en priorité dans le cadre d'un comité interministériel.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Vous me donnez des idées ! Il serait effectivement très intéressant de traiter cette question par le biais des structures d'accueil des jeunes. Ces jeunes femmes mettent leur vie entre parenthèses et ne se forment pas dès lors qu'elles ont un enfant. Nous pourrions aborder cet aspect du problème grâce aux points information jeunesse (PIJ) ou aux missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Il existe des dispositifs très intéressants. Nous pourrions les adapter à ces publics. Je pense, par exemple, à la Garantie jeunes : nous pourrions y inscrire la question de l'accueil du jeune enfant.

Mme Emmanuelle Pérès. - C'est tout à fait possible. Nous le faisons également sur les actions de formation. Je rappelle que l'obligation de formation de seize à dix-huit ans est une mesure forte du Gouvernement en faveur de l'égalité des chances et contre les déterminismes. Il convient néanmoins de s'interroger : y a-t-il des trous dans la raquette ?

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Comment se met en place l'obligation de formation pour les jeunes de seize à dix-huit ans ?

Mme Sylvie Hel-Thelier. - La loi pour une école de la confiance a fixé cette obligation de formation de seize à dix-huit ans, qui passe par un certain nombre de dispositifs. Nous avons été plus particulièrement concernés par le sujet du service civique. Ce n'est certes pas une formation certifiante, mais il s'agit tout de même d'une formation civique et citoyenne. D'autres modalités existent via les missions locales - je pense, notamment, au parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) et à la Garantie jeunes - qui permettent d'assurer l'accompagnement du jeune entre seize et dix-huit ans vers une orientation professionnelle.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Le service civique est une excellente chose, mais il doit aboutir à des passerelles et à une reprise d'études. Avez-vous prévu des dispositifs en ce sens ?

Mme Emmanuelle Pérès. - C'est un chantier sans fin et sur lequel nous travaillons continuellement. Comme l'a souligné Sylvie Hel-Thelier, des compétences sont acquises pendant cette mission de service civique. Elles méritent d'être valorisées, en particulier auprès des employeurs éventuels. Au-delà, nous travaillons avec un certain nombre de grands acteurs qui accompagnent le jeune volontaire pendant sa mission de service civique afin de l'aider à construire son projet professionnel. La vocation du service civique n'est pas de conduire vers l'emploi, ce n'est pas un dispositif d'insertion dans l'emploi, mais c'est vraiment un dispositif d'engagement. Nous ne devons pas le dévoyer, je suis très vigilante sur ce point. Pour autant, tout l'apport du service civique pour un jeune, en particulier un jeune qui a décroché, est de pouvoir être accompagné dans l'élaboration de son projet professionnel, notamment grâce à la mise en place d'un tutorat. Ma mission est de m'assurer qu'à la fin de son service civique le jeune ne retrouvera pas livré à lui-même.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Vous dites que vous êtes attentive à ce que les jeunes en service civique n'occupent pas des emplois, mais dès lors que le Gouvernement en accroît considérablement le nombre juste après avoir fait quasiment disparaître les emplois aidés, n'y a-t-il pas un risque que le service civique remplace les anciens emplois aidés ?

Mme Emmanuelle Pérès. - Ce risque existe depuis le début, ce nouveau statut de volontariat doit trouver sa place particulière pour renforcer les associations, sans y occuper des emplois. Nous y sommes très vigilants, les missions sont étudiées en amont, nous avertissons les partenaires qu'elles ne doivent pas correspondre à des postes d'emploi, l'Agence du service civique s'est dotée d'outils pour exercer un contrôle précis. Pour avoir participé au conseil d'administration de cette agence, je peux témoigner qu'elle y est très vigilante, il y va de l'avenir du service civique.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Le jeune en service civique a un statut de volontaire, il n'a donc pas droit au chômage ; les missions durent huit mois qui doivent s'exercer en continu, sans interruption.

Mme Emmanuelle Pérès. - La mission peut être séquentielle lorsque cela se justifie, c'est le cas par exemple pour les étudiants.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - La durée doit être de 24 à 48 heures sur six jours pour une rémunération de 480 euros nets, soit 4,14 euros de l'heure - c'est peu, d'autant que le Gouvernement présente le service civique comme un outil d'émancipation.

Mme Emmanuelle Pérès. - Certes, mais le service civique est un volontariat rétribué, ce n'est pas un emploi assorti d'un salaire.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - On peut l'entendre, mais encore faut-il que le contingent reste modeste. Dès lors que les jeunes y seront bien plus nombreux, n'y a-t-il pas le risque d'une substitution ?

Mme Emmanuelle Pérès. - Les associations demandent l'extension, jusqu'à même rendre le service civique obligatoire, en particulier dans l'éducation populaire. Elles y trouvent certes leur intérêt, mais pour les jeunes aussi le service civique est une expérience intéressante. Nous donnons consigne à l'Agence du service civique de la plus grande vigilance vis-à-vis de ce risque de substitution à l'emploi ; nous veillons également à ce que les associations les plus modestes aient accès au service civique.

M. Michel Bonnus. - Il faut communiquer sur les dispositifs, nous devons être complémentaires et informer tout le monde : je vais m'y employer, c'est décisif.

Mme Sylvie Hel-Thelier. - Effectivement, nous nous y employons également, en particulier dans le dispositif « La boussole des jeunes ».

M. Michel Bonnus. - Nous aurions dû parler de tout cela avant de voter comme nous l'avons fait contre le port du voile pour les accompagnantes scolaires - je me suis pour ma part abstenu. Car les accompagnantes sont indispensables, elles sont une source d'information incomparable, un lien avec bien des familles, des fratries, et en leur refusant l'accompagnement, nous nous privons en réalité d'un lien très important, d'une confiance qui est indispensable - sans compter que si nous manquons d'accompagnants, les enfants ne sortiront plus de l'école, de leur quartier, ils n'iront plus à la piscine ni aux activités culturelles. Je le dis sans détour : dans mon canton, à Toulon, je compte au moins une vingtaine d'écoles où interdire aux accompagnantes de porter le voile, c'est s'interdire d'avoir des accompagnantes tout court, avec pour conséquence que les enfants ne participeront plus aux activités extérieures à l'école, mais également que nous couperons un lien avec bien des familles de ces quartiers et que nous préparerons plus de difficultés à l'avenir.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - J'en suis bien d'accord, même si ce n'est pas le débat d'aujourd'hui.

M. Michel Bonnus. - J'entends bien, mais les questions sont étroitement liées.

M. Jean Hingray, président. - Je me réjouis, comme centriste, que notre mission réconcilie la gauche et la droite...

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse sera-t-il pérennisé ?

Mme Emmanuelle Pérès. - Nous y travaillons, notre objectif est bien de le pérenniser. Il s'agit de faire émerger l'innovation, de l'évaluer et de la partager. Nous avons acquis une expertise et une ingénierie dans la capacité à mesurer l'impact d'expérimentations portées par les acteurs du territoire et à les généraliser lorsqu'elles marchent. Il est important que l'Etat soutienne des démarches innovantes, assorties d'évaluation.

Mme Monique Lubin, rapporteure. - Qu'en est-il du programme d'investissement d'avenir qui avait financé des projets innovants en faveur de la jeunesse ?

Mme Emmanuelle Pérès. - C'était dans le même esprit, avec un autre circuit de financement. Nous nous adapterons quel que soit le canal de financement.

M. Jean Hingray, président. - Merci pour toutes ces informations.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 15.