Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 3 mai 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a tout d'abord souligné l'intérêt de la récente mission en Afghanistan d'une délégation de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, conduite par son président. Il a souligné que le Président Hamid Karzaï, élu en octobre 2004, démontrait une réelle capacité à mener à bien le processus délicat et historique de reconstruction et de réconciliation nationale. Le ministre a rappelé que les futures élections parlementaires et locales, prévues pour l'automne 2005, constitueraient un autre moment décisif pour la stabilisation du pays. Il a évoqué la grande disponibilité française à soutenir le redressement de l'Afghanistan, disponibilité manifestée aujourd'hui par la présence militaire de notre pays dans le cadre de la FIAS sous commandement de l'OTAN, et de nos forces spéciales au sein de la coalition, présence qui est également civile en vue de l'indispensable reconstruction politique et économique du pays.

Abordant ensuite les récentes élections présidentielles qui se sont déroulées au Togo, pays dont il a souligné l'histoire partagée avec la France, M. Michel Barnier a rappelé la situation chaotique qui y prévalait depuis la mort de l'ancien président Gnassinbé Eyadéma, et l'intronisation hâtive, par l'armée togolaise, de son fils, M. Faure Gnassinbé, pour lui succéder. Il a souligné que la France avait toujours soutenu avec la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) le principe d'un strict respect du calendrier constitutionnel pour l'organisation des élections présidentielles. Celles-ci se sont effectivement tenues dans le délai imparti de 60 jours, et le Secrétaire général des Nations unies, ainsi que la CEDEAO, ont constaté que ces élections s'étaient déroulées dans des conditions globalement correctes, même si elles avaient été marquées par des incidents. Le ministre des affaires étrangères a rappelé qu'il avait, pour sa part, repris ces appréciations autorisées dans un communiqué diffusé avant même que le résultat de ces élections ne soit connu. Il a précisé que 60 % des électeurs s'étaient prononcés en faveur de Faure Gnassinbé, avec un taux de participation de 64 %, et que ces résultats avaient été transmis, conformément à la constitution, à la Cour constitutionnelle, pour lui permettre d'examiner d'éventuels recours. M. Michel Barnier a déploré les incidents qui se sont alors déroulés dans la capitale, Lomé, et qui ont notamment affecté des Européens, dont des Français, et ont aussi conduit à l'incendie du centre culturel allemand. Même si un certain retour au calme est perceptible, la vigilance de notre ambassade reste de mise quant à la sécurité de nos ressortissants. En tout état de cause, la France n'entend procéder à aucune ingérence au Togo, et elle soutiendra les positions de la CEDEAO en liaison avec l'Union africaine (UA). Cette position consiste à respecter les résultats officiels, à écarter tout recours à la violence et à inviter à une reprise du dialogue politique pour l'instauration d'un gouvernement d'union nationale. Plus largement, le ministre a indiqué que la France entendait agir sur la base de trois principes : respecter les décisions prises par les Africains eux-mêmes à travers leurs organisations régionales (UA et CEDEAO), favoriser des évolutions, notamment de l'armée togolaise, enfin rester ferme sur les principes de base de la démocratie, et notamment l'organisation d'élections régulières.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a rappelé le soutien que la France accordait, là aussi, aux initiatives de l'Union africaine, qui a choisi le président sud-africain Thabo M'Béki pour mener une médiation entre les différents acteurs de la crise politique qui secoue ce pays. La récente réunion de Prétoria a conduit à l'acceptation de l'arbitrage et de l'autorité du président M'Béki auquel il reviendra, comme en dispose l'alinéa 16 de l'accord, de trancher les éventuels différends à venir dans son application. Notre pays a apporté un appui constant à la médiation sud-africaine, qui a débouché sur un accord concernant deux points-clé : le désarmement et la réintégration des forces rebelles et l'ouverture des futures élections présidentielles à tous les candidats parties aux accords de Marcoussis. La France a également agi pour que les forces de l'ONUCI soient renforcées dans leur mandat et dans leurs effectifs. Le ministre a souligné que cette stabilisation politique constituait une première étape pour la Côte d'Ivoire, qui devra ultérieurement reconstruire son économie et réinsérer dans la vie civile les miliciens rebelles, avec l'aide notamment de la Banque mondiale et de l'Union européenne.

Abordant la situation au Liban, M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a salué le pas positif constitué par le retrait de ce pays des troupes et services de renseignement syriens, en conformité avec la résolution 1559 du Conseil de Sécurité. Le Secrétaire général des Nations unies a dépêché sur place un envoyé spécial, M. Roëd Larsen, pour veiller à la mise en oeuvre des différentes dispositions de la résolution 1559. Une commission spéciale doit se rendre, de son côté, ces jours-ci, au Liban pour évaluer le caractère effectif du retrait syrien. Le ministre s'est félicité de la possibilité ainsi ouverte d'organiser les élections législatives prévues pour la fin mai, d'autant que le nouveau Premier ministre, M. Mikati, avait pu former son gouvernement. Il sera important, a précisé le ministre des affaires étrangères, que ces élections soient organisées conformément à une loi électorale agréée par tous les partis, que la réforme des services de sécurité libanais soit engagée et qu'enfin la coopération soit totale avec les Nations unies dans l'enquête sur l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafik Hariri. M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a souligné qu'il s'agissait là d'un exemple de coopération réussie entre la France et les Etats-Unis, réalisée dans un souci de consensus régional.

A l'issue de l'exposé du ministre, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.

M. Jacques Pelletier a souhaité connaître les positions françaises sur la réforme de la Commission des Droits de l'Homme des Nations unies dont le Haut-commissaire aux Droits de l'Homme, Mme Louise Arbour, a récemment dénoncé la paralysie.

M. Robert Del Picchia, se référant au récent déplacement à Washington d'une délégation de la commission, a souligné l'amélioration du climat général des relations franco-américaines tout en évoquant la persistance de points de vue divergents, notamment sur la conduite à tenir vis-à-vis du Hezbollah libanais, sur les relations avec la Russie, sur la levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine et sur le dossier nucléaire iranien. Il a demandé au ministre s'il avait perçu des évolutions sur ces différents points lors de ses entretiens avec les responsables américains.

M. Yves Pozzo di Borgo a fait état d'informations émanant de l'opposition togolaise, en particulier du réseau des églises catholique et protestante, selon lesquelles les résultats de l'élection présidentielle auraient été faussés par des irrégularités dans l'établissement des listes électorales et diverses fraudes le jour du scrutin. Il a demandé au ministre s'il disposait d'éléments permettant de confirmer ou d'infirmer ces accusations.

M. Didier Boulaud a demandé des précisions sur l'éventualité d'une implication de l'OTAN au Darfour et sur les réserves émises par le Gouvernement français.

Mme Hélène Luc a souhaité que la commission puisse tenir avec le ministre une réunion spécialement consacrée à la situation en Afghanistan, dans la perspective notamment de l'arrivée à échéance des accords de Bonn. S'agissant du Togo, elle s'est demandé s'il ne fallait pas adopter une attitude prudente et réservée à l'égard du résultat des élections. Enfin, elle a demandé au ministre son sentiment sur l'évolution du processus de paix israélo-palestinien.

En réponse à ces interventions, M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a apporté les précisions suivantes :

- l'appréciation qu'il avait portée sur l'élection togolaise concernait le déroulement du scrutin lui-même, qui n'avait pas donné lieu à des incidents majeurs, comme l'ont d'ailleurs relevé le Secrétaire général des Nations unies et la CEDEAO ; il s'était exprimé avant la clôture du scrutin et ne s'était pas prononcé sur les résultats ; s'agissant de ces derniers, il ne revenait pas à la France de s'ériger en instance d'appel et de se substituer au rôle de la Cour constitutionnelle togolaise, ni à celui des instances régionales et des Nations unies ;

- lors de sa visite au Togo en décembre dernier, avant le décès du Président Eyadema, le Commissaire européen Louis Michel avait évoqué avec les représentants de l'opposition  la perspective d'élections législatives en avril ; ces derniers n'avaient pas soulevé d'objections tenant à l'irrégularité des listes électorales ou à des obstacles matériels à l'organisation d'un tel scrutin ;

- les avancées du processus de paix israélo-palestinien demeurent fragiles ; il importe de soutenir tant le Premier ministre israélien pour mettre en oeuvre la décision courageuse du retrait de Gaza que le Président de l'Autorité palestinienne pour poursuivre sa politique de réforme ; il faut également éviter toute décision concernant le tracé de la barrière de sécurité ou l'extension de certaines colonies en Cisjordanie, qui pourraient compromettre le processus de paix ; par ailleurs, la France a souhaité rappeler aux autorités américaines qu'elle considérait ce conflit comme central pour tous les autres problèmes du Moyen-Orient et qu'elle jugeait indispensable d'offrir aux Palestiniens un réel horizon politique, au-delà des élections législatives de juillet prochain et de l'évacuation de Gaza ;

- lors de la dernière réunion ministérielle de l'Alliance atlantique, la France a rappelé à ses partenaires que l'OTAN n'avait pas vocation à devenir le gendarme du monde ; elle représente en revanche un outil pour la gestion de crises et, dans ces conditions, il n'y a pas d'objection à ce qu'elle réponde favorablement à la demande exprimée par l'Union africaine pour fournir un appui au Darfour ; il s'agira en réalité d'un appui logistique à l'opération de l'Union africaine ;

- dans le cadre du débat sur la réforme des Nations unies, la France soutient une réforme de la Commission des Droits de l'Homme et un renforcement des moyens du Haut Commissaire ; dans le cas particulier du Darfour, c'est sous l'impulsion de la France et après une difficile discussion avec nos partenaires américains que la résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies a prévu la possibilité de saisir la Cour pénale internationale afin que les exactions commises ne restent pas impunies ;

- l'action commune de la France et des Etats-Unis au Conseil de Sécurité a permis d'obtenir des résultats très positifs sur la situation au Liban ; en ce qui concerne le Hezbollah, il semble que les responsables américains soient plus réceptifs à la position française ; se fondant sur la double nature, politique et militaire, de l'organisation, cette position consiste à encourager les membres du Hezbollah à abandonner l'action armée et à s'intégrer progressivement dans le débat politique, dans le cadre du processus en cours lancé par la résolution 1559 ;

- vis-à-vis de la Russie, l'approche française, tout comme celle de l'Allemagne, vise à éviter que ce pays ne se crispe en réaction aux évolutions dans son ancienne zone d'influence ; l'établissement d'un partenariat avec la Russie est dans l'intérêt de tous ;

- en fixant le 17 décembre dernier l'objectif d'une levée de l'embargo européen des ventes d'armes vers la Chine avant la fin du mois de juin 2005, les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont souhaité prendre une mesure politique pour mettre fin à une situation anachronique qui ne correspond plus à l'état des relations entre la Chine et l'Union européenne. Il ne s'agit en aucun cas d'accroître quantitativement ou qualitativement les ventes d'armes vers la Chine ; celles-ci seront au demeurant encadrées par un code de conduite extrêmement rigoureux ;

- les Européens sont engagés dans un dialogue difficile avec l'Iran sur son programme nucléaire : il est demandé à l'Iran de fournir une garantie objective que son programme se limitera à des applications civiles. Il importe que la discussion se poursuive sans remettre en cause l'accord de Paris du 15 novembre dernier, qui a mis en place une suspension des opérations d'enrichissement et de retraitement. Les Etats-Unis doivent pleinement mesurer les conséquences que pourrait avoir une rupture du dialogue, non seulement sur le devenir du programme iranien mais également sur la politique que Téhéran pourrait mener vis-à-vis de l'Irak, du Liban ou de la Palestine.

M. Louis Le Pensec a interrogé le ministre sur la perception de la construction européenne par les responsables américains. Il lui a par ailleurs demandé des précisions sur les perspectives offertes aux rapatriés de Côte d'Ivoire, notamment aux enseignants.

M. Pierre Biarnès a rappelé que l'Iran, héritier d'une longue tradition historique, se considérait comme une puissance régionale et qu'il se sentait encerclé par des pays disposant de l'arme nucléaire ; il s'est déclaré convaincu que les dirigeants iraniens ne renonceraient jamais à se doter de l'armement nucléaire.

M. Philippe Nogrix, se référant à de récents contacts avec le Dalaï Lama et le gouvernement tibétain en exil, a souligné l'incompréhension de ces derniers à propos de notre politique vis-à-vis de la Chine, qu'il s'agisse de la levée de l'embargo sur les ventes d'armes ou du silence, aux Nations unies, sur la situation du Tibet, pays occupé depuis plus de cinquante ans, et plus généralement sur les violations des droits de l'homme en Chine.

M. Michel Guerry a indiqué qu'au cours d'un récent déplacement, le groupe d'amitié France - Etats-Unis du Sénat avait pu vérifier l'amélioration des relations bilatérales, en dépit de la persistance de certains contentieux concernant l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine, les subventions européennes à l'aéronautique civile et les subventions américaines aux producteurs de coton.

M. Jean-Pierre Fourcade a demandé au ministre si, au cours de son entretien avec M. Paul Wolfowitz, ce dernier lui avait indiqué les orientations qu'il comptait mettre en oeuvre à la tête de la Banque mondiale. Evoquant ensuite un ouvrage intitulé « Al Qaida vaincra », il lui a demandé s'il partageait la thèse de l'auteur, selon laquelle un certain nombre de gouvernements arabes entretenant des relations étroites avec les Occidentaux alimentaient également les groupes terroristes.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souhaité savoir si l'Union européenne parviendrait rapidement à un accord sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 et si la question du « chèque britannique » pourrait être réglée conformément aux voeux de la France. Elle a d'autre part demandé des précisions sur l'action du Gouvernement français en faveur de la libération des otages en Irak.

Mme Paulette Brisepierre a évoqué le déplacement du groupe sénatorial d'amitié France-Maroc dans le nord du Royaume. Elle a souligné les efforts entrepris par le gouvernement marocain pour développer cette région isolée. Elle a en particulier mentionné les perspectives de développement des activités du port de Tanger.

M. Didier Boulaud a souhaité savoir si, dans le cadre de la réforme des Nations unies, des réflexions étaient en cours quant à l'avenir du siège permanent de la France au Conseil de Sécurité. Il a également demandé au ministre son sentiment sur les attentats survenus en Egypte et sur les risques de déstabilisation du pays.

En réponse à ces différentes interventions, M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a apporté les précisions suivantes :

- lors de sa venue à Bruxelles en février dernier, le Président Bush s'est déclaré en faveur d'une Union européenne forte et a, à cette occasion, pour la première fois, rencontré le Conseil européen ; la France a pour sa part rappelé que l'alliance ne signifiait pas l'allégeance ; il faut que les Etats-Unis comprennent que cette Europe forte ne se fera pas si elle ne s'accompagne pas d'un certain degré d'autonomie ;

- bien des sujets d'incompréhension mutuelle entre l'Europe et les Etats-Unis proviennent d'une insuffisance de dialogue ; il faut donc intensifier les contacts et les visites bilatérales pour mieux expliquer le point de vue des Européens ;

- l'annonce d'élections pour le 30 octobre prochain marque le redémarrage du processus politique en Côte d'Ivoire et redonne une perspective de normalisation ; la situation des 7.500 Français rapatriés demeure difficile et l'ensemble des ministères concernés doivent se mobiliser pour trouver des solutions aux situations individuelles ; il faut espérer que ceux qui le souhaitent pourront, le moment venu, revenir en Côte d'Ivoire ; on ne peut en revanche, à l'heure actuelle, envisager la réouverture des établissements scolaires français pour la prochaine rentrée ;

- les dirigeants iraniens continuent d'affirmer qu'ils ne souhaitent en aucun cas développer un programme nucléaire militaire et les Européens leur demandent précisément des garanties objectives sur ce point ; l'Iran doit comprendre que son influence et son statut international peuvent être consolidés autrement que par l'accession à la capacité nucléaire ; dans cette perspective, les Européens mènent une négociation globale incluant le commerce et les échanges économiques, le nucléaire civil et enfin le dialogue politique ;

- la France souhaite un renforcement de la Commission des Droits de l'Homme des Nations unies pour traiter l'ensemble des situations, y compris celle du Tibet ;

- le nouveau président de la Banque mondiale a manifesté son souhait d'effectuer son premier voyage en Afrique ; il paraît déterminé à engager une réforme de l'institution pour renforcer l'efficacité de son action et lier gouvernance et développement ;

- Al Qaida a bénéficié de financements provenant de diverses sources, mais le terrorisme se nourrit également des frustrations apparues dans le monde arabe et ailleurs, ainsi que des humiliations engendrées par le conflit israélo-palestinien ;

- la France souhaite qu'un accord intervienne si possible en juin sur les perspectives financières de l'Union européenne de 2007 à 2013 ; tout retard serait préjudiciable à la mise en oeuvre des politiques communautaires, et notamment à l'utilisation des crédits prévus pour les fonds structurels ; pour le Gouvernement français, il n'est pas acceptable que le « chèque britannique » subsiste dans son état actuel, car les raisons pour lesquelles il avait été accepté ne sont plus d'actualité ;

- il est souhaitable que le Maroc puisse bénéficier, dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage de l'Union européenne, de mécanismes analogues à ceux qui sont mis en oeuvre pour les fonds structurels ; des financements pourraient ainsi être accordés au titre de projets de développement à moyen terme, élaborés et mis en oeuvre avec la société civile ;

- le siège permanent de la France au Conseil de Sécurité n'est pas remis en cause par la réforme des Nations unies ;

- on ne peut qu'être préoccupé par les récents attentats survenus en Egypte. Il est nécessaire d'encourager l'évolution de ce pays, sans prétendre imposer un modèle extérieur ;

- le Gouvernement et ses services travaillent quotidiennement pour la libération des otages en Irak.

M. Gérard Roujas, évoquant le débat référendaire en France, a mentionné l'argument selon lequel les Etats-Unis tireraient profit d'une victoire du « non » et d'un rejet du Traité constitutionnel. Il a observé qu'en se déclarant désireux de disposer d'un partenaire européen fort, les responsables américains semblaient infirmer cet argument.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a répondu que le rejet du Traité constitutionnel signifierait surtout la victoire de ceux qui souhaitent réduire l'Europe à une simple zone de libre-échange, incapable de s'affirmer comme puissance politique.

Mercredi 4 mai 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président.

Traités et conventions - Accord sur la conservation des petits cétacés - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de Mme Dominique Voynet sur le projet de loi n° 46 (2004-2005), autorisant l'adhésion à l'accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, de l'Atlantique du nord-est et des mers d'Irlande et du Nord (ensemble une annexe).

Mme Dominique Voynet, rapporteur, a rappelé que la convention internationale de Bonn, conclue en 1979, sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, avait étendu en 2003 le régime de protection des petits cétacés à la zone de l'Atlantique du Nord-Est. En conséquence, la France, membre de la convention de Bonn, a décidé d'adhérer à la convention de 1992 relative à la protection des petits cétacés, alors qu'elle n'était, antérieurement à cette extension, que peu impliquée dans la protection de ces espèces, limitée aux mers Baltique et du Nord. L'extension à l'Atlantique du Nord-Est a conduit notre pays à adhérer à la présente convention.

Mme Dominique Voynet, rapporteur, a cependant précisé que la ratification de ce texte par la France n'y introduira pas de nouvelles normes contraignantes, puisque le code de l'environnement organise déjà la protection de ces espèces. Expliquant que les petits cétacés désignaient, pour l'essentiel, les dauphins et les marsouins, elle a salué les travaux de l'université de La Rochelle sur l'observation de ces populations. Ces études ont mis en valeur l'intérêt scientifique du recensement de ces animaux, qui n'est effectué que rarement du fait de son coût. Cependant, ces observations ont dénombré environ 250.000 dauphins en Méditerranée en 1990, et 150.000 dans l'Atlantique du Nord-Est en 1993. Elles ont également permis d'identifier les principales menaces pesant sur ces espèces, qui tiennent soit aux captures accidentelles par les filets de pêche, soit à l'ingestion de déchets dont les plus toxiques sont les sacs en plastique, soit encore aux sources sonores industrielles ou militaires qui perturbent leurs modes de communication et de repère.

En conclusion, Mme Dominique Voynet a souligné qu'il restait de nombreux efforts à effectuer par notre pays pour mieux protéger les petits cétacés des menaces les plus graves pesant sur leur développement, et a proposé l'adoption de la convention qui va dans ce sens.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Serge Vinçon, président, l'a interrogée sur la nature des perturbations entraînées par les navires de guerre, qui sont pourtant conçus avec des contraintes de furtivité.

Mme Hélène Luc a souhaité obtenir des précisions sur les nuisances entraînées, pour ces espèces, par la présence de sacs plastique en haute mer.

Mme Dominique Voynet, rapporteur, a précisé que c'était l'utilisation de sonars par les navires de guerre qui perturbait ces espèces. Elle a souligné que les sacs en plastique sont confondus par les cétacés avec des méduses, du fait de leur caractère transparent et irisé, ce qui conduit à leur ingestion, aux conséquences mortelles pour les espèces concernées.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Daniel Goulet sur le projet de loi n° 246 (2004-2005),adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole additionnel à laconvention sur le transfèrement des personnes condamnées.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a rappelé que le transfèrement consistait à permettre à un étranger condamné à une peine d'emprisonnement de purger sa peine dans son pays d'origine.

Il a indiqué que la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées était le principal instrument international en la matière, puisqu'elle avait été signée par la quasi-totalité des pays membres du Conseil de l'Europe, mais également par 14 pays non européens, notamment les États-Unis, le Canada, l'Australie, le Japon ou Israël.

Cette convention retient le principe selon lequel un transfèrement peut être demandé aussi bien par l'Etat dans lequel la condamnation a été prononcée que par l'Etat dont le condamné est ressortissant, appelé « Etat d'exécution ». Le transfèrement est subordonné au consentement de ces deux Etats, mais aussi à celui du condamné. La convention définit également les procédures d'exécution de la condamnation après le transfèrement. La peine ou la mesure appliquée ne doit, ni par sa nature, ni par sa durée, être plus sévère que celle qui a été prononcée dans l'Etat de condamnation.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a précisé que le protocole adopté le 18 décembre 1997 visait à résoudre certaines difficultés d'application de la convention de Conseil de l'Europe survenues dans deux cas particuliers.

Le premier cas est celui des personnes évadées qui ont rejoint leur pays d'origine. Le protocole permet à l'Etat de condamnation de demander à l'autre Etat de prendre des mesures conservatoires, telles que leur arrestation ou toute autre mesure propre à garantir qu'elles demeurent sur son territoire, dans l'attente d'une décision. En cas d'arrestation, la procédure de transfèrement peut être engagée afin que le condamné purge sa peine dans son Etat d'origine.

Le second cas concerne les condamnés frappés d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière. Pour éviter leur maintien dans l'Etat de condamnation alors qu'ils ne pourront y rester une fois la peine purgée, le protocole permet de procéder au transfèrement des intéressés pour qu'ils terminent l'exécution de leur condamnation dans le pays d'origine. Cette procédure ne peut toutefois être lancée qu'après l'épuisement de toutes les voies de recours contre la mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière. Par ailleurs, l'avis de l'intéressé est formellement requis, les deux Etats devant donc s'accorder sur le transfèrement lui-même, mais également sur le fait de passer outre un éventuel avis négatif de la personne condamnée.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a observé que dans les deux cas particuliers concernés, le protocole permettait de mettre en oeuvre une procédure de transfèrement sans que l'accord de l'intéressé soit nécessairement exigé, par dérogation au principe posé par la convention.

Estimant que le protocole additionnel, déjà signé par 33 des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, assurerait un meilleur fonctionnement de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, il a proposé à la commission d'approuver le projet de loi.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur la position des Etats-Unis vis-à-vis des instruments du Conseil de l'Europe relatifs au transfèrement des personnes condamnées.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a répondu que les Etats-Unis avaient adhéré à la convention dès son adoption, en 1983, sans être pour l'instant partie au protocole additionnel de 1997.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention EUROPOL) et protocole sur les privilèges et immunités d'Europol - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 247 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention EUROPOL) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents.

M. André Rouvière, rapporteur, a rappelé que la convention instaurant l'Office européen de police, dit Europol, avait été conclue le 1er octobre 1998. Depuis cette date, les Etats membres de l'Union européenne ont décidé de renforcer leur lutte commune contre les trois dangers majeurs que sont le terrorisme, le trafic d'êtres humains et celui de stupéfiants. Ainsi, le Conseil européen de Tampere, en 1999, a instauré la possibilité de créer, sur la base du volontariat, des équipes communes d'enquêtes (ECE), permettant le traitement conjoint d'affaires pénales entre deux Etats. De telles équipes ont été constituées par la France et l'Espagne, pour lutter contre le terrorisme basque et avec la Lituanie pour mieux réprimer le trafic de fausses cartes bancaires.

M. André Rouvière, rapporteur, a précisé que le présent texte, adopté à Bruxelles le 28 novembre 2002, permettait d'associer les agents d'Europol à ces ECE, et déterminait les modalités de cette participation. Celle-ci pourrait porter sur l'appui aux pays dépourvus de services structurés de police, par l'envoi d'experts, le prêt de matériel d'écoute et la mise à disposition d'interprètes spécialisés.

Le rapporteur a rappelé que le budget d'Europol s'élevait, en 2004, à près de 59 millions d'euros et que la France y avait participé à hauteur de 8 millions d'euros, les personnels français représentant moins de 10 % des 386 agents d'Europol. M. André Rouvière a souligné que l'intérêt français pour cette organisation ne cessait de croître, notamment du fait de sa capacité à centraliser de nombreuses informations sur les différents trafics affectant les Etats membres.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les tâches opérationnelles que la présente convention permettrait de confier aux agents d'Europol. M. André Rouvière, rapporteur, a estimé que la convention apportait un cadre juridique permettant le développement ultérieur des actions menées par les agents d'Europol, qui portent actuellement essentiellement sur la fourniture de renseignements et le prêt de matériel d'écoute.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Protocoles d'application de la Convention alpine - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 245 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation des protocoles d'application de la Convention alpine du 7 novembre 1991 dans le domaine de la protection de lanature et de l'entretien despaysages, de l'aménagement duterritoire et du développement durable, des forêts de montagne, de l'énergie, du tourisme, de la protection des sols et des transports.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a rappelé que la Convention alpine avait été signée en novembre 1991 par l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie et le Liechtenstein, ainsi que par la Communauté européenne, puis ultérieurement la Slovénie et Monaco. Regroupant aujourd'hui tous les pays de l'arc alpin, cet instrument international est une convention-cadre définissant quelques principes généraux et mettant en place les structures de la coopération entre Etats.

Les principes généraux définis par la Convention alpine découlent directement de la notion de développement durable. En effet, la Convention alpine a pour ambition d'harmoniser les intérêts économiques et les exigences écologiques. Elle engage les Etats-parties à mener une politique globale de préservation et de protection en prenant en compte de façon équitable les intérêts de tous les Etats alpins, de leurs régions alpines, de la Communauté européenne, en utilisant les ressources avec discernement et en les utilisant de façon durable. Elle n'énonce pas d'obligations précises, mais renvoie à des protocoles d'application thématiques qui ont été signés ultérieurement.

Les principes généraux, comme les obligations découlant des protocoles, s'appliquent à l'espace alpin, tel que le définit la convention. Celui-ci couvre 190 000 km2 et concerne environ 13 millions d'habitants. La France représente 21 % du territoire et 17 % de la population de l'espace alpin.

La Conférence alpine, présidée pour deux ans à tour de rôle par chaque pays-membre, est le principal organe de décision de la Convention. Un secrétariat permanent établi en Autriche, avec une antenne en Italie, a commencé à fonctionner en 2003.

Depuis la signature de la Convention alpine, en 1991, les Etats-membres ont mis en place un mécanisme d'évaluation fondé sur la présentation de deux documents : un rapport sur l'état des Alpes retraçant, à l'échelle de l'ensemble du massif, toutes les évolutions en cours sur le plan environnemental, humain et économique, et d'autre part le premier rapport de vérification faisant le point sur les mesures adoptées par les Etats pour l'application de la Convention.

Les Etats-membres ont surtout élaboré huit protocoles d'application fixant de manière beaucoup plus détaillée que la Convention elle-même les principes à respecter et les mesures à prendre dans les différents domaines concernés :

- trois en 1994, sur la protection de la nature et l'entretien des paysages, sur l'agriculture de montagne, sur l'aménagement du territoire et le développement durable ;

- un en 1996, sur les forêts de montagne ;

- trois en 1998, sur l'énergie, le tourisme et la protection des sols ;

- enfin, en 2000 a été signé le protocole le plus délicat, celui sur les transports.

Le protocole sur l'agriculture de montagne ne touchant pas à des domaines de nature législative, la France l'a ratifié par voie règlementaire en 2002. Le projet de loi actuellement soumis au Sénat concerne les sept autres protocoles.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a précisé que chaque protocole d'application se référait aux objectifs généraux de la Convention alpine visant à assurer une politique globale de protection et de développement durable de l'espace alpin. Au titre des stipulations communes à tous les protocoles, il a cité l'affirmation du droit des populations locales à définir leur propre projet de développement social, culturel et économique et de participer à sa mise en oeuvre, la promotion de la coopération transfrontalière et la participation des collectivités territoriales aux différents stades de préparation et de mise en oeuvre des politiques découlant de la Convention et de ses protocoles.

Le rapporteur a indiqué que les protocoles définissaient les axes principaux des politiques à mener, par les pays du massif alpin, en matière de protection de l'environnement, d'exploitation des ressources naturelles et d'aménagement du territoire, ces politiques demeurant du ressort de chaque Etat membre. Une procédure d'évaluation et de suivi, fondée sur un examen périodique de la mise en oeuvre des protocoles dans chaque Etat, doit favoriser leur application concrète.

Les protocoles relatifs à la protection de la nature et l'entretien des paysages et à la protection des sols sont plus particulièrement axés sur la protection de l'environnement. Ils visent notamment à permettre un recensement exhaustif des zones ou espèces sensibles et à encourager les mesures de protection, notamment dans le cadre des espaces protégés comme les parcs nationaux ou régionaux.

Le protocole sur l'aménagement du territoire et le développement durable fixe les grandes lignes des politiques à suivre en la matière. Le renforcement de l'action des collectivités territoriales, conformément au principe de subsidiarité, est mis en exergue. Le protocole reconnaît la légitimité de mesures d'aide spécifiques aux zones de montagne, pour compenser les handicaps naturels ou les restrictions liées à la protection de l'environnement et pour maintenir les activités économiques et les services publics.

Trois protocoles portent sur les activités économiques spécifiques au massif alpin : l'exploitation forestière, l'énergie et le tourisme. Ils reconnaissent pleinement la contribution de ces activités à l'économie alpine et au maintien de la population locale. Ils préconisent leur mise en conformité avec les objectifs de développement durable.

Enfin, le protocole sur les transports a donné lieu à de longues et difficiles négociations et n'a été adopté qu'en octobre 2000. Il retient les principes suivants :

- la concertation préalable entre pays voisins pour tout projet d'infrastructure susceptible d'avoir un impact transfrontalier ;

- une priorité à accorder au transport ferroviaire dans les Alpes ;

- le développement du transport maritime comme alternative au transport terrestre ;

- le renoncement à tout nouveau projet de route à grand débit pour le trafic transalpin, c'est-à-dire le trafic de transit international ;

- pour le trafic intra-alpin, la limitation des nouvelles routes à grand débit à des cas réunissant des conditions précises, notamment l'absence d'autre possibilité, des études d'impact positives et des mesures de réduction des nuisances ;

- enfin, l'introduction progressive d'une tarification spécifique permettant de facturer à l'usager l'ensemble des coûts des infrastructures alpines, y compris les coûts externes liés à l'impact environnemental.

Le rapporteur a précisé que la France envisageait de déposer, au moment de la ratification du protocole relatif aux transports, une déclaration interprétative précisant notamment qu'il ne s'appliquerait pas aux projets routiers dont le principe était acquis au moment de sa signature.

En conclusion, M. Jacques Blanc, rapporteur, a estimé que la France disposait, dans sa législation, des instruments lui permettant de mettre en oeuvre la Convention alpine, mais qu'elle devrait, dans ses politiques, mieux intégrer les différents objectifs énoncés par les protocoles. Il a constaté que, dans une large mesure, ces objectifs s'accordaient parfaitement avec les propositions effectuées il y a trois ans, au Sénat, par la mission d'information sur l'avenir de la montagne. Il a souligné la nécessité d'associer étroitement les collectivités territoriales à la mise en oeuvre de la Convention alpine. Il a proposé à la commission d'approuver le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a demandé si une démarche comparable à celle de la Convention alpine était envisagée pour le massif pyrénéen.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a rappelé que bien avant l'entrée de l'Espagne dans la Communauté européenne, les collectivités territoriales françaises et espagnoles concernées, ainsi que l'Andorre, avaient engagé une démarche de coopération transfrontalière dans le cadre de la Communauté de travail des Pyrénées. Il a ajouté que l'action de cette dernière s'inscrivait pleinement dans l'objectif de développement durable du massif pyrénéen, même s'il n'existe pas d'instrument international comparable à la Convention alpine.

M. André Rouvière s'est interrogé sur les perspectives de mise en oeuvre de la Convention alpine et de ses protocoles à l'heure où s'affirme, à l'échelle mondiale, la tendance à une concurrence accrue entre les territoires. Il s'est également demandé si le cadre géographique retenu n'était pas trop étroit pour réellement atteindre les objectifs ambitieux assignés à cette convention.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a répondu que la Convention alpine visait précisément à éviter une concurrence entre les différents Etats de l'arc alpin qui ont accepté de s'imposer les mêmes contraintes. Il a rappelé que la Communauté européenne était partie à la Convention, ce qui devait assurer la cohérence entre les objectifs poursuivis par les Etats alpins et la politique économique et commerciale menée à l'échelle européenne. Il s'est déclaré convaincu que dans la compétition mondiale, la notion de développement durable, à la base de la Convention alpine, constituait un atout, et non un handicap. Citant l'agriculture, le tourisme ou l'artisanat, il a estimé que la protection du patrimoine naturel constituait une valeur ajoutée pour de nombreuses activités économiques.

Mme Hélène Luc a estimé que la récente décision de la Commission européenne d'imposer à la SNCF une réduction de son activité de transport ferroviaire était en contradiction directe avec les objectifs affichés par le protocole « Transports » en matière de report du trafic routier vers le rail. De manière générale, elle a considéré que les autorités européennes et françaises, en dépit des déclarations officielles, n'agissaient pas en faveur du développement du transport ferroviaire, la part de ce dernier diminuant sans cesse par rapport au trafic routier.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a rappelé les engagements importants pris par l'Union européenne en faveur du développement du trafic ferroviaire. Il a notamment cité la liaison ferroviaire Lyon-Turin inscrite parmi les 14 grands projets d'infrastructures prioritaires retenus en 1994 lors du Conseil européen d'Essen. Il a souligné l'engagement du Gouvernement français en faveur de ce projet comme, du reste, en faveur d'autres projets susceptibles de favoriser le transport ferroviaire, notamment la nouvelle ligne Perpignan-Barcelone. S'agissant de la SNCF, il a considéré que les mesures conjoncturelles prises, en accord avec la Commission européenne, dans le cadre du redressement de sa branche « fret » n'étaient en rien contradictoires avec l'objectif de développement du fret ferroviaire, puisqu'il s'agit bien de permettre à l'entreprise de retrouver les conditions lui permettant d'être compétitive pour le transport des marchandises.

Mme Dominique Voynet a estimé que tout en portant sur un espace délimité, la Convention alpine avait été élaborée dans un cadre plus large intéressant plusieurs pays. Elle a notamment évoqué à ce propos la commission économique pour l'Europe des Nations unies. Elle a souligné que les élus des régions concernées avaient l'occasion d'être associés aux réunions de la Conférence alpine, tout comme les représentants de la société civile. Elle a estimé que depuis plusieurs années, l'Union européenne s'efforce d'encourager le développement du transport combiné rail-route et elle a relevé, à ce propos, une contradiction dans la position du Gouvernement français qui espère des financements européens pour ses projets ferroviaires, notamment Lyon-Turin, tout en s'opposant à une augmentation du budget communautaire au-delà de 1% du PIB européen. Elle a estimé que l'évolution des cours du pétrole ne faisait que renforcer l'intérêt, pour l'Union européenne, d'une politique active en faveur du rail. S'agissant de la situation du transport ferroviaire en France, elle a rappelé que la SNCF en était largement responsable, puisqu'elle constitue, à travers ses filiales, le plus important transporteur routier national.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a souligné la nécessité d'associer étroitement les élus locaux à la mise en oeuvre de la Convention alpine. S'agissant de la position française sur le budget communautaire, il a estimé que l'objectif de stabilisation n'excluait pas une accentuation de certaines politiques et il a rappelé les propos tenus devant la commission par le ministre des Affaires étrangères insistant sur l'attachement de la France à la politique régionale de l'Union. Il a également rappelé les difficultés du secteur du transport ferroviaire en France en estimant qu'avec le soutien de l'Union européenne il était nécessaire de les résoudre.

La commission a ensuite adopté le projet de loi, Mme Hélène Luc précisant qu'elle s'abstenait.

Traités et conventions - Cybercriminalité - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 248 (2004-2005),adopté par l'Assemblée nationale,autorisant l'approbation de la convention sur la cybercriminalité et du protocole additionnel à cette convention, relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que la révolution numérique n'avait pas seulement bouleversé l'économie mondiale, mais aussi accru la délinquance dont les auteurs tirent profit des réseaux informatiques : de nouveaux délits ont surgi, qui menacent autant les individus que les entreprises ou les Etats. Par la convention internationale de lutte contre la cybercriminalité, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, les pays membres du Conseil de l'Europe et leurs partenaires (Etats-Unis, Canada, Japon, Afrique du Sud) se sont engagés sur la voie d'une régulation juridique et éthique d'un domaine jusqu'alors abandonné, pour le meilleur comme pour le pire, aux seules règles du marché. En outre, un protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, demandant aux Etats de considérer comme criminelle la diffusion de matériel raciste et xénophobe par le biais de systèmes informatiques, a été adopté le 7 novembre 2002 par le Comité des ministres et immédiatement signé par la France.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a détaillé les trois types d'infractions pénales commises sur le réseau internet :

- les infractions relatives au contenu se définissent comme la diffusion intentionnelle par Internet de textes ou d'images illégaux (il s'agit principalement de diffusion de matériels à caractère raciste, xénophobe ou pédopornographique) ;

- l'atteinte à la propriété intellectuelle illustrée notamment par la mise en ligne de fichiers musicaux gratuits sans l'accord des auteurs, interprètes ou producteurs ;

- les infractions liées aux technologies de l'information et de la communication (atteintes aux réseaux et bases de données, diffusion de virus, fraudes ou cartes bancaires).

Le rapporteur a souligné que la cybercriminalité menaçait en France quelque 25 millions d'internautes (particuliers, entreprises et services publics) et revêtait un caractère transnational, se développant par définition en dehors de toute considération de frontière : sa répression se heurte donc au principe de territorialité de la loi pénale.

En France, a poursuivi M. Robert Del Picchia, rapporteur, l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) a été créé par décret en mai 2000 et est rattaché à la Direction de la police judiciaire. Il a une compétence nationale et travaille en collaboration avec la Brigade d'enquête sur les fraudes aux technologies de l'information, qui dépend de la Préfecture de police de Paris, avec la DST, les douanes et la Gendarmerie. Ses effectifs sont de 32 policiers et 3 gendarmes. De plus, les enquêteurs de la Police judiciaire et ceux de la Gendarmerie spécialisés en criminalité informatique lui apportent leur soutien : leur effectif s'élève environ à 300 personnes.

Le rapporteur a indiqué que la convention de Budapest sur la cybercriminalité visait d'abord à harmoniser les législations nationales en matière d'incrimination et de sanctions pénales pour une liste de comportements soumis à répression. Doivent, entre autres, être réprimés l'accès illégal à un système informatique ou la diffusion de matériel pédophile par le biais d'un système informatique. La convention, en second lieu, tend à compléter l'arsenal juridique des Etats en matière procédurale, afin d'améliorer la capacité des services de police à mener en temps réel leurs investigations et à rassembler des preuves sur le territoire national avant qu'elles ne disparaissent. Enfin, elle adapte les stipulations classiques des conventions du Conseil de l'Europe en matière d'extradition et d'entraide répressive.

Les Etats-Unis, le Japon, le Canada et l'Afrique du Sud ont signé la convention le 23 novembre 2001 aux côtés de 34 des 46 membres du Conseil de l'Europe, ce qui porte à 38 le nombre d'Etats signataires. Toutefois, sur les 38 Etats signataires, 30 n'ont à ce jour pas déposé leurs instruments de ratification. Il importe donc que la France soit en mesure de le faire rapidement.

Cependant, lors des rencontres préalables à la convention de Budapest, le comité d'experts n'avait pas adopté les propositions des délégations allemande et française concernant l'incrimination des comportements racistes et xénophobes sur internet en raison de l'opposition de diverses délégations, qui invoquaient le principe de la liberté d'expression (Canada, Etats-Unis et Japon notamment). Aussi le Conseil de l'Europe suggéra-t-il dès 2001 l'élaboration d'un protocole additionnel spécifique, pour lequel la France a joué un rôle moteur. Ce complément essentiel à la Convention de Budapest a été adopté le 7 novembre 2002 par le Conseil de l'Europe et ouvert à la signature en janvier 2003. Il poursuit deux objectifs : premièrement, harmoniser le droit pénal matériel dans la lutte contre le racisme et la xénophobie sur l'Internet et deuxièmement, améliorer la coopération internationale dans ce domaine.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a détaillé le premier chapitre de ce protocole qui définit l'expression « matériel raciste et xénophobe ». Les Etats signataires s'engagent à ériger en infractions pénales non seulement « la diffusion ou les autres formes de mise à disposition du public, par le biais d'un système informatique, de matériel raciste ou xénophobe », mais encore l'insulte raciste proférée par le biais d'un système informatique.

Si 23 Etats ont signé le protocole, seules l'Albanie et la Slovénie ont procédé à sa ratification. Pour entrer en vigueur, il doit avoir été ratifié par cinq Etats. Une approbation rapide de ce protocole par la France s'impose d'autant plus que notre pays est à l'origine du texte ; elle constituerait en outre un signal pour obtenir un plus grand nombre de signatures.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a conclu que l'adoption de la convention de Budapest sur la cybercriminalité et du protocole additionnel sur la diffusion de propos et de matériels raciste et xénophobe par le biais de systèmes informatiques était d'une importance capitale et que la France pouvait jouer un rôle exemplaire en les ratifiant, tout particulièrement en ce qui concerne le protocole.

M. André Rouvière a exprimé ses craintes relatives au développement de la cybercriminalité qui est difficilement mesurable et à la difficulté d'une répression efficace.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé qu'une directive européenne permettait de fermer des sites illégaux et que les grands distributeurs présents sur internet mettaient en place des filtres. Toutefois, les sites à dimension mondiale ne peuvent être facilement contrôlés.

Mme Gisèle Gautier a souligné le caractère d'urgence de la présentation au Sénat de ce projet de loi et l'importance du débat qu'il permettrait.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Nomination d'un rapporteur

Enfin la commission a désigné M. André Dulait, rapporteur du projet de loi n° 289 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant diverses dispositions relatives à la défense.