Sommaire

  • Mardi 23 novembre 2004
    • Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD)
  • Mercredi 24 novembre 2004
    • PJLF pour 2005 - Gendarmerie - Examen du rapport pour avis
    • PJLF pour 2005 - Affaires étrangères - Examen du rapport pour avis
    • PJLF pour 2005 - Relations culturelles extérieures et francophonie - Examen du rapport pour avis
    • PJLF pour 2005 - Nucléaire, espace et services communs - Examen du rapport pour avis
    • Affaires étrangères - Situation en Afghanistan - Communication
    • Nomination d'un rapporteur

Mardi 23 novembre 2004

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD)

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD).

M. Jean-Michel Severino a souligné l'importance des thématiques de développement dans les débats internationaux, qui se concentrent sur quatre enjeux principaux.

Les enjeux géographiques d'abord, qui connaissent une évolution considérable. En Asie, dans le sous-continent indien, mais aussi en Amérique latine, la réduction de la pauvreté est sensible. Dans ces zones, un processus de rattrapage est clairement engagé ce qui n'est pas sans susciter certains débats, dans les pays développés, autour notamment de la question des délocalisations. D'autres zones en revanche connaissent une régression. Il s'agit d'une part non négligeable de l'Afrique subsaharienne mais aussi de poches de pauvreté en Extrême-Orient, comme en Corée du Nord ou en Birmanie. Le monde méditerranéen est aussi marqué par la stagnation, accrue par la pression démographique.

En deuxième lieu, les objectifs du Millénaire du développement définis par l'ONU en 2000 sont apparus sur cette toile de fond. Il s'agit d'un cadre formalisé et commun à la fois aux donateurs et aux bénéficiaires, structurant la stratégie de tous les acteurs du développement. L'aide publique au développement est ainsi devenue la seule politique publique globale, mais sa mise en oeuvre reste très atomisée. Elle se heurte à des problèmes de financement, mais soulève surtout des questions d'ordre politique et stratégique.

La problématique de gestion des crises ensuite, dans une perspective d'utilisation géopolitique de l'aide au développement, est également une des grandes thématiques apparue dans les débats internationaux. Ces dernières années, l'augmentation de l'aide publique mondiale a été ainsi presque entièrement absorbée par deux pays, l'Irak et l'Afghanistan. Ces problématiques de prévention et de sortie de crise peuvent entrer en contradiction avec les objectifs du Millénaire pour le développement, ce qui induit des tensions dans les débats théoriques, mais également dans la définition des priorités d'actions.

Les problématiques des biens publics mondiaux ont enfin également une dimension Nord-Sud. L'aide publique au développement est de plus en plus sollicitée sur ces sujets.

M. Jean-Michel Severino a considéré que la coopération française devait définir ses objectifs entre ces différentes problématiques, parfois contradictoires.

Il a ensuite évoqué les grandes lignes de l'activité de l'Agence française de développement. Rappelant qu'elle était un établissement public industriel et commercial soumis à la loi bancaire, il a indiqué que son bilan s'élevait à 17 milliards d'euros et qu'elle produisait 2 milliards d'euros d'aides, dont 170 millions de subventions. La moitié de l'activité de l'Agence est dite « souveraine » c'est-à-dire qu'elle est constituée de prêts aux Etats. Le solde s'effectue aux risques de l'AFD et est constitué de prêts aux entreprises, aux collectivités territoriales, aux organisations non gouvernementales : les statuts permettent à l'AFD de pouvoir prêter aussi des personnes physiques. Un quart de l'activité s'effectue dans les départements et territoires d'outre-mer. L'Agence emploie 1.800 personnes dont la majorité au siège parisien, elle est propriétaire d'un réseau de filiales actives dans les départements d'outre-mer et de 70 % de sa filiale Proparco, dédiée au financement du secteur privé, qui intervient aussi dans les Etats étrangers. PROPARCO est le seul opérateur à avoir pour actionnaires certaines banques du sud et a aussi échangé des participations avec la DEG M. Jean-Michel Severino a indiqué que l'AFD était engagée depuis 2001 dans un projet d'orientation stratégique qui comprend quatre dimensions. Sur le plan thématique ce projet vise à faire de l'AFD un acteur de référence dans le secteur de l'environnement et du social sans pour autant abandonner l'investissement dans les infrastructures, qui reste très important. L'Agence réalise ainsi un quart de ses activités dans le secteur de l'eau, 20 % dans celui des infrastructures, de l'énergie et du transport et 25 % dans le secteur financier, par des activités de prêts à des banques ou d'intermédiations financières. L'Agence investit également dans la réflexion sur les sujets de développement et dans l'appui institutionnel à ses partenaires. Pour les activités sur subventions, l'Agence a recherché une meilleure concentration de son action sur une douzaine de pays, ainsi que l'augmentation du volume des opérations. Elle intervient ainsi pour l'essentiel en Afrique francophone, au Laos et au Cambodge, ainsi qu'en Afghanistan.

L'activité de l'AFD représente 8 % de l'aide publique française, 1 % de l'aide publique mondiale et 0,3 % du PIB des pays bénéficiaires. Cette dimension réduite rend nécessaire un effort de sélectivité sur les subventions, mais le raisonnement est inverse pour les activités sur prêts. Les pays les plus pauvres n'ayant pas de capacité d'emprunt, l'élargissement de la zone d'intervention sur prêts ne s'effectue donc pas à leur détriment. L'AFD était déjà présente dans les pays du Maghreb et a élargi sa zone d'intervention à l'ensemble du bassin méditerranéen, Turquie comprise, ainsi qu'à la Chine et à la Thaïlande. Elle devrait intervenir en Inde et au Brésil en 2005. La croissance des activités financières de l'Agence a ainsi permis de soutenir les efforts politiques et commerciaux de notre pays.

Dans le même temps, a poursuivi M. Jean-Michel Severino, l'Agence a cherché à valoriser la gamme de ses instruments, passant des subventions aux prêts à des conditions proches de celles du marché. Elle a modernisé ses outils de financement et propose désormais des prêts à taux variable, des garanties afin de répondre au mieux aux besoins de ses clients. Elle s'est investie dans des démarches de partenariat public-privé et étend ainsi sa gamme d'interventions.

En termes de management, l'Agence a évolué vers une gestion par la performance. Elle mesure systématiquement l'impact de ses opérations et a élaboré un plan stratégique qui se décline en plan d'affaires annuel et des contrats d'objectifs. Ces diverses évolutions ont permis d'augmenter de plus de 50 % l'activité de l'Agence dans les Etats étrangers, qui est passée d'un volume de 650 millions d'euros, en 2001, à 973 millions d'euros en 2004. Sur cette période, les prêts aux pays en développement ont augmenté de 100 %. Cette augmentation des volumes s'est accompagnée d'une diminution du coût des opérations pour l'Etat, de 356 millions d'euros en 2001, à 273 millions d'euros en 2004. L'Agence s'est engagée à servir un dividende à l'Etat à hauteur de la moitié du résultat net, ce qui devrait représenter 90 millions d'euros. Sur la base d'un euro de dépense budgétaire, l'effet de « levier » de l'Agence permettait de produire 1,7 euro, en 2001, pour les opérations, la production est aujourd'hui de 3,5 euros.

L'Agence évalue de façon systématique l'ensemble de ses opérations. Les opérations achevées font l'objet d'une notation et les projets en cours sont notés deux fois par an. En 2001, 71 % des opérations achevées ont été notées « satisfaisantes » ou « très satisfaisantes », cette proportion s'élevant à 81 % en 2004. Les délais de décaissements ont aussi progressé, permettant le paiement des engagements sur une moyenne de 5 ans.

M. Jean-Michel Severino a ensuite évoqué les évolutions institutionnelles en cours au sein du dispositif français de coopération. Il a rappelé que le ministre délégué à la coopération avait été désigné comme chef de file de l'aide au développement, que le rôle du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID), avait été renforcé et que la création d'un comité d'orientation avait pour but d'améliorer la coordination et le pilotage de l'aide. Les réformes touchent également à la gestion de l'aide sur subventions et à la définition d'une stratégie pour l'aide aux pays émergents.

En matière de subventions, il a précisé que le gouvernement avait souhaité redéfinir les rôles en réaffirmant le rôle stratégique du ministère des affaires étrangères dans la définition de la politique de coopération et en confiant à l'Agence française de développement un rôle d'opérateur de droit commun. La répartition des compétences opérationnelles entre l'Agence et la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) s'effectuait sur une base sectorielle, la DGCID intervenant dans les secteurs régaliens ainsi que dans l'enseignement supérieur et la recherche, l'AFD pour sa part se voyant confier les actions de développement économique et social. Il a indiqué que les modalités du transfert de ces activités à l'Agence étaient en cours de débat. Elles supposent un aménagement des procédures entre l'Agence et le ministère des affaires étrangères qui se traduira par une révision des statuts de l'AFD et par la mise en place d'une convention cadre, assortie de deux contrats d'objectifs, l'un conclu avec le ministère des affaires étrangères, l'autre avec le ministère de l'économie et des finances. Un CICID est prévu au mois de décembre pour parachever ce travail. La définition d'une stratégie pour les pays émergents doit permettre d'accroître le rôle et l'influence de la France dans les débats sur les grands enjeux de croissance et d'économie mondiales, comme l'évolution climatique et la biodiversité. La totalité des instruments français de développement seront déployés dans trois pays « test », le Brésil, l'Inde et la Chine et devraient l'être, à moyen terme, dans d'autres régions.

Un débat a suivi l'exposé du directeur général.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est interrogée sur les critères qui président aux choix des instruments de l'aide au développement. Elle a souhaité savoir quels objectifs poursuivait l'Agence, quels étaient les contrôles de ses activités sur prêts et quel était le mode de calcul de ses bénéfices. Elle a enfin souhaité connaître le rang de la France parmi les pays donateurs.

Mme Hélène Luc a fait part de ses interrogations sur la meilleure façon d'intervenir dans les pays en développement. Elle a souligné les contradictions entre l'aide au développement et le maintien de subventions agricoles, et tout particulièrement les subventions américaines, dans le secteur cotonnier, et les contradictions entre le financement de la distribution de l'eau et la tarification de son accès pour les quartiers les plus pauvres, citant l'exemple du Brésil. Soulignant que les conflits et les crises conduisaient souvent à la ruine des efforts de mise en oeuvre, elle a souhaité connaître l'état de la réflexion au sein de l'Agence sur ce sujet.

M. André Rouvière a sollicité des précisions sur les modalités d'aides de l'Agence aux entreprises. Il a notamment demandé si les entreprises françaises bénéficiaient d'une priorité.

M. Jean-Michel Severino a apporté les éléments de réponse suivants.

Les objectifs de l'Agence française de développement s'inscrivent dans le cadre des objectifs du Millénaire définis en 2000 par l'Assemblée générale des Nations unies et qui tendent à l'amélioration des conditions d'existence par la réduction de la pauvreté, l'amélioration de la santé maternelle et infantile, la lutte contre le sida, la promotion de l'accès à l'eau et la scolarisation universelle. Ces objectifs, déclinés en plusieurs actions, constituent un cadre commun pour l'ensemble de la communauté internationale et toutes les agences de développement doivent orienter leurs actions dans ce sens. Des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, rédigés par les bénéficiaires et validés par les institutions internationales, permettent de définir les priorités et servent de base à la concertation entre les agences de développement et les gouvernements pour le financement des programmes identifiés comme prioritaires. Certaines politiques peuvent faire l'objet de financements budgétaires tandis que dans d'autres cas, il est préférable de privilégier des logiques traditionnelles de projet. L'AFD élabore chaque année des documents de stratégie régionale qui sont discutés et publiés.

M. Jean-Michel Severino a considéré que la meilleure des garanties financières était la recherche de l'efficacité qui prend en compte la solvabilité de l'emprunteur mais aussi la fiabilité des circuits financiers. L'Agence a la possibilité de demander des garanties réelles mais il convient de souligner qu'elle enregistre un taux d'impayés particulièrement peu élevé.

Les différentes modalités d'évaluation des opérations s'effectuent à trois stades. En cours d'opération, deux audits par an permettent, le cas échéant, de proposer des actions d'amélioration. Les opérations sont ensuite évaluées à l'issue des décaissements, un tiers du portefeuille faisant l'objet d'une nouvelle évaluation en moyenne cinq ans après la fin des opérations.

En ce qui concerne les bénéfices, l'Agence ne réalise pas de bénéfice sur son activité de subventions pour laquelle elle perçoit une rémunération de la part de l'Etat. Pour son activité sur prêts, la rémunération de l'Agence est incluse dans la bonification et permet de couvrir les risques. Lorsque l'Agence emprunte sur les marchés, sa rémunération s'élève à environ 1 %. Sur longue période, le volume des sinistres est inférieur à ce taux, ce qui permet de dégager un résultat. Lorsqu'elle prête à des acteurs privés, l'Agence propose des taux d'intérêt particulièrement avantageux mais dégage néanmoins une marge. Au total, les bénéfices s'élèvent à environ 150 millions d'euros, dont 50 % sont reversés à l'Etat, le reste étant conservé par l'Agence pour renforcer ses fonds propres.

M. Jean-Michel Severino a souligné qu'en matière d'aide publique au développement, la France présentait le taux d'effort le plus important des pays du G7, à hauteur d'environ 10 % de l'aide publique mondiale. Compte tenu de leur PIB, les Etats-Unis affichent des volumes d'aide beaucoup plus importants alors que leur effort relatif ne s'élève qu'à 0,1 % du PIB.

S'agissant des modalités de contrôle de l'usage des fonds, il a précisé que ceux-ci n'étaient engagés que sur appel d'offres, que les opérations étaient contrôlées par des commissaires aux comptes et que l'Agence effectuait enfin des contrôles de terrain. Une attention particulière est portée aux problématiques de blanchiment et de lutte contre le terrorisme. Le micro-crédit, qui représente un grand nombre de transactions peut, par exemple, comporter des risques. L'Agence procède aussi à l'identification précise de chacune des personnes qu'elle finance. Le directeur général a cependant considéré que la corruption était endémique dans l'ensemble des pays d'intervention de l'Agence et que seule la procédure de transparence permettait de renforcer les garanties dans l'affectation des fonds. Il a indiqué que le refus de financer des commissions avait conduit l'AFD à renoncer à des opérations pourtant parfaitement compatibles avec ses objectifs.

M. Jean-Michel Severino a confirmé que le travail de l'Agence dans des pays souvent instables l'avait conduite à observer des reculs dans bien des cas, citant l'exemple de la République démocratique du Congo, du Rwanda, du Burundi, du Cambodge, d'Haïti, et plus récemment de la Côte-d'Ivoire, comme autant de régressions par rapport aux efforts consentis. Il a cependant considéré que certains pays en situation de très grande pauvreté parvenaient à s'inscrire dans une tendance positive à l'exemple du Mozambique, de l'Ouganda et des pays sahéliens qui enregistrent, sur longue période, une amélioration des conditions de vie de leur population.

Il a estimé que l'objectif de l'accès à l'eau ne pouvant être totalement subventionné, nécessitait la tarification du service. Il existe cependant de multiples solutions intermédiaires entre la tarification au prix du marché et la gratuité.

La filière cotonnière fait l'objet d'une attention particulière de la part de l'Agence qui a été à l'origine de son développement en Afrique de l'ouest. L'Agence soutient par ailleurs un projet de développement de la culture du coton dans le nord de l'Afghanistan, comme alternative à la culture du pavot.

Dans ses relations avec les entreprises privées, l'Agence française de développement procède de différentes façons selon la taille des entreprises. Les grandes entreprises peuvent soumissionner directement aux appels d'offres tandis que des activités d'intermédiation bancaire, qui consistent à financer les banques locales pour qu'elles prêtent aux entreprises, sont plus adaptées aux PME locales. Les entreprises françaises ne font pas l'objet d'une priorité, mais elles sont très présentes dans les domaines d'intervention de l'Agence comme l'eau ou les infrastructures.

Mme Catherine Tasca, soulignant la dualité institutionnelle de l'aide française, a souhaité savoir à quelle institution revenait son pilotage politique effectif. Elle s'est interrogée sur le devenir des services de coopération et d'action culturelle après la réalisation des transferts de compétence du ministère des affaires étrangères vers l'Agence.

M. Serge Vinçon, président, a souhaité connaître l'appréciation du directeur général sur les projets de financements alternatifs du développement actuellement en cours de discussion.

M. Jean-Michel Severino a précisé que le pilotage politique de l'aide au développement revenait au ministre délégué à la coopération. L'architecture du dispositif d'aide française lui confère un rôle de conduite politique sous l'autorité du ministre des affaires étrangères. La coordination n'est pas une tâche aisée dans la mesure où c'est le ministère de l'économie et des finances qui gère de factoplus de 60 % de l'aide française, où les acteurs sont très nombreux et où les ministres de la coopération sont traditionnellement orientés davantage vers une présence à l'extérieur que vers un rôle de coordination administrative à Paris. Son influence sera également fonction de sa capacité à être entendu au sein du collège gouvernemental.

Le ministère des affaires étrangères n'a pas encore rendu public l'état de sa réflexion sur les éventuelles évolutions des effectifs et du rôle des services de coopération et d'action culturelle.

Deux initiatives sont actuellement en débat quant au financement du développement. L'initiative de facilité financière, présentée par le Royaume-Uni et soutenue par la France, prévoit de lever 50 milliards de dollars par un emprunt international qui serait progressivement remboursé par les budgets nationaux. M. Jean-Michel Severino a relevé que cette initiative rencontrait beaucoup d'oppositions. Elle soulève en effet des problèmes d'orthodoxie budgétaire puisqu'elle consiste en une débudgétisation de la dépense et à son report sur les générations futures. Elle est enfin difficile à mettre en oeuvre sur les plans technique et politique. Par ailleurs, le projet, soutenu par la France, de taxation internationale s'appuie sur le constat que des financements stables sont nécessaires au développement. Sur le plan technique et politique, il n'entraîne pas les mêmes contraintes que la facilité financière. Le débat est ouvert au sein de la communauté internationale et des cadres juridiques très variés peuvent être envisagés pour la mise en oeuvre du projet préconisé par la France, l'essentiel restant la volonté politique de la communauté internationale.

Mercredi 24 novembre 2004

- Présidence de M. Serge Vinçon, président, puis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, vice-présidente -

PJLF pour 2005 - Gendarmerie - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Faure sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 (Gendarmerie).

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rappelé que la gendarmerie assurait l'interface entre la défense du territoire et le maintien de l'ordre public. Il a indiqué que, compte tenu des répartitions de compétences avec la police nationale, la gendarmerie avait en charge la responsabilité de la sécurité publique sur environ 95 % du territoire au profit de 50 % de la population et traitait en moyenne chaque année près de 30 % des crimes et délits constatés, ainsi que 40 % des accidents de la circulation.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a fait valoir que, depuis ses origines, la gendarmerie était demeurée une force militaire par son organisation et le statut de ses personnels, leur formation, leur mode de vie, leurs valeurs professionnelles, leurs équipements, etc.

Avant d'aborder l'aspect strictement budgétaire, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a apporté des précisions sur les communautés de brigades qui intéressent particulièrement les élus locaux.

La brigade territoriale (BT) est l'unité élémentaire de la gendarmerie ayant vocation à exercer la totalité de ses missions, notamment la surveillance générale, privilégiant le contact avec la population et la connaissance approfondie des lieux et des personnes, c'est-à-dire une présence sécurisante au moyen de patrouilles. Elle se caractérise par sa continuité dans le temps -de jour comme de nuit- et dans l'espace, dans les zones habitées ou non.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rappelé qu'à partir de la « sectorisation » des brigades, mise en oeuvre depuis le début des années quatre-vingt-dix pour le service de nuit, la gendarmerie avait amorcé, début 2003, une réforme d'ensemble de son dispositif territorial, dont la philosophie générale avait été précisée par la LOPSI (loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure) de 2002, le législateur ayant considéré que dans les zones rurales, là où, du fait des évolutions du territoire, les brigades de gendarmerie ne disposaient plus de moyens leur permettant de fonctionner de manière autonome, il était possible de les regrouper en communautés de brigades dotées d'un commandement unique agissant sur une circonscription cohérente. Il a expliqué que dans ce nouveau dispositif, en dehors de quelques cas particuliers (montagne et outre-mer), les brigades sont réparties en deux catégories : d'un côté, celles disposant des effectifs permettant leur fonctionnement autonome qui sont conservées en tant qu'unités élémentaires (brigades autonomes) ; de l'autre, celles de petite dimension et à faible activité, qui, ne pouvant fonctionner de manière autonome, sont fédérées au sein des communautés de brigades. La communauté de brigades constitue donc une unité élémentaire plurirésidentielle regroupant, sous un commandant unique, deux ou trois brigades limitrophes de proximité et comprenant la brigade de proximité, chef-lieu de la communauté, ainsi qu'une, deux ou trois brigades de proximité associées.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a insisté sur l'indispensable communication aux parlementaires, à bref délai, du bilan des communautés de brigades que la gendarmerie établit, ce bilan devant associer les élus aux forces de gendarmerie.

Abordant l'aspect strictement financier du budget de la gendarmerie, il a noté que le projet de loi de finances pour 2005 se situait exactement à mi-parcours de l'exécution de la LOPSI et de la loi de programmation militaire. Il s'est félicité de l'amélioration des résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance : pour les dix premiers mois de 2004, le recul de la délinquance est de 6,9 % en zone de gendarmerie nationale par rapport à la même période de 2003. Il a fait remarquer que dans un contexte budgétaire difficile, la ministre de la défense a maintenu l'effort consenti annuellement en matière de dotations : le projet de budget pour 2005 devrait permettre à la gendarmerie d'ancrer dans la durée ce bilan positif. Les dotations prévues s'élèvent à 4 484 millions d'euros, en progression de 3,4 % par rapport à l'an dernier. Elles permettent de maintenir l'effort consenti en 2004, en poursuivant la remise à niveau des moyens de la gendarmerie. Dans une conjoncture économique difficile et un contexte budgétaire contraint, il a salué cet effort particulier, rappelant cependant qu'il convenait de s'assurer que ces 147 millions d'euros supplémentaires permettraient de rester en phase avec la programmation, notamment pour les crédits d'investissement.

Il a noté l'augmentation de 1,2 % des crédits de fonctionnement, la gendarmerie ayant bénéficié de la totalité de ses reports de crédits pour un montant de quatre millions d'euros.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les effectifs : 2.400 emplois de gendarmes ont été créés depuis 2002 et 700 postes budgétaires devraient l'être en 2005. Ainsi, 44 % des objectifs de la LOPSI seraient atteints fin 2005, ce qui suppose un engagement de 79 % des crédits du titre III en 2005.

Il a rappelé que des mesures spécifiques étaient prévues en faveur des personnels : la principale est la première annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités, le PAGRE, pendant indispensable de la réforme des corps et des carrières de la police, permettant d'améliorer le taux d'encadrement, soit 4.000 officiers pour 100.000 militaires. Il a souhaité que le rapprochement de la pyramide hiérarchique des deux forces de sécurité facilite leur coordination et précisé que l'année prochaine verrait la transformation de 1.000 postes de sous-officiers en officiers et de 1.208 emplois de gendarmes en gradés pour un total de 20,6 millions, hors mesures indiciaires communes à toutes les forces armées.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget de fonctionnement augmentera de 4,7 %, les marges de manoeuvre dépendant de la gestion 2004, les crédits votés risquant en effet de s'avérer insuffisants pour couvrir les dépenses liées à la visite du Pape, à l'anniversaire du Débarquement, ou à la lutte contre l'orpaillage en Guyane.

Il a fait remarquer que les crédits d'investissement des titres V et VI étaient en augmentation de 3,16 %, mais qu'en dépit de cette progression et par effort d'économie, seuls 30 % des crédits de paiement prévus par la LOPSI auront été ouverts.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, s'est inquiété de l'infléchissement constaté des crédits d'infrastructure et d'immobilier, au moment où la réorganisation territoriale et les créations d'effectifs suscitent de nouveaux besoins : un tiers des logements étant vétuste et dégradé, l'Etat ne parviendra pas à faire face seul. L'assouplissement des conditions d'octroi des subventions permettrait aux collectivités territoriales de relayer son effort.

Enfin, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a évoqué la place de la gendarmerie dans la mise en oeuvre de la LOLF, observant que le programme spécifique « gendarmerie » au sein de la mission interministérielle « sécurité » est amputé des crédits immobiliers et informatiques de la gendarmerie, rattachés au programme « soutien des forces » de la mission « défense ». Ce regroupement s'explique, certes, par la création d'un service unique des infrastructures pour l'ensemble du ministère, mais ne répond pas à l'exigence de sincérité budgétaire voulue par la LOLF. De plus, il apparaît dangereux que la gendarmerie ne garde pas la maîtrise de ses moyens informatiques, soumis à des contraintes spécifiques.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a conclu la présentation du budget de la gendarmerie en saluant le courage exemplaire de nos gendarmes confrontés aux violences récentes en Corse, ou encore, dans le cadre des opérations extérieures, lors des derniers événements de Côte-d'Ivoire.

En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a émis un avis favorable à l'adoption du projet de budget 2005 de la gendarmerie.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Didier Boulaud a indiqué, qu'à son sens, les communautés de brigades ne constituaient pas une panacée et que leurs performances étaient très différentes selon les caractéristiques géographiques du territoire, évoquant l'exemple du massif du Morvan, dans le département de la Nièvre.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis,a indiqué que, selon les précisions fournies par M. Pierre Mutz lors de sa récente audition par la commission, les communautés de brigades comportaient plus d'avantages que d'inconvénients, mais que les élus devraient être étroitement associés à l'étude que mène la gendarmerie sur les améliorations à porter au fonctionnement de ces communautés.

M. Jean-Louis Carrère a souhaité que, dans les centres de formation de gendarmerie, soient rappelés la place et le rôle spécifiques des représentants du Parlement.

Mme Hélène Luc a indiqué que les réponses apportées par M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, ne l'avaient pas convaincus, et que dans le Val-de-Marne par exemple, le départ des gendarmes de certaines zones était souvent mal vécu par la population. Elle a par ailleurs demandé des précisions sur les statistiques relatives à la baisse du taux de délinquance.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a répondu que, par rapport à 2003, le nombre de crimes et délits constatés a diminué de 3,74 % au plan national. Cette évolution a été moins rapide en zone de police (- 2,42 %) qu'en zone de gendarmerie (- 7,09 %), la police continuant de recenser les trois quarts des crimes et délits constatés (1,4 million contre 523 812). Le taux d'élucidation a également progressé passant de 28,11 à 31,52 %. Il reste plus élevé en zone de gendarmerie (37,56 %) qu'en zone de police (29,26 %) et y progresse moins vite (3,06 % contre 3,66 %).

M. Charles Pasqua a fait valoir que les chiffres de performances respectives de baisse de la délinquance dans les zones de police ou de gendarmerie pouvaient être inversés d'une année sur l'autre.

PJLF pour 2005 - Affaires étrangères - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Guy Branger sur les crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 (Affaires étrangères).

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a indiqué que le ministère des affaires étrangères disposerait de 4.408,59 millions d'euros en 2005, soit une progression de 4,43 % par rapport à 2004. Il a cependant précisé que cette somme prenait en compte deux transferts, l'un, de 150 millions d'euros, consacré au Fonds mondial de lutte contre le Sida, auparavant inscrits au budget du ministère de l'économie et des finances, et l'autre, de 15 millions d'euros, consacré à l'aide alimentaire, et relevant auparavant du ministère de l'agriculture. Hors transferts, le projet de budget pour 2005 bénéficie de 50,51 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2004, soit une croissance de 1,2 %.

Le rapporteur pour avis a souligné que cette augmentation, même modique, marquait le coup d'arrêt d'une constante dégradation des crédits affectés à ce ministère depuis 1995, date à laquelle ils représentaient 1,57 % du budget de l'Etat ; ainsi le projet de budget pour 2005 affecte 1,58 % des crédits publics à ce ministère. Il a par ailleurs rappelé que ce ministère avait été exonéré, en 2004, et conformément aux voeux du Président de la République, des mesures de régulation budgétaire qui avaient perturbé son fonctionnement en 2002 et 2003. Le ministère a par ailleurs bénéficié du report sur 2004 des crédits non consommés à la fin de l'année 2003.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a déclaré que cette stabilisation financière faciliterait la réalisation des priorités définies par le ministre des affaires étrangères pour 2005. Il a souligné que le ministère des affaires étrangères avait réussi une remarquable maîtrise de ses coûts de fonctionnement : ainsi, le titre III continuera à diminuer, s'élevant à 1,85 million d'euros pour 2005, soit en réduction de 1,26 % par rapport à 2004. Cet effort de productivité s'exprime également par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, soit une suppression de 100 postes. Notre réseau diplomatique et consulaire poursuivra sa restructuration, qui portera également sur les 11 sites différents occupés par le ministère à Paris et sa proche banlieue, qui devront être rassemblés en un lieu unique dans les prochaines années.

La croissance des crédits accordés à l'aide publique au développement est poursuivie et atteindra 0,42 % du PNB en 2005. Enfin, les services consacrés aux Français de l'étranger bénéficieront d'une croissance de 14 % de leurs crédits pour améliorer notamment la sécurité de nos communautés expatriées.

Le rapporteur pour avis s'est félicité que les contraintes découlant de la prochaine application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) aient permis de déterminer le nombre de personnes rémunérées à titre divers par le ministère, évaluées à quelque 23.000, alors que les emplois budgétaires s'élèvent à 9.293 en 2005, dont 3.927 à l'administration centrale, et 5.366 dans le réseau à l'étranger. Par ailleurs, un recensement des propriétés relevant du ministère dans l'ensemble du monde a été effectué, précisant pour chacune d'elle le type de lien juridique, propriété ou location, les unissant au ministère. Ces deux éléments nouveaux contribuent à une plus grande clarté des modes de fonctionnement.

Puis M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a évoqué le resserrement enregistré par notre réseau à l'étranger depuis 5 ans : certes, le nombre des ambassades est passé de 149, en 1999, à 156 en 2004, pour intégrer les conséquences politiques de la disparition du bloc soviétique, et de l'entité yougoslave, mais cette nécessaire extension a été compensée par la réduction du nombre de nos consulats, de 104 à 98. Cette évolution du réseau fait d'ailleurs l'objet d'une mission confiée par le Premier ministre au Préfet Le Bris, dont les conclusions seront rendues publiques au début de l'année 2005. Le rapporteur pour avis a fait état de l'existence, durant la même période, de 37 nouvelles implantations à l'étranger, qui relèvent pour l'essentiel des ministères de la défense, de l'intérieur et de la justice. Il a estimé ce mouvement positif, puisqu'il participe au renforcement et à la technicité accrue de notre présence à l'étranger, mais a souhaité que les ambassadeurs en soient les véritables coordonnateurs.

Puis M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a évoqué deux domaines dont les crédits pouvaient être jugés trop limités : la coopération militaire, qui disposera en 2005 de crédits identiques à ceux de 2004, soit 93,513 millions d'euros, ce qui limitera les possibilités d'action du ministère en matière d'aides à la sortie de crises. Par ailleurs, les contributions aux fonds et programmes des Nations unies bénéficieront de 30 millions d'euros supplémentaires inscrits dans le prochain collectif, comme l'a récemment annoncé le ministre. Ces crédits seront destinés à un meilleur financement des contributions aux opérations de maintien de la paix, qui bénéficient déjà de 136 millions d'euros dans le projet de budget 2005.

En conclusion, le rapporteur pour avis a recommandé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005.

Un débat s'est ensuite instauré au sein de la commission.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a déploré les insuffisances affectant les moyens d'intervention dont disposent nos personnels en ambassades, qui sont patentes lors de visites effectuées sur le terrain. Elle a regretté que les nombreux recrutés locaux, dont les effectifs avaient été mis en valeur par la prochaine application de la LOLF, ne disposent pas de véritables carrières, ni de couverture sociale. Evoquant le resserrement du réseau consulaire, elle s'est alarmée de la suppression de consulats, notamment en Europe, comme à Düsseldorf en Allemagne, ou à Edimbourg au Royaume-Uni, alors que nos consulats y jouent un rôle diplomatique et administratif important, parfois supérieur à celui des consulats dans les capitales.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, a souligné que ce budget restait certes insuffisant au regard de nombreux besoins, mais avait le mérite d'enregistrer enfin une stabilisation de ses moyens. Il a rappelé que les recrutés locaux rendaient en effet de nombreux services, mais ne pouvaient être traités à égalité avec les fonctionnaires du ministère. Il a également jugé que notre réseau à l'étranger et, en particulier, nos consulats au sein de l'espace européen, devaient s'adapter aux nouvelles réalités politiques et internationales.

M. Michel Guerry a estimé que la situation dans les ambassades n'était pas en voie de détérioration, mais qu'il était en effet nécessaire de doter les recrutés locaux d'un statut mieux défini. Il s'est déclaré favorable à l'adaptation de notre réseau consulaire, souhaitant en particulier qu'une nette amélioration soit apportée à l'accueil des demandeurs de visas.

PJLF pour 2005 - Relations culturelles extérieures et francophonie - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé, sur le rapport pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, à l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 (relations culturelles extérieures et francophonie).

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a regretté que, cette année, compte tenu de la présentation partielle du budget sous la nouvelle forme issue de la LOLF, la lecture des grandes masses de crédits s'avère paradoxalement plus complexe. En effet, les chapitres où sont présentés les crédits attribués aux 10 postes en expérimentation LOLF pour 2005, rendent difficile l'examen des chapitres budgétaires traditionnels, amputés de sommes globalisées en LOLF. Par exemple, des chapitres tels que le 31-90 art. 31 du titre III (rémunération des personnels des services et établissements culturels et de coopération) ou 37-95 art. 31 (moyens des services-établissements culturels, de coopération et de recherche à l'étranger) font apparaître des baisses de crédits très importantes qui ne correspondent pas à la réalité. En effet, les chapitres traditionnels ont été « reversés » dans les chapitres expérimentaux 39-01, 02 et 03 sur la base des chiffres de la programmation de dépense 2005.

Le rapporteur pour avis a également souligné le problème posé par les transferts de crédits. Ainsi, la subvention pour les élèves francophones des écoles françaises à l'étranger (1,2 million d'euros) qui apparaissait dans un chapitre 42-32 du titre IV « Interventions publiques », est transférée au budget de l'AEFE. La subvention ne transitera donc plus par les institutions francophones qui différaient les versements et prélevaient des frais de gestion. Aussi bien est-ce une mesure salutaire, mais on constate aussi que ce transfert contribue à atténuer optiquement la baisse du budget de l'AEFE.

Cette difficulté ne signifie pas que la LOLF, à terme et surtout si le gouvernement transmet au Parlement tous les éléments d'information, ne permette pas d'améliorer la lisibilité pour tous de l'action de l'administration française.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a rappelé que les dépenses du ministère des affaires étrangères recouvraient principalement :

- les dépenses de fonctionnement du réseau des services de coopération et d'action culturelle, ainsi que des établissements culturels à l'étranger ;

- les subventions versées par le ministère à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- les crédits de coopération culturelle et scientifique (hors BCRD) et de coopération technique et au développement, concourant au rayonnement de la culture française dans tous les domaines et à l'accès des pays en voie de développement à une communauté de culture francophone ;

- la contribution de la France auprès de certaines organisations internationales (UNESCO, Agence de la Francophonie, Union latine ...).

Elle a souligné que tous titres budgétaires confondus, le total des actions culturelles du ministère des affaires étrangères passerait de 1,100 milliard d'euros en 2004 à 1,107 milliard d'euros en 2005, soit une augmentation de 0,64 %, qui ne compense pas la diminution de 8,14 millions d'euros (- 0,74 %) subie en 2004.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a expliqué que le projet de loi de finances pour 2005 restait, comme en 2004, plus favorable à l'Aide publique au développement qu'aux relations culturelles extérieures, ce qui traduit la part respective des emplois budgétaires des services et établissements culturels et de coopération dans le total des emplois budgétaires du ministère des affaires étrangères, qui subit un léger mais constant recul, revenant de 12,9 % en 2003 à 12,4 % en 2005, sachant qu'en outre le ministère des affaires étrangères perd une centaine d'emplois par an.

Le rapporteur pour avis a regretté que le projet de budget 2005 de l'AEFE soit marqué par la volonté de réduire la participation de l'Etat au budget du réseau des écoles françaises à l'étranger.

Elle a noté que la subvention de l'Etat à l'Agence en provenance du ministère des affaires étrangères diminuait de 10,62 millions d'euros pour revenir à 324,69 millions d'euros après les abondements de 2003 qui avaient permis de passer le cap du surcoût salarial issu de la période transitoire liée au nouveau mode de rémunération des enseignants résidents.

Elle a fait référence aux trois publications consacrées à l'AEFE en 2004 : le rapport de la Cour des comptes, le rapport du sénateur André Ferrand, le projet gouvernemental pour l'AEFE, exposé le 3 novembre 2004 en conseil des ministres par M. Xavier Darcos qui repose sur quatre objectifs :

- soutenir un développement maîtrisé et accompagné du réseau par la création de nouveaux établissements, certains pouvant être homologués et autofinancés s'il existe une demande solvable ;

- renforcer la dimension internationale de l'enseignement français et affirmer sa vocation européenne en Europe ;

- faire de l'enseignement français un acteur à part entière de la coopération ;

- établir un plan d'action 2005-2007.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, s'est dite optimiste du fait d'une volonté politique sincère en la matière, mais s'est demandée comment l'AEFE, qui est notoirement sous administrée (0 ,7 % seulement de son budget affecté au siège), pourrait réaliser les objectifs qui lui sont assignés, malgré l'existence d'un véritable esprit du « réseau AEFE ».

Elle a regretté que les centres culturels et les Alliances françaises fussent la cible principale de la restructuration du réseau programmé pour 2004-2007. En effet, les crédits d'intervention qui leur sont attribués sont de 68,1 millions d'euros en 2004, alors qu'ils étaient de 71 millions d'euros en 2000.

Elle a par ailleurs souligné que l'Alliance française de Paris traversait une situation difficile.

Abordant l'accueil des étudiants étrangers en France, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a souligné que ce sujet mériterait qu'un rapport spécial y soit consacré par la commission des affaires étrangères, car il est crucial pour l'avenir de notre pays dans le monde. Dans ce domaine, elle s'est félicitée des progrès enregistrés depuis 1998, qui résultent de facteurs multiples dont la réforme du cadre administratif et législatif de la mobilité étudiante et l'amélioration de l'offre de formation française. Elle a toutefois regretté que subsiste la principale difficulté du logement des étudiants étrangers, relevant que, dans ce domaine, l'action des collectivités territoriales peut être très bénéfique.

Elle a mis en lumière le fait que de l'ampleur de la mobilité étudiante dépendait, pour une part importante, l'avenir de notre pays. Dans une Europe vieillissante, en retard scientifique et technique sur les Etats-Unis et dont l'avance sur la Chine et l'Inde sera assez vite comblée, la France doit disposer de l'atout de sa population plus jeune, bien formée, enrichie de l'apport des étudiants étrangers, qu'ils rentrent dans leur pays d'origine ou qu'ils restent en France. L'essentiel est que la mobilité des universitaires, étudiants et professeurs, des ingénieurs et des cadres se fasse tout autant dans le sens de la venue en France que dans celui du départ.

En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur français, dont les crédits stagnent à 165 millions d'euros, elle a notamment évoqué le problème de RFI, qui rencontre aujourd'hui deux problèmes majeurs : le passage à la numérisation, qui remplace la bande son magnétique et qui oblige à des conversions d'emplois mal vécues par les syndicats, puisque un seul technicien chargé de réalisation peut dorénavant fusionner le travail du chargé de réalisation et celui du technicien. Le second souci tient à la diversité linguistique, en raison notamment des reconversions que sa révision entraînerait à la rédaction de RFI. Par exemple, en Afrique, doit-on privilégier la diffusion de la francophonie à une population restreinte ou peut-on admettre de procéder à de petits « décrochages » en langues vernaculaires pour étendre l'auditoire de RFI à un public populaire plus vaste ? Doit-on continuer à diffuser des émissions en 19 langues, mal reçues sur ondes courtes, ou privilégier quelques grandes langues et une diffusion par Internet ?

En ce qui concerne TV5, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, s'est félicitée que son audience cumulée hebdomadaire soit de plus de 67 millions de téléspectateurs. Elle est désormais reçue dans plus de 200 pays et territoires, et est présente dans plus de 165 millions de foyers ; en deux ans, elle a accru sa pénétration mondiale de 29 % et son site Internet draine désormais près d'un million de visites par mois.

Au sujet de CII, la chaîne d'information internationale, le rapporteur pour avis a précisé que le défi à relever était de créer une chaîne diffusée d'emblée en plusieurs langues, dans le cadre d'une plate-forme multimédia où l'on trouverait RFI, la chaîne internationale d'informations et un site Internet. Le modèle d'Euronews, chaîne « tout image », commenté simultanément en plusieurs langues depuis la rédaction centrale, serait probablement moins onéreux et beaucoup plus adapté à la demande actuelle que le modèle de CNN, le problème majeur étant de se procurer des images originales. Elle a insisté sur le fait que tant que la maîtrise du projet ne serait pas confiée à un spécialiste de l'audiovisuel international, la France risquerait de perdre du terrain que les concurrents, tels les Russes et les Chinois, conquièrent vite.

Sous bénéfice de ces observations, elle s'en est remise à la sagesse de la commission quant à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005 consacrés aux relations culturelles extérieures.

M. Michel Guerry a fait observer que 50 % des élèves scolarisés par les établissements de l'AEFE étaient étrangers, ce qui signifiait que l'Etat français prenait en charge leur scolarité à hauteur de 40 %. La question pouvait se poser de demander aux parents d'élèves étrangers une participation financière.

Mme Catherine Tasca s'est dite préoccupée de l'évolution des moyens consacrés à l'action culturelle extérieure et en particulier au réseau éducatif. Celle-ci connaît une réduction, voire au mieux une stagnation de ses ressources, comme l'atteste la réduction des postes dans les centres culturels. Une réflexion s'impose sur le sens véritable de notre action culturelle à l'étranger. Plus qu'un service offert aux Français expatriés, plus qu'une faveur accordée aux pays d'accueil, il s'agit d'un véritable investissement dans l'image et l'influence de la France dans le monde.

Il en va de même pour notre audiovisuel extérieur où l'on constate un écart croissant entre le discours gouvernemental sur l'influence française d'un côté et la réalité de l'autre, où les instruments existants, RFI ou TV5, ne sont pas renforcés.

Mme Hélène Luc a fait observer que lors de leurs déplacements à l'étranger, les sénateurs remarquaient à quel point la demande de culture française était forte. Elle a également déploré le décalage entre les ambitions affichées et les réalités dans ce domaine : on constatait ainsi une réduction des ressources de l'AEFE, des centres culturels et des alliances, du nombre d'enseignants expatriés ou encore des actions en faveur de la francophonie.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a apporté les réponses suivantes :

- la proposition de faire payer leur scolarité en totalité aux élèves étrangers des établissements de l'AEFE ne correspond pas au choix politique de l'Agence et de sa tutelle. Une telle suggestion se heurterait à la notion d'égalité entre des élèves qui fréquentent la même école : la différenciation des frais de scolarité existe déjà, mais doit rester inscrite dans certaines limites ;

- l'action culturelle extérieure ne semble en effet plus un point important de la politique française : elle est un sujet de discours diplomatique, mais les moyens ne sont pas au rendez-vous.

Avant de procéder au vote des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005, M. Jean-Pierre Plancade a estimé que l'analyse des crédits démontrait, pour le groupe socialiste, que le « compte n'y était pas ». En dépit d'une progression dans certains domaines, la réduction des effectifs, celle des ressources de l'action culturelle extérieure illustrent encore la dégradation continue, depuis près de 10 ans, de la situation budgétaire du ministère. Ce ne sont pas, a-t-il précisé, les ministres successifs des affaires étrangères eux-mêmes qui sont en cause, dans la mesure où chacun d'eux s'est toujours fortement impliqué contre une tendance baissière qu'il importe de faire cesser. Il a indiqué que son groupe voterait contre les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005.

Puis la commission a adopté les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005.

PJLF pour 2005 - Nucléaire, espace et services communs - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Xavier Pintat sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 (Nucléaire, espace et services communs).

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a précisé que les crédits ne relevant ni des trois armées, ni de la gendarmerie s'élèveraient pour 2005 à 8,6 milliards d'euros, soit le quart du budget militaire et une progression de 4,5 % par rapport à 2004.

Évoquant en premier lieu le service de santé des armées, le rapporteur pour avis a détaillé les différentes mesures de revalorisation des carrières médicales militaires prises depuis 2001, estimant qu'elles commençaient à porter leurs fruits, puisque les départs vers le secteur civil en cours de carrière sont moins nombreux et que le recrutement direct de médecins déjà diplômés, longtemps resté infructueux, donne désormais satisfaction. Néanmoins, les postes de médecins non pourvus représentent encore 12 % de l'effectif en 2004. Des mesures d'amélioration des rémunérations et des carrières sont également intervenues pour les autres catégories de personnels, en particulier les infirmiers. Sur le plan budgétaire, le redressement des crédits opéré à partir de 2003 sera consolidé en 2005, dans le cadre d'une dotation de 550 millions d'euros, qui inclut une mesure nouvelle de 11 millions d'euros pour l'amélioration de la condition des personnels et une majoration de près de 15 millions d'euros des crédits d'équipement destinée à la modernisation des hôpitaux militaires.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les crédits de la délégation générale pour l'armement (DGA) qui s'élèveront à 2,4 milliards d'euros, soit 5 % de plus que l'an passé. Les crédits de recherche et technologie ont été régulièrement renforcés depuis 2002, avec une majoration de 5 % en 2003 et une dotation supplémentaire de 95 millions d'euros inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004. En 2005, ils représenteront 1,3 milliard d'euros, soit une majoration de 13 % par rapport à l'année 2002 et un niveau conforme aux objectifs assignés par la loi de programmation. Ce rattrapage permettra de mettre l'accent sur le développement de démonstrateurs technologiques permettant d'intégrer plus rapidement les technologies nouvelles aux nouveaux programmes tout en favorisant les recherches en coopération européenne.

Abordant les capacités de communication et de renseignement, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a considéré qu'elles constituaient à la fois un objectif prioritaire de la loi de programmation, mais aussi le domaine où le risque d'un fossé croissant avec les Etats-Unis est le plus fort.

Dans le domaine spatial, l'effort budgétaire du ministère de la défense progressera en 2005 et atteindra 465 millions d'euros, alors que l'effort européen global représente, selon les années, entre 1 et 1,2 milliard d'euros. Mais dans le même temps, le budget spatial militaire américain sera supérieur à 15 milliards d'euros. Les experts estiment que sans chercher à rivaliser avec les Américains, les Européens devraient consacrer deux fois plus de crédits à leur budget spatial militaire pour disposer d'une panoplie leur assurant l'autonomie suffisante pour leurs opérations.

Le rapporteur pour avis a souligné que le programme spatial militaire visait moins à développer des capacités nouvelles qu'à assurer la modernisation de nos capacités actuelles d'observation et de télécommunications. Il a fait le point sur le prochain lancement, au mois de décembre, du satellite d'observation optique Hélios 2, dont les capacités seront quatre fois supérieures à celles d'Hélios 1 en termes de résolution et de nombre d'images fournies. Des accords d'échanges d'information conclus avec l'Italie et l'Allemagne permettront, à compter de 2007, de compléter cette capacité optique par une capacité radar fournissant des images sous couvert nuageux. Par ailleurs, le nouveau satellite de télécommunications Syracuse III sera lancé début 2005 et offrira une capacité de transmission 10 fois supérieure à l'actuel système Syracuse II. Enfin, plusieurs projets expérimentaux sont destinés à élargir la gamme de nos capacités spatiales militaires. Quatre microsatellites destinés à l'écoute électronique seront ainsi lancés en même temps qu'Hélios 2, deux autres démonstrateurs spatiaux étant prévus pour la détection de tirs de missiles balistiques et pour l'expérimentation d'une liaison entre un drone d'observation et un satellite.

Tout en se félicitant que nos programmes spatiaux se déroulent conformément à la loi de programmation, le rapporteur pour avis a souligné qu'un tel budget demeurait insuffisant au regard du rôle croissant joué par les satellites dans la prévention et la gestion des crises.

S'agissant des services de renseignement, dont les crédits atteindront 300 millions d'euros en 2005, soit une progression de 3 %, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a relevé un renforcement des effectifs et des crédits d'équipement, tout en soulignant que les moyens humains et techniques demeuraient très en deçà des besoins.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les crédits de la dissuasion nucléaire, qui représenteront 3,1 milliards d'euros en 2005, soit un niveau équivalent à celui de 2004. Il a détaillé les principaux programmes en cours : la poursuite de la construction des sous-marins nucléaires de nouvelle génération, le développement du nouveau missile aéroporté ASMP-A qui sera livré en 2008, l'entrée en production du missile balistique M51, prévu pour 2010, et les différents programmes gérés par le CEA, à savoir les équipements de simulation, en particulier le laser mégajoule, et la mise au point, grâce à ce dernier, des futures têtes nucléaires, dont la validation pourra se passer d'essais en vraie grandeur.

Le rapporteur pour avis s'est également félicité de la prochaine mise en place du fonds prévu par la loi de programmation et dédié au financement, hors budget de la défense, du démantèlement des usines de production de matières fissiles de Pierrelatte et Marcoule. Il a rappelé que ces opérations avaient représenté depuis 1996 une dépense de 110 millions d'euros par an, le futur fonds permettant de ne laisser à la charge du ministère de la défense qu'une dépense résiduelle de 25 à 30 millions d'euros par an.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a relevé que le poids financier de la dissuasion nucléaire faisait l'objet d'un débat récurrent et a rappelé quelques données fondamentales. Ainsi, le budget de la dissuasion a été divisé par deux en 15 ans, en raison de la révision de notre posture décidée à la fin de la guerre froide. La France a supprimé les missiles du plateau d'Albion, réduit le format des forces stratégiques aérienne et sous-marine, arrêté la production de matières fissiles et fermé le Centre du Pacifique. La simulation validera nos têtes nucléaires pour un coût inférieur de 40 % à celui des essais. Par ailleurs, la doctrine française a évolué pour tenir compte des nouvelles menaces. Si la force de dissuasion demeure sur le long terme une assurance irremplaçable face à toute menace sur nos intérêts vitaux, ainsi qu'un élément essentiel du statut international de notre pays, reconnu par le traité de non-prolifération, notre doctrine et nos moyens se sont adaptés à la variété et à la nature des menaces, notamment celles émanant de puissances régionales dotées d'armes de destruction massive. Cette évolution a été clairement formalisée dans le discours du Président de la République le 8 juin 2001. Enfin, comme l'a souligné le récent rapport d'information de M. Xavier de Villepin, la crise des instruments internationaux de désarmement nucléaire et de non-prolifération renforce la nécessité de préserver la posture de « stricte suffisance » adoptée par la France en matière de dissuasion nucléaire.

En conclusion, le rapporteur pour avis a souligné que dans les domaines des services communs, de l'espace et du renseignement et de la dissuasion nucléaire, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 sont conformes, pour la troisième année consécutive, aux prescriptions de la loi de programmation militaire et qu'ils consolident le redressement opéré à partir de 2002. Il a en conséquence invité la commission à émettre un avis favorable sur les crédits de la défense pour 2005.

À la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Didier Boulaud a observé que depuis 2002, les dotations consacrées au nucléaire avaient connu une forte augmentation. Il s'est étonné du climat de relative indifférence dans lequel ce renforcement des moyens alloués aux forces nucléaires s'était opéré. Il a estimé que depuis la fin de la guerre froide, notre doctrine de dissuasion n'avait évolué que de façon marginale, ces inflexions n'ayant par ailleurs fait l'objet d'aucun débat public, pas même au sein de la représentation nationale. Citant les changements importants intervenus dans le contexte géostratégique, particulièrement avec la concrétisation de la menace du terrorisme de masse, il a considéré qu'il était plus que jamais nécessaire de débattre de la pertinence de notre posture de dissuasion et de la part qui lui est consacrée dans le budget des armées. Il a remarqué que le chef d'état-major des armées s'était lui-même inquiété de la pauvreté du débat sur le nucléaire militaire dans notre pays. Il a jugé utile de s'interroger sur la répartition actuelle, au sein du budget de la défense, entre l'effort consenti pour la dissuasion et les nombreux autres besoins militaires. Il s'est demandé si des redéploiements de moyens ne seraient pas nécessaires pour mieux répondre aux menaces qui pèsent sur notre sécurité.

Mme Hélène Luc a estimé que la dissuasion nucléaire n'était pas adaptée aux menaces nouvelles liées au terrorisme et aux conflits régionaux. Elle a cité d'autres besoins de sécurité qui mériteraient d'être satisfaits, notamment en matière de personnels. Elle s'est inquiétée du risque d'une course aux armements dans l'espace du fait des projets américains.

M. Jean-Guy Branger a souligné la haute qualité du service de santé des armées et a souhaité que l'effort de redressement budgétaire récemment entrepris soit poursuivi dans les prochaines années.

En réponses à ces différentes interventions, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- il est erroné de laisser penser qu'en matière de nucléaire militaire, la France n'aurait tiré aucune conséquence de la guerre froide ; la réduction substantielle de notre posture nucléaire et des moyens financiers qui lui sont consacrés témoigne précisément d'une réelle évolution ;

- l'apparition de menaces nouvelles, comme le terrorisme, n'entraîne en rien la disparition des menaces plus traditionnelles ; le contexte stratégique actuel reste marqué par le fait nucléaire ; le président Poutine vient d'évoquer la modernisation des forces nucléaires russes et la Chine est engagée dans un accroissement de son arsenal nucléaire ; la prolifération nucléaire et balistique fait apparaître de nouvelles menaces potentielles ;

- après quinze années de forte diminution, le budget nucléaire militaire français atteint un seuil en deçà duquel la cohérence de nos moyens ne serait plus assurée ; ainsi, la permanence à la mer d'une capacité nucléaire océanique impose un minimum de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins ; la suppression des essais en vraie grandeur nécessite l'acquisition de moyens de simulation pour valider les têtes nucléaires en service, compte tenu des phénomènes de vieillissement des armes ; la modernisation des missiles balistiques permet de les doter de la portée requise dans le nouveau contexte géopolitique tout en traitant les obsolescences sur les missiles actuels et en maintenant nos compétences dans ce secteur stratégique ;

- s'agissant de la politique américaine en matière de nucléaire militaire, elle ne prévoit aucun projet faisant appel aux technologies spatiales ; les Etats-Unis poursuivent par ailleurs la réduction de leur arsenal nucléaire dans le cadre du traité de Moscou signé en 2002 avec la Russie.

Avant de procéder au vote sur l'ensemble des crédits de la défense, Mme Hélène Luc a constaté que l'augmentation de 2,2 % du budget de la défense tranchait avec la pauvreté des budgets sociaux. Elle a relevé les tensions persistantes liées aux effectifs tant civils que militaires, estimant que les capacités opérationnelles des armées ne relevaient pas que de leurs seuls équipements, mais qu'il fallait faire plus pour les hommes et les femmes qui oeuvraient dans la défense. Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, elle a indiqué qu'elle voterait contre les crédits de la défense pour 2005.

M. Didier Boulaud a indiqué que le groupe socialiste voterait contre ces crédits. En dépit d'une dotation substantielle, il a relevé les fortes tensions pesant tant sur les crédits de fonctionnement que d'équipement, comme en attestent les insuffisances de ressources en faveur de la recherche ou de l'espace. Au total, le moral des militaires s'en ressentait. Il a, par ailleurs, déploré, de nouveau, l'organisation en séance publique du débat sur les crédits de la défense, dont l'ampleur justifierait qu'un temps de parole accru soit accordé aux groupes politiques.

Faisant enfin référence à la récente audition du délégué général de l'armement au cours de laquelle il avait interrogé M. François Lureau sur la dérive financière du programme Rafale, M. Didier Boulaud a fait observer que le rapport 2003 du Comité des prix de revient des fabrications d'armement chiffrait à 275 millions d'euros le surcoût du programme pour l'armée de l'air.

M. Charles Pasqua a dit partager la réflexion de M. Didier Boulaud sur le temps trop limité réservé en séance publique au débat sur le budget de la défense.

M. Serge Vinçon, président, après avoir relevé les avis favorables, émis par les cinq rapporteurs pour avis, à l'adoption des crédits 2005 du ministère de la défense, a estimé que ce projet de budget était, pour la troisième année consécutive, conforme aux engagements de la loi de programmation. Il a par ailleurs fait remarquer que les surcoûts observés sur certains programmes trouvaient pour partie leur origine dans les insuffisances de crédits dont les armées avaient souffert au cours de la décennie précédente.

La commission a ensuite adopté les crédits du ministère de la défense pour 2005.

Affaires étrangères - Situation en Afghanistan - Communication

Mme Hélène Luc, évoquant l'hypothèse d'une mission de la commission en Afghanistan au printemps 2005, a déploré le manque de volontarisme de la communauté internationale dans ce pays. Un déplacement de la commission, préparé par des réunions avec certaines associations humanitaires, permettrait d'aider à la concrétisation de certains projets, notamment dans le domaine éducatif.

Nomination d'un rapporteur

La commission a enfin désigné M. André Dulait, rapporteur du projet de loi n° 1741 (A.N. - 12ème législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, relatif au statut général des militaires.