Travaux de la commission des affaires économiques




Mercredi 4 février 2004

- Présidence de M. Gérard César, vice-président. -

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord nommé MM. Jean-Paul Emorine et Ladislas Poniatowski en qualité de rapporteurs sur le projet de loi n° 192 (2003-2004), adoptépar l'Assemblée nationale, relatif audéveloppement des territoires ruraux, M. Ladislas Poniatowski étant particulièrement chargé du volet « chasse » de ce texte.

Mission d'information à l'étranger - Roumanie et Bulgarie - Désignation des membres

Ensuite, elle a désigné comme membres titulaires de la mission d'information qui se rendra en Roumanie et Bulgarie :

M. Gérard César, M. Jean-Paul Émin, M. Gérard Cornu, M. Henri Revol, M. Max Marest, Mme Odette Herviaux, M. Jean-Pierre Bel, M. Philippe Arnaud, M. Bernard Joly et Mme Odette Terrade.

- et comme membres suppléants : M. Yannick Texier, M. Daniel Raoul et M. Bernard Piras.

Union européenne - Habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire - Examen du rapport

Enfin, elle a procédé à l'examen du rapport sur le projet de loi n° 164 (2003-2004) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

A titre liminaire, M. Yannick Texier, rapporteur, a indiqué qu'à quelques semaines de l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres, la mise en oeuvre du cadre juridique du marché intérieur connaissait d'incontestables retards : seuls, quatre Etats atteignaient, en novembre dernier, l'objectif fixé par le Conseil européen d'un déficit de transpositions des directives européennes inférieur à 1,5 % et le mouvement continu d'amélioration enregistré entre novembre 1992 et mai 2002 est aujourd'hui interrompu, les deux dernières années écoulées se caractérisant par une stagnation du taux un peu supérieure à 2 %.

Dans ce contexte général insatisfaisant et peu mobilisateur pour les prochains Etats membres, M. Yannick Texier, rapporteur, a relevé que la France faisait, avec l'Allemagne, figure d'élève particulièrement médiocre : leur taux de non-transposition égal, à 3,5 %, est le plus mauvais résultat communautaire et leur déficit s'est même de nouveau accru entre mai et novembre 2003. Il a ajouté que la France se trouvait par ailleurs en avant-dernière position au regard tant du critère de non-transposition en droit national deux ans après le terme du délai maximum (7 directives concernées) que de celui des procédures d'infraction en cours (135 au 31 octobre 2003).

M. Yannick Texier, rapporteur, a souligné que tous ces chiffres n'étaient pas simplement mauvais, mais qu'ils étaient aussi et surtout dangereux. Il a en effet observé qu'un tel bilan, inacceptable pour l'un des fondateurs de l'Union européenne qui entend de surcroît continuer à assurer un rôle premier dans la construction européenne :

- plaçait notre pays dans une situation juridique incertaine portant préjudice aux citoyens et aux entreprises, ainsi privés du droit de bénéficier pleinement du marché intérieur qui, après avoir permis de créer 2,5 millions d'emplois et 877 milliards d'euros de richesses supplémentaires depuis la suppression des frontières intérieures en 1993, joue un rôle clé dans l'objectif que s'est fixé l'Union européenne de devenir l'économie la plus dynamique au monde d'ici 2010 ;

- exposait la France à des condamnations par la Cour de justice des Communautés européennes, assorties d'astreintes financières, qu'elle devrait veiller tout particulièrement à éviter compte tenu de l'état de ses finances publiques ;

- générait un coût politique élevé en ce qu'il contribuait au risque de perte de crédibilité de la France sur la scène européenne. A cet égard, M. Yannick Texier, rapporteur, s'est déclaré frappé de constater que l'Etat traditionnellement le plus réticent aux mesures d'intégration européenne, le Danemark, était celui qui respectait le mieux les impératifs de l'édification du marché intérieur, tandis qu'à l'inverse, la France, laquelle ne manque jamais de s'autoproclamer comme l'un des moteurs de l'Union, pointait systématiquement aux dernières places. Il n'a pas manqué de déplorer cette distance paradoxale entre les discours et les actes.

Rappelant que, face à ce constat, le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin avait adopté un plan d'action en novembre 2002 pour, conformément aux deux objectifs fixés par le Conseil européen en mars 2002, réduire la part des directives non transposées à moins de 1,5 % et garantir l'application de toutes celles dont le retard est supérieur ou égal à deux ans (objectif dit de « tolérance zéro »), M. Yannick Texier, rapporteur, a indiqué que :

- la ministre déléguée aux affaires européennes présentait en conseil des ministres une communication semestrielle sur l'état d'avancement de ce plan ;

- celui-ci s'était concrétisé par l'accélération de la transposition des mesures à caractère réglementaire par les ministères concernés, sur la base de tableaux de bord régulièrement mis à jour ;

- près d'une dizaine de textes permettant la transposition de directives avait été adoptée par le Parlement ces derniers mois, une demi-douzaine étant par ailleurs en cours de discussion.

Il a toutefois relevé que cinq projets de loi ayant expressément pour objet de transposer des actes communautaires étaient actuellement en souffrance, leur examen n'ayant pu être programmé en raison de l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées.

M. Yannick Texier, rapporteur, a alors expliqué que ce contexte de difficultés à trouver dans l'ordre du jour parlementaire les niches nécessaires avait conduit le Gouvernement à envisager de recourir, tout comme cela avait été fait sous la précédente législature, à la voie des ordonnances pour accélérer le processus indispensable de transposition. Il a cependant souligné que contrairement à la méthode retenue par son prédécesseur, le Premier ministre avait au préalable sollicité l'avis des Présidents des assemblées afin de limiter aux dispositions d'ordre technique le dessaisissement de son pouvoir législatif auquel pouvait consentir le Parlement. Après avoir constaté que, dans le cadre de cette procédure de consultation, les Présidents et les bureaux des commissions permanentes avaient opposé une fin de non-recevoir sur plusieurs textes paraissant dépasser le strict cadre technique et nécessiter absolument un examen par le Parlement selon les procédures habituelles, il a observé qu'au total, ce n'étaient plus que vingt directives et deux règlements communautaires figurant dans la liste établie par le Premier ministre en novembre 2003 qui étaient proposés à l'habilitation par, respectivement, les articles 1er et 2 du présent projet de loi.

Puis, après avoir rappelé quelques éléments de droit relatifs à la distinction entre règlement et directive, au processus de transposition des actes communautaires au regard notamment des articles 34 et 37 de la Constitution, ainsi qu'à la procédure de sanction des Etats membres manquant à leurs obligations organisée par le traité instituant la Communauté européenne,M. Yannick Texier, rapporteur, a constaté que le projet de loi respectait pleinement les prescriptions posées par l'article 38 de la Constitution, éclairées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Il a en outre précisé que, compte tenu de l'hétérogénéité des textes concernés, la commission des affaires économiques, saisie au fond, avait décidé de n'examiner que les directives et règlements relevant du champ habituel de ses compétences et de déléguer aux commissions saisies pour avis (affaires culturelles, affaires sociales et finances) l'examen des directives les concernant, à savoir, à l'article 1er, douze directives relevant respectivement du domaine économique et financier, du domaine du droit du travail et du domaine de la reconnaissance des diplômes et qualifications professionnelles, ainsi que les articles 3 et 6 du projet.

Abordant alors l'examen de ce texte, M. Yannick Texier, rapporteur, a tout d'abord indiqué que son article 1er tendait à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de vingt-deux directives ou parties de directives, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition, ces mesures étant celles qui, sans être directement imposées par le texte des directives elles-mêmes, sont indispensables pour garantir la cohérence du droit national à l'issue des transpositions. Relevant ensuite que cet article était divisé en deux paragraphes permettant, à l'article 10, de distinguer deux délais différents de transposition - quatre mois pour les douze directives du paragraphe I et huit mois pour les dix directives du paragraphe II -, il a expliqué que ce distinguo résulte davantage de l'état d'avancement de la rédaction des ordonnances prévues que d'impératifs de délais de transposition au regard des obligations communautaires.

Après avoir indiqué que les quatre premières directives de l'article relevaient du domaine financier et seraient donc analysées par la commission des finances, M. Yannick Texier, rapporteur, a présenté la directive 2001/95 qui vise, par la définition de contrôles de sécurité à effectuer sur l'ensemble des produits de consommation à l'exception des denrées alimentaires, à s'assurer que seuls des produits sûrs sont mis sur le marché. Ayant constaté, à la lecture du projet d'ordonnance de transposition, que plusieurs des dispositions proposées semblaient dépasser tant le strict cadre de la transposition que les mesures complémentaires d'adaptation de la législation qui lui sont liées, il a annoncé qu'il proposerait un amendement insérant un article additionnel avant l'article 3 pour permettre au Gouvernement, en l'autorisant à légiférer au-delà de la simple transposition de la directive, de respecter scrupuleusement l'habilitation conférée par le Parlement.

Ayant observé que, dans le domaine des transports, les deux directives 94/33 et 1999/63, qui traitent de droit du travail, avaient été renvoyées pour examen à la commission des affaires sociales, M. Yannick Texier, rapporteur, a ensuite abordé la directive 95/91. Soulignant qu'elle visait à introduire en droit communautaire l'obligation pour les Etats de contrôler chaque année au moins 25 % des navires étrangers qui arrivent dans leurs ports, il a précisé qu'elle avait d'ores et déjà été transposée dans le code des ports maritimes. L'habilitation demandée vise en fait, a-t-il indiqué, à transposer les modifications apportées à cette directive en 2001 à la suite du naufrage de l'Erika c'est-à-dire, notamment, l'inspection renforcée obligatoire des navires potentiellement dangereux et l'obligation pour les Etats membres de refuser l'accès dans leurs ports aux navires présentant, en raison de leurs caractéristiques, un risque pour l'environnement.

Puis M. Yannick Texier, rapporteur, a analysé la directive 2000/59 qui, visant à lutter contre les dégazages et les déballastages, lesquels représentent pas moins de 45 % de la pollution marine, impose aux capitaines faisant escale dans les ports de l'Union de déposer tous les déchets d'exploitation des navires dans une installation portuaire, moyennant le paiement d'une redevance. Après avoir rappelé que cette directive avait déjà été pour l'essentiel transposée par la loi du 16 janvier 2001 et par voie réglementaire, il a indiqué qu'en raison de la décentralisation à venir de nombreux ports, une disposition législative s'imposait pour prévoir, dans ces derniers, l'obligation pour le directeur du port d'établir un plan de réception et de traitement des déchets d'exploitation.

S'agissant de la directive 2001/16, qui pose le principe de la libre circulation des produits industriels dits « constituants d'interopérabilité », c'est-à-dire nécessaires à l'interopérabilité ferroviaire, M. Yannick Texier, rapporteur, après avoir défini ce que sont les constituants d'interopérabilité, souligné l'importance de leur utilisation pour faciliter le transport ferroviaire dans l'Union et présenté les principales orientations de la directive, a précisé que la surveillance du marché des constituants et son contrôle par les agents du ministère chargé des transports avec, en particulier, la mise en place de sanctions pénales, nécessitait une transposition législative dans la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, dite « LOTI ».

Abordant ensuite la directive 2001/96, M. Yannick Texier, rapporteur, a précisé qu'elle visait à renforcer la sécurité des vraquiers faisant escale dans les terminaux des Etats membres en fixant les procédures à suivre par le capitaine et le représentant du terminal avant et durant les opérations de chargement et de déchargement : un plan de chargement et de déchargement doit ainsi être établi et les responsabilités du capitaine et du représentant du terminal sont clairement définies. Le projet d'ordonnance vise donc, a-t-il relevé, à compléter le code des ports maritimes pour prévoir les dispositions et les sanctions requises.

Indiquant que la directive 2002/59 comportait trois titres relatifs, respectivement, au signalement et au suivi des navires, à la notification des marchandises dangereuses ou polluantes à bord des navires, ainsi qu'au suivi des navires à risque et aux interventions en cas d'incidents et accidents en mer, M. Yannick Texier, rapporteur, a relevé que nombre de ses dispositions étaient d'ores et déjà appliquées par les centres de surveillance du trafic maritime. Il a cependant souligné que deux mesures de transposition modifiant le code des ports maritimes revêtaient une importance particulière pour l'amélioration de la sécurité maritime : la notification des informations relatives au trafic et aux marchandises dangereuses ou polluantes et l'obligation pour les Etats de désigner des ports de refuge afin d'accueillir les navires en détresse. Sur ce dernier point, il a expliqué que, comme beaucoup d'autres Etats, la France n'avait établi aucune liste précise de ports, mais plutôt des critères d'identification des lieux de refuge, dont la fixation nécessitait une mesure de transposition législative.

Puis après avoir souligné que les trois premières directives du paragraphe II de l'article 1er, qui relèvent du domaine économique et financier, seraient elles aussi analysées par la commission des finances, M. Yannick Texier, rapporteur, a présenté la directive 2003/15. Observant qu'elle renforçait les prescriptions permettant la protection des animaux en obligeant les Etats membres à interdire la mise sur le marché de produits cosmétiques dont la formulation finale a fait l'objet d'une expérimentation animale prohibée, ainsi que les obligations d'information des consommateurs, notamment sur les composants des produits cosmétiques et leurs durées d'utilisation, il a souligné que sa transposition était cependant soumise à une hypothèque. Il a en effet précisé que la France, après avoir voté contre l'adoption de la directive, avait déposé le 3 juin 2003 un recours en annulation contre l'une de ses dispositions qui prévoit notamment l'interdiction de mise sur le marché, à compter du 30 juin 2002, des produits cosmétiques dont la formulation finale contient des ingrédients testés sur des animaux, ainsi que l'interdiction de réaliser sur le territoire de l'Union européenne des expérimentations animales portant sur des produits cosmétiques finis ou sur des ingrédients entrant dans leur composition. Il a précisé que, selon la France, cette disposition violait, à titre principal, le principe de sécurité juridique et, à titre subsidiaire, les principes de libre exercice d'une activité professionnelle, de proportionnalité, de précaution et de non-discrimination.

Si la procédure est actuellement pendante, M. Yannick Texier, rapporteur, a précisé qu'en raison même de cette contestation, la France n'envisageait pas pour le moment de transposer en droit interne cet élément, qui constitue pourtant l'un des points essentiels de la directive. Aussi, a-t-il poursuivi, à ce stade, seule une précision relative à l'information du public sur la composition qualitative et quantitative des produits cosmétiques nécessite d'être intégrée dans la législation française, ainsi qu'à titre complémentaire, des dispositions concernant les conditions de mise à la disposition du public de ces informations et les sanctions pénales auxquelles s'exposent les personnes responsables coupables de ne pas avoir respecté ces différentes prescriptions.

Abordant ensuite la directive 2000/9, M. Yannick Texier, rapporteur, a expliqué qu'elle posait un principe de libre circulation des composants (dispositifs de sécurité pour les câbles, freins, véhicules, mécanismes électrotechniques de commande...), des remontées mécaniques (funiculaires, téléphériques, téléskis...) dès lors que ceux-ci ont fait l'objet d'une évaluation de leur conformité à des normes techniques européennes par un organisme, dit notifié, agréé par la Commission européenne, et qu'elle prévoyait aussi que les Etats membres devraient surveiller et contrôler ce marché, cette dernière prescription étant celle nécessitant une base législative, qui devrait être la loi « LOTI ».

Puis il a précisé que les deux autres directives concernant le domaine des transports visées au paragraphe II de l'article 1er seraient examinées par la commission des affaires sociales car elles traitaient d'aménagement du temps de travail.

S'agissant des deux directives relevant du domaine de l'environnement, M. Yannick Texier, rapporteur, a tout d'abord exposé l'objectif de la directive 2002/49, qui est d'obliger les Etats à disposer d'un mécanisme d'évaluation fiable et homogène des différentes sources d'émission sonores afin d'établir des comparaisons pertinentes et d'imposer l'adoption de plans d'action visant à réduire ou à prévenir le bruit. Observant que son champ d'application était très large et visait essentiellement les principales infrastructures terrestres, les grands aéroports civils ainsi que les activités industrielles relevant de la réglementation sur les activités classées, il a précisé que son dispositif reposait sur trois éléments essentiels : la cartographie du bruit, l'information du public sur le bruit dans l'environnement et enfin l'adoption de plans d'actions.

Il a ensuite présenté la directive 2003/87, qui instaure un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre afin de permettre à l'Union européenne de souscrire aux engagements qu'elle a pris en ratifiant le protocole de Kyoto. Tout en convenant que le caractère novateur de ce dispositif et l'importance des enjeux qui lui sont liés auraient pu justifier son examen par le Parlement dans le cadre d'un projet de loi, il a considéré que le recours à une ordonnance était nécessaire afin de permettre aux entreprises, qui auront à appliquer le mécanisme, aient connaissance le plus rapidement possible des « règles du jeu » applicables, notamment dans le cadre d'une première phase permettant, à compter du 1er janvier 2005, de tester le mécanisme d'échange sur la période 2005-2007 et d'anticiper ainsi sur la première période d'engagement du protocole de Kyoto prévue sur 2008-2012.

M. Yannick Texier, rapporteur, a conclu ce volet du projet de loi consacré à l'environnement en indiquant qu'il proposerait par amendement d'autoriser la transposition par ordonnance de la directive 2001/42 du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement car l'absence d'une transposition de cet acte communautaire dans les temps impartis exposerait dès l'été 2004 les collectivités territoriales à une grave insécurité juridique s'agissant de leurs documents d'urbanisme et des autorisations de construire en découlant.

Il a enfin indiqué que la directive 2001/19, qui concerne la reconnaissance des diplômes et qualifications professionnelles, serait examinée au fond par la commission des affaires culturelles.

Abordant ensuite l'article 2, qui tend à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives requises pour l'application du droit communautaire dans les domaines couverts par deux règlements européens, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition,M. Yannick Texier, rapporteur, a expliqué que le premier d'entre eux, le règlement n° 178-2002, était le pendant, en matière alimentaire, de la directive 2001/95 relative à la sécurité générale des produits visée par l'article 1er. Il a indiqué que, contenant les dispositions de base permettant d'assurer, en ce qui concerne les denrées alimentaires, un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des intérêts des consommateurs, ce règlement établissait les principes généraux régissant les denrées alimentaires et l'alimentation animale en général, et la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux en particulier. Observant ainsi que les dispositions de ce règlement et de la directive 2001/95 étaient similaires sur un très grand nombre de points, il a souligné que les mesures de transposition de la directive figurant dans le projet d'ordonnance examiné constituaient donc également les mesures d'adaptation du règlement, justifiant au passage de prévoir un dispositif législatif unique s'appliquant à tous les produits alimentaires et non alimentaires, conformément à celui actuellement prévu dans le code de la consommation.

Quant au règlement n° 1/2003, qui édicte de nouvelles règles d'application du traité relatives aux pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par les entreprises telles que les ententes illicites et les abus de position dominante, respectivement prohibés par les articles 81 et 82 du traité, M. Yannick Texier, rapporteur, a relevé qu'il contenait deux novations majeures poursuivant deux objectifs essentiels : décentraliser plus largement l'application du droit européen de la concurrence et lutter plus efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles les plus nocives. Il a notamment souligné que la Commission et les autorités nationales de concurrence, tel le Conseil de la concurrence en France, partageraient désormais leurs compétences au sein d'un réseau des autorités européennes de concurrence, et que les principes de coopération, fixés dans le règlement et dans une déclaration conjointe de la Commission et du Conseil, nécessiteraient de prévoir des mécanismes de répartition des affaires à traiter, d'échange des informations et d'assistance mutuelle. A cet égard, il a observé que la plupart des dispositions du règlement n'emportaient pas d'obligation de modifier notre droit national, à l'exception de sept de ses articles qui contraignaient à compléter ou à adapter les dispositions existantes du livre IV du code de commerce.

Puis, après avoir rappelé que l'article 3 serait examiné par la commission des affaires sociales, M. Yannick Texier, rapporteur, a présenté l'article 4. Indiquant qu'à la suite des événements du 11 septembre 2001, des dispositions relatives à la sûreté des navires et des ports avaient été introduites dans la convention internationale de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite Convention SOLAS, pour être applicables en juillet 2004, il a expliqué que le projet d'ordonnance prévoyait, à cette fin, d'introduire, dans le code des ports maritimes, des dispositions tendant à la création dans les plus grands ports d'un comité local de sûreté portuaire, composé de représentants de l'Etat et du représentant de l'autorité portuaire, à l'élaboration d'un plan de sûreté portuaire par l'autorité portuaire, en liaison avec l'autorité investie du pouvoir de police générale, et enfin à la désignation, par ce plan, d'un agent responsable de la sûreté.

Il a ensuite précisé que l'article 5 autorisait le Gouvernement à prendre des mesures législatives allant au-delà de la simple transposition de la directive 2000/9 dans le but de renforcer les contrôles en matière de sécurité des installations de remontées mécaniques, avant de rappeler que l'article 6 serait examiné par la commission des affaires sociales.

S'agissant de l'article 7, qui prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre des mesures complémentaires permettant d'organiser dans l'ensemble des ports maritimes les services portuaires aux navires et à la marchandise, M. Yannick Texier, rapporteur, a souligné que si la nécessité de faire évoluer la réglementation applicable à l'accès aux services portuaires avait été posée dès le Comité interministériel de la mer du 27 juin 2000, l'initiative nationale avait été suspendue par la discussion, au niveau européen, d'une proposition de directive relative à l'accès au marché des services portuaires. Expliquant que si cette proposition avait été finalement rejetée par le Parlement européen le 20 novembre 2003, le Gouvernement, bien que loin d'adhérer à tous les aspects de ce projet de directive, entendait toutefois, dans le prolongement des décisions prises par le Comité interministériel de 2000, assurer les conditions d'une organisation transparente et garantissant le libre accès aux services portuaires dans l'ensemble des ports maritimes en créant, dans le code des ports maritimes, deux articles visant à prévoir que des décrets en Conseil d'Etat détermineraient les conditions d'exercice des services portuaires aux navires et des services portuaires à la marchandise.

M. Yannick Texier, rapporteur, a ensuite indiqué que l'article 8 autorisait le Gouvernement à prendre des mesures législatives allant au-delà de la simple transposition de la directive 2001/16 dans le but de renforcer les contrôles en matière de sécurité des constituants d'interopérabilité ferroviaire.

De même, il a expliqué que l'article 9 venait compléter l'autorisation de transposer la directive sur le système d'échange de quotas de gaz à effet de serre afin d'autoriser le Gouvernement à légiférer pour définir le régime juridique, comptable et fiscal des quotas. Soulignant qu'il s'agissait de dispositions techniques qui devaient être rapidement adoptées afin que le dispositif soit opérationnel avant le 1er janvier 2005, il a annoncé qu'il proposerait un amendement tendant à compléter cette habilitation

S'agissant de l'article 10, qui précise les délais dans lesquels les ordonnances devront être prises et les projets de loi de ratification déposés sur le Bureau de l'une ou l'autre des assemblées, M. Yannick Texier, rapporteur, a rappelé que certaines de ces ordonnances devraient être prises dans les quatre mois suivant la promulgation de la loi d'habilitation, et les autres dans les huit mois. Après avoir ajouté que les projets de loi de ratification des ordonnances devraient être déposés devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de l'expiration des délais donnés au Gouvernement pour prendre les ordonnances, il a indiqué que, pour tenir compte de l'insertion d'un article additionnel avant l'article 3 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures modifiant pour l'essentiel le code de la consommation, il proposerait un amendement rédactionnel prévoyant que l'ordonnance en cause devra être prise dans les quatre mois suivant la promulgation de la loi d'habilitation.

Enfin, M. Yannick Texier, rapporteur, a indiqué que l'article 11 autorisait le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures relatives à l'application à l'outre-mer des ordonnances prévues aux articles précédents. Il a précisé que, pour les départements et régions d'outre-mer, dans lesquels le droit métropolitain est directement applicable, il s'agirait, le cas échéant, de mesures d'adaptation tendant à prendre en compte « les caractéristiques et les contraintes particulières de ces collectivités », et qu'en revanche, pour les autres collectivités d'outre-mer, il s'agirait de mesures d'extension des ordonnances « sectorielles » car, en vertu du principe de spécialité législative, la loi métropolitaine ne leur est pas directement applicable. Après avoir ajouté que les assemblées délibérantes de l'ensemble des collectivités d'outre-mer seraient consultées sur les mesures d'adaptation ou d'extension prises par ordonnance, il a indiqué qu'il présenterait à cet article trois amendements visant, respectivement, à corriger une erreur de référence, à apporter une précision rédactionnelle et à prévoir un délai pour la consultation de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, comme cela est prévu pour les autres collectivités.

Après que M. Yannick Texier, rapporteur, a proposé d'adopter ce projet de loi, sous réserve de ses amendements et de ceux susceptibles d'être déposés par les commissions saisies pour avis, un large débat s'est engagé.

Déplorant le recours aux ordonnances pour transposer les directives européennes car cette procédure dessaisit le Parlement d'une partie importante de son pouvoir, M. Daniel Reiner a appelé de ses voeux une limitation de cette pratique, au demeurant utilisée par tous les gouvernements. Il a notamment regretté le manque d'information des parlementaires au sujet des projets d'ordonnances, qui ne leur sont pas communiqués, et a jugé indispensable d'être au moins tenu au courant de leurs grandes orientations. Relevant que les conséquences de certaines directives en termes financiers étaient loin d'être négligeables, il a estimé nécessaire d'accompagner leur transposition de la réalisation d'études d'impact.

Jugeant à son tour peu satisfaisante la technique de transposition par ordonnance, M. Dominique Braye s'est toutefois interrogé sur l'étendue réelle du pouvoir d'interprétation des directives européennes reconnu aux Parlements nationaux.

Après avoir rappelé que le précédent gouvernement avait présenté au Parlement un projet de loi de transposition de directives par ordonnances qui comportait pas moins de 51 directives et 15 règlements, M. Ladislas Poniatowski, qui en avait été le rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, s'est félicité que l'urgence ne soit pas invoquée sur le présent texte, au contraire du premier. A propos de ce dernier, il a souligné qu'à son initiative, le Sénat avait retiré du projet trois directives particulièrement importantes, notamment la directive Natura 2000 et la directive sur les services postaux.

Mme Marie-France Beaufils a exprimé son désaccord avec la technique du recours aux ordonnances et déploré tant le manque de temps imparti aux parlementaires pour étudier le contenu des directives que l'absence d'éléments d'information sur les projets d'ordonnances.

Après avoir souhaité que les parlementaires expriment, lors du débat en séance publique, une orientation de fond sur les dispositions de transposition des directives, M. Philippe Arnaud a jugé indispensable que la transposition de la directive sur la gestion du bruit clarifie la situation actuelle, caractérisée par un important développement du contentieux et une instabilité juridique particulièrement préjudiciable pour les élus locaux. Il a ensuite interrogé le rapporteur sur l'objectif de son amendement visant à ajouter la directive « Plans et programmes » à la liste du projet de loi.

Enfin, M. Jean-Paul Emorine a souligné la nécessité de faire preuve de pragmatisme, à l'heure de l'élargissement de l'Union européenne.

En réponse, M. Yannick Texier, rapporteur, a d'abord mis en exergue l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire, difficilement compatible avec l'urgence qui s'impose pour la transposition des directives proposées par le projet de loi. Il a ensuite indiqué que son rapport détaillerait le contenu des ordonnances et que, par ailleurs, le processus de négociation européenne intégrait déjà les préoccupations liées à l'impact des directives.

M. Gérard César, président, a relevé que le Parlement, loin de suivre aveuglément le Gouvernement, avait demandé et obtenu que 20 directives seulement soient transposées par voie d'ordonnance, sur les 34 prévues initialement. En réponse à M. Dominique Braye, il a indiqué que le Parlement ne disposait que d'un pouvoir d'interprétation limité pour transposer les directives européennes. A ce propos, M. Daniel Reiner a souligné que si certaines directives européennes comportaient essentiellement des dispositions d'ordre technique, d'autres, en revanche, à l'instar du texte sur la régulation postale, appelaient un vrai débat politique.

Répondant ensuite à M. Philippe Arnaud, M. Yannick Texier, rapporteur, a indiqué que la transposition de la directive sur le bruit permettrait de clarifier les critères applicables en la matière, et expliqué que l'ajout de la directive « Plans et Programmes » visait à assurer une sécurité juridique aux documents d'urbanisme, qui doivent intégrer les obligations prévues par ce texte, sous peine de censure par le juge. S'agissant, plus généralement, du problème de la transposition des textes européens, qui représentent désormais près de 60 % de la législation nouvelle applicable en France, il a évoqué la proposition de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, de prévoir une séance mensuelle réservée à cet effet.

Puis M. Paul Raoult ayant estimé que la directive 2003/15 sur les produits cosmétiques et la directive 2003/87 sur les échanges de quotas comportaient des dispositions de nature à susciter un débat et nécessitaient de surcroît une étude d'impact, M. Yannick Texier, rapporteur, a souligné que la transposition de la directive sur les produits cosmétiques prévue par le projet de loi n'était que partielle, avant d'indiquer que son rapport serait disponible pour l'ensemble des groupes politiques dans les plus brefs délais.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements du rapporteur.

A l'article 1er, après une intervention de M. Dominique Braye, la commission a adopté un amendement visant à ajouter au paragraphe I la directive 2001/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement.

Avant l'article 3, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures modifiant le code de la consommation, attribuant dans le code du travail des pouvoirs d'enquête aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que des mesures de correction d'erreurs de codification de la partie législative du code de la santé publique.

A l'article 9, elle a adopté un amendement visant à permettre au Gouvernement de déterminer, par ordonnance, les règles de marché assurant la sécurité des transactions relatives aux quotas d'émission de gaz à effet de serre.

A l'article 10, la commission a adopté un amendement de coordination.

Enfin, à l'article 11, elle a adopté un amendement visant à corriger une erreur de référence, un amendement de précision et un amendement tendant à prévoir un délai pour la consultation de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, comme cela est prévu pour les autres collectivités d'outre-mer.

Puis la commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.