Table des matières




Mercredi 1er octobre 2003

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Organisation mondiale du commerce - Cancùn - Présentation du rapport d'information

La commission a tout d'abord procédé, en présence de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, à l'examen du rapport d'information de MM. Michel Bécot, Jean Bizet et Daniel Soulage sur le sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de Cancùn.

Rappelant que les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) étaient parvenus en 2001, dans un contexte international très perturbé, à s'entendre sur un programme ambitieux de négociations baptisé « Programme de Doha pour le développement », M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué que le sommet de Cancùn devait permettre d'effectuer un bilan de 18 mois de négociations et de tracer le cadre des discussions à venir, qui doivent s'achever fin 2004. La commission des affaires économiques, a-t-il précisé, et son groupe de travail « OMC » créé avec la Délégation pour l'Union européenne, étaient représentés à Cancùn par trois de ses membres : MM. Michel Bécot, Daniel Soulage et lui-même.

M. Jean Bizet, rapporteur, a ensuite souhaité relativiser ce que beaucoup ont désigné à Cancùn comme un échec grave, relevant d'abord que des accords importants pouvaient être obtenus en dehors des conférences ministérielles. Il a ensuite attiré l'attention de la commission sur les éléments positifs observés durant la conférence, citant d'abord la parfaite unité des quinze membres de l'Union européenne derrière le commissaire Pascal Lamy, et le dialogue très fructueux mené avec les parlementaires étrangers à l'occasion de la session de la Conférence parlementaire sur l'OMC qui s'est tenue à Cancùn du 9 au 12 septembre. A cet égard, M. Jean Bizet, rapporteur, a souligné toute l'importance que revêt l'implication des Parlements nationaux, qui constituent, dans un contexte de contestation forte vis-à-vis de l'OMC, un relais indispensable entre la société civile et les négociateurs gouvernementaux.

S'agissant des points positifs de la conférence, M. Jean Bizet, rapporteur, a également évoqué les différentes consultations menées auprès des représentants de la société civile. Le bilan en est positif, a-t-il indiqué, puisqu'à l'exception de quelques organisations non gouvernementales (ONG), les associations et syndicats rencontrés se sont montrés très constructifs, dans la recherche d'une amélioration du fonctionnement de l'OMC. Enfin, déclarant que les pays en développement avaient pris pleinement part aux discussions, et s'étaient organisés pour se faire entendre, il s'est réjoui de l'implication croissante de tous les pays dans les négociations.

M. Jean Bizet, rapporteur, a ensuite souhaité distinguer les vrais perdants des faux perdants. Après avoir qualifié les Etats-Unis de « faux perdants », il a rappelé les conditions dans lesquelles se sont achevées les négociations. Un blocage a eu lieu sur les quatre « sujets de Singapour », c'est-à-dire l'investissement, la concurrence, la facilitation des échanges, et la transparence des marchés publics, a-t-il expliqué, entre l'Union européenne et les pays en développement, ceux-ci s'opposant à l'ouverture de négociations sur ces sujets. Ajoutant que ceux-ci avaient persisté jusqu'au bout dans leur refus, alors que l'Union avait accepté de retirer deux sujets de la table des négociations, il a précisé que le président mexicain de la conférence M. Luis Ernesto Derbez avait levé les travaux de la conférence sur ce simple constat, sans essayer d'ouvrir les négociations sur d'autres sujets. A ce propos, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est interrogé sur l'éventualité d'une influence américaine sur le Mexique, les Etats-Unis pouvant être mis en difficulté si des négociations avaient lieu dans les domaines de l'agriculture ou du coton.

Soulignant que le soutien américain par agriculteur est aujourd'hui trois fois supérieur au soutien européen, M. Jean Bizet, rapporteur, a fait valoir que l'absence d'accord à Cancùn repoussait toute réforme de la politique agricole américaine, et a évoqué l'importance de l'échéance électorale de 2004 aux Etats-Unis. Enfin, il a déploré que les Etats-Unis aient annoncé dès la fin du sommet leur intention de multiplier les accords bilatéraux.

S'agissant des pays en développement, M. Jean Bizet, rapporteur, a jugé qu'ils étaient les vrais perdants de Cancùn, et que beaucoup d'entre eux avaient été surpris par un échec dont ils ne voulaient pas. Abordant la question du G23, il a souligné la diversité des intérêts de ses membres, entre des pays exportateurs nets, comme le Brésil, favorable à un démantèlement de toutes les barrières agricoles, et des pays comme l'Inde qui veulent maintenir leur propre protection. Le G23 s'est posé en défenseur des pays du Sud, a-t-il relevé, alors que les différences entre les puissances émergentes et les pays les plus pauvres n'ont cessé de s'accroître. Il a jugé, enfin, que derrière une rhétorique tiers-mondiste, le G23 avait en fait émis des propositions ultralibérales en matière agricole, comme l'élimination de toutes les subventions à l'exportation.

En ce qui concerne les autres pays en développement, M. Jean Bizet, rapporteur, a d'abord insisté sur l'attachement des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) au système de préférences commerciales avec l'Union européenne, et sur leur réticence face aux propositions du G23. Exprimant sa satisfaction devant l'implication croissante des pays les plus pauvres, il a émis des regrets concernant leur manque relatif d'expertise et d'expérience dans les négociations, et s'est déclaré convaincu à cet égard de l'utilité du Fonds global d'affectation spéciale pour le Programme de Doha pour le développement créé en 2002.

M. Jean Bizet, rapporteur, a ensuite estimé que, pour l'Union européenne, l'absence d'accord à Cancùn constituait un contre-temps qui ne doit pas affaiblir sa détermination à faire vivre et à améliorer le système multilatéral. Abordant le volet agricole du projet de déclaration final, il a jugé inacceptables les propositions relatives à une réduction supplémentaire des soutiens internes, et à la fixation d'une date pour la suppression des aides à l'exportation. Il a d'ailleurs souligné que de telles dispositions dépassaient le cadre du mandat du commissaire Lamy. Exprimant son souhait que l'Union européenne continue à défendre sa conception d'une agriculture soucieuse de l'environnement et du développement rural, il a estimé nécessaire que les discussions à venir prennent en compte les efforts fournis par les agriculteurs européens avec la réforme de la politique agricole commune (PAC), et s'attaquent au système de soutien américain, moins visible mais beaucoup plus contestable.

S'agissant des enseignements de Cancùn et des perspectives, M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité livrer trois pistes de réflexion, au premier rang desquelles la réforme de l'OMC. Rappelant qu'à l'OMC ce sont les membres qui décident eux-mêmes qu'ils font partie des pays « développés » ou « en développement », à la différence des « pays les moins avancés », définis selon des critères objectifs, il a estimé nécessaire de différencier davantage entre les puissances du Sud, qui doivent ouvrir leur marché intérieur, et les pays pauvres, qu'il convient d'aider. Il a ensuite regretté la trop grande fermeture de l'organisation aux autres institutions internationales, et a émis le souhait que se développent des forums de réflexion communs avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et avec l'Organisation internationale du travail (OIT), afin de prendre davantage en compte le respect des droits sociaux fondamentaux dans les négociations commerciales.

En second lieu, M. Jean Bizet, rapporteur, a déploré la faiblesse des échanges commerciaux entre les pays en développement, et insisté sur l'importance du développement de la coopération régionale, à laquelle l'Union européenne doit contribuer, en soutenant le dialogue interinstitutionnel ou la mise en place de mécanismes financiers destinés à encourager le développement des échanges.

Enfin, M. Jean Bizet, rapporteur, a jugé indispensable d'apporter des réponses concrètes aux attentes des pays les plus pauvres pour continuer à progresser dans les négociations à l'OMC et a rappelé la politique déjà menée par l'Union européenne dans ce domaine. Celle-ci, a-t-il indiqué, a depuis longtemps accordé le bénéfice d'un accès préférentiel au marché européen à près de 143 pays et territoires et a mis en place, plus récemment, l'initiative « Tous sauf les armes », qui assure l'accès en franchise de droits de son marché aux 49 pays les plus pauvres du monde. Insistant sur le rôle particulier de la France en matière de développement, il a souhaité que l'initiative du Président de la République pour l'Afrique progresse, et en a rappelé les trois points principaux : un moratoire sur les subventions des pays développés à l'exportation de leurs produits agricoles, un traitement commercial privilégié pour les exportations agricoles des pays d'Afrique, et une aide pour la stabilisation des recettes émanant des matières premières. Il a également émis le voeu que la France, qui s'est particulièrement investie dans le dossier du médicament, reste vigilante sur la mise en application de l'accord du mois d'août.

En guise de conclusion, M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité nuancer l'idée d'un « échec » de Cancùn, et estimé qu'il s'agissait plutôt d'une « crise de jeunesse » de l'OMC, hier encore dominée par les deux « Grands », et qui intègre aujourd'hui tous les Etats membres. Celle-ci, a-t-il indiqué, appelle donc des réformes, afin de continuer à progresser dans la construction d'un système commercial régulé et équitable. Au sujet de la « clause de paix » en matière agricole, M. Jean Bizet, rapporteur, a rappelé qu'en principe cette disposition, qui établit un moratoire sur les poursuites en matière agricole, arrivait à échéance à la fin de l'année 2003, et indiqué qu'il suivrait de près l'évolution de cette question. Enfin, annonçant la tenue d'une réunion du Conseil général de l'OMC au niveau des hauts fonctionnaires au plus tard le 15 décembre 2003, il a déclaré que le groupe de travail sur la réforme de l'OMC continuerait à suivre attentivement les travaux ainsi engagés et en informerait ultérieurement la commission et la délégation pour l'Union européenne.

Après avoir rappelé l'importance du rôle du Parlement face aux ONG, M. Michel Bécot, rapporteur, a indiqué que la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et la Confédération générale du travail (CGT) s'étaient montrées très constructives sur la question, importante, de la prise en compte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs par l'OMC. Abordant la question du rôle des Etats-Unis à Cancùn, il s'est interrogé sur l'existence d'une influence américaine sur le président mexicain Derbez.

M. Daniel Soulage, rapporteur, s'est tout d'abord réjoui de la grande unité des quinze membres de l'OMC derrière le commissaire Pascal Lamy, et du souci constant des deux ministres français d'associer étroitement l'ensemble de la délégation au déroulement des négociations. Insistant sur l'importance cruciale de l'agriculture pour tous les pays, il a évoqué les divergences d'intérêt à l'intérieur du G23. Exprimant son regret que les pays en développement aient perçu l'accord entre les Etats-Unis et l'Union européenne comme une forme d'entente à leurs dépends, il a estimé que le développement du bilatéralisme ne pouvait qu'être préjudiciable aux intérêts des pays les plus pauvres. Il a enfin émis le voeu que la conférence de Cancùn représente un nouveau départ pour l'OMC.

Un débat s'est engagé à l'issue de cette présentation.

Après avoir remercié les rapporteurs pour la clarté de leur exposé, M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a souhaité que travail fécond mené entre la commission des affaires économiques et la délégation pour l'Union européenne se poursuive à travers leur groupe de travail commun sur la réforme de l'OMC, notamment dans la perspective d'une réforme de l'organisation. Il a ensuite approuvé deux points à ses yeux essentiels des exposés des rapporteurs : d'une part l'influence des Etats-Unis sur les négociations, d'autre part la nécessité de relativiser ce que beaucoup ont qualifié d'échec, alors même que les négociations n'ont duré qu'une journée et demi. A cet égard, M. Hubert Haenel a évoqué la fierté européenne devant le travail et l'unité des membres de l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin a estimé, pour sa part, que le sommet de Cancùn n'avait fait que des perdants, et a jugé indispensable que l'Union européenne ne reste pas passive face aux difficultés à venir, qui pourraient notamment provenir d'une réévaluation de l'euro par rapport au dollar. Face à la division du monde en trois blocs -l'Union européenne et les Etats-Unis, le G23, les pays les plus pauvres- il a jugé nécessaire, d'une part, de soutenir l'initiative du Président de la République en faveur de l'Afrique, et d'autre part, de chercher des points d'accord avec le G23 en matière agricole. Celui-ci, a-t-il précisé, est en effet composé de pays émergents qui auront un poids croissant dans les échanges commerciaux.

Remerciant les rapporteurs pour leurs exposés, M. François Gerbaud s'est interrogé sur la responsabilité exacte des Etats-Unis dans le déroulement des négociations.

Après avoir indiqué que les conséquences de l'absence d'accord à Cancùn n'étaient pas préjudiciables aux intérêts français, M. Marcel Deneux a en revanche jugé qu'il s'agissait d'un échec pour le multilatéralisme. L'élargissement progressif des sujets traités par l'OMC depuis sa création, ainsi que le nombre croissant de questions soumises à l'Organe de règlement des différends, a-t-il ajouté, doivent conduire à une réflexion sur les moyens d'empêcher une « dérive onusienne » de l'organisation. Il a également interrogé les rapporteurs sur l'état d'avancement des négociations dans les domaines du sucre et du riz.

Répondant à M. François Gerbaud sur l'attitude américaine pendant la conférence, notamment sur le problème du coton, M. Jean Bizet, rapporteur, a cité quelques chiffres : les parts de marché du coton américain et africain sont respectivement de 36 % et 11 %, alors que le coton représente jusqu'à 70 % des exportations de certains pays africains ; en outre, les subventions américaines à la production s'élèvent à plus de 2,3 milliards de dollars par an. Il a également évoqué la perspective de l'élection présidentielle américaine, et rappelé que le Mexique était lié aux Etats-Unis par un accord commercial très important, l'accord de libre-échange nord-américain (Alena).

En réponse à M. Marcel Deneux, M. Jean Bizet, rapporteur, a d'abord indiqué que l'objectif des sanctions commerciales était, à terme, l'ouverture des marchés, et non l'acquittement pure et simple d'une amende. Evoquant le recours croissant des pays en développement à l'Organe de règlement des différends, il a souligné l'importance du Fonds d'assistance de l'OMC, destiné à leur fournir une aide technique.

Après avoir insisté sur l'attitude dynamique de l'Union européenne, qui a réformé la PAC avant le sommet de Cancùn, M. Daniel Soulage, rapporteur, a appelé à la vigilance pour les négociations à venir sur le sucre, le sujet n'ayant pas été abordé à Cancùn. Il a également indiqué que des progrès avaient été accomplis sur le dossier de l'élargissement de la protection par les indications géographiques à d'autres produits que les vins et spiritueux.

M. Michel Bécot, rapporteur, a confirmé l'avancement des discussions sur ce sujet, en évoquant notamment ses contacts auprès des délégations canadiennes et australiennes.

Après avoir exprimé le regret qu'aucun sénateur de son groupe n'ait été présent à Cancùn, M. Jean-Pierre Bel a jugé nécessaire d'analyser les causes de l'échec de la conférence. Il a à cet égard cité plusieurs sources de préoccupations durables : l'accroissement des inégalités entre le Nord et le Sud, l'absence de prise en compte des droits sociaux fondamentaux et le manque de transparence de l'OMC.

M. Jean-Marc Pastor, à son tour, a déploré l'absence de représentants de l'opposition sénatoriale au sein de la délégation française, en soulignant qu'il existait pourtant une approche commune sur la régulation du commerce mondial.

En réponse, M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'il avait formulé des demandes en ce sens -tout comme il l'avait fait pour la Conférence de Doha- mais que, cette fois ci, les députés avaient en quelque sorte « trusté » les places ouvertes à l'opposition : sur les huit parlementaires invités par le Gouvernement, trois étaient issus des groupes socialiste et communiste mais ils siégeaient tous à l'Assemblée nationale.

A propos de la division Nord/ Sud évoquée par M. Jean-Pierre Bel, M. Jean Bizet, rapporteur, a rappelé que l'Union européenne importait chaque année pour 42 milliards de dollars de produits venant des pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, soit davantage que les Etats-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon réunis. Les pays du Sud, a-t-il ajouté, doivent davantage développer leurs échanges entre eux, encore limités par de nombreuses barrières. S'agissant de l'amélioration de la transparence de l'OMC, il a annoncé que le groupe de travail suivrait de près les travaux, et en informerait la commission. Soulignant que le mandat de Pascal Lamy était fixé par le Conseil des ministres de l'Union, et constamment contrôlé, sur place, par les quinze membres, il a proposé que les Parlements nationaux se prononcent désormais sur le mandat du commissaire européen.

M. Gérard Le Cam a estimé indispensable de revoir le fonctionnement de l'OMC, en partenariat, notamment, avec les pays les moins avancés et les ONG. Jugeant qu'il fallait étaler dans le temps la réduction des subventions agricoles, il a déploré que les prix intérieurs, influencés par les prix mondiaux, soient souvent insuffisants pour faire vivre l'agriculture dans les pays les plus pauvres.

M. François Fortassin s'est interrogé sur les moyens de faire comprendre à l'opinion que la conférence de Cancùn ne constitue pas un échec.

S'agissant du niveau des prix mondiaux, M. Michel Bécot, rapporteur, a évoqué la politique de quotas mise en place par l'Union européenne, et indiqué que d'importants excédents américains étaient écoulés vers les pays en développement, sous forme d'aide alimentaire. Il a également insisté sur les divergences d'intérêt entre les pays membres du G23, qui rassemble des pays pauvres et des pays comptant de très grandes exploitations agricoles, comme le Brésil.

En conclusion, M. Jean Bizet, rapporteur, a souligné l'importance du travail d'explication à mener auprès des citoyens, et souhaité que le multilatéralisme reste la priorité de l'Union européenne.

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite procédé à la nomination de M. Gérard Larcher en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 421 (2002-2003) relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Organisme extraparlementaire - Observatoire national de l'électricité et du gaz

La commission a décidé de reporter à la semaine prochaine la désignation de deux candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein de l'Observatoire national de l'électricité et du gaz.

Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission a ensuite décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales et a désigné M. Georges Gruillot comme rapporteur pour avis sur ce texte.

Mission d'information à l'étranger - Russie (15 au 23 septembre) - Communication

Après avoir rappelé que la délégation qui s'était rendue en Russie était composée de MM. Bernard Barraux, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Georges Gruillot, Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor, Bernard Piras, Henri Revol et de lui-même, M. Gérard Larcher, président, a souligné que cette composition reflétait l'ensemble des sensibilités politiques de la commission des affaires économiques. Il a précisé que le choix de la destination avait été motivé par :

- la position géostratégique de la Russie, notamment dans le domaine énergétique ;

- son avenir au sein de la communauté économique internationale, en particulier du point de vue de la volonté russe d'adhérer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ;

- la manière dont se reconstruit son économie et les perspectives ainsi offertes aux entreprises françaises.

Ces interrogations, a-t-il poursuivi, expliquent les trois sujets retenus par la mission d'information : l'énergie, l'agriculture et les transports, ce dernier thème permettant d'aborder la question de l'aménagement du territoire.

Puis il a précisé que la délégation s'était rendue successivement à Moscou, la capitale politique et économique, à Tioumen en Sibérie occidentale, grande région pétrolière et gazière, à Saint-Pétersbourg, la capitale régionale tournée vers l'Europe, et à Krasnodar, au coeur d'une riche région agricole sur les bords de la Mer Noire, relevant que ce programme avait permis à la fois de conduire des entretiens politiques et économiques de haut niveau et d'appréhender les réalités du terrain.

Constatant qu'un certain nombre de lignes de force, partagées par l'ensemble de la délégation, se dégageaient de l'observation de ce pays, il a tout d'abord indiqué que les Russes étaient indéniablement en train de reconstruire un Etat et de développer une économie de marché, même si les effets de la nouvelle orientation économique et politique du pays étaient encore loin de recouvrir les vestiges de l'empire soviétique.

Il a souligné certaines contradictions rencontrées dans ce pays, indiquant, par exemple, qu'en dépit d'un besoin massif d'investissements dans la plupart des secteurs, les investisseurs étrangers n'étaient pas toujours bien acceptés au plan local.

Evoquant les atouts indéniables de l'économie russe, il a notamment cité :

- la volonté politique de reconstruire l'Etat, illustrée par la mise en place en 2000 de représentants plénipotentiaires du Président de la Russie (les « Polpreds ») à la tête de sept grandes régions couvrant l'ensemble de territoire russe ;

- le choix d'une intégration à l'économie internationale, qui se traduit par la conduite de réformes libérales audacieuses, en particulier dans le domaine de l'électricité et des chemins de fer ;

- des ressources naturelles considérables, puisque la Russie est le premier producteur pétrolier du monde après l'Arabie Saoudite, qu'elle détient un tiers des réserves mondiales de gaz et, enfin, qu'elle possède un énorme potentiel agricole, grâce à 220 millions d'hectares de surface agricole utile, dont 130 millions de terres arables et 50 millions de prairies et pâtures ;

- des infrastructures de communication pour la plupart vétustes mais assurant la couverture de l'ensemble du territoire fédéral, notamment grâce à 86.000 kilomètres de voies ferrées, à un bon équipement aéroportuaire et des infrastructures de téléphonie mobile satisfaisantes ;

- une population globalement bien éduquée, qui a encore besoin, toutefois, selon le témoignage des entrepreneurs français rencontrés sur place, d'être formée à l'économie de marché ;

- une capacité technologique non négligeable, en particulier dans les domaines nucléaire et spatial.

M. Gérard Larcher, président, a également compté au nombre des atouts l'émergence d'une classe d'entrepreneurs et de nouveaux hommes politiques, l'assainissement de la situation économique et financière depuis la crise de 1998 et l'existence d'importantes réserves de productivité dans l'ensemble des secteurs d'activité.

Abordant ensuite les ombres portées sur le développement économique, il a souligné que la Russie subissait des pertes démographiques considérables, correspondant à une diminution de la population de 700.000 à un million de personnes chaque année. Il a ajouté que le système de santé était particulièrement dégradé et qu'à la base de la société, la cellule familiale était fragilisée par le nombre important des divorces.

II a également mis l'accent sur l'attitude parfois contestable de l'oligarchie issue de l'effondrement du système soviétique à l'égard des entreprises étrangères présentes dans le pays et, plus globalement, sur l'interférence des sphères économique et politique.

Après avoir relevé que la fuite des capitaux russes pénalisaient les investissements, il a identifié les handicaps inhérents à l'héritage soviétique, en particulier :

- une bureaucratie tatillonne et parfois corrompue ;

- des gaspillages massifs, notamment dans le secteur du gaz et de l'électricité ;

- un appareil de production encore inadapté.

Ayant fait valoir l'existence de systèmes mafieux et l'ampleur des contrefaçons, M. Gérard Larcher, président, a insisté sur la pauvreté dans laquelle vit une part importante de la population (25 % sous le seuil de pauvreté) et expliqué que la dégradation des revenus et des conditions de vie se traduisait par une certaine désespérance sociale.

Enfin, constatant la persistance des habitudes d'une société d'assistance et l'absence fréquente du sens de la responsabilité individuelle, il a estimé qu'un immense effort d'adaptation culturelle à l'économie de marché restait à accomplir.

Tirant un premier bilan de cet état des lieux, M. Gérard Larcher, président, a alors fait valoir que pour l'ensemble de la délégation la Russie compterait un jour parmi les grands pays développés, mais que les appréciations variaient quant à la durée qui serait nécessaire. Il a estimé qu'en dépit des difficultés rencontrées, ce pays pouvait offrir une réussite aux entreprises françaises les plus persévérantes. Il a également considéré que la pleine intégration de la Russie à l'OMC prendrait un certain temps et dépendrait de sa capacité à mener à bien des réformes structurelles et à initier une dynamique de croissance moins dépendante de la rente énergétique.

S'agissant, enfin, des relations avec l'Union européenne, il a estimé que si la Russie pouvait être un partenaire économique et politique, elle pouvait également facilement entrer dans une logique de concurrence, par exemple dans le domaine agricole, ou préférer un rapprochement avec les Etats-Unis, notamment en ce qui concerne les ressources énergétiques.

Pour conclure, M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'il présenterait avant la fin de l'année un rapport détaillé sur la mission d'information en Russie, ajoutant qu'il était actuellement envisagé que la commission des affaires économiques participe, le 28 octobre prochain, à l'accueil d'une délégation économique russe de haut niveau.

M. Jean-Marc Pastor a approuvé le compte rendu du déplacement qui venait d'être fait. Il a insisté sur l'application très « scolaire » manifestée par les Russes à mettre en place des politiques de libéralisation, soulignant que leur vision se fondait parfois sur des idées reçues, par exemple à l'égard de la politique agricole commune (PAC). Il a noté un fort contraste au sein de la population entre une masse de pauvres et une minorité de riches, constatant à cet égard que les anciens cadres du régime soviétique étaient encore aux postes clés. Il s'est dit surpris du faible nombre d'entreprises françaises présentes en Russie, par rapport aux autres sociétés étrangères, en particulier allemandes, italiennes et américaines. Il a considéré que l'agriculture russe avait une marge de progrès énorme, ce qui ne devait pas manquer de nous inquiéter. Enfin, il a insisté sur l'abandon de toute politique sociale et de santé publique.

M. Georges Gruillot a conforté les propos tenus par ses collègues sur le constat dressé. Relevant une différence fondamentale entre la pensée russe et les cadres mentaux occidentaux, il a indiqué que les Russes semblaient, au vu de leur histoire, à la fois tentés par l'impérialisme à l'extérieur et enclins, compte tenu de l'absence de tradition démocratique, à la soumission à l'intérieur. Il a estimé que si l'argent était devenu la principale valeur de cette société, il n'était détenu que par une minorité qui n'hésitait pas à en faire étalage, alors que la situation des plus pauvres n'avait cessé d'empirer, la faiblesse des revenus expliquant par ailleurs la généralisation de la corruption. Il a conclu que l'évolution du pays dépendrait du renouvellement des cadres occupant les postes de responsabilité et qu'elle pouvait, par là même, nécessiter le temps de l'arrivée à l'âge adulte d'une génération éduquée en dehors des normes de l'ancien système.

M. François Fortassin a estimé que la Russie était passée d'un collectivisme outrancier à un libéralisme exacerbé, au mépris de toute préoccupation sociale. Evoquant des potentialités énormes, il a également fait valoir la passivité manifestée par une partie de la population, l'obsolescence totale des équipements et le problème posé par la corruption, concluant qu'il était difficile de prévoir de quel côté la Russie allait basculer.

M. Bernard Barraux a insisté sur le contraste que la délégation avait saisi entre la richesse exhibée par un petit nombre et la misère dans laquelle vit une proportion mal définie de la population.

A M. Daniel Reiner qui s'interrogeait sur le devenir du complexe militaro-industriel, M. Gérard Larcher, président, a répondu que celui-ci restait un vivier dans lequel le Président de la Russie puisait les cadres diplômés qui lui étaient dévoués. Il a indiqué que l'industrie aéronautique disposait toujours d'un énorme marché puisque l'intégralité de la flotte aérienne devait être remplacée, mais que sa productivité s'était considérablement ralentie ces dernières années.

M. François Gerbaud s'étant interrogé sur la perception de la Chine par les russes, M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'il en avait été peu question au cours du déplacement, sauf en ce qui concerne le domaine spatial dans lequel les Russes prennent au sérieux la concurrence potentielle des Chinois. Il a estimé que les logiques culturelles poussaient sans doute davantage la Russie à s'ouvrir vers l'Occident que vers la Chine.