Mercredi 12 mai 2021

- Présidence de M. Jean-Marc Boyer, président -

La réunion est ouverte à 13h35.

Audition de MM. Victor Grammatyka, président de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), Thierry Defaix, vice-président, et Laurent Carles, directeur

M. Jean-Marc Boyer, président. - Mes collègues membres de la mission d'information et moi-même sommes convaincus que l'enseignement agricole représente une chance pour de nombreux jeunes ainsi qu'un outil essentiel pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires. En effet, il constitue un atout indispensable pour relever le défi lié au renouvellement des générations au sein de l'agriculture française et lui permettre de répondre aux enjeux de demain.

Plus largement, l'enseignement agricole représente également un atout indispensable pour les territoires ruraux. Nous n'oublions pas en effet que l'animation et le développement des territoires font partie des missions de l'enseignement agricole, celui-ci ne formant pas uniquement aux métiers de l'agriculture. À cet égard, la part de jeunes formés aux métiers de services est aujourd'hui très importante.

L'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP) dispose de racines anciennes, puisqu'elle trouve son origine dans l'association pour le développement de l'apprentissage agricole et horticole des petits métiers ruraux, créée en 1925 par Louis Ferdinand Dreyfus. Dès l'origine, votre association a adopté une ligne humaniste et a cherché à fournir aux jeunes une formation humaine autant que professionnelle. Ce projet se retrouve dans vos idées-forces. Vous représentez aujourd'hui une centaine d'établissements.

Au cours de nos travaux, nous souhaitons analyser comment l'enseignement agricole, technique et supérieur, doit répondre aux besoins des filières agricoles et alimentaires afin de leur permettre de relever les défis auxquels elles sont confrontées, qu'il s'agisse de produire, de transformer ou de vendre.

Nous souhaitons évaluer la capacité de l'enseignement agricole à remplir aujourd'hui les cinq missions qui lui sont confiées par la loi, notamment au regard des contraintes qui pèsent sur lui.

La première d'entre elles est probablement la contrainte budgétaire. Pour pouvoir pleinement remplir son rôle, l'enseignement agricole, dans sa diversité, doit disposer des moyens qui lui permettent de fonctionner correctement. Notre rapporteure, Nathalie Delattre, nous avait alertés à ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Je propose que vous nous présentiez pendant 10 à 15 minutes votre vision des enjeux, ceci à partir du questionnaire qui vous a été adressé par notre rapporteure. Je donnerai ensuite la parole à cette dernière afin qu'elle puisse vous poser un certain nombre de questions, puis à mes collègues qui le souhaitent.

Monsieur le président Grammatyka, je vous cède la parole.

M. Victor Grammatyka, président de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP). - Monsieur le président, Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, je vous remercie pour vos propos introductifs positifs sur l'enseignement agricole. Votre bref retour historique sur notre fédération m'évitera également de vous en faire la lecture.

Je suis venu accompagné de M. Thierry Defaix, vice-président, et de M. Laurent Carles, directeur de notre fédération, qui m'assisteront pour répondre à vos questions.

L'UNREP est l'une des quatre « familles » de l'enseignement agricole avec le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP), l'enseignement public et les maisons familiales rurales (MFR). Elle accueille aujourd'hui plus de 10 000 apprenants, dont 5 500 élèves et 2 600 apprentis. Elle représente environ 10 % des effectifs des établissements privés de l'enseignement agricole.

Elle agrège une vaste diversité d'adhérents : des collectivités, comme la ville de Paris avec l'école Du Breuil, de grandes fondations comme les Apprentis d'Auteuil, des associations plus modestes qui gèrent un ou plusieurs établissements, ou encore des chambres consulaires. Notre fédération présente également la particularité de pouvoir accueillir tous ceux qui souhaitent bénéficier de nos services.

L'UNREP englobe près de soixante adhérents et quatre-vingts structures qui couvrent la quasi-totalité des secteurs d'enseignement liés aux activités agricoles. Nos établissements sont implantés sur l'ensemble du territoire national en métropole. Ils dispensent des formations dans le cadre de la formation initiale, comme dans ceux de la formation par l'apprentissage et de la formation continue. L'UNREP regroupe des établissements sous contrat dans le cadre du temps plein, au titre de l'article L. 813-8 du code rural, à l'instar de nos collègues du CNEAP. À ce jour, nous comptons 17 établissements de ce type. Elle rassemble également des établissements dits du « rythme approprié », au titre de l'article L. 813-9 du code rural, comme nos collègues des MFR. L'UNREP comprend actuellement 23 établissements sous ce type de contrat avec l'État.

Les publics que nous accueillons sont très divers. Nous recevons un grand nombre de jeunes fragilisés par des parcours de vie chaotiques. Nos apprenants s'inscrivent dans un continuum d'enseignement allant de la classe de quatrième aux formations supérieures. Nos approches pédagogiques innovantes font la part belle au « faire pour apprendre ». Cette pédagogie se décline sur l'ensemble des filières et niveaux de formation agricole. Nous comptons, par exemple, un internat qui possède une véritable vocation d'éducation à la citoyenneté et s'inscrit dans le respect de l'environnement.

Cette culture multiforme permet à la fédération et à ses adhérents d'adapter les parcours de formation proposés, en lien étroit avec les territoires, les autorités tutélaires, sans oublier les collègues des autres familles. Nous apportons ainsi les meilleures réponses pour construire l'avenir de nos apprenants.

Nous travaillons depuis de nombreuses années dans un cadre contraint, mais avec le désir d'un dialogue transparent. Cependant, les appréciations de nos coûts ne prennent pas en compte nos réalités, notamment le schéma négatif de l'emploi. Tous nos établissements se situent déjà en deçà du minimum requis, avec une sous-dotation qui équivaut en moyenne à deux postes.

De même, la définition du périmètre des coûts, pour le calcul des attributions financières, ne prend pas en compte les postes de chef d'exploitation, de directeur ou de directeur-adjoint qui restent à la charge des établissements. Les restes à charge en matière d'investissements, qu'il s'agisse de l'immobilier ou des plateaux techniques, ne sont pas non plus intégrés dans le calcul des coûts à l'élève, alors qu'ils pèsent sur l'équilibre financier des établissements.

Le soutien des régions en matière d'investissement s'avère très hétérogène en fonction des territoires. Il peut dépasser les 50 % dans certaines régions, mais se résumer à des sommes modiques dans d'autres. Nous demandons à cet égard qu'une convention-cadre puisse être élaborée avec Régions de France afin qu'une équité de traitement puisse être assurée entre les institutions publiques et privées.

Les établissements de l'UNREP sont majoritairement implantés en milieu rural. Ils sont des acteurs économiques et des animateurs de la vie locale reconnus dans les territoires. Ils constituent de forts pourvoyeurs d'emplois et se situent au plus près des besoins de formation des bassins d'emplois territoriaux.

Historiquement, les propositions de formations sont harmonisées et régulées à l'échelle régionale sous l'autorité des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), en lien étroit avec les régions, les rectorats et les familles de l'enseignement agricole.

Dans votre questionnaire, il était question d'une concurrence entre nos établissements et l'Éducation nationale (EN). L'harmonie avec cette dernière est plus ou moins de mise en fonction des territoires. La crise démographique aidant, les propositions de formation développées par l'Éducation nationale dans les secteurs d'implantation de l'enseignement agricole nous font concurrence. En atteste, par exemple, le baccalauréat professionnel de l'Éducation nationale intitulé « services et animation petite enfance et personnes âgées », qui concurrence directement la formation « services aux personnes et aux territoires » (SAPAT) de l'enseignement agricole.

Nous pouvons également évoquer la difficulté récurrente à laquelle se heurte l'ouverture de l'orientation des apprenants vers les formations de l'enseignement agricole. Pour améliorer cette situation, nous sollicitons régulièrement les instances pour que les familles de l'enseignement agricole soient présentes lors des réunions de bassins. Nous sommes souvent interpellés afin de proposer des innovations pédagogiques permettant de lutter contre le décrochage scolaire. En revanche, on oublie parfois de faire appel à nous lorsqu'il s'agit de travailler sur la prospective.

Nous souhaitons contribuer à l'effort d'identification attractive des formations de l'enseignement agricole. Lorsque l'on se réfère à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, du 5 septembre 2018, force est de constater la libéralisation de l'offre de formation. La fédération encourage les établissements à développer les trois champs de formation que sont la formation initiale scolaire, en temps plein ou en rythme approprié, l'apprentissage et la formation continue. Nous veillons à formuler des propositions adaptées aux situations individuelles des apprenants, sans privilégier un parcours plutôt qu'un autre. La fédération accompagne aussi ses adhérents dans la certification Qualiopi.

La confirmation d'une logique d'acquisition des compétences et la promotion de la formation par l'alternance (avec la promotion des entrées et sorties permanentes) viennent se heurter à une logique de parcours et de progression pédagogique, si individualisés soient-ils. Sur ce volet, nous devons rester vigilants s'agissant des hausses d'entrées en lien avec la saisonnalité des emplois. Nous avons sur ce point un besoin vital de lisibilité sur les impacts à moyen et long terme de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que l'UNREP est connue et reconnue pour ses innovations pédagogiques au bénéfice des publics accueillis, en particulier des publics fragiles. Le « faire pour apprendre » est primordial pour les jeunes des classes de quatrième et de troisième. La pédagogie inversée et les intelligences multiples sont des concepts de plus en plus convoqués par nos équipes pour éveiller les apprenants aux évolutions des mondes agricoles, des tâches de base à l'introduction de nouvelles technologies.

À travers votre questionnaire, vous nous avez notamment interrogés sur les auxiliaires de vie scolaire (AVS), les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ou sur le projet d'école gratuite Hectar, autant de sujets qui nous intéressent fortement et qu'au besoin, nous aborderons volontiers dans la suite du débat.

Concernant la nécessité de communiquer sur l'attractivité des formations de l'enseignement agricole auprès des acteurs de l'orientation et de l'Éducation nationale, je vous réitère notre intérêt sur ce sujet.

Je solliciterai bien sûr votre appui pour la nécessaire reconduction des moyens alloués à nos dispositifs et suggérer le gel du schéma négatif de l'emploi. Nous l'avons évoqué à maintes reprises, à la suite des impacts de la crise sanitaire. Une telle mesure pourrait aider nos établissements à se remettre en ordre de marche.

Pour terminer, je vous demande de bien vouloir nous aider à convaincre les décideurs qu'ils doivent considérer l'éducation en général, et l'enseignement agricole en particulier, comme un investissement indispensable pour préparer l'avenir et non simplement comme une ligne de charges analysée en termes de rentabilité. Ce message s'adresse tout particulièrement aux fonctionnaires de Bercy.

Je vous remercie de votre aimable attention. Mes collègues et moi-même sommes disposés à répondre à toutes vos questions.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Nous partageons tout à fait votre message et votre conclusion. Nous les avons déjà relayés lors du dernier projet de loi de finances et nous souhaitons continuer à le faire.

Je souhaiterais vous poser quelques questions à la suite de vos propos. En particulier, pourquoi ne parvenez-vous pas à obtenir une convention-cadre?? Quelle réponse est donnée à cette demande régulière de votre part?? Pensez-vous que l'État ait la volonté d'inverser la répartition actuelle des apprenants au sein de l'enseignement agricole, 40 % d'entre eux étant accueillis par des établissements publics, contre 60 % par des établissements privés ? Avez-vous pu bénéficier des fonds exceptionnels débloqués en réponse à la crise, dans le cadre de la grille dite « P1, P2, P3 »?? Pouvez-vous nous donner des exemples d'établissements ayant pu recevoir une aide rapide sur ces fonds??

Je souhaiterais revenir avec vous sur l'orientation et sur l'image de l'agriculture. Comment parvenez-vous à « remplir » vos formations?? Intervenez-vous dans les collèges environnants pour y présenter vos cursus?? Pensez-vous qu'aujourd'hui, la communication autour de l'enseignement agricole est à la hauteur? des enjeux ? Disposez-vous véritablement des moyens d'adapter votre enseignement aux enjeux de demain et aux demandes des jeunes qui souhaitent produire, transformer et vendre différemment??

M. Thierry Defaix, vice-président de l'UNREP. - Nous avons la possibilité, tous les quatre ans, de discuter d'un protocole national de financement avec le ministère de l'agriculture. Nous sommes satisfaits de nous inscrire ainsi dans un dialogue ouvert avec les interlocuteurs de ce ministère.

Dans ce cadre, les chiffres sont évoqués de manière transparente. Nous regrettons toutefois que toutes nos dépenses ne soient pas considérées comme elles le sont chez nos collègues du secteur public. À cet égard, je voudrais effectuer un distinguo sémantique entre les secteurs privé et public. De notre côté, nous sommes des établissements privés associatifs et non commerciaux. Cela signifie que nos établissements fonctionnent sous l'impulsion et grâce à l'énergie d'administrateurs bénévoles qui donnent de leur temps pour une cause en laquelle ils croient. Or une confusion est trop souvent commise avec le secteur privé commercial dans le cadre duquel des actionnaires retireraient un intérêt de leur investissement. En réalité, nous assurons tous une mission de service public, au service des jeunes en premier lieu.

Seule une fraction de nos dépenses est prise en compte dans le cadre des conventions. Les investissements n'en font pas partie. À titre d'exemple, les investissements dans un établissement public qui accueille 800 apprenants représentent de l'ordre de 50 euros par apprenant. Dans un établissement comme le mien, qui compte le même nombre d'élèves, nous sommes sur une base de 1 000 euros par apprenant. Cet écart s'explique tout simplement par le poids de l'immobilier et des infrastructures : ce poids est à notre charge quand, chez nos collègues du secteur public, il incombe à la collectivité régionale.

Comme le président de l'UNREP l'a évoqué, certains postes de direction d'exploitation et d'encadrement intermédiaire ne sont pas non plus retenus dans nos dépenses. Je vais là encore user de la force de l'exemple : alors que nous accueillons le même nombre d'apprenants que notre homologue alsacien implanté à 80 kilomètres, celui-ci peut s'appuyer sur un personnel de 190 agents (personnel propre et agents mis à disposition par la région) quand nous ne sommes que 140. Nous exerçons pourtant la même mission.

Les conventions que nous avons conclues permettent, certes, un dialogue très ouvert et dont nous apprécions la qualité, mais elles sont fondées sur des échelles qui ne sont pas les mêmes.

Je voudrais insister sur la deuxième dimension du financement dans nos établissements. En formation initiale scolaire, en apprentissage ou en formation professionnelle continue, une part de ce financement est prise en charge par les collectivités régionales. En ce qui nous concerne, les subventions qui peuvent nous être allouées dans ce cadre le sont sur des taux allant de 20 % à 80 %, mais sur des bases souvent partielles. En revanche, les conseils régionaux financent intégralement les infrastructures de nos collègues. Un réel écart se creuse ainsi entre nos établissements.

Le mois dernier, le conseil régional Grand Est a voté une subvention de 56 millions d'euros en faveur de 12 fermes d'établissements agricoles publics, ceci sur la base d'une idée qui me semble formidable : ces exploitations agricoles doivent devenir en quelque sorte une vitrine au service de la promotion d'une agriculture moderne. Malheureusement, ce type d'accompagnement n'existe pas pour les établissements associatifs. Nous devons donc trouver, grâce à notre imagination, nos propres moyens ou bien courir le risque de nous retrouver disqualifiés dans notre capacité à montrer une agriculture moderne, entreprenante, qui s'empare des enjeux écologiques et des enjeux d'avenir.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Comment assurez-vous votre équilibre financier si vous ne bénéficiez pas de ces aides régionales?? De quelle manière trouvez-vous les subsides nécessaires pour faire fonctionner vos établissements??

M. Thierry Defaix. - Nous répondons à des appels d'offres, quelle qu'en soit l'origine. Par exemple, au sein de mon établissement, nous venons de refaire une pépinière grâce à la Fondation du Patrimoine. Nous avons également pu restaurer notre animalerie grâce à un appel d'offres sur des fonds de l'apprentissage. De même, nous avons pu rénover un internat de filles grâce à l'aide du programme pour les investissements d'avenir (PIA).

Nous sommes tenus, dans nos fonctions, de mener une veille sur toutes les possibilités de financement qui peuvent nous aider à amorcer nos initiatives. Nous sommes également obligés de faire appel à la contribution des familles pour répondre à nos besoins, que, fatalement, nous situons à un niveau plus faible que chez nos collègues.

M. Laurent Carles, directeur de l'UNREP. - Nous savons à quel point l'enseignement agricole est passionnant dès lors que l'on est amené à évoluer en son sein, tant dans le cadre de formations que dans celui d'une activité professionnelle.

Effectivement, tout repose en dernier lieu sur les contributions des familles au reste à charge. Toutefois, en la matière, nous ne pouvons aller au-delà d'un certain montant, sans quoi cela serait insoutenable financièrement pour lesdites familles. Cela crée, dans les faits, une iniquité entre nos collègues du public et nous-mêmes.

Les disparités que nous constatons selon les régions peuvent être très importantes. A minima, il semblerait opportun qu'intervienne au niveau national une harmonisation d'accompagnement et/ou d'aide financière auprès de nos établissements, de la même manière et à la même hauteur, quelles que soient les régions. La crise sanitaire de la covid-19 a malheureusement entravé nos démarches en ce sens.

Si une impulsion pouvait être donnée par une convention-cadre, celle-ci devrait ensuite se diffuser à l'échelle des territoires et être réellement mise en oeuvre.

M. Victor Grammatyka. - Dès que nous rencontrons le conseiller du ministre, nous évoquons ce sujet avec lui. Nous sollicitons également une rencontre avec le président de l'Association des régions de France, mais nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse favorable.

Notre faculté à capter l'attention des jeunes collégiens varie selon les territoires. Dans certains départements, certains de nos collègues parviennent à mener des campagnes de promotion au sein des collèges et lycées environnants. Sur le secteur des Hauts-de-France par exemple, la situation est nettement plus difficile. Pourtant, une convention-cadre a été signée entre l'Éducation nationale, l'enseignement agricole et l'Association des départements de France, afin d'effectuer la promotion de nos enseignements et d'orienter les jeunes vers ceux-ci.

Il y a quelques années, la volonté d'inverser la tendance en matière de répartition des apprenants entre établissements privés et publics (le ratio 60/40) était clairement affichée, par exemple dans les Hauts-de-France, encore une fois. Dans les faits, les régions attribuent une enveloppe d'investissements de 50 000 euros sur trois ans pour un établissement. Avec un tel montant, celui-ci n'a donc d'autre solution que de faire des choix. Pourtant, lorsque j'ai interpellé à ce sujet la vice-présidente actuelle des Hauts de France, elle m'a opposé que le précédent président de la région avait débloqué 60 millions d'euros en vue de créer un établissement public à Lille et qu'elle devait gérer cette dette. Face à de tels arguments, il devient extrêmement difficile de déposer des projets.

M. Jean-Marc Boyer, président. - De quelle manière vous différenciez-vous pour être attractifs par rapport aux autres établissements?? Comment suscitez-vous l'intérêt des familles et des élèves??

M. Laurent Carles. - Nous subissons malheureusement l'image négative du monde agricole. Au sein de notre établissement, nous déployons au maximum tous les outils de communication susceptibles de nous aider sur notre territoire, qu'il soit local, départemental, régional, voire national. Ces outils sont de plusieurs ordres : sites internet, forums, réunions au sein des collèges de l'Éducation nationale, réseaux sociaux. Néanmoins, toutes ces actions ont un coût. Un établissement doit malheureusement effectuer des choix dans le cadre de son pilotage stratégique budgétaire et ces choix s'opèrent souvent au détriment de la communication.

Mme Pascale Gruny. - Compte tenu de la différence de coût qui existe entre vos établissements et leurs homologues publics, comment les familles en viennent-elles à se tourner vers vous ?

M. Laurent Carles. - Le premier vecteur de communication est le bouche-à-oreille. Celui-ci vient souligner que, sur un plan pédagogique, éducatif et social, nous apportons une réelle valeur ajoutée dans l'accompagnement de nos jeunes. Les sites Internet et les réseaux sociaux constituent ensuite notre deuxième vecteur de communication, suivis par les forums et les réunions auxquels nous participons. Dans ces conditions, il est important que le rayonnement de nos établissements s'appuie sur nos apprenants qui intègrent et accompagnent nos nouvelles recrues au sein de nos structures.

Nous nous différencions également par notre prise en charge du jeune tel qu'il est. Nous partons du principe que chaque jeune est un être en devenir et qu'il est indispensable de lui laisser la chance de pouvoir exprimer son potentiel. L'expression de ce potentiel peut s'opérer par un certain nombre de vecteurs y compris en termes d'intelligences multiples.

Dans chaque établissement, les équipes vont s'adapter au jeune, et non l'inverse. Nous sommes en mesure d'accompagner, de soutenir et de promouvoir plusieurs parcours de formation et d'accueillir des jeunes qui nous rejoignent à partir de la quatrième, de la troisième, du CAP comme du BTS. Certains d'entre eux peuvent ainsi passer six ans dans un même établissement. Quand ils le quittent, ils disposent des compétences nécessaires pour intégrer le monde professionnel et/ou poursuivre leurs études.

M. Victor Grammatyka. - Tous nos établissements participent à l'animation du territoire. Nous sommes partie intégrante de toute manifestation opportune à l'occasion de laquelle on vient parfois nous solliciter pour mener des activités d'animation sur des thématiques extrêmement diverses. Cela nous permet également de nous faire connaître. Les familles qui ont ainsi pu nous croiser reviennent ensuite vers notre établissement pour que leurs enfants y suivent nos formations.

Mme Nadia Sollogoub. - Merci, Monsieur le président, merci Messieurs. Je souhaiterais évoquer une autre dimension très importante : celle du maillage territorial. Bien souvent, les élèves sont dirigés vers vos établissements en raison de leur proximité avec nos territoires ruraux. Pour certaines familles, il serait en effet délicat d'envoyer leurs enfants étudier plus loin.

Le département de la Nièvre, dont je suis l'élue, a failli voir disparaître un établissement d'enseignement qui rencontrait d'importantes difficultés financières. Cet établissement a cependant pu être sauvé grâce à notre mobilisation et à l'argent versé par les Soeurs de la Charité. Nous nous sommes battus pour conserver cet établissement, précisément en raison de sa proximité et parce que nous avons besoin de formations agricoles sur notre territoire.

Actuellement, nous constatons toutefois qu'il est difficile d'ouvrir de nouvelles filières adaptées aux demandes des jeunes ou aux exigences de la profession. Pensez-vous que nous sommes entendus lorsque nous exprimons ce besoin de créer de nouvelles filières ? Avez-vous les moyens de répondre aux demandes des jeunes sur les territoires??

M. Laurent Carles. - Il s'avère difficile de faire coïncider les attentes et demandes des jeunes et celles du monde professionnel. De ce point de vue, nous relevons souvent un écart considérable dans certaines filières, comme l'horticulture qui n'attire plus. Pour autant, nous maintenons cette offre de formation parce qu'elle répond à un besoin présent sur les territoires, même si nous ne parvenons plus à attirer les jeunes. L'ensemble des acteurs a néanmoins pris conscience de cet état de fait. Une démarche a été impulsée pour rénover un certain nombre de diplômes et adapter l'offre de formation. Les acteurs concernés doivent revoir les codes et les intitulés des diplômes pour qu'ils soient plus clairs, plus précis, mais aussi plus attrayants pour les jeunes. Je pense particulièrement à l'ensemble des projets de nouvelles formations en lien avec les métiers émergents, l'environnement et l'agroécologie. Des réflexions émergent du terrain : on constate un réel souhait de faire coïncider les attentes des jeunes avec les besoins du monde professionnel.

Mme Nadia Sollogoub. - Le ministère accompagne-t-il l'ouverture de ces nouvelles filières qui correspondent aux attentes des jeunes?? Ou bien les heures d'enseignement sont-elles maintenues sur des filières qui n'attirent plus??

M. Laurent Carles. - Les exemples que je vous ai cités renvoient à des formations qui existent déjà et que les établissements peuvent dès à présent mettre en oeuvre. De leur côté, certaines filières, telles que l'horticulture, rencontrent effectivement des difficultés à pourvoir leurs effectifs, mais les établissements ont tout de même souhaité les conserver dans leur offre de formation. Dans ce sens, ils sont prêts à les adosser à d'autres parcours pour que cet effort soit financièrement supportable. Quoi qu'il en soit, on constate une réelle volonté de réviser l'offre de formation de l'ensemble des établissements pour répondre au mieux aux attentes des professionnels et des jeunes.

Mme Pascale Gruny. - Je suis sénatrice de l'Aisne, dans les Hauts-de-France, et j'ai bien entendu ce que vous avez dit s'agissant de cette région. Je connais bien le président de cette dernière et je suis déjà intervenue auprès de lui en faveur d'investissements dans des lycées agricoles. Nous avons alors eu gain de cause.

De votre côté, arrivez-vous à « remplir » vos lycées?? Qu'en est-il du taux de réussite aux examens?ou du taux d'insertion professionnelle?? Parvenez-vous à autofinancer vos machines agricoles ou vous heurtez-vous à des difficultés à ce niveau?? Il a également été question de la durée du baccalauréat professionnel (trois ans au lieu de quatre). S'agit-il d'une difficulté pour vous?? Par ailleurs, comment la crise sanitaire vous a-t-elle impactés?? Enfin, le recrutement des professeurs est-il difficile??

M. Victor Grammatyka. - En matière de réussite aux diplômes et aux examens, nous affichons des taux qui se situent dans la fourchette haute, voire au-delà des taux nationaux. Près de 80 % de nos élèves sont insérés dans le monde professionnel, un an après la fin de leurs études. Ce résultat contribue d'ailleurs à expliquer pourquoi les familles nous confient leurs enfants.

S'agissant du financement des plateaux techniques, nous bénéficiions habituellement de la taxe d'apprentissage. Cependant, celle-ci est maintenant « désuète ». Il nous faut donc redoubler d'imagination pour renouveler notre matériel. Par exemple, l'un de nos enseignants est spécialisé dans le pilotage de drones et nous avons dû faire appel à des donateurs pour faire l'acquisition de ce type d'engins.

Je voudrais également évoquer notre capacité à faire redécouvrir aux jeunes des métiers comme le maraîchage. Au sein de mon établissement, nous avons installé une maraîchère qui cultive ses plantations de manière biologique et accueille des jeunes de quatrième ou de troisième pour leur faire découvrir ce nouveau métier. Nous avons également conçu un module d'insertion professionnelle pour que les jeunes suivant une formation SAPAT puissent aller vendre leurs produits. Nous avons la chance de compter un certain nombre de nos étudiants qui, après leur formation, montent leur propre entreprise.

Mme Marie-Pierre Monier. - Que pouvez-vous nous dire au sujet des AVS et des AESH?? Pouvez-vous nous parler des formations que vous proposez aux équipes de direction ainsi qu'aux équipes pédagogiques et éducatives?? Avez-vous des améliorations à proposer??

M. Laurent Carles. - Le sujet des AESH constitue une arlésienne. Nous accueillons, vous l'aurez compris, un grand nombre d'étudiants aux profils spécifiques qui doivent être accompagnés au mieux afin de réussir leur parcours de formation et leur insertion professionnelle. De même, nous n'avons de cesse de constater une augmentation du nombre de jeunes en situation de handicap qui nous rejoignent. Là encore, nous devons pouvoir les accompagner et nous devons le faire dans le privé avec les AVS, à l'instar des AESH. Au sein de nos établissements, les AVS sont bien souvent reconduits dans leurs postes d'une année sur l'autre. Ils nous ont rejoints dans le cadre d'un CDD, puis, après avoir constaté que tout se passait correctement, nous avons pu les conforter dans leur poste.

Le passage au statut d'AESH, adossé à un contrat privé, nous permettrait certes d'obtenir le financement à 100 % de ces charges. Cependant, qu'en est-il de nos responsabilités?? Ces AVS évolueraient en effet vers un statut plus précaire que celui dont ils bénéficient aujourd'hui à travers leur CDI. Un contrat en AESH correspond à un CDD de trois ans renouvelable une fois, soit une durée totale de six ans. Il s'agit ainsi d'un statut précaire alors qu'à ce jour, la plupart d'entre eux disposent d'un CDI.

Alors que nous cherchons à mettre en oeuvre une démarche de dé-précarisation, de fidélisation et à assurer une continuité de leur activité au plus près des jeunes, nous ne pouvons que regretter cette situation. Une expertise est en cours. Il est nécessaire de trouver une solution.

M. Thierry Defaix. - Dans l'accompagnement du handicap, nous sommes confrontés à un paradoxe extrêmement choquant. Dans ce domaine, nous accompagnons des emplois précaires : il y a encore trois ans, nous étions obligés de remercier la personne en poste pour pouvoir recourir à un nouveau contrat aidé. Qui plus est, une telle pratique me paraît quasiment injurieuse vis-à-vis de ces personnels car elle peut donner à penser qu'ils exercent des métiers qui ne requièrent pas de compétences. Or la qualité du travail accompli par ces personnes qui accompagnent des jeunes en situation de handicap est manifeste. Malheureusement, cette évidence se heurte à des textes qui ne reconnaissent pas cette compétence spécifique pourtant si précieuse.

M. Laurent Carles. - Nous rencontrons de nombreux problèmes pour recruter des enseignants. Lorsque nous y parvenons, il s'agit bien souvent de jeunes recrues qui soit s'inscrivent dans une démarche dans la durée, soit considèrent cet emploi comme un tremplin et décident de partir deux à trois ans après. Dans ces conditions, nos équipes doivent renouveler régulièrement l'investissement que demande l'accueil de ces enseignants.

Par exemple, les professeurs de mathématiques de même que ceux d'anglais ou certains profils techniques ou professionnels, dont le machinisme agricole, sont aujourd'hui très recherchés par les établissements. Malheureusement, nous sommes confrontés à une crise des vocations. De nombreux jeunes estiment qu'enseigner n'est plus aussi bien valorisé ou valorisant et s'avère encore moins rémunérateur. Dès lors, de moins en moins de jeunes professeurs, même s'ils sont passionnés à leurs débuts, sont prêts à rester dans nos établissements sur le long terme. Pour dire les choses simplement, ils ne s'y retrouvent pas financièrement.

Depuis quelques années maintenant, nous alertons à ce sujet la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) et le ministère. Nous aspirons à redonner de réelles valeurs à l'enseignement et aux enseignants.

M. Serge Mérillou. - Je voudrais revenir sur les financements des conseils régionaux. J'ai le sentiment qu'il existe dans ce domaine des disparités considérables entre les régions. Est-ce parce que vous ne disposez pas d'interlocuteurs parmi les élus de certaines régions ou parce que, les uns et les autres, vous vous situez sur des positionnements idéologiques différents??

Je suis élu d'un département rural, la Dordogne, qui manque de main-d'oeuvre qualifiée dans de nombreux domaines. Certes, il existe des offres de formations agricoles, mais ces formations sont insuffisantes pour les métiers en périphérie. Il me semble donc que vous auriez une carte à jouer à ce niveau. De nombreux métiers, notamment dans les services à la personne, manquent cruellement de jeunes recrues et devraient ainsi pouvoir compter sur des établissements à même de les former.

M. Victor Grammatyka. - Merci Monsieur le sénateur. Comme je l'ai évoqué plus tôt, nous disposons bel et bien d'une interlocutrice au sein de la région Hauts-de-France. Cependant, quand, dans les faits, cette interlocutrice fait valoir qu'en raison des dettes qu'elle a contractées, la région ne dispose plus d'argent pour financer de nouveaux projets, la situation n'est guère évidente. Celle-ci serait beaucoup plus simple s'il existait une ligne politique claire. Par exemple, nos collègues de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont davantage aidés et mieux accompagnés que nous ne le sommes.

M. Serge Mérillou. - Pensez-vous que le positionnement idéologique des régions est ici en cause ?

M. Victor Grammatyka. - De mon point de vue, oui.

M. Serge Mérillou. - Je ne suis pas sûr qu'une convention nationale engage les régions.

Mme Pascale Gruny. - Je n'ai pas obtenu de réponses à mes questions relatives au baccalauréat professionnel et à l'impact qu'a pu avoir la crise sanitaire sur vos établissements.

M. Laurent Carles. - Nous devons également vous apporter une réponse sur les aides que nous avons reçues. Pour les cinq établissements de l'UNREP concernés, ces aides ont représenté 278 000 euros. De longs allers-retours ont d'abord eu lieu en amont pour classer nos établissements en rang un, deux, trois ou quatre, par ordre de priorité. Certes, cinq d'entre eux ont été accompagnés et considérés comme prioritaires financièrement pour recevoir une aide de rang un. Pour autant, il convient de ne pas oublier ceux qui se trouvaient en rang deux, trois ou quatre.

Nous pouvons également nous interroger sur la volumétrie globale de cette aide d'environ dix millions d'euros et sur sa répartition entre établissements publics et privés, notamment au regard du ratio 60/40 que nous avons déjà évoqué.

Il nous appartiendra, et nous l'avons déjà fait, de relancer les services et de les alerter sur l'impact de la crise sanitaire. Cet impact se manifestera à travers la baisse éventuelle de nos recrutements, en raison de l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés d'organiser des journées portes ouvertes dans de bonnes conditions. Cette diminution des recrutements en première année se répercutera ensuite sur les effectifs en deuxième et troisième années. Dès lors, il est indispensable que l'accompagnement des établissements s'effectue dans la durée. Qui plus est, financièrement, les incidences collatérales pourront être beaucoup plus importantes pour un grand nombre de nos structures.

M. Thierry Defaix. - J'ai lu dans le questionnaire que l'évolution de la durée du baccalauréat professionnel ne constituait plus un sujet de débat pour un membre du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). De notre côté, nous nourrissons néanmoins une certaine « nostalgie » pour un parcours, un continuum qui permet d'accompagner les jeunes. À cet égard, un cheminement CAP-BEP-baccalauréat professionnel permettait aux jeunes d'avancer selon des étapes bien marquées.

Avec le passage à trois ans du baccalauréat professionnel, on constate au sein de l'Éducation nationale de fortes réserves à envoyer des jeunes en difficulté vers un CAP. Pour ces interlocuteurs, un CAP doit s'adresser à un public prioritaire. De notre côté, nous ne partageons pas cette vision. De plus, le niveau du BEP, qui existait auparavant, offrait aux jeunes une perspective professionnalisante à partir de laquelle ils pouvaient nourrir une nouvelle ambition.

Nous pouvons toutefois reproduire ce continuum en prévoyant un CAP en deux ans puis un baccalauréat en deux ans également. Toutefois, l'écueil auquel je viens de faire allusion subsiste : un jeune qui sort de troisième est obligé « d'affronter » toutes les autorités de son collège pour retourner dans une formation jugée réservée à un public prioritaire alors qu'il s'agit avant tout d'une formation professionnalisante. Celle-ci peut s'avérer très utile dans la construction d'un jeune, pour l'aider à reprendre confiance en lui et à se concentrer sur un univers professionnel précis.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Vous nous avez expliqué que vos investissements sur la communication pour le recrutement et l'orientation peuvent pâtir des choix budgétaires auxquels sont contraints vos établissements. Cette communication me semble pourtant importante. En particulier, l'enseignement agricole est beaucoup moins présent que les autres enseignements sur les réseaux sociaux alors que ce sont des plateformes très prisées des jeunes. Avez-vous cherché à conduire votre propre communication ou bien à vous regrouper avec les autres acteurs de l'enseignement privé pour essayer de l'organiser ? Cherchez-vous à modifier l'image de l'enseignement agricole?? Quelles sont vos réflexions en la matière ?

M. Victor Grammatyka. - L'UNREP a mis en oeuvre une réflexion avec l'ensemble de ses adhérents pour élaborer un projet fédératif. Dans ce cadre, une grande part a été accordée à la communication puisqu'il s'agit de travailler sur les métiers de demain. Pour les promouvoir, nous réfléchissons, avec notre directeur, à un plan sur trois ans afin que notre communication aille crescendo. Nous allons d'abord tester modestement certaines formules la première année pour ensuite les développer les années suivantes.

M. Laurent Carles. - Les établissements réalisent déjà annuellement de nombreuses actions de communication. En moyenne, entre 15 000 et 40 000 euros y sont dédiés uniquement à la ligne budgétaire « communication ». Pour autant, sur les territoires, des établissements relevant de notre fédération se regroupent et réalisent des actions de communication communes. La fédération participe à la prise en charge de ces coûts à hauteur de 50 %. Certaines initiatives sont donc déjà impulsées et les établissements font tout ce qu'ils peuvent, à leur niveau et sur leur territoire, pour faire parler d'eux le plus largement possible. Néanmoins, nous ne pouvons que constater qu'a priori, cet effort reste insuffisant ou que ces initiatives se heurtent localement à certains freins.

M. Thierry Defaix. - Nous investissons beaucoup dans les réseaux sociaux, les lives ou dans diverses initiatives. Toutefois, la multiplication des supports de communication peut aussi créer une forme de confusion.

À l'échelle de notre département, ce sont les actions de communication menées conjointement avec les autres établissements, privés ou publics, qui se sont avérées les plus efficaces. Quand nous réussissons à mener ces actions à l'échelle d'un territoire, y compris avec les acteurs de l'Éducation nationale, cela se révèle bénéfique.

Dans le département des Vosges, nous y parvenons et nous en tirons tous une grande satisfaction car nous avons le sentiment que cette démarche témoigne d'une véritable qualité de l'accompagnement des jeunes dans leurs choix professionnels. Nous répondons ainsi à la fois aux besoins du territoire et des familles, et renvoyons une image sereine et cohérente des possibilités que nous offrons aux jeunes. Par conséquent, nous ne pouvons que plaider pour que de telles initiatives se généralisent.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Nous vous remercions de votre présence et de l'ensemble des explications que vous nous avez apportées. Celles-ci nous ont éclairés sur votre organisation et vos objectifs pédagogiques.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 14 heures 50.

Audition de MM. François Beaupère, deuxième vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), président de la Chambre régionale d'agriculture des Pays de la Loire, et Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA, président de la Chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Mes chers collègues, notre mission d'information sur l'enseignement agricole, outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires, poursuit aujourd'hui ses travaux en auditionnant des représentants de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).

Je vous rappelle que cette réunion est captée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat, sur lequel elle pourra ensuite être consultée en vidéo à la demande.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui, par visioconférence, M. François Beaupère, deuxième vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, qui est le président de la Chambre régionale d'agriculture des Pays de la Loire, et M. Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA, qui préside la Chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes. Ils sont accompagnés par M. Dominique Bouvier, responsable du service installation-transmission de l'APCA, et M. Enzo Reulet, en charge des affaires publiques.

Je remercie chacun d'avoir accepté de participer à nos travaux.

Avec mes collègues membres de la mission d'information, nous sommes convaincus que l'enseignement agricole représente une chance pour de nombreux jeunes et un outil indispensable pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires.

Les premières auditions de la mission ont cependant fait ressortir des enjeux importants. J'en citerai plus particulièrement quatre qui me paraissent essentiels au regard des missions des chambres d'agriculture.

Le premier, c'est l'enjeu de l'orientation et de la connaissance ou de la reconnaissance de l'enseignement agricole, en particulier sur fond d'« agri-bashing ». Je ne doute pas que vous aurez des éléments d'analyse à nous apporter sur ce sujet.

Le deuxième thème concerne le maillage territorial de l'enseignement agricole et sa stratégie de croissance, sur fond de contraintes budgétaires. Nous venons d'ailleurs d'échanger sur ces questions budgétaires avec la direction du budget.

Le troisième thème est central dans la démarche de la mission d'information. Il s'agit de la capacité de l'enseignement agricole à répondre aux besoins des filières agricoles et alimentaires, mais aussi, au-delà, aux enjeux des territoires ruraux. Nos auditions nous ont notamment conduits à évoquer les compétences en matière numérique, de comptabilité ou encore de ressources humaines.

Le dernier thème est la place des filles ou des jeunes femmes au sein de l'enseignement agricole. Nous sommes en effet attentifs aux éventuels stéréotypes dans les choix des filières, à la difficulté qu'elles peuvent rencontrer pour trouver des stages, ainsi qu'à l'égalité des chances dans les débouchés. C'est une question récurrente qui est importante pour l'avenir des filières agricoles et alimentaires.

Messieurs les présidents, je propose que vous puissiez nous présenter votre vision des enjeux, à partir du questionnaire qui vous a été adressé par notre rapporteure, pendant une dizaine de minutes chacun. Je passerai ensuite la parole à notre rapporteure Nathalie Delattre afin qu'elle puisse vous poser un certain nombre de questions, puis à mes collègues qui le souhaitent.

Monsieur le président Beaupère, je vous cède la parole.

M. François Beaupère, deuxième vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). - Je vous remercie, Madame Monier. Je me permets de préciser que je serai appuyé par une autre collaboratrice, Madame Fatma Tergou, qui pourra compléter nos propos. Je laisserai également la parole à Gilbert Guignand, spécialiste de la formation, afin de vous présenter les différents et nombreux métiers de l'agriculture ainsi que l'ensemble des filières de cette dernière. Gilbert Guignand, souhaitez-vous vous exprimer afin d'introduire notre propos ?

M. Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA. - La formation agricole est en effet un sujet d'avenir essentiel. Comme l'indique François Beaupère, les métiers de l'agriculture sont non seulement divers et variés, mais aussi très nombreux. Ces derniers nécessitent des chefs d'entreprises, mais aussi des salariés, des techniciens et des ingénieurs, par exemple. Cette diversité s'explique par l'étendue des missions relatives à l'agriculture qui s'effectuent à la fois dans les champs, mais aussi dans la distribution alimentaire.

C'est pourquoi il me paraît primordial de travailler de concert avec les pouvoirs publics pour satisfaire les besoins en nouvelles compétences que le secteur agricole exprime chaque jour. Je tiens à vous rappeler que les représentants de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) tiennent à ce que l'enseignement agricole reste sous la tutelle du ministère de l'agriculture. Il s'agit d'un point fondamental aux yeux de l'APCA. Des effets catastrophiques seraient à mon sens à déplorer si l'enseignement agricole était pris en charge par le ministère de l'Éducation nationale.

Concernant l'audition de ce jour, François Beaupère et moi-même aborderons essentiellement les questions d'ordre politique, tandis que Dominique Bouvier et Fatma Tergou évoqueront les questions techniques. Outre cet échange oral, nous vous apporterons évidemment des réponses écrites au questionnaire que vous nous avez préalablement adressé. Je cède la parole à François Beaupère pour qu'il complète mon propos.

M. François Beaupère. - Les professions agricoles font aujourd'hui face à un enjeu phénoménal, dans la mesure où un véritable papy boom affecte non seulement l'ensemble des métiers, tant les chefs d'exploitation que les salariés, mais aussi l'ensemble des secteurs, à savoir la production, l'exploitation et les services. L'APCA et le ministère de l'agriculture partagent les mêmes préoccupations, qui sont également celles que vous avez exprimées Madame Monier, à savoir que l'orientation des jeunes vers l'enseignement agricole doit pouvoir s'effectuer assez tôt. Pour ce faire, l'Éducation nationale doit être en mesure de proposer dans les cursus scolaires la filière agricole en tant comme une voie naturelle d'orientation. Il me paraît en outre important de présenter cette dernière comme une voie d'enseignement souhaitable, et non pas comme une « roue de secours » de la scolarité. L'agriculture et l'enseignement agricole sont riches et ont la capacité de fournir des emplois très qualifiés aux citoyens souhaitant entrer dans ces métiers. L'une des priorités, aujourd'hui, est donc de travailler sur l'orientation puis sur l'enseignement en tant que tel, notamment sur la question de l'enseignement continu ou de l'enseignement par alternance au moyen de l'apprentissage.

Je constate que l'enseignement agricole bénéficie d'un maillage à peu près homogène sur le territoire national ainsi que d'une répartition globalement équilibrée entre l'enseignement public et l'enseignement privé, ce qui crée une forte complémentarité. En d'autres termes, l'enseignement agricole présente de nombreux atouts que nous tentons de mettre en avant avec les faibles moyens dont nous disposons. L'APCA cherche à préserver ce maillage tout en maintenant les équilibres financiers imposés. De fait, il est indispensable de s'assurer du maintien d'un taux de fréquentation régulier des classes dans les formations agricoles.

Comme l'a rappelé le Président de la République, la souveraineté alimentaire constitue une priorité stratégique en France. Pour répondre à cette priorité, nous devons mettre en oeuvre les moyens nécessaires au renouvellement des générations dans les métiers de l'agriculture. Ces moyens doivent être déployés dès la formation initiale, au cours de laquelle des passerelles doivent être mises en place entre la filière générale et les filières techniques agricoles. Par ailleurs, la force de l'agriculture réside à mon sens dans l'acquisition d'une expérience de terrain. C'est pourquoi il me semble que l'accent doit être mis, durant la formation, sur la transmission aux apprenants d'un esprit d'ouverture, indispensable au développement de l'autonomie nécessaire aux professions agricoles. L'agronomie ne s'apprend pas uniquement dans les livres, mais en grande partie sur le terrain.

M. Gilbert Guignand. - Pour compléter le propos de François Beaupère, je tiens à mentionner un outil développé en matière d'orientation dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et qui s'est révélé être particulièrement performant. Il s'agit du Mondial des métiers. À mon sens, les élèves doivent être informés au sujet des métiers de l'agriculture dès les classes de quatrième et de troisième au collège. J'apprécie à cet égard les rencontres organisées entre les jeunes et les professionnels du secteur lors du Mondial des métiers qui se tient à Lyon chaque année.

Mme Fatma Tergou, chargée de mission à l'APCA. - Je vous remercie. François Beaupère et Gilbert Guignand ont présenté l'essentiel des éléments témoignant de l'attachement profond de l'APCA au système de formation de l'enseignement agricole. Ce dernier a largement fait ses preuves, principalement car il s'adapte à la réalité des métiers agricoles et du milieu rural. Les zones rurales regorgent d'atouts en termes d'animation des territoires et d'offres d'emploi. Au sein de l'enseignement agricole à l'échelle nationale, 52 % des effectifs effectuent leur scolarité en internat. Ces derniers bénéficient ainsi d'une éducation socioculturelle de grande qualité alors que de nombreux élèves proviennent de l'éducation nationale avec de grandes difficultés et sans qualification. L'enseignement agricole octroie en quelque sorte une seconde chance à ces jeunes. En outre, l'enseignement agricole présente des taux d'insertion professionnelle très satisfaisants. Les chiffres à ce sujet vous seront communiqués par écrit ultérieurement.

L'enseignement agricole interagit avec l'ensemble des acteurs du territoire, dont les chambres d'agriculture avec lesquelles une charte de partenariat avait été signée en 2009. Celle-ci a été renouvelée en 2014 afin de redynamiser des accords historiques. Les sujets inhérents à l'enseignement agricole sont particulièrement nombreux, c'est pourquoi les représentants de l'APCA ont détaillé plusieurs éléments de réponse dans le questionnaire fourni. Nous tenions en tout cas à vous faire part de notre attachement à l'enseignement agricole et de notre satisfaction s'agissant de la capacité d'adaptation de ce dernier.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Le Sénat et les membres de la mission d'information sur l'enseignement agricole partagent en tout état de cause cet attachement, tant à l'enseignement agricole qu'à l'agriculture et aux territoires ruraux. Je passe la parole à notre rapporteure.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Merci, Madame la présidente. Vos propos introductifs sont particulièrement éclairants et m'ont interpellée, alors que nous avons échangé il y a peu avec la direction du budget. J'ai particulièrement bien perçu les enjeux du maintien de l'enseignement agricole dans le périmètre du ministère de l'agriculture, alors que des tentatives de mutualisation avec l'enseignement assuré par le ministère de l'éducation nationale ont récemment été formulées. L'APCA peut à cet égard compter sur le soutien des sénateurs, dans leur grande majorité. Pour mémoire, le Sénat avait refusé, quasiment à l'unanimité, un budget ne valorisant pas suffisamment l'enseignement agricole. Le schéma est similaire à la logique budgétaire conduisant à vouloir supprimer ou regrouper un certain nombre de communes. Concernant l'enseignement agricole, je constate le souhait de Bercy de le transférer de la sphère privée vers la sphère publique afin de le déléguer progressivement ensuite au ministère de l'Éducation nationale. Je souhaiterais donc vous interroger sur plusieurs points.

Avez-vous perçu une déstabilisation de l'enseignement agricole privé ? L'enseignement privé a permis aux formations agricoles de bénéficier de l'alternance et d'une couverture territoriale rendant possible une offre au plus près de l'exploitation. Les chambres d'agriculture prennent-elles en charge la gestion d'écoles d'enseignement en direct ? Si oui, dans quelle proportion ? Les chambres d'agriculture constituent chaque année une préoccupation importante lors de l'examen du projet de loi finances (PLF) et elles peuvent compter sur le soutien des sénateurs. Par ailleurs, je crois personnellement à la reconversion professionnelle. Vous évoquez les problèmes d'orientation qui caractérisent la filière agricole. Je souhaiterais savoir ce que les chambres d'agriculture mettent en oeuvre pour faire face à l'« agri bashing », par exemple. Malgré une orientation souvent présentée comme se faisant par défaut, l'enseignement agricole affiche les meilleurs taux d'insertion professionnelle. Je me demande aussi quels sont les moyens dont disposent les chambres d'agriculture afin de revaloriser l'image du secteur. Avez-vous, par exemple, la capacité de mener des campagnes sur les réseaux sociaux ou de faire appel à des bloggeurs ou des « youtubers » ? Les chambres d'agriculture disposent-elles de moyens budgétaires pour attirer les jeunes vers les professions agricoles ? Je vous remercie.

M. Gilbert Guignand. - Je dois reconnaître que les chambres d'agriculture sont quelque peu novices en la matière et qu'elles ont rejoint tardivement les réseaux sociaux. Aujourd'hui, elles utilisent ces moyens de communication et il me semble que la pandémie de Covid-19 leur a permis de réagir. En ce qui concerne ma chambre régionale, le site Internet est désormais utilisé afin de communiquer l'ensemble des informations utiles en termes de formation, d'installation, de transmission et de circuit de commercialisation. Ces dispositions demandent toutefois des moyens financiers et humains, à l'instar de techniciens formés qui ont des compétences dont ne disposent pas nécessairement les agriculteurs.

Les professions agricoles ont, à mon sens, la chance de reposer sur un enseignement public et un enseignement privé qui permettent de répondre à l'ensemble des demandes des jeunes. Si certains de ces derniers entrent dans les filières agricoles en situation d'échec scolaire, je tiens à souligner qu'ils s'épanouissent généralement en mettant en pratique leurs connaissances. Aujourd'hui, chaque chambre d'agriculture départementale ou régionale dispose d'un chargé de communication. Je ne suis cependant pas en mesure de vous fournir de chiffres exacts en termes de budget. Quoi qu'il en soit, il m'apparaît indispensable de poursuivre le travail d'intervention dans les écoles et les collèges afin de présenter nos métiers aux jeunes en sortant du discours négatif généralement véhiculé, selon lequel les agriculteurs travaillent trop et ne gagnent pas assez bien leur vie. Je crois que nous devons présenter nos métiers avec passion pour attirer les nouvelles générations qui assureront la relève.

M. François Beaupère. - Afin de compléter le propos de Gilbert Guignand, je précise que le niveau d'implication dans la formation est très différent entre les chambres d'agriculture régionales et les chambres d'agriculture départementales. Les deux structures peuvent toutefois bénéficier de la complémentarité et de l'appui apportés par les fermes expérimentales qui constituent un réel support de formation, tant dans l'enseignement initial que dans la formation continue. J'ajoute à ce titre que les chambres d'agriculture jouent un rôle fondamental dans la formation continue.

Cependant, les conseils régionaux ont fréquemment souligné qu'il était nécessaire de faire des efforts en matière de complémentarité entre l'enseignement public et l'enseignement privé afin d'optimiser le financement de ces formations. À cet effet, des espaces de dialogue ont été mis en place afin d'échanger entre représentants du privé, du public et de la région. Bien qu'un accord soit parfois difficile à trouver, ces espaces nous permettent de dialoguer efficacement, ce qui n'est pas forcément évident. Je rappelle à ce titre que les formations privées étaient historiquement majoritaires, notamment en raison de l'existence du réseau des maisons familiales.

Concernant la formation, de nombreux efforts restent en outre à fournir en vue d'oeuvrer à la formation des jeunes filles qui, à mon sens, représentent en partie l'avenir de l'agriculture. Si l'on constate un faible taux de féminisation au sein des chefs d'exploitation par exemple, 45 % des effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole sont des jeunes filles. Ces dernières occupent ainsi des postes, parfois à hautes responsabilités, principalement dans le secteur des services gravitant autour du milieu agricole, à l'exemple de la distribution, de la commercialisation ou de la finance. L'agriculture bénéficie d'un fort taux de féminisation, qui est significativement plus élevé, me semble-t-il, que dans certains milieux industriels. À titre personnel, je trouve ces évolutions particulièrement positives, d'autant que les capacités physiques ne sont plus forcément des critères de sélection. J'espère ainsi que, grâce à ces évolutions importantes, nous parviendrons à relever les défis du futur. Je cède la parole à Dominique Bouvier, qui pourra certainement compléter mon propos.

M. Dominique Bouvier, responsable du service installation-transmission de l'APCA. - Il me semble que l'essentiel des points d'intérêt a été présenté. Je tiens également à préciser que les représentants des chambres d'agriculture sont fortement impliqués dans la gouvernance de l'enseignement agricole, en siégeant par exemple au Conseil national de l'enseignement agricole, dans les comités régionaux de l'enseignement agricole, ainsi qu'au sein des conseils d'administration des établissements de formation, y compris dans l'enseignement supérieur. Le président de l'APCA siège ainsi au conseil d'administration d'AgroParisTech et est le président d'UniLaSalle. L'APCA dirige également quatre CFA, sur les 140 que compte l'enseignement agricole.

M. Gilbert Favreau. - Je salue l'ensemble de nos intervenants avec qui je partage l'essentiel des analyses présentées. J'ai pris soin dans mon département de rencontrer de nombreux acteurs agricoles. De ce fait, je tenais à souligner à mon tour la particularité de la situation de l'enseignement agricole par rapport à l'enseignement général et, plus précisément, de la situation du ministère de l'agriculture vis-à-vis du ministère de l'éducation nationale. Une centrale syndicale de l'enseignement public m'a récemment indiqué qu'elle souhaiterait faire partie d'un grand ministère de l'enseignement qui prendrait en charge à la fois l'enseignement agricole et l'enseignement général. Je crois que nous devons rester particulièrement attentifs à ce point.

La richesse de l'enseignement agricole réside dans sa diversité. Je déplore à ce titre une certaine tentation de l'État d'agglomérer les différents enseignements pour des raisons budgétaires. C'est pourquoi il me paraît important que les différents acteurs du public et du privé fassent cause commune. Il est à mon sens indispensable que les interlocuteurs principaux des pouvoirs publics connaissent véritablement les formations. Comme l'a indiqué plus tôt notre rapporteure, le Sénat considère presque unanimement que le système actuel doit perdurer pour permettre à la profession agricole de s'adapter aux enjeux actuels, même si l'on peut toujours y apporter des améliorations.

Mme Fatma Tergou. - Je souhaiterais intervenir au sujet de la communication et de l'orientation car il est vrai que les professions agricoles s'adressent aujourd'hui à un public de plus en plus jeune. Dans le cadre de la nouvelle mandature à l'APCA, un projet stratégique a été élaboré. Il comprend notamment des actions en vue d'améliorer la communication, notamment en direction du grand public via les réseaux sociaux, et l'orientation, notamment au travers du réseau « Bienvenue à la ferme », qui dispose de fermes pédagogiques.

M. François Beaupère. - Dans cette lignée, je signale que les professions agricoles subissent l'impact, en termes de communication, de l'annulation du Salon de l'agriculture du fait de la pandémie de Covid-19. Ce dernier permet à un nombre conséquent de jeunes de découvrir les métiers du secteur et de s'orienter vers ceux-ci. Il me semble en outre qu'il serait fortement bénéfique d'ouvrir les fermes aux visiteurs afin qu'ils puissent comprendre et apprécier les réalités du métier d'agriculteur. Comme l'a souligné Gilbert Guignand, l'APCA a fait le choix, notamment via son compte Twitter, de privilégier une communication positive.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Dix millions d'euros ont été alloués par le ministère de l'agriculture pour la mise en place du camion de « l'Aventure du Vivant », qui a finalement été mis à l'arrêt en raison du contexte sanitaire. Je souhaitais savoir si l'APCA a été associée à ce projet.

Par ailleurs, au sujet de la communication et de l'utilisation de Twitter, comment pouvez-vous suivre les avancées technologiques, qui permettraient notamment de contrer les fake news circulant sur un ensemble très vaste de réseaux sociaux qui ne se limite plus seulement à Twitter et Facebook ? Je pense notamment aux organisations véganes telles L214 qui disposent d'importants moyens de communication, particulièrement difficiles à concurrencer, et qui sont déployés à l'attention des jeunes. Comment les chambres d'agriculture pourraient-elles constituer le moteur du développement d'une communication efficace, au service de l'ensemble de l'agriculture, dans la diversité de ses filières ?

M. François Beaupère. - Vous avez raison, nous devons stimuler nos compétences en matière de communication. Nous attendons les annonces concernant le plan de relance, qui devrait inclure une nouvelle campagne de communication. Il est également nécessaire de lutter contre la discrimination d'accès à l'information pour les jeunes publics. Je souhaiterais même proposer à ce sujet des initiatives au ministère de l'éducation nationale. Je crois que nous devons travailler à promouvoir une vision objective de l'agriculture, et non une vision caricaturale, y compris en apportant une contribution à des livres ou à des revues. Pour ce faire, l'agriculture doit être présentée comme l'élément de la richesse de l'alimentation.

M. Gilbert Guignand. - J'insiste en effet sur le projet stratégique de l'APCA évoqué par Fatma Tergou. Nous avons pour ambition de former dix agriculteurs et techniciens par an dans chaque département pour qu'ils puissent communiquer de manière positive sur l'agriculture. C'est particulièrement difficile depuis la pandémie de covid-19, qui empêche par exemple l'organisation des fêtes agricoles existant traditionnellement dans l'ensemble des départements. D'un point de vue budgétaire, les organisations agricoles sont moins dotées que certains secteurs industriels, ce qui doit nous conduire à réfléchir à la possibilité de mettre des moyens en commun, pour être plus marquants. Outre l'amélioration de la communication, le secteur agricole nécessitera des jeunes motivés et formés car il est aujourd'hui impossible de conduire un tracteur sans disposer de notions en numérique. Dans un futur proche, le numérique risque en effet de bouleverser la profession.

Mme Fatma Tergou. - Je tiens ici à souligner la grande efficacité des stages d'orientation en milieu professionnel, qui se déroulent durant les vacances scolaires et qui sont fortement demandés par les élèves.

M. Gilbert Guignand. - Je confirme ce point, tout en regrettant les contraintes administratives inhérentes à ces stages. Celles-ci peuvent être difficiles à gérer pour les agriculteurs.

M. François Beaupère. - Pour finir, vous avez pu constater que nous rencontrons des difficultés à mobiliser. Dans le cadre du plan de relance du ministère de l'agriculture, nous avons pu bénéficier de l'octroi de missions de service civique à pourvoir, mais nous ne parvenons pas à recruter convenablement, potentiellement en raison de défaillances de communication. Si vous disposez de solutions à ce sujet, l'APCA serait très intéressée. De même, nous constatons au sein des professions agricoles que certains métiers sont très attractifs alors que d'autres le sont très peu. Je pense que nous devons donc valoriser et faire connaître la diversité de nos métiers. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les sénateurs, de votre écoute sur ce sujet hautement important de l'enseignement agricole.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Nous vous remercions également et vous rappelons que vous pouvez nous transmettre le questionnaire écrit afin de compléter votre propos. Nous vous communiquerons bien évidemment le rapport lorsqu'il sera terminé, c'est-à-dire au mois de septembre 2021. Je conclus en vous assurant que vous pouvez compter sur le soutien des membres de cette mission.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 heures 47.