COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI POUR LA CONFIANCE DANS L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Mardi 27 avril 2004

- Présidence de M. Patrick Ollier, président. -

La commission a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau. Elle a nommé :

- M. Patrick Ollier, député, président,

- M. Jean-Paul Emorine, sénateur, vice-président,

- M. Jean Dionis du Séjour, député,

- MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido, sénateurs,

respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

La commission a ensuite examiné les dispositions restant en discussion.

La commission a adopté la dénomination de l'intitulé du chapitre Ier du Titre Ier retenu par le Sénat et confirmé la suppression de l'article 1er C (Définitions).

A l'article 1er, après que M. Christian Paul eut exprimé ses vives réserves sur les définitions proposées par cet article en estimant qu'elles n'étaient pas opérationnelles, en particulier en ce qui concerne les services audiovisuels, la commission a adopté l'article 1er dans la rédaction du Sénat, modifié par deux amendements, l'un de coordination, l'autre rédactionnel.

Elle a ensuite adopté l'article 1er bis AA (Coordination) dans la rédaction du Sénat et confirmé la suppression de l'article 1er bis A (Diffusion des données publiques numérisées).

S'agissant de l'article 1er bis BA relatif à l'utilisation des nouvelles technologies au bénéfice des agents publics handicapés, M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, observant qu'une telle disposition aurait davantage sa place dans le projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, en a proposé la suppression.

MM. Daniel Raoul, Patrick Ollier, président et Alain Gouriou s'étant déclarés favorables au maintien de cette disposition et M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, ayant rappelé qu'elle avait été votée à l'unanimité par le Sénat, la Commission mixte paritaire a adopté l'article 1er bis BA modifié par un amendement présenté par le rapporteur pour l'Assemblée nationale.

Elle a adopté l'article 1er bis B (Définition des standards, protocoles et standards ouverts) dans une rédaction proposée par le rapporteur pour l'Assemblée nationale et confirmé la suppression de l'article 1er bis (Substitution du mot « radio » à celui de « radiodiffusion »).

A l'article 2 bis relatif à la responsabilité des prestataires techniques, après que M. Christian Paul eut tenu à rappeler l'opposition de son groupe à la conception de la responsabilité des hébergeurs retenue dans le projet de loi, un débat s'est engagé sur le 7 du I de cet article.

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que l'Assemblée avait voté par deux fois un dispositif prévoyant que les hébergeurs devaient mettre en oeuvre les moyens conformes à l'état de l'art pour empêcher la diffusion de données à caractère pédophile, négationniste ou incitant à la haine raciale. Il a ensuite estimé que la rédaction du Sénat, prévoyant que le ministre en charge des communications électroniques encourage les hébergeurs à élaborer une charte de bonne conduite destinée à empêcher ces infractions, était trop limitée pour faire face à l'ampleur de ce problème.

Il a rappelé que les ministres de l'Union européenne s'étaient réunis le 22 avril 2004 afin de trouver un accord pour définir une politique de lutte contre la pornographie enfantine et le racisme, et rendre l'Internet plus sûr.

Concernant le problème de la compatibilité avec les normes communautaires du dispositif voté par l'Assemblée, il a rappelé que la directive 2000/31/CE relative au commerce électronique indiquait clairement, dans son article 15, qu'il n'existait pas d'obligation générale de surveillance des sites hébergés par les prestataires techniques. Il a néanmoins souligné que le considérant 47 de cette directive ouvrait la possibilité de créer une obligation spécifique de surveillance, ce qui permettait au législateur français de prévoir un dispositif d'obligation de surveillance thématique dans le domaine du racisme, du négationnisme ou de la pédophilie.

Au sujet de la faisabilité technique du dispositif voté par l'Assemblée, il a indiqué qu'une rencontre entre les représentants de l'Association des fournisseurs d'accès et de services Internet (AFA), de l'Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et de sociétés de services et d'ingénierie informatique spécialisées avait mis en évidence le fait qu'il était encore difficile de mettre au point un dispositif permettant de détecter systématiquement les images nouvelles à caractère pédophile ou raciste. Il a néanmoins indiqué qu'il était au contraire très facile de détecter de telles images dans un fonds documentaire lorsqu'elles sont déjà répertoriées dans une banque de données d'images connues. Enfin, il a indiqué que l'analyse textuelle permettait, de manière parfaitement opérationnelle, de faciliter très fortement la recherche de textes délictueux.

S'agissant du caractère économiquement raisonnable du dispositif proposé par l'Assemblée, il a exprimé son désaccord avec les rapporteurs pour le Sénat, selon lesquels ce dispositif nécessiterait le recrutement de plusieurs dizaines de milliers de juristes informaticiens pour assurer sa mise en oeuvre. Il a rappelé que, selon ses informations, les logiciels nécessaires coûtaient environ 100 000 euros, auxquels il fallait ajouter quelques moyens humains pour en assurer le fonctionnement.

Il a estimé que la liberté de l'Internet en faisait, certes, un formidable outil de communication, mais que la régulation du contenu des informations véhiculées serait un enjeu de société majeur au cours des prochaines années. Il a indiqué que si la rédaction de l'Assemblée était contraignante, reflétant une position peut-être excessive, celle du Sénat était trop limitée pour faire face à l'ampleur du problème.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que les sénateurs partageaient entièrement la préoccupation des députés à l'égard de la diffusion en ligne de contenus particulièrement odieux. Il a fait observer que la rédaction adoptée par le Sénat en deuxième lecture avait été élaborée par un groupe de travail ad hoc réunissant toutes les familles politiques qui s'y étaient déclarées favorables à l'unanimité.

Il a ensuite insisté sur le fait que le travail du Parlement consistait, en l'occurrence, à transposer une directive communautaire qui s'imposait impérativement et qu'il aurait fallu pouvoir intervenir plus en amont, afin de peser sur les négociations préalables à l'adoption de la directive, mais qu'il n'était pas possible d'adopter aujourd'hui une disposition clairement contraire à la directive 2000/31/CE relative au commerce électronique.

A titre d'illustration, il a évoqué le cas du Luxembourg, qui avait introduit, dans le texte de transposition en droit national, une disposition en tout point similaire à celle votée par l'Assemblée nationale, et qui avait dû « remettre l'ouvrage sur le métier » en raison de l'incompatibilité manifeste d'une telle disposition avec la directive communautaire à transposer.

S'agissant de la faisabilité technique, il a relevé que les technologies n'étaient pas mûres, comme en avait d'ailleurs convenu lui-même le rapporteur pour l'Assemblée nationale, pour détecter les images litigieuses.

Enfin, concernant le coût économique d'une telle mesure, il a confirmé que l'évaluation relative au nombre de juristes-informaticiens à recruter, qui figurait dans le rapport de deuxième lecture du Sénat, résultait d'auditions des acteurs économiques concernés et se trouvait dans un article d'une revue spécialisée en la matière.

Il a conclu en faisant observer au rapporteur pour l'Assemblée nationale que son initiative « coup de poing » avait déjà porté ses fruits, et notamment conduit à l'élaboration d'une charte de bonne conduite. A ce sujet, il a reconnu qu'imposer au gouvernement « d'encourager » l'élaboration d'une charte de bonne conduite ne représentait pas une exigence très forte, mais a relevé que le considérant 49 de la directive interdisait de rendre obligatoire la mise en place de tels codes de bonne conduite, l'adhésion des prestataires techniques à ces codes devant également rester libre.

Après avoir ainsi reconnu l'utilité de la démarche de l'Assemblée nationale, il a de nouveau insisté sur l'incompatibilité d'une telle disposition avec la directive communautaire et avec les interprétations qu'en avait faites la Commission européenne.

M. Alain Gouriou a indiqué que, sur ce point central du projet de loi, sa position était proche de celle du Sénat.

Il a estimé que les informations sur la multiplication des sites véhiculant des messages à caractère pédophile ou raciste étaient contradictoires, indiquant que si certaines associations avançaient une augmentation de ces sites de 70 % en 2003, d'autres sources assuraient qu'il n'y aurait pas plus de dix sites pédophiles hébergés en France.

Il a estimé qu'il existait une contradiction entre la directive et la rédaction proposée par l'Assemblée nationale, ainsi qu'une difficulté technique réelle pour mettre en oeuvre le dispositif retenu. Il a estimé que l'universalité de l'Internet rendait impossible une régulation partielle des informations échangées, sans qu'un coût colossal ne soit engagé sans résultats garantis. Indiquant partager les préoccupations du rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, il a néanmoins estimé la rédaction du Sénat plus opportune.

M. Jean-Paul Charié a rappelé que l'ensemble des parlementaires présents partageait la volonté de lutter contre les sites Internet diffusant des contenus à caractère pédophile, raciste ou négationniste. Il a toutefois jugé que l'adoption d'un texte inapplicable conduirait à un développement de tels sites et a, en conséquence, apporté son soutien à la rédaction sénatoriale.

Il a ajouté qu'il était impossible, sauf à entraver la liberté des acteurs économiques, d'inscrire l'ensemble des règles nécessaires dans la loi elle-même et a jugé les codes de bonne conduite plus efficaces. Il a néanmoins rappelé que seule l'intervention des pouvoirs publics avait, dans le passé, permis l'application de ceux-ci. Il a donc suggéré de donner à ces codes force de loi pour que les signataires soient tenus de les respecter. Il a considéré que, d'une manière générale, le texte sénatorial semblait à la fois tourné vers l'efficacité et compatible avec les règles communautaires sur cette question.

Puis il a attiré l'attention sur un problème nouveau, le développement des abus liés aux enchères inversées sur Internet, remarquant que celles-ci se retournaient contre les entreprises et surtout contre les salariés, avec la mise aux enchères d'emplois intérimaires. Il a fait valoir que la solution de tels problèmes, comme de ceux liés à la pédophilie et au racisme, passait moins par la loi que par la pression médiatique conduisant à l'adoption de codes de bonne conduite.

M. Christian Paul a souligné la volonté partagée par tous de lutter contre les contenus particulièrement odieux, puis a précisé qu'il estimait, pour sa part, nécessaire de le faire dans le respect de deux principes, la nécessité de placer l'autorité judiciaire au coeur du dispositif, tout d'abord, et la prise en compte des contraintes techniques, en second lieu.

Il a ensuite souligné la responsabilité première de l'Etat en matière de lutte contre la diffusion des contenus illégaux et a, en conséquence, estimé la rédaction du Sénat préférable.

M. Jean Proriol a rappelé que les députés avaient apporté leur soutien à la position du rapporteur en première et seconde lecture sur ce point, en repoussant plusieurs arguments. Il a d'abord souligné que l'idée selon laquelle le texte proposé ne serait pas « eurocompatible » avait alors été renvoyée en séance publique par un député éminent à la seule appréciation de la Cour de justice des communautés européennes. Il a ajouté que la disposition communautaire, invoquée par M. Jean Dionis du Séjour, permettant la mise en place d'une surveillance spécifique des contenus des sites Internet, méritait d'être prise en considération.

Puis il a remarqué que l'argument de l'impossibilité technique était avancé de manière habituelle par les praticiens lorsqu'il était envisagé d'élaborer un nouveau cadre normatif les obligeant à s'adapter. Tout en admettant qu'il ne serait jamais possible de supprimer entièrement le risque que des pirates informatiques ne parviennent à échapper à la surveillance, il a estimé que le mécanisme proposé semblait réalisable.

Il a enfin rappelé que les modalités du financement du service universel en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication avaient été modifiées récemment dans un sens très favorable aux fournisseurs d'accès Internet, en reportant la charge sur les opérateurs de téléphonie mobile. Il a donc considéré que ces fournisseurs d'accès disposaient aujourd'hui des marges de manoeuvre financières adéquates pour assumer le coût lié à la mise en place d'un tel système.

M. Louis de Broissia a exprimé son plein accord avec la rédaction adoptée par le Sénat. Il a avoué avoir été tenté de suivre les arguments développés par le rapporteur pour l'Assemblée nationale, notamment en raison de la mission que lui avait confiée le Gouvernement sur la famille, les adolescents et l'usage d'Internet. Il a fait part des diverses consultations qu'il avait menées à ce titre, notamment auprès des associations familiales et de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, conseiller d'Etat. Il a jugé que la difficulté majeure soulevée par le texte défendu par le rapporteur pour l'Assemblée nationale tenait d'abord à l'impossibilité de le rendre opérationnel, plutôt qu'à son incompatibilité avec la directive.

Le président Patrick Ollier a indiqué que le dispositif déjà défendu avec énergie par le rapporteur, lors des deux lectures, avait à chaque fois semblé acceptable aux députés, qui n'avaient pas alors jugé insurmontables les difficultés opérationnelles désormais invoquées. Il a souligné qu'il conviendrait en tout état de cause d'être vigilant et nuancé pour éviter une interprétation caricaturale par les médias de la position parlementaire face à une proposition guidée par des considérations morales.

Face au risque d'incompréhension de familles désireuses de protéger leurs enfants, il a jugé insuffisamment contraignante la rédaction du Sénat précisant que le ministre « encourage » l'élaboration d'une charte de bonne conduite et a suggéré de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la fixation des obligations correspondantes.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a exprimé son soutien à l'opinion du président Patrick Ollier. Il a proposé une nouvelle rédaction qu'il jugeait susceptible de rapprocher les points de vue et a demandé une suspension de séance pour élaborer un texte commun avec l'Assemblée nationale.

M. Jean-Paul Charié a souhaité qu'une nouvelle rédaction permette de renforcer la notion trop faible d'encouragement, de fixer un délai pour l'élaboration de la charte de bonne conduite et de rendre cette dernière opposable aux tiers.

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que les problèmes grandissants posés par les contenus Internet incriminés correspondaient à un phénomène de société majeur et conduiraient prochainement à une réunion des ministres de l'Union européenne ainsi qu'à l'engagement de dépenses s'élevant à 50 millions d'euros. Il s'est appuyé sur sa propre expérience d'ingénieur à la Caisse des dépôts et consignations pour assurer que les instruments techniques d'aide à la recherche, jugés par certains insuffisamment mûrs sur le plan technique, se développaient très rapidement.

Il a ensuite estimé qu'une partie de l'industrie informatique concernée, en particulier les entreprises regroupées au sein de l'Association des fournisseurs d'accès (AFA), resterait à l'évidence passive si le rôle du ministre se limitait à « encourager » l'adoption d'une charte de bonne conduite.

Il a ensuite précisé que si le premier paragraphe de l'article 15 de la directive communautaire concernée écartait certes les obligations à caractère général, son second paragraphe prévoyait aussi que les prestataires peuvent instaurer l'obligation d'informer les pouvoirs publics. Il a proposé que les fournisseurs d'accès soient tenus de mettre en place des dispositifs de signalement à la disposition des internautes, et d'alerter les pouvoirs publics aussitôt que des contenus odieux leur sont signalés. Il a enfin suggéré de contraindre ces entreprises à rendre publics leurs efforts en matière de lutte contre la diffusion des contenus odieux et de prévoir que le Gouvernement remette régulièrement au Parlement des rapports consacrés à cette question.

Le président Patrick Ollier a considéré que les règles ne pourraient avoir force de loi en figurant dans une simple charte. L'inscription de l'ensemble de ces règles dans un texte de loi semblant difficile, il a donc suggéré de renvoyer leur fixation à un décret.

Après une suspension de séance, M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et MM. Bruno Sido et Pierre Hérisson, rapporteurs pour le Sénat, ont proposé une réécriture du dernier alinéa du 7 du paragraphe I de l'article 2 bis, disposant que :

- compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine, les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs devaient concourir à la lutte contre la diffusion des données constitutives des infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l'article 227-23 du code pénal ;

- ces personnes devaient, à ce titre, mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données, et avaient, en outre, l'obligation, d'une part, d'informer promptement les autorités publiques de toutes activités illicites qui leur seraient signalées et qu'exerceraient les destinataires de leurs services, et, d'autre part, de rendre publics les moyens qu'elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites ;

- le non-respect des obligations en matière de mise en place d'un dispositif de signalement, d'information des autorités publiques et de publicité des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les activités illicites précitées est soumis aux sanctions prévues au 1 du paragraphe V de l'article 2 bis.

M. Jean Proriol ayant estimé plus judicieux de prévoir que les prestataires techniques informent les autorités publiques des activités illicites dont ils auraient connaissance et pas seulement de celles qui leur auraient été signalées, M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a fait valoir qu'une telle rédaction supposerait la mise en place d'un système de filtrage, ce qui ne lui semblait pas opportun. Il a par ailleurs suggéré de compléter l'amendement afin de prévoir que le Gouvernement présente un rapport annuel au Parlement sur la diffusion en France via Internet de données illicites ayant trait à l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale et la pornographie enfantine.

Le président Patrick Ollier s'y est déclaré défavorable, jugeant qu'un tel ajout affaiblirait le reste du dispositif proposé et M. Jean-Paul Charié a fait valoir que ce sujet pourrait être étudié, par exemple, par un parlementaire chargé d'une telle mission par le Gouvernement. Après que M. Daniel Raoul eut rappelé ses réticences quant à l'emploi de l'adjectif « illicites » -et non « illégales » pour qualifier les données en cause- la commission mixte paritaire a retenu la rédaction présentée par le rapporteur pour l'Assemblée nationale et les deux rapporteurs pour le Sénat pour le 7 du paragraphe I.

M. Christian Paul a ensuite jugé que la rédaction proposée par le Sénat au paragraphe IV bis revenait en pratique à supprimer toute prescription de l'action publique et de l'action civile lorsque le contenu mis en ligne est stocké. M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a fait valoir la spécificité d'Internet, où les contenus pouvaient être discrètement diffusés les trois premiers mois et échapper ainsi à la prescription prévue par la loi de 1881, qui se révélait donc insuffisante dans ce cas, ce qui justifiait la mise en oeuvre d'un dispositif particulier. M. Christian Paul a fait part de ses doutes quant à la possibilité d'identifier précisément la date de parution de données sur un site et a également souligné que celles-ci pouvaient en outre être reprises par un autre site que celui qui les aurait initialement mises en ligne. Il a en outre signalé une récente jurisprudence de la Cour de Cassation qui applique le délai de prescription de trois mois, à compter de leur mise en ligne, aux données diffusées par Internet.

Après que M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, eut fait remarquer que la rédaction du Sénat émanait d'un amendement gouvernemental, M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a exprimé son soutien à cette rédaction sous réserve d'adaptations de portée rédactionnelle.

M. Daniel Raoul s'est alors inquiété de la cohérence du dispositif prévu avec celui de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui porte à un an le délai de prescription de l'action publique pour les contenus à caractère raciste. Après avoir procédé à un ajustement rédactionnel permettant d'assurer pleinement cette cohérence, la commission a adopté la rédaction proposée pour ce paragraphe par le rapporteur pour l'Assemblée nationale.

Au paragraphe V, la commission mixte paritaire a retenu une modification de coordination proposée par le rapporteur pour l'Assemblée nationale et les rapporteurs pour le Sénat.

Puis la commission a adopté l'article 2 bis dans la rédaction du Sénat ainsi modifiée.

La Commission a confirmé la suppression de l'article 2 ter (Coordination) et adopté l'article 2 quater (Mention obligatoire relative au piratage) dans la rédaction du Sénat.

La Commission a confirmé la suppression de l'article 5 (Attribution et gestion des noms de domaine).

A l'article 6 (Définition du commerce électronique et de l'établissement), M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a proposé un retour à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, jugeant peu opportun d'inclure dans le commerce électronique, comme l'a fait le Sénat, les moteurs de recherche non payants.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a fait remarquer que la rédaction proposée par les sénateurs avait fait l'objet d'une large concertation avec le Gouvernement et a souligné la vigilance de la Commission européenne quant à la définition des services devant être inclus dans le commerce en ligne.

M. Jean-Paul Charié s'est pour sa part rangé aux arguments du rapporteur pour le Sénat. Après que M. Alain Gouriou eut partagé l'analyse du rapporteur pour l'Assemblée nationale concernant l'inclusion des moteurs de recherche gratuits dans le commerce électronique, la commission mixte paritaire a adopté cet article dans la rédaction du Sénat.

La Commission a adopté l'article 6 bis (Responsabilité des commerçants électroniques), l'article 9 (Éléments d'information obligatoires permettant l'identification du prestataire) et l'article 10 (Obligations de transparence) dans la rédaction du Sénat.

A l'article 12 (Régime de la prospection directe), M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a regretté la suppression par le Sénat du troisième alinéa de l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications. En effet, a-t-il estimé, il convient de préciser que seule la prospection commerciale est concernée, une interdiction trop large pouvant nuire au développement de l'Internet et alourdir les procédures. M. Alain Gouriou a lui aussi regretté cette suppression.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a précisé que cette suppression visait à se rapprocher du texte de la directive. Par ailleurs, a-t-il ajouté, le développement du spamming risque de nuire au dynamisme de la messagerie électronique.

Après que M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, eut indiqué qu'il existait déjà des possibilités de désabonnement et qu'un dispositif de consentement préalable était trop lourd, la commission mixte paritaire a adopté cet article dans la rédaction du Sénat modifiée par l'ajout de la disposition adoptée par l'Assemblée nationale définissant la notion de prospection directe.

La Commission a adopté les articles 14 (Régime des actes et contrats souscrits et conservés sous forme électronique), 16 bis (Régime des actes et contrats passés sous forme électronique), 21 (Responsabilité des prestataires de services de certification électronique pour les certificats présentés par eux comme qualifiés), 34 (Création d'une nouvelle incrimination en matière de droit de l'informatique) et 36 (Régime d'attribution des fréquences satellitaires) dans la rédaction du Sénat.

A l'article 37 bis B (Enfouissement des lignes), M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a proposé une nouvelle rédaction dont l'objectif était d'obliger les opérateurs de communications électroniques à enfouir leurs câbles lorsque les câbles électriques le sont et d'éviter que cette obligation ne s'avère ruineuse pour les communes. Il a précisé que le dispositif qu'il proposait était le suivant :

- tout opérateur de communications électroniques autorisé, par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération compétent pour la distribution publique d'électricité, à installer un ouvrage aérien non radioélectrique sur un support de ligne aérienne d'un réseau public de distribution d'électricité, procède, en cas de remplacement de cette ligne aérienne par une ligne souterraine à l'initiative de la collectivité ou de l'établissement précité, au remplacement de sa ligne aérienne en utilisant le même ouvrage souterrain que celui construit en remplacement de l'ouvrage aérien commun ;

- la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération prend à sa charge les coûts de construction des infrastructures créées à cet effet, y compris les coûts d'études et d'ingénierie correspondants. L'opérateur de communications électroniques prend à sa charge les coûts de dépose et de réinstallation ou de remplacement de l'ouvrage de communications électroniques déposé, y compris les coûts d'études et d'ingénierie correspondants ;

- les infrastructures créées par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération lui appartiennent. L'opérateur de communications électroniques prend à sa charge l'entretien de son ouvrage ;

- une convention conclue entre la collectivité ou l'établissement précité et l'opérateur de communications électroniques fixe la participation financière de celui-ci sur la base des principes énoncés ci-dessus, ainsi que le montant de la redevance qu'il doit éventuellement verser au titre de l'occupation du domaine public.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a également proposé une rédaction nouvelle, laissant à la charge de l'opérateur de communications électroniques tous les coûts afférant au remplacement en souterrain de la portion aérienne de son réseau, renvoyant également, s'agissant de la prise en charge de l'entretien des infrastructures que la collectivité aurait créées pour l'enfouissement, à une convention entre cette collectivité et les utilisateurs des infrastructures en cause, et enfin fixant les principes de détermination de la redevance dont devrait s'acquitter l'opérateur.

M. Jean Proriol a indiqué qu'il partageait le souci des rapporteurs, mais que la lutte était inégale entre les communes et des opérateurs de communications électroniques, notamment l'opérateur historique, très puissants et bien organisés. Il a cité sa commune en exemple, où France Télécom facture 35 % des frais d'études à la collectivité, sans que cela soit justifié et sans que la commune puisse contrôler la pertinence des montants avancés. Il s'est donc inquiété de la façon dont la convention serait mise en oeuvre et s'est déclaré favorable à un mécanisme plus simple, c'est-à-dire une prise en charge des coûts par les opérateurs de communications électroniques, comme c'était le cas dans le passé.

M. Alain Gouriou a estimé qu'il convenait d'être très prudent sur la question du financement ; plusieurs opérateurs pouvant s'installer sur un même ouvrage, il a jugé délicate la fixation de pourcentages.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour le Sénat, a relevé que les inquiétudes de M. Jean Proriol étaient levées par la rédaction proposée, mais a estimé qu'il n'était pas utile de définir les obligations des collectivités territoriales, qu'il a considérées comme implicites.

M. Alfred Trassy-Paillogues s'est déclaré peu satisfait de la rédaction proposée et a jugé nécessaire de préciser que les câbles, fourreaux et chambres de tirage, c'est-à-dire les équipements des opérateurs, soient à la charge de ceux-ci.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour le Sénat, a souligné la nécessité de ne pas pénaliser les collectivités territoriales.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a proposé de revenir à la rédaction du Sénat fixant un pourcentage calé sur le dispositif en vigueur pour l'enfouissement des lignes électriques.

M. Jean Proriol a estimé que les deux systèmes n'étaient pas comparables.

Puis, M. Yves Simon a souligné que le système actuel n'était pas satisfaisant : alors qu'autrefois les collectivités territoriales et France Télécom étaient liées par un contrat forfaitaire, la fin de la forfaitisation et la pratique des devis ont entraîné illisibilité et incompréhension.

A l'issue de cette discussion, la commission a adopté cet article dans une nouvelle rédaction de compromis proposée conjointement par les rapporteurs.

La commission a confirmé la suppression de l'article 37 bis C (Couverture du territoire par les réseaux à haut débit).

A l'article 37 ter (Tarification à la seconde), le rapporteur pour l'Assemblée nationale a proposé de rendre plus transparente la facturation des communications sur les cartes prépayées, en assurant une parfaite correspondance entre la durée de communication possible annoncée, et la durée de communication possible par la suppression d'un coût fixe de connexion à chaque appel.

Le rapporteur pour le Sénat, M. Bruno Sido, s'est déclaré défavorable à une telle proposition, faisant valoir qu'elle aurait pour conséquence inévitable l'augmentation du coût unitaire de la seconde de consommation et a proposé une rédaction suggérant, pour plus de transparence, d'exprimer le coût de connexion en « équivalents secondes ».

Le rapporteur pour l'Assemblée nationale a estimé légitime que tout consommateur ayant acheté trente minutes de communication puisse effectivement consommer trente minutes exactement et pas moins.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a rétorqué que le coût de connexion était une réalité indiscutable et qu'il était normal de facturer plus cher trente appels d'une minute plutôt qu'un appel de trente minutes.

M. Yves Simon a indiqué que la tarification à la seconde avait tout son sens lorsque les coupures étaient fréquentes, notamment dans les zones mal couvertes en téléphonie mobile, et obligeaient le consommateur à renouveler à plusieurs reprises ses appels.

La commission a ensuite adopté cet article dans la rédaction du Sénat modifiée conformément à la proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale.

La commission a confirmé la suppression de l'article 37 quater (Homologation des tarifs), a adopté dans la rédaction du Sénat l'article 37 quinquies (Vote électronique aux élections professionnelles) et a confirmé la suppression de l'article 37 sexies (Contrôle des tarifs des opérateurs puissants).

A l'article 37 septies (Gratuité des appels vers des numéros spéciaux), M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour l'Assemblée nationale, s'est déclaré défavorable à la suppression de cet article décidée par le Sénat, lequel avait préféré conserver dans le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle le dispositif relatif à ce sujet.

Il a estimé, en effet, qu'une telle disposition trouvait davantage sa place dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, d'abord, parce que c'était dans son cadre qu'elle y avait été formulée à l'origine, au cours des travaux de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Yves Simon ; ensuite, parce que ce projet de loi était orienté vers l'utilisation par les particuliers des nouvelles technologies de communication, alors que le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, était, quant à lui, plutôt consacré aux relations de concurrence entre opérateurs.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que c'était l'Assemblée nationale elle-même qui avait inséré cette disposition dans le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, et a sollicité l'avis de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour l'Assemblée nationale de ce projet de loi, sur le transfert envisagé par M. Dionis du Séjour. Il a également fait observer que le dispositif ne figurerait plus, de ce fait, dans le code des postes et des communications électroniques, contrairement à ce qui était prévu dans le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

M. Alfred Trassy-Paillogues s'étant rallié au point de vue du rapporteur pour l'Assemblée nationale, la Commission a adopté cet article dans la rédaction proposée par celui-ci.

Elle a enfin adopté l'article 38 bis dans la rédaction du Sénat.

Puis la commission a adopté l'ensemble du texte ainsi modifié.

COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF AU DIVORCE

Jeudi 29 avril 2004

- Présidence de M. Pascal Clément, président.

La commission a tout d'abord constitué son bureau et désigné :

--  M. Pascal Clément, député, président ;

--  M. René Garrec, député, vice-président ;

--  M. Patrick Delnatte, député, et M. Patrice Gélard, sénateur, rapporteurs respectivement pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles restant en discussion.

Saluant le travail de précision effectué par l'Assemblée nationale, M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que, à ce stade de la discussion, les seules divergences existant entre les deux assemblées concernaient, d'une part l'article 2 du projet de loi, l'Assemblée nationale ayant prévu, dans un divorce par consentement mutuel, la possibilité d'une seconde comparution à la demande des parties, et d'autre part, à l'article 12 du projet de loi, la possibilité de désigner un professionnel qualifié autre que le notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager. Sur ces deux points, il a souhaité revenir au texte du Sénat. Pour le surplus, il a invité ses collègues à approuver le texte de l'Assemblée nationale sous réserve de trois modifications ponctuelles et d'une réécriture de l'article 24 relatif à l'outre-mer.

Après avoir approuvé la proposition faite par le rapporteur pour le Sénat de réserver l'examen de l'article 2 du projet de loi, la commission a adopté l'article 4dans le texte de l'Assemblée nationale (divorce pour altération définitive du lien conjugal), sous réserve d'une modification du premier alinéa de l'article 238 du code civil afin de préciser que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans « lors de » l'assignation en divorce, M. Patrick Delnatte, rapporteur pour l'Assemblée nationale, ayant jugé cette rédaction plus précise.

La commission a ensuite adopté le texte de l'Assemblée nationale pour les articles 7(modification du fondement d'une demande en divorce en cours de procédure) et 8 (procédure de divorce impliquant un majeur protégé).

Elle a ensuite procédé à l'examen de l'article 12 (mesures provisoires), adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées à l'exception de ses deux derniers alinéas (9° et 10° de l'article 255 du code civil). M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, a déclaré se rallier à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour le 9° de l'article 255 du code civil, aux termes de laquelle le juge peut désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif et de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux. Il a admis en effet que la rédaction du Sénat, qui prévoyait la désignation d'un notaire ou d'un autre professionnel qualifié, pouvait être redondante. Il a souhaité en revanche que, au 10° de l'article 255 du code civil, seule soit prévue la possibilité pour le juge de désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'étant félicité de la modification apportée par l'Assemblée nationale au 9° de l'article 255 et ayant jugé préférable de laisser au juge la possibilité de désigner un autre professionnel qu'un notaire pour procéder à la liquidation du régime matrimonial, M. Alain Vidalies a rappelé que, dans les divorces par consentement mutuel - dont il a relevé qu'ils n'étaient pas ceux visés par cette disposition - les conventions de liquidation, dès lors qu'il n'y a pas de biens immobiliers, pouvaient être faites par un avocat. Observant que le conflit qui oppose les époux sur le partage de leurs biens peut parfois ne porter que sur des biens meubles ou des sommes extrêmement modestes, il a jugé que l'intervention obligatoire d'un notaire renchérirait, inutilement dans certains cas, le coût de la procédure, étant entendu que son intervention est d'ores et déjà obligatoire en présence d'immeubles. Confirmant ce dernier point, M. Sébastien Huyghe a toutefois rappelé que l'article 255 du code civil concernait exclusivement les divorces contentieux et que, à défaut d'accord entre les époux sur le partage de leurs biens, il était nécessaire qu'un tiers entre en jeu dans le cadre d'une procédure de partage judiciaire ; il a indiqué que le notaire intervenait en qualité d'auxiliaire de justice, se fondant sur des éléments objectifs qu'il établissait avec les conseils de chacune des parties. Estimant qu'il s'agissait ici du rôle naturel du notaire, il a réfuté l'argument du renchérissement du coût de la procédure, rappelant que les actes des notaires font l'objet d'une tarification et que des tiers pourraient avoir des tarifs différents. Rappelant que l'adoption de la loi du 11 juillet 1975 avait, dans les premières années de son application, suscité une querelle entre notaires et avocats sur la détermination du professionnel compétent pour établir une convention, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a estimé que l'adoption du texte dans la rédaction retenue par le Sénat conduirait à modifier les missions imparties aux différents intervenants et contraindrait le juge à recourir exclusivement au notaire, alors que le choix d'autres professionnels pouvait parfois s'avérer plus pertinent.

M. Pascal Clément, président, ayant déclaré partager la position du rapporteur du Sénat et jugé nécessaire d'éviter tout renchérissement du coût des procédures, M. Émile Blessig a rappelé que la désignation du notaire ou du professionnel qualifié interviendrait au stade de l'ordonnance de non-conciliation et non à celui du partage judiciaire, bien ultérieur. Ne jugeant pas central l'argument lié au coût des procédures, il a estimé qu'il convenait avant tout de donner au juge la plus large palette de mesures, afin de lui permettre de s'adapter au mieux à la variété des cas d'espèce. Après avoir indiqué que la disposition en question concernait la liquidation du régime matrimonial qui est au coeur des compétences du notaire, M. Jean-Jacques Hyest a relevé que l'Assemblée nationale n'avait pas modifié l'article 267 du code civil qui permettra au juge, à la demande de l'un des époux, de statuer sur les désaccords persistant entre eux dès lors que le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255 contiendra des informations suffisantes. M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, ayant souligné la pertinence de cette observation, M. Patrick Delnatte, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que le projet de loi cherchait d'une part à simplifier les procédures, d'autre part à limiter la durée de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux postérieure au divorce ; notant que l'intervention du notaire était obligatoire après le prononcé de celui-ci, il a jugé qu'il était à la fois cohérent et dans l'intérêt des justiciables de permettre au juge de confier au seul notaire le soin d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial. Tout en admettant que l'article 267 aurait dû être modifié par coordination, M. Alain Vidalies, sans entendre contester les compétences du notaire, a souligné l'innovation que comportait le projet de loi sur le 10° de l'article 255 : il a estimé que cette disposition conduirait les juges à désigner dès le stade de la conciliation un notaire pour élaborer un projet de liquidation, avant de relever que celui-ci supposait une mission de conciliation des parties ; il a considéré que le législateur serait dans l'obligation de remanier ce dispositif, qu'il a jugé extrêmement rigide. M. Sébastien Huyghe ayant rappelé qu'il entrait dans la mission quotidienne du notaire de concilier les parties, la commission a adopté l'avant-dernier alinéa de cet article (9° de l'article 255 du code civil) dans le texte de l'Assemblée nationale et le dernier alinéa de cet article (10° de l'article 255 du code civil) dans le texte du Sénat. Puis elle a adoptél'article 12 ainsi modifié.

La commission a ensuite adopté dans le texte de l'Assemblée nationale les articles 14 (preuve et déclaration sur l'honneur en matière de prestation compensatoire), 15(date d'effet du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens), 16 (dispositions générales relatives aux conséquences du divorce) et 17 (conséquences propres aux divorces autres que ceux prononcés par consentement mutuel).

A l'article 18 (prestation compensatoire), M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, a indiqué se rallier à la modification apportée par l'Assemblée nationale aux conditions dans lesquelles le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire ; il a également approuvé, au III de l'article 18, l'insertion d'une disposition subordonnant à l'accord de l'époux débiteur l'exécution de la prestation par l'attribution de biens qu'il aurait reçus par succession ou donation. En réponse à une interrogation de M. Michel Dreyfus-Schmidt sur l'opportunité de distinguer l'origine des biens, M. Alain Vidalies a rappelé que cette disposition consacrait une distinction résultant de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, fruit d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat. M. Jean-Yves Le Bouillonnec a rappelé que cette disposition aurait pu être évitée si l'Assemblée nationale avait retenu la proposition qu'il avait faite en première lecture de prévoir, non pas l'attribution d'un bien en propriété mais son abandon, ce qui impliquait l'accord de son propriétaire. Afin d'éviter toute difficulté d'interprétation, M. Sébastien Huyghe et le rapporteur pour le Sénat ont suggéré de modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale afin de préciser qu'est soumise à l'accord du débiteur l'attribution « en propriété » de biens qu'il aurait reçus par succession ou donation. MM. Pierre Fauchon et Pascal Clément, président, ayant jugé cette précision redondante, M. Patrick Delnatte, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a préféré lever toute ambiguïté rédactionnelle. La commission a retenu cette modification au texte de l'Assemblée nationale. Le rapporteur pour le Sénat ayant ensuite approuvé le choix fait par l'Assemblée nationale de revenir aux critères prévus par la loi du 30 juin 2000 pour l'attribution d'une rente viagère, le rapporteur pour l'Assemblée nationale a fait part de son souhait de maintenir sur ce point un équilibre entre créanciers et débiteurs ; M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est toutefois interrogé sur l'octroi d'une rente viagère si l'état de santé de nature à la justifier n'est pas permanent, avant de regretter que la loi ne fasse de la prestation compensatoire qu'un capital de plus en plus maigre.

Au VII de l'article 18, M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, a proposé de retenir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour l'article 276-4 du code civil sous réserve d'en ôter le mot « viagère ». M. Alain Vidalies s'est interrogé sur les incidences de cette modification, notamment compte tenu des possibilités de cumul d'un capital et d'une rente temporaire, l'un des époux pouvant ainsi revenir sur les choix antérieurement faits. Lerapporteur pour le Sénat a indiqué que cette suppression répondait à un souci de coordination avec la rédaction des articles 279-1, 280 et 280-1, et qu'à défaut, toute possibilité de substitution d'un capital à une rente temporaire serait exclue ; puis il a indiqué que, en tout état de cause, le cumul évoqué par M. Alain Vidalies résultait de la volonté des parties, le juge ne faisant qu'homologuer ou non cette dernière. La commission a retenu cette modification apportée au texte de l'Assemblée nationale.

Puis la commission a adopté l'article 18 dans le texte de l'Assemblée nationale ainsi modifié.

La commission a adopté dans le texte de l'Assemblée nationale les articles 20(séparation de corps) et 21(conditions de révocation des donations entre époux - conventions pour la liquidation et le partage de la communauté - préciput - recel de communauté - coordinations).

À l'article 22 (jouissance du logement en cas de violences exercées par le conjoint - coordinations et précisions rédactionnelles), la commission a adopté une amélioration rédactionnelle à l'initiative du rapporteur pour le Sénat. M. Michel Dreyfus-Schmidt a demandé ce qui avait motivé l'ajout par l'Assemblée nationale dans le IX de cet article d'un alinéa prévoyant une déduction de la rente versée au créancier si ce dernier perd son droit ou subit une variation de son droit à pension de réversion à la suite, par exemple, d'un remariage. M. Alain Vidalies, à l'origine de cet ajout, a précisé qu'il permettait de mettre en cohérence, d'une part, la réforme des retraites d'août 2003, qui a prévu un changement de nature de la pension de réversion - qui passerait, à compter du 1er juillet 2004, d'un droit fixe et personnel du bénéficiaire à percevoir une part de la retraite du conjoint décédé à une allocation différentielle plafonnée qui serait calculée annuellement - sans pour autant que soit précisée à ce jour la manière dont cette pension serait calculée ni celle dont la prestation compensatoire serait prise en compte dans ce calcul, et, d'autre part, le projet de réforme du divorce, dont la logique conduit à éviter au maximum les contentieux après divorce. La commission a adopté l'article 22 dans le texte de l'Assemblée nationale tel que modifié par la suggestion de M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat.

Elle a ensuite adopté l'article 23 dans le texte de l'Assemblée nationale (abrogations) et maintenu la suppression de l'article 23 bis votée par l'Assemblée nationale (obtention d'une copie exécutoire des jugements de divorce par consentement mutuel sans paiement préalable des droits d'enregistrement). Puis elle a adopté les articles 24 A (coordination), 24 Bà F (dispositions fiscales), 24 G (procédure d'expulsion du conjoint violent) et 24 H (coordination avec le droit applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) dans le texte de l'Assemblée nationale.

La commission a adopté l'article 24(application outre-mer) dans une rédaction proposée par M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, assurant la compatibilité de l'application à Mayotte de la future loi avec les dispositions de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.

Elle a adopté les articles 25(entrée en vigueur de la loi - conditions d'application aux procédures en cours), 26 (simplification de la procédure) et 27 (entrée en vigueur des dispositions relatives à la juridiction civile de droit commun à Mayotte et au pouvoir de médiation et de conciliation des cadis) dans le texte de l'Assemblée nationale.

Enfin, la commission a examiné l'article 2 (divorce par consentement mutuel), précédemment réservé.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté une disposition selon laquelle une seconde comparution peut être ordonnée par le juge si les parties le demandent. Il a souligné qu'au terme de longues discussions en commission et en séance publique, le Sénat était parvenu à la conclusion que, dans l'esprit de simplification de la procédure qui inspire le projet de loi, la deuxième comparution ne devait être envisagée qu'à l'initiative du juge s'il l'estime nécessaire. Il a considéré qu'une seconde comparution demandée par les parties serait de nature à fausser l'esprit du divorce par consentement mutuel. Dans la mesure où un désaccord persisterait, il appartiendrait aux époux, selon lui, sur le conseil de leur avocat, d'envisager une autre procédure de divorce. En outre, il a exprimé la crainte que la seconde comparution devienne la règle, occasionnant des coûts financiers et des retards contraires à l'objectif de la réforme. Il a enfin rappelé que les parties pouvaient toujours demander le renvoi de l'audience, si un point secondaire demeurait à régler. Pour ces raisons, il s'est déclaré attaché à la rédaction du Sénat.

M. Patrick Delnatte, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a admis que le consentement mutuel supposait une préparation permettant, dans la généralité des cas, de se dispenser d'une seconde comparution. Néanmoins, il a fait part des inquiétudes exprimées au cours de ses auditions et des travaux de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes : dans certains cas, une maturation s'accomplit au cours de la procédure, qui peut justifier une nouvelle concertation en présence de la justice. Ces préoccupations, a-t-il expliqué, ont justifié le dépôt par M. Émile Blessig d'un amendement, d'ailleurs modifié par l'Assemblée nationale afin de prévoir une simple faculté pour le juge d'ordonner la seconde comparution. Il a fait valoir que la diversité des situations justifiait de respecter la liberté des parties et rappelé, de surcroît, que, dans quelque 25 % des cas, la procédure était abandonnée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, faisant part de son accord avec le rapporteur pour le Sénat, a souligné que la procédure du divorce par consentement mutuel supposait un accord libre et éclairé des époux sur toutes les modalités du divorce et qu'en l'absence de celui-là, le juge ne prononcerait pas le divorce. Dès lors, il a jugé inutile de prévoir l'éventualité que tentait de régler la disposition en débat, qui lui a paru affaiblir la cohérence du dispositif.

Mme Valérie Pecresse a partagé le point de vue selon lequel le juge ne prononcera pas le divorce s'il estime que l'une des parties est en situation de faiblesse. Elle s'est déclarée sensible à l'argument tiré d'un taux de 25 % d'abandons de la procédure, qui révèle que le divorce ne doit pas toujours être prononcé trop rapidement. Elle a alors suggéré une rédaction de compromis consistant à prévoir « à titre exceptionnel » la deuxième comparution, afin d'expliciter l'intention du législateur.

M. Pascal Clément, président, s'est demandé si le juge ne déciderait pas en tout état de cause un renvoi de l'audience, même en l'absence de telles dispositions sur une seconde comparution.

M. Émile Blessig a souhaité resituer l'adoption de ces dispositions dans le contexte des travaux parlementaires. Il a d'abord rappelé que, la délégation aux droits des femmes ayant proposé l'instauration d'un délai préalable au prononcé du divorce, cette disposition d'ordre général avait paru inopportune dès lors que plus de 90 % des divorces sur requête conjointe pouvaient être réglés sans problème. Il a souligné que, l'un des objectifs de la loi étant d'assurer la pacification des relations entre les parties, il avait paru utile, pour régler un nombre limité de cas, de ménager la possibilité de demander au juge une nouvelle audience, lorsqu'une difficulté particulière se révèlerait en cours de procédure.

M. Pierre Fauchon, après avoir jugé redondante la mention selon laquelle le juge ne peut prononcer le divorce qu'à l'issue de la seconde audience de comparution, a admis les dangers de décision précipitée inhérents à la procédure de divorce par consentement mutuel. Mais il a estimé que l'amendement n'apportait pas la solution adéquate, alors qu'il était toujours possible pour l'une des parties de ne pas comparaître. Il a donc préconisé l'abandon de ce qui lui a paru constituer un raffinement superflu et susceptible de soumettre l'organisation de la justice au confort des parties.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, tout en admettant que l'unicité de l'audience constitue une amélioration sensible de la procédure, a plaidé, sur la base de considérations pratiques, pour que soit ouverte au juge la faculté d'ordonner une seconde comparution afin de répondre au très petit nombre de situations dans lesquelles elle peut être utile. Il a souligné que cette audience s'inscrivait dans le cadre d'un délai de six mois, alors que la procédure de droit commun de renvoi d'audience ne comporte aucun délai.

M. Sébastien Huyghe a considéré qu'il reviendrait au juge d'apprécier si les deux parties étaient réellement d'accord sur les conditions du divorce ; dans le cas contraire, il lui appartiendrait de ne pas prononcer le divorce au terme de la comparution. Il a exprimé sa crainte que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne se traduise par une institutionnalisation de la deuxième comparution, ce qui serait contraire à l'esprit de la réforme.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé que la nouvelle procédure proposée par le projet de loi avait pour objet de modifier les pratiques en incitant les parties, dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, à comparaître devant le juge avec un dossier entièrement finalisé. La possibilité d'une deuxième comparution lui a donc paru contrevenir à cet objectif.

M. Pascal Clément, président, a confirmé qu'une telle possibilité risquait de se traduire dans les faits par l'institutionnalisation de la deuxième comparution.

À l'issue de cette discussion, la commission a adopté l'article 2 dans la rédaction du Sénat.

La commission mixte paritaire a adoptél'ensemble du texte ainsi élaboré.