Bicamérisme et représentation des régions et des collectivités locales : le rôle des secondes chambres en Europe



Palais du Luxembourg, 21 février 2008

OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE

Mme Michèle ANDRÉ (France), Vice-Présidente du Sénat

Mesdames et Messieurs les Présidents, Chers collègues parlementaires, Chers collègues sénateurs du Sénat français, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Bienvenue au Sénat. Je dois, ce matin, présider la première table ronde. Je donne tout de suite la parole à M. Alain DELCAMP, notre Secrétaire général, chargé de vous lire le message d'ouverture de notre Président, M. Christian PONCELET.

Monsieur le Secrétaire général, vous avez la parole.

M. Alain DELCAMP, Secrétaire général du Sénat

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Présidents, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus, Messieurs les Secrétaires généraux, Chers collègues, Chers amis,

M. le Président du Sénat m'a demandé de bien vouloir vous faire part, au début de ce colloque, de ses regrets de ne pouvoir y participer, en raison notamment de ses obligations dans son département. Vous savez que se déroule en ce moment la campagne des élections municipales et cantonales. De fait, l'actualité quotidienne est riche d'événements heureux et malheureux, retenant l'attention des élus.

Il m'a également fait l'honneur assez inhabituel de me demander de vous lire son message, alors même que plusieurs de ses collègues, et notamment Mme la Vice-Présidente, Mme Michèle ANDRÉ, sont déjà présents dans cette salle. Mais cet honneur est dû à une circonstance particulière. Il m'a, en effet, été donné de travailler, à divers titres, avec les différentes institutions qui parrainent cette manifestation. Les évoquer représente pour moi une occasion de leur témoigner mon fidèle souvenir.

Je salue tout d'abord les représentants du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, qui ont bien voulu me compter parmi les experts de droit comparé en matière locale et régionale, et agréer mon élection, il y a déjà quelques années, comme président du Comité d'experts du Congrès, en 1996, jusqu'à mon retrait de cette institution en 2003.

Cette expérience a constitué pour moi une période extrêmement enrichissante. Elle s'est inscrite dans un moment de mise en place de nouvelles structures démocratiques dans les différents pays du Conseil, et notamment ceux qui ont, depuis, intégré la famille de l'Union européenne. C'est à travers cette fonction que j'ai pu faire aussi connaissance avec la Commission de Venise, dont je salue le nouveau président, M. Jan Erik HELGESEN. J'ai eu l'occasion, dans le cadre de cette institution, de préparer et de présenter plusieurs rapports, et d'y représenter le groupe d'experts. J'y ai retrouvé de nombreux amis et collègues universitaires et passé de merveilleux moments.

Je tiens à saluer naturellement M. le Président Lluis Maria DE PUIG, nouveau président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. A cet égard, je souhaite vous rapporter une anecdote : M. DE PUIG avait déjà donné son accord pour participer à cette manifestation, en tant que membre de l'Assemblée, avant même qu'il n'en fut élu le président. Nous sommes donc doublement heureux de l'accueillir aujourd'hui.

Je souhaite saluer également mes collègues secrétaires généraux : M. Ulrich BOHNER, M. Gianni BUQUICCHIO et M. Mateo SORINAS, qui a succédé à M. Bruno HALLER à qui me lient des relations anciennes et empreintes de confiance.

Je n'oublierai pas non plus tous les élus, et en particulier Mme la Présidente et MM. les sénateurs français, qui assistent en nombre à ce colloque et sous l'autorité desquels j'ai le très grand plaisir de contribuer au fonctionnement de cette maison.

Je vais donc vous lire maintenant le message du Président du Sénat, M. Christian PONCELET.

Message de M. Christian PONCELET, Président du Sénat

« Mesdames et Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus, Messieurs les Secrétaires généraux et amis,

C'est un très grand plaisir pour moi que d'accueillir, au Palais du Luxembourg, ce colloque original sur « le Bicamérisme et la représentation des collectivités locales et régionales en Europe ».

Cette manifestation est originale par son intitulé même, qui désigne, parmi les fonctions de la seconde chambre, celle de représenter les collectivités locales et régionales. Ce n'est pas, en effet, la seule fonction de représentation des secondes chambres, et toutes, loin s'en faut, ne sont pas bâties sur ce modèle. Ce n'est d'ailleurs pas le Sénat français, lequel représente, selon notre Constitution, les « collectivités territoriales de la République », qui en a pris l'initiative. L'initiative en revient à la Commission de Venise qui, la première, a lancé une série d'études sur les secondes chambres des pays du Conseil de l'Europe et a eu l'heureuse idée de choisir comme rapporteur général, mon très cher ami, M. Patrice GÉLARD, qui cumule - notamment - les fonctions de vice-président de la Commission des lois du Sénat et de doyen des facultés de droit.

L'accent mis sur les collectivités locales et régionales est dû à l'actif engagement du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, dont je salue les différents membres, son président, M. SKARD et, notamment, mon collègue M. Jean-Claude FRÉCON, vice-président, sénateur de la Loire, qui a joué, dans notre Assemblée, un rôle décisif pour la ratification, par la France - trop tardive à mes yeux, mais mieux vaut tard que jamais ! -, de la Charte européenne de l'autonomie locale.

Merci aussi au président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe d'honorer cette manifestation de son patronage. Grâce à lui, les Sénats manifestent leur influence au niveau européen. Il est bon aussi que ce soit le sénateur d'un pays ayant si bien réussi sa transition démocratique qui ait en charge de porter le flambeau des Parlements face aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe.

La question de la place des collectivités locales et régionales dans nos Etats est une des plus importantes questions institutionnelles qui se posent à nous, Européens. Elle est pour nous, sénateurs, le gage d'une démocratie authentique, tellement, comme l'écrivait Tocqueville, « les communes sont à la démocratie ce que les écoles primaires sont à la science : elles en enseignent l'usage paisible ... ».

Lecture du message de M. Christian Poncelet, Président du Sénat,
par M. Alain Delcamp, Secrétaire général du Sénat

Dans ce contexte, les progrès effectués par tous les pays de notre continent en matière de décentralisation traduisent, à l'époque de la mondialisation et des grands ensembles, leur préoccupation commune de répondre à l'impératif de proximité et de diversité exigé par nos concitoyens.

Je n'ignore pas que le Congrès distingue les pouvoirs locaux et les pouvoirs régionaux. Je sais aussi qu'au sein de ces derniers, s'est créée une association des régions à pouvoirs législatifs, représentée ici par son président M. Jean-Claude Van CAUWENBERGHE, et que, pendant longtemps, on a cherché à opposer « l'Europe des régions » à « l'Europe des Etats ».

Je ne peux donc que me réjouir que l'un des thèmes de cette conférence consiste à explorer, de façon concrète, la manière dont les régions, mais aussi les collectivités locales, pourraient être mieux associées aux décisions nationales. Ce colloque peut ainsi représenter une étape pleine d'intérêt pour l'affirmation, voire le renouveau, du bicamérisme auquel je suis naturellement attaché.

Le Sénat français, depuis près de dix ans, n'a eu de cesse de nouer des liens entre les différents Sénats du monde. Leur nombre, loin de décroître, est en expansion et le bicamérisme apparaît souvent, dans les nouvelles démocraties, comme un moyen de pacification des sociétés et d'intégration des différences. J'ai créé aussi une association des Sénats d'Europe qui se réunit deux fois par an, hier à Bucarest, demain à Vienne et, à l'automne prochain, à Saint-Pétersbourg.

Tous ensemble, avec la modération qui caractérise les secondes chambres, nous essayons de promouvoir des équilibres raisonnables dans nos Etats respectifs, étant attentifs à la diversité des structures et soucieux du bien-être de nos concitoyens.

Je me permettrai cependant d'indiquer, et c'est une conviction profonde chez moi, que cette recherche commune doit adopter les formes et les chemins propres à chaque pays. La seconde chambre, en effet, est à l'image de l'évolution institutionnelle de chaque Etat. Celle-ci tient à l'histoire et aux réalités politiques ou géographiques. Il ne saurait donc y avoir de modèle unique. Aussi voudrais-je dire aux représentants des pouvoirs locaux et régionaux, qui sont ici nombreux, et notamment à M. Luc Van den BRANDE, nouveau président du Comité des Régions de l'Union européenne, qu'il leur appartient de définir l'approche convenant le mieux à leur spécificité.

Participer à la décision au niveau national, à travers une seconde chambre, ne les éloignera pas de l'Europe. De nouvelles modalités de participation sont offertes, en effet, aux Parlements nationaux par le Traité de Lisbonne que la France vient de ratifier. Le Sénat français entend ainsi saisir pleinement ces nouvelles potentialités. Il est d'ailleurs déjà en train de les expérimenter en liaison avec les autres secondes chambres et, notamment, avec le Bundesrat et la Chambre des Lords, ici représentés.

C'est donc sans réserve aucune que je vous invite à participer à la recherche d'une dimension nouvelle du bicamérisme, tout en appelant chacun au respect des différences dont ce même bicamérisme est l'un des instruments les plus naturels. »

Mme Michèle ANDRÉ

Merci, M. le Secrétaire général. Je vais donner maintenant la parole à M. Lluis Maria DE PUIG, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Vous avez la parole, M. le Président.

Allocution de M. Lluis Maria DE PUIG (Espagne), Sénateur, Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Merci, Madame la Vice-Présidente. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Nous allons aujourd'hui évoquer le bicamérisme et la représentation des régions et des collectivités locales dans nos pays respectifs, en tentant de conceptualiser le rôle des secondes chambres en Europe.

Tout d'abord, je tiens à dire que la démocratie a besoin de Parlement. Sans Parlement, il n'y a pas de démocratie. Il existe des systèmes monocaméraux ou bicaméraux. Parmi les pays membres du Conseil de l'Europe, certains ne possèdent qu'une seule chambre, mais la majorité d'entre eux en possède deux, souvent de natures différentes entre les pays. Il existe donc une certaine diversité en la matière.

Il est, par ailleurs, important de tenir compte de la nature de la démocratie de chaque Etat, de ses traditions historiques, des décisions de ses citoyens qui souhaitent, ou non, que la seconde chambre soit une chambre dite « de seconde lecture » ou bien une chambre de représentation territoriale. Nous aborderons ces sujets avec tous les intervenants présents ce matin. Mais il faut bien constater que l'essence même d'une seconde chambre réside, avant tout, dans l'idée d'un perfectionnement démocratique. Ce dernier se traduit notamment dans l'action de ces secondes chambres dans le domaine législatif, le domaine le plus important.

Comme vous le savez, les secondes chambres procèdent à une seconde lecture des projets de loi ou renvoient ces derniers à l'Assemblée nationale, voire exercent elles-mêmes le droit d'initiative législative. Les secondes chambres, lorsqu'elles sont saisies d'une deuxième lecture des projets de loi, assurent une lecture nouvelle des textes adoptés, en tenant compte des différents intérêts régionaux ou territoriaux. Elles permettent aussi d'approfondir les discussions et de parvenir à des accords entre les différentes forces politiques, accords qu'il n'a peut-être pas été possible d'obtenir lors de la lecture par la première chambre. Dans certains pays comme les Etats-Unis et l'Italie, les secondes chambres ont des prérogatives ou des compétences différentes, parfois plus larges que celles de l'Assemblée nationale. Il en est ainsi dans un pays, membre observateur de notre Conseil de l'Europe, le Mexique, qui représente un Etat fédéral. Là, le Sénat a des compétences exclusives dans le domaine des relations extérieures.

Par ailleurs, la crise politique déclenchée par le Sénat italien nous donne une idée de la force et de la capacité de cette chambre.

Nous constatons donc que les secondes chambres ont une place non négligeable dans les grands débats politiques. Elles exercent un rôle essentiel dans le contrôle parlementaire et peuvent jouer un rôle dans la représentation territoriale, complétant aussi en partie la représentativité directe des premières chambres. Ces différents rôles leur permettent d'assurer les conditions nécessaires à la mise en place d'une démocratie parlementaire plus représentative.

Les secondes chambres représentent parfois aussi les différentes composantes de la société, à savoir certaines structures territoriales, voire sociales. Par exemple, le Sénat irlandais compte des membres élus par les universités. Mais les secondes chambres constituent également un vecteur de stabilisation institutionnelle, et, par-là même, une valeur ajoutée sur le plan démocratique.

Si l'Assemblée parlementaire n'a jamais véritablement traité de cette question, lors de la première Conférence des Parlements nationaux et des Assemblées régionales, qui s'est tenue le 12 septembre 2007, à Strasbourg, sur le thème « Démocratie représentative, affaires européennes, citoyenneté active », il a été souligné que les secondes chambres jouent le rôle de réceptacle de la vie politique régionale et locale.

C'est pourquoi le Bureau de l'Assemblée va être saisi d'une proposition de déclaration marquant le souhait d'avoir une bonne gouvernance aux niveaux régional et local, déclaration dans laquelle il est mentionné que les chefs d'Etat et de gouvernement, lors du troisième Sommet du Conseil de l'Europe qui s'est tenu à Varsovie en 2005, avaient rappelé qu'une démocratie effective est une garantie de paix et de progrès social et économique.

Je profite d'avoir la parole pour souligner les nombreux travaux du Congrès en matière de régionalisation, ainsi que ceux, en cours, pour obtenir une Charte européenne de la démocratie régionale.

Le Conseil de l'Europe montre déjà l'exemple en disposant à la fois d'une Assemblée parlementaire, constituée notamment d'élus des secondes chambres (Sénat), et d'un Congrès, composé d'élus locaux et régionaux et, depuis quelques années, d'une Chambre des Régions.

Pouvons-nous aller plus loin ?

Nous pourrions envisager d'ouvrir davantage l'Assemblée parlementaire aux parlements régionaux. Nous avons déjà commencé à nous orienter dans ce sens, puisque l'Assemblée parlementaire est en train de préparer un projet d'accord sur le renforcement de la coopération entre l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et la Conférence des Assemblées législatives régionales européennes, afin de renforcer le rôle institutionnel des parlements régionaux en Europe, notamment à l'Assemblée parlementaire.

Face à cette réalité et ces projets, nous pouvons affirmer que le bicamérisme a encore un grand avenir devant lui en Europe.

Je vous remercie.

Mme Michèle ANDRÉ

Merci, M. le Président. Nous allons maintenant entendre M. Halvdan SKARD, président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Vous avez la parole, M. le Président.

Allocution de M. Halvdan SKARD, Président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Merci Madame la Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs, Chers collègues,

C'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui lors de cette conférence qui se tient dans les murs du Sénat français. Cette institution incarne la démocratie locale et régionale de ce pays, établit un lien entre la démocratie nationale et la démocratie territoriale, et représente les autorités territoriales au niveau national. De ce fait, le Sénat et le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, dont je suis le président, m'apparaissent comme des partenaires tout à fait légitimes et réguliers pour faire avancer la démocratie territoriale sur notre continent. Leur coopération historique a déjà mené à des synergies considérables qui se sont notamment manifestées par l'organisation conjointe du colloque de juin 2001 portant sur la décentralisation en France, et, bien évidemment, par celle de la conférence actuelle, relative au rôle des secondes chambres, conférence à laquelle le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire, ainsi que sa Commission de Venise, participent.

Je souhaite rendre hommage au secrétaire général du Sénat, M. Alain DELCAMP, pour son travail sur les problématiques locales et régionales, ainsi que pour sa contribution aux travaux du Congrès. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à mon homologue de l'Assemblée parlementaire, M. Lluis Maria DE PUIG. Pendant longtemps, celui-ci a été le rapporteur de l'Assemblée sur la régionalisation en Europe, avant d'en être élu président en janvier de cette année.

J'aimerais enfin rendre hommage au travail réalisé par le sénateur Patrice GÉLARD dans le cadre de la Commission de Venise.

Mesdames et Messieurs,

Le sujet de cette conférence, à savoir le rôle des secondes chambres en Europe, est d'une importance considérable pour le Congrès du Conseil de l'Europe. Cette institution constitue une assemblée de représentants élus, locaux et régionaux, dotée de deux chambres : la chambre des pouvoirs locaux et la chambre des régions. Récemment, elle développe sa coopération, concernant la démocratie territoriale, avec le Comité des Régions de l'Union européenne, et j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue au tout nouveau président de ce comité, M. Luc Van den BRANDE. La coopération que je viens de mentionner est intégrée spécifiquement dans la nouvelle charte du Congrès, adoptée au mois de mai de l'année dernière par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Elle consiste notamment dans les réflexions de notre groupe de travail ad hoc de « régions à pouvoirs législatifs », dont le président, M. Jean-Claude Van CAUWENBERGHE, prendra la parole plus tard afin de nous présenter les conclusions générales de cette conférence. C'est d'ailleurs dans le cadre de ce groupe que le thème de cette conférence a été proposé.

Je souhaiterais vous rappeler que M. Jean-Claude Van CAUWENBERGHE est, depuis de nombreuses années, le moteur du projet de Charte de démocratie régionale du Conseil de l'Europe, complément, au niveau régional, de la Charte européenne de l'autonomie locale. Ce projet a déjà reçu le soutien de nombreuses organisations européennes et du Comité des Régions de l'Union européenne. Il a été évoqué devant les ministres européens responsables des collectivités locales et régionales, lors de leur conférence qui s'est tenue à Valence, en Espagne, en octobre dernier. Il est en cours de finalisation au sein du Congrès, et sera soumis, lors de notre session plénière en mai 2008, pour approbation. Je plaide donc en faveur de votre soutien, dans le cadre du Sénat français, à la mise en place de cette Charte européenne de la démocratie régionale, de manière à ce qu'elle soit adoptée, en tant qu'instrument juridique européen, pour l'avenir.

Au Congrès, nous pensons vraiment que, dans une société démocratique, la voix des pouvoirs locaux et régionaux, qui sont les autorités les plus proches des communautés territoriales, doit se faire entendre durant le processus législatif au niveau national. Les systèmes dotés d'une structure bicamérale offrent justement la possibilité de prendre en compte les intérêts des communautés locales et régionales de façon beaucoup plus efficace. Il serait d'ailleurs intéressant d'établir une comparaison des expériences entre les différents pays, car nous vivons une époque très riche en matière de réformes institutionnelles et constitutionnelles, non seulement en ce qui concerne les nouvelles démocraties, mais également les pays dotés de Sénats ou de secondes chambres jouissant d'une longue histoire.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, la conférence de ce jour revêt une très grande importance. Je lui souhaite tout le succès possible, et je voudrais conclure mon discours en citant M. Hans Mommsen, professeur d'histoire contemporaine, qui, il y a vingt ans, a déclaré : « L'Etat nation est mort, vive la région ! »

Merci.

Mme Michèle ANDRÉ

Merci, Monsieur le Président. Je donne désormais la parole à M. Jan Erik HELGESEN, président de la Commission de Venise. Vous avez la parole, Monsieur le Président.

Allocution de M. Jan Erik HELGESEN, Président de la Commission de Venise

Merci, Madame la Présidente, de me donner la parole. Excellences, Mesdames et Messieurs,

En tant que président fraîchement élu de la Commission de Venise, je suis particulièrement heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui. C'est la première fois que, dans mes nouvelles fonctions, l'occasion m'est offerte de prendre la parole devant un auditoire multilatéral tel que le vôtre.

La Commission de Venise est composée d'experts indépendants, provenant des pays membres du Conseil de l'Europe, et d'un certain nombre de représentants de pays non membres de ce même Conseil. En tant qu'organe du Conseil de l'Europe, elle a en charge de traiter des questions constitutionnelles et notamment, depuis sa création en 1990, des problèmes constitutionnels essentiels. Notre domaine d'action constitue le champ du droit constitutionnel, y compris quand il concerne des secteurs particuliers tels que la justice constitutionnelle, la protection des minorités, les problématiques électorales et celles portant sur les partis politiques. Aujourd'hui, nous nous inscrivons vraiment au coeur du droit institutionnel, les pouvoirs et la nomination des membres du Parlement correspondant à des domaines traditionnels de tout constitutionnaliste.

La Commission de Venise a très souvent pris part à des débats sur ce thème. A ce titre, la révision de la Constitution roumaine, à laquelle la Commission de Venise a participé, a porté en particulier sur la nouvelle définition des pouvoirs de la Chambre des députés et du Sénat. Ainsi, il s'est agi d'aller vers une définition de pouvoirs plus spécifiques pour chacune des deux chambres. Celles-ci, auparavant, avaient des pouvoirs presque analogues.

Je suis très heureux de pouvoir saluer ici plusieurs membres de la Commission de Venise, qui prendront la parole au cours de nos travaux. Ils font partie d'un large éventail de spécialistes issus de différents domaines : des hommes et des femmes politiques de stature européenne, des universitaires ou des personnalités réunissant ces deux qualités, tel M. le sénateur GÉLARD qui a préparé le rapport général pour la Commission de Venise.

Nous entendrons bientôt son propos. Je ne tenterai donc pas de résumer ses travaux. Je souhaiterais plutôt mettre l'accent sur certains aspects, majeurs, du rôle des secondes chambres.

Notre conférence porte comme sous-titre : « Le rôle des secondes chambres dans la représentation des régions et des pouvoirs locaux ». L'expression utilisée est « régions et pouvoirs locaux », et non pas « pouvoirs locaux et régionaux ». Elle reflète la réalité, les secondes chambres étant de plus en plus élues directement par le peuple au suffrage direct ; d'où la question de savoir ce qui distingue les secondes chambres des premières chambres, du moins dans les Etats non fédéraux.

De manière plus large, il convient de s'interroger sur le rôle de la seconde chambre et notamment sur son mode de représentation, régional ou local. Un Sénat composé de représentants d'ordres ou d'une certaine noblesse ou élite paraîtrait, de nos jours, parfaitement démodé et poserait des questions d'ordre démocratique. Certes, la Chambre des Lords existe toujours au Royaume-Uni. Mais sa composition a été radicalement modifiée et ses pouvoirs ont été sérieusement limités depuis près d'un siècle.

Il existe également des différences importantes dans la représentation des populations au sein des secondes chambres entre les pays. Elles sont naturelles dans les Etats fédéraux où les entités fédérales doivent être reconnues comme égales au niveau national. Mais elles posent beaucoup plus de problèmes dans les Etats unitaires.

Nous en revenons donc à la problématique de la représentation des populations locales ou régionales au niveau national. Cette représentation a-t-elle un sens ? L'argument le plus avancé pour justifier la présence des secondes chambres est que celles-ci représenteraient des lieux de réflexion et de sagesse. Mais n'existerait-il pas d'autres manières de définir leur rôle ?

Un des buts de notre conférence consisterait alors à définir l'avenir des secondes chambres. Devrait-il y avoir une harmonisation de leur rôle, de leur pouvoir et de leur mode de représentation au niveau européen? Un tel scénario me semble inimaginable. Toutefois, une question se pose : devons-nous nous orienter vers une représentation locale ou régionale, telle que l'indique le titre de notre conférence, ou bien garder le système actuel, qui nous donnerait entière satisfaction ?

Le débat ne doit pas se limiter à établir une simple description du contexte politique ou juridique de chaque Etat. Il est nécessaire aussi de poser des principes. Ce choix d'être en faveur ou contre la représentation locale et régionale ne se pose pas du tout. Il s'agit plutôt de savoir si les secondes chambres sont essentielles. Des informations quant aux projets de réformes - réussies, qui ont échoué ou sont encore en cours - pourraient nous indiquer quelles sont les tendances actuelles. Tout va-t-il dans la même direction ou bien les secondes chambres constituent-elles un des derniers pans du droit constitutionnel, voire du droit en général, à résister farouchement à tout effort d'harmonisation ?

Les interventions des différents participants réunis ici aujourd'hui devraient nous permettre de répondre à ces questions.

Pour conclure, je remercie le Sénat français, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux, ainsi que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, d'avoir contribué à organiser cette manifestation.

Mme Michèle ANDRÉ

Merci, M. le Président Jan Erik HELGESEN.

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