Forum des Sénats du monde



Palais du Luxembourg, 14 Mars 2000

2. MESSAGE AUX DÉLÉGATIONS PARTICIPANT AU FORUM DES SÉNATS DU MONDE, DE M. CHEA SIM, PRÉSIDENT DU SÉNAT
DU ROYAUME DU CAMBODGE, CHEF DE L'ÉTAT PAR INTÉRIM

Phnom Penh, le 12 mars 2000

MESSAGE AUX DÉLÉGATIONS PARTICIPANT
AU FORUM DES SÉNATS DU MONDE

Honorables délégués,

Permettez-moi de présenter mes salutations cordiales à tous les chefs de délégations et sénateurs du monde qui participent à ce grandiose Forum du 14 mars 2000 à Paris.

Dû aux changements politiques du pays, et à la nécessité de renforcer la réconciliation nationale, le Sénat du Cambodge a été recréé en mars 1999. Depuis sa naissance, il a adopté une quantité de projets et propositions de loi examinés en première lecture par l'Assemblée nationale. Notre Sénat s'attache sans relâche à renforcer son rôle législatif et la mise en application du véritable bicaméralisme. Nous envisageons d'élargir des relations avec tous les peuples du monde et nous souhaitons ardemment une coopération étroite avec leurs Sénats respectifs.

Dans cet esprit, nous attachons une grande importance à l'adhésion de notre Sénat à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, à l'Assemblée interparlementaire d'ASEAN (AIPO), à l'Union interparlementaire (IUP) et aux autres instances internationales.

Avec grande satisfaction, nous considérons que le Forum des Sénats du monde joue un rôle essentiel dans la gestion de meilleures relations de coopération. Grâce aux contributions actives de toutes les délégations, le Forum est un lieu de rencontre fructueux pour le dialogue, de mutuelle compréhension, de coopération et d'échange d'expérience la plus précieuse.

Nous remercions profondément tous les pays qui avaient soutenu et continuent à accorder leur soutien de poids à la création de la deuxième chambre au Cambodge.

Nous accueillons à bras ouverts toutes formes d'assistance pour la bonne marche de notre Sénat, tant sur le plan d'expertise, documentation, que d'équipements et de finances.

Nous remercions spécialement toutes les délégations dont l'engagement, la disponibilité et les conseils ne nous ont jamais fait défaut.

De tout coeur et avec notre ferme soutien, nous souhaitons au Forum de Paris un plein succès.

Très haute considération.

Chea Sim,
Président du Sénat du Royaume du Cambodge, chef de l'État p.i.

3. CONTRIBUTION ÉCRITE DE M. MIRCEA IONESCU-QUINTUS, PRÉSIDENT DU SÉNAT DE ROUMANIE

LE BICAMÉRISME EN ROUMANIE

Mircea Ionescu-Quintus
Le Président du Sénat de Roumanie

L'institution du Sénat, respectivement le système bicaméral, ont en Roumanie une longue tradition. Le Sénat a été organisé pour la première fois par le prince régnant Alexandre Ioan Cuza. Celui-ci avait obtenu, en mai 1864, l'approbation du « statut développant de la Convention de Paris de mai 1858 » qui définissait les attributions du prince et établissait le passage du système monocaméral - prévu par les règlements organiques (1831) et par la Convention de Paris (1858) - au système bicaméral, où le pouvoir était exercé conjointement par le prince, l'Assemblée élective et le Sénat (appelé Corps pondérateur). L'édification de l'État roumain moderne, pourvu d'organes politiques similaires à ceux des pays démocratiques européens, avait besoin d'une institution à même de maintenir l'équilibre entre le pouvoir exécutif et le législatif, d'un facteur « pondérateur » et modérateur du régime parlementaire.

L'apparition du Sénat contribuait, ainsi, à la construction de la Roumanie moderne comme État unitaire, avec une Constitution démocratique et un système parlementaire bicaméral, approprié aux besoins du moment historique.

Le premier Sénat de la Roumanie a ouvert ses travaux le 6 décembre 1864, étant constitué de membres de droit et de membres élus. Le Sénat pouvait adopter un projet de loi voté par l'Assemblée élective, le modifier ou bien le rejeter (à l'exception du budget, qui était de la compétence exclusive de l'Assemblée).

La Constitution du 1 er juillet 1866, basée sur des principes démocratiques modernes et inspirée à plusieurs égards par la Constitution belge de 1831, consacre, à son tour, l'institution du Sénat. De même, les Constitutions de 1923 et 1938 prévoient que le pouvoir législatif » la Représentante nationale » - est composé des deux assemblées : le Sénat et l'Assemblée des députés.

Suite aux pressions communistes, par un décret de juillet 1946, le Sénat est supprimé et la Représentante nationale est réorganisée en un seul corps législatif, l'Assemblée des députés. Les Constitutions de 1948, 1952 et 1965 consacrent l'instauration du régime communiste en Roumanie et imposent le système monocaméral, conformément auquel le Parlement est constitué d'une seule chambre - la grande Assemblée nationale.

Après la Révolution de décembre 1989, traversant un processus tourmenté de transformations radicales, la Roumanie bâtit graduellement, en conformité avec les principes de l'État de droit, les nouvelles institutions démocratiques, au sein desquelles le Sénat est remis en son droit légitime. Le premier Parlement élu librement et démocratiquement, le 20 mai 1990, a fonctionné, aussi, comme assemblée constituante, qui a élaboré une nouvelle Constitution, tenant compte des traditions historiques du pays et de l'expérience démocratique des pays développés - La Constitution actuelle de la Roumanie, adoptée par référendum le 8 décembre 1991 et entrée en vigueur à la même date, consacre un système parlementaire bicaméral, formé de la Chambre des députés et du Sénat, établissant aussi que « le Parlement est l'organe représentatif suprême du peuple roumain et l'unique autorité législative du pays ». Tant la Chambre des députés que le Sénat sont élus au suffrage universel, égal, direct, secret et librement exprimé, conformément à la loi électorale. Les deux chambres sont élues pour un mandat de quatre ans et le nombre des députés et des sénateurs est établi par la loi électorale, proportionnellement à la population du pays. En conséquence, les deux chambres du Parlement ont les mêmes pouvoirs.

Cette formule de bicamérisme, intégral ou parfait, est le résultat de la négociation menée par l'Assemblée constituante du bicamérisme différencié sous certains aspects, institué par le décret-loi n° 92/1990 pour l'élection du Parlement et du Président de la Roumanie. Cet acte normatif, qui s'est trouvé à la base de l'organisation des élections de 1990, a réintroduit en Roumanie la structure bicamérale du Parlement. Une telle tendance était normale et justifiée, sachant que dans un État unitaire le bicamérisme est motivé par d'autres arguments que dans le cas d'un état fédératif. Dans l'État unitaire, il y a une volonté nationale unique, et à la base du bicamérisme se trouve le principe de la séparation des pouvoirs, respectivement le fonctionnement du pouvoir législatif. La commission de rédaction du projet de Constitution a essayé de promouvoir un bicamérisme différencié, présentant à l'Assemblée constituante plusieurs variantes. En dernière analyse, celles-ci proposaient un Parlement bicaméral au sein duquel les deux chambres soient différenciées par les modalités de désignation et par les fonctions, formule qui assurait la prééminence de la Chambre des députés dans la solution des différends entre les chambres. Mais les discussions de la Constituante ont imposé la volonté de garantir aux deux chambres la même légitimité et, en conséquence, le même pouvoir et ont consacré une formule inédite pour l'expérience parlementaire roumaine, car dans le régime parlementaire d'avant-guerre, le Sénat n'était qu'un corps pondérateur, de réflexion, la Chambre des députés ayant le dernier mot. Ce bicamérisme intégral a été emprunté à l'expérience constitutionnelle italienne et belge et il garantit d'une manière beaucoup plus radicale les avantages du bicamérisme en général : éviter la concentration du pouvoir dans le Parlement par sa répartition entre les deux chambres qui, en cas d'équivalence, vont s'empêcher réciproquement de devenir despotiques ou bien le support d'un régime autoritaire ; garantir un examen approfondi des projets d'acte normatif, ce qui représente un gage de la qualité de la production législative, les lois adoptées étant plus satisfaisantes, tant du point de vue du contenu que de la forme, même si le délai d'adoption est relativement plus long et l'efficacité est relativement réduite, de même, le contrôle de la politique gouvernementale est plus efficace par l'intermédiaire de deux chambres que par une seule.

Les débats de l'Assemblée constituante se sont référé, pour justifier le bicamérisme, à la nécessité d'éviter « le diktat du Parlement » et au fait qu'une loi examinée par deux chambres différentes offre une garantie supplémentaire, aux avantages de l'existence de deux chambres pour le processus législatif et pour le contrôle du Gouvernement, à la crainte, qu'en cas de monocamérisme, le Parlement gagnerait une omnipotence dictatoriale, à la nécessité d'assurer des garanties supplémentaires en ce qui concerne la mise en place des principes démocratiques et l'élimination de certaines « erreurs » dans l'activité de Tune ou de l'autre chambre.

L'équivalence juridique des deux chambres, qui en est résulté, n'est pas incompatible avec leur différenciation selon des critères qui puissent assurer la réalisation du dialogue législatif. Le pluralisme des deux chambres résulte des conditions d'éligibilité plus sévères dans le cas du Sénat - 35 ans par rapport à 25 ans pour les députés - conformément à la Constitution, de la norme de représentation plus élevée pour l'élection d'un sénateur, qui est soumis, ainsi, à une sélection électorale plus sévère et, par conséquent, de la composition numérique plus réduite du Sénat par rapport à la Chambre des députés, ce qui influence de manière significative le déroulement du processus législatif au Sénat, où l'échange d'idées et les majorités nécessaires se réalisent plus facilement. De même, c'est le Sénat qui nomme l'Avocat du peuple, pour une durée de quatre ans.

Mais le bicamérisme intégral pourrait présenter et, parfois, présente même des désavantages. Étant équivalentes, les deux chambres pourraient se contrecarrer réciproquement. Afin d'éviter de telles situations, les chambres se réunissent en séance commune. Les séances communes s'organisent pour débattre les principaux problèmes politiques de la nation (prévus dans la Constitution) ou bien en cas de divergence irréconciliable au cours du processus législatif, après échec de la procédure de médiation par l'intermédiaire de la « commission mixte paritaire » constituée pour solutionner les questions respectives. Outre ces situations, en conformité avec le règlement des séances communes, les chambres peuvent se réunir aussi dans d'autres cas.

Par conséquent, la séance commune des chambres représente une forme de travail, institutionnalisée par la Constitution, une modalité de la procédure parlementaire, qui peut être considérée soit par une procédure d'urgence dans le cadre du processus législatif, pour stopper la navette parlementaire, donc pour écarter les blocages, soit une modalité d'adopter une mesure ou bien une attitude commune en cas de problèmes majeurs d'intérêt national, qui, par leur nature, réclament un traitement corrélé et unitaire.

Dernièrement, des opinions critiques ont été exprimées à l'adresse du bicamérisme, tel qu'il existe aujourd'hui chez nous. Soit, de façon radicale, on demande de renoncer au bicamérisme et, en même temps, de réduire le nombre des élus (pour des raisons d'ordre économique, aussi), soit, dans les conditions de son maintien, on demande d'accentuer la différenciation des attributions des deux chambres, éventuellement, même, de revenir au modèle parlementaire bicaméral d'avant-guerre.

On peut dire que, ayant une structure bicamérale, le Parlement de la Roumanie présente, en général, les mêmes traits caractéristiques des Parlements de ce type, avec leurs avantages et désavantages. Mais, il a aussi toute une série de traits spécifiques liés à son mode de désignation et à sa composition, à ses attributions, à la procédure d'adoption des actes normatifs, etc., ce qui le différencie d'autres Parlements.

Malgré les grandes difficultés auxquelles se confronte notre pays pendant la période de transition, le Parlement remplit son rôle constitutionnel d'organe représentatif suprême du peuple roumain, contribuant ainsi à la stabilité politique dans la zone tellement agitée du Sud-Est européen.

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