Travaux de la délégation aux droits des femmes



I. DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

A. MARDI 1ER MARS 2005

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

1. Violences envers les femmes - Examen du rapport d'information

La délégation a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Jean-Guy Branger sur les propositions de loi n° 62 (2004-2005), présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression, et n° 95 (2004-2005), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, relative à la lutte contre les violences au sein des couples, à la suite de la saisine de la délégation par la commission des lois.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué, à titre liminaire, que la délégation, sans préjudice des compétences de la commission des lois saisie au fond des deux propositions de loi n° 65 de M. Roland Courteau et n° 92 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, et qui adoptera ses propres conclusions sur lesquelles le Sénat sera amené à se prononcer le 29 mars prochain, devait donner son avis sur les conséquences de ces propositions de loi sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Elle a souligné le contexte particulier dans lequel intervenait la saisine de la délégation. Elle a rappelé que cette dernière, au cours de sa réunion du 4 mai 2004, avait décidé, anticipant en quelque sorte la démarche entreprise par le Sénat, de consacrer son prochain rapport d'activité au thème des violences envers les femmes, qu'elle avait alors envisagé de traiter dans une acception large, incluant non seulement les violences dites domestiques, c'est-à-dire au sein du couple, mais aussi les violences affectant les femmes dans la sphère publique - insultes, agressions, viols - ou professionnelle - le harcèlement en particulier.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a pris acte de l'initiative de plusieurs sénateurs de déposer deux propositions de loi tendant à lutter contre les violences au sein du couple, que la Conférence des présidents avait décidé d'inscrire à l'ordre du jour réservé du Sénat. Elle a estimé que la délégation voyait ainsi ses préoccupations prises en compte et trouver une traduction législative rapide, ce qui soulignait l'actualité de ce problème de société.

Elle a noté qu'il n'en demeurait pas moins vrai que l'examen de ces propositions de loi privait la délégation du sujet qu'elle avait choisi pour son rapport d'activité, et qu'il lui fallait donc déterminer, dès aujourd'hui, un nouveau thème, sachant qu'elle devait présenter son rapport dans quelques mois. Dans ces conditions, elle a proposé de traiter le sujet suivant : la situation des droits des femmes dans les dix nouveaux Etats membres de l'Union européenne, sujet sur lequel des travaux avaient déjà été entrepris par la délégation.

Après une intervention de Mmes Paulette Brisepierre et Gisèle Printz, cette proposition a été approuvée.

Mme Hélène Luc s'est interrogée sur l'objet de cette réunion, compte tenu de ce que la commission des lois, saisie au fond, n'avait pas encore rendu ses conclusions sur lesquelles le Sénat sera amené à se prononcer.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a rappelé que la délégation intervenait toujours en amont, devant présenter ses recommandations à la commission saisie au fond, avant que celle-ci n'adopte ses conclusions.

Puis M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a rappelé que la délégation avait été saisie, le 26 janvier dernier, par la commission des lois, de deux propositions de loi de M. Roland Courteau et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui tendent à renforcer la lutte contre les violences au sein du couple, le Sénat devant se prononcer sur les conclusions de la commission des lois, qui se réunit le 8 mars prochain. Il a indiqué que, dans cette perspective, la présidente de la délégation avait commandé au service des études juridiques une étude de législation comparée relative à la lutte contre les violences conjugales.

Le rapporteur a estimé essentiel que le domicile conjugal n'échappe plus à la loi et qu'il ne soit plus un lieu de non-droit, en particulier pour les femmes. Il a indiqué que le gouvernement avait d'ailleurs déjà pris un certain nombre de mesures en ce sens et que la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle avait présenté en Conseil des ministres, le 24 novembre 2004, une communication sur un plan global de lutte contre les violences, comprenant « Dix mesures pour l'autonomie des femmes ».

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a constaté que les violences au sein du couple étaient une réalité longtemps occultée, mais dont l'ampleur était aujourd'hui bien établie. Il s'est réjoui de ce que la loi du silence était désormais brisée et a noté que, si les violences au sein du couple avaient longtemps été passées sous silence, du fait, à la fois d'une grande tolérance de la société et de la honte ressentie par les victimes (à tel point qu'elles paraissaient presque comme un phénomène « naturel »), le problème était maintenant connu et reconnu.

Il a insisté sur l'existence d'éléments concordants montrant que l'opinion publique était aujourd'hui relativement bien informée de la réalité de ce type de violences, du reste dénoncées en 2004 par un rapport d'Amnesty International. D'un sondage Eurobaromètre commandé par la Commission européenne, il apparaît, a-t-il précisé, qu'en 1999, 96 % des citoyens de l'Union européenne avaient connaissance de l'existence de ces violences et que 76 % les jugeaient assez ou très répandues.

Puis il a fait observer que les violences au sein du couple étaient dénoncées au niveau international, l'Assemblée générale de l'ONU ayant adopté, en décembre 1979, une convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il a considéré que 1993 constituait une année charnière, la violence liée au sexe ayant été officiellement reconnue comme « une violation des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales » au cours de la conférence mondiale des droits de l'homme, réunie à Vienne. En outre, l'Assemblée générale de l'ONU avait adopté, avec sa résolution 48/104 du 20 décembre 1993, une déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Il a ajouté que le Conseil de l'Europe s'était, lui aussi, beaucoup préoccupé des violences envers les femmes, et que son Assemblée parlementaire avait voté, le 8 octobre 2004, la recommandation 1681, intitulée « Campagne pour lutter contre la violence domestique à l'encontre des femmes en Europe ». Abordant le traitement de la question au niveau communautaire, il a fait observer que le Parlement européen avait adopté une résolution, en septembre 1997, sur la lutte contre la violence contre les femmes, et que la Commission européenne avait mis en place, en 2000, le programme DAPHNE, qui consiste à soutenir des initiatives en matière de lutte contre la violence ou la traite des êtres humains.

Le rapporteur a insisté sur le fait que les violences au sein du couple constituaient également un véritable problème de santé publique, le rapport du Professeur Henrion, de février 2001, notant que les violences au sein du couple constituaient l'une des principales causes de mortalité des femmes.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a ensuite évoqué la mesure du phénomèneet a noté que les résultats statistiques disponibles mettaient en évidence une dramatique « banalité » des violences au sein du couple, même si celles-ci restaient mal appréhendées. Ainsi, selon l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), réalisée en 2000, 10 % des femmes interrogées auraient été victimes de violences conjugales, qu'elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles. L'enquête ENVEFF avait mis en évidence à la fois l'ampleur du silence et l'occultation des violences subies par les femmes.

Il a rappelé quelques-uns des principaux résultats de l'enquête :

- en ce qui concerne les violences physiques, les lieux publics sont beaucoup plus sûrs pour les femmes que le couple, celui-ci constituant le contexte de plus de la moitié des brutalités physiques commises sur les femmes et 41 % des tentatives de meurtre dont elles sont l'objet ;

- la situation est similaire pour les violences sexuelles ;

- les « ex », anciens conjoints ou concubins, représentent une part non négligeable des agresseurs.

Il a considéré que, si les violences au sein du couple étaient très répandues, il n'en demeurait pas moins que la réalité du phénomène était encore très imprécise, les statistiques donnant des informations éparses. Il a ainsi relevé que celles de la police et de la justice ne présentaient qu'une infime proportion des violences conjugales, exprimée en dizaines de milliers, et que leur fiabilité demeurait perfectible. Il a par exemple rappelé que l'outil statistique du ministère de l'intérieur, l'état 4001, ne donnait pas d'informations sexuées et ne permettait pas d'isoler les violences au sein du couple.

Le rapporteur a tenté d'expliquer cette situation par le nombre limité des dépôts de plainte, les faits signalés étant très inférieurs à la réalité des violences. Il a ensuite constaté que, pendant longtemps, les pouvoirs publics n'avaient accordé qu'une faible importance à l'étude de cette forme de violences, laissée au secteur associatif, et qu'à l'exception de l'enquête ENVEFF, qui date elle-même de près de cinq ans et qui mériterait d'être actualisée, il n'existait quasiment pas d'études sur la question, notamment de la part de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales, qui produit pourtant de nombreuses analyses sur les sujets les plus divers. Il a donc appelé de ses voeux une amélioration de la connaissance statistique à l'occasion de l'élaboration du plan « violences et santé » prévu par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il a en outre jugé indispensable que ces études soient complétées par un volet relatif à l'évaluation du coût économique et social des violences dont les femmes sont victimes, aucune information, ni même estimation n'existant actuellement sur ce point.

Dans ces conditions, M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a considéré que les violences au sein du couple constituaient un fléau de société qu'il convenait de combattre avec plus de détermination. Il a noté que de nombreux acteurs étaient mobilisés pour lutter contre ces violences, mais qu'ils devaient apprendre à travailler ensemble, ce qui n'était pas encore tout à fait le cas : les moyens existants sont importants dans notre pays, mais demeurent insuffisamment mutualisés, ce qui entraîne une déperdition d'énergie et un traitement très inégal des situations selon les départements ou les services.

Il a ainsi fait observer que, si c'est à leur médecin que les femmes battues se confiaient le plus volontiers, le milieu médical ne possédait pas nécessairement tous les éléments en termes de formation comme en termes juridiques pour gérer ce type de situation. De même, a-t-il ajouté, les agents de police ont souvent été critiqués pour leur ignorance de cette forme de délinquance, voire leurs railleries quand une femme venait déposer plainte au commissariat. Il a néanmoins insisté sur les progrès réalisés en matière d'accueil des victimes, qui constitue une des priorités du ministère de l'intérieur, et a cité la charte d'accueil ou l'instruction ministérielle du 13 janvier 2005, qui ont porté l'accent sur la prévention de ce type de violences et sur la nécessité d'un professionnalisme accru des services de sécurité. Il a dit avoir pu constater lui-même sur le terrain, lors de son déplacement au commissariat central de Tours, les mesures concrètes prises pour mieux prendre en charge et accompagner les victimes, indiquant que des bureaux d'aide aux victimes avaient été installés dans des commissariats, des correspondants départementaux nommés, des permanences d'associations organisées, des travailleurs sociaux impliqués. Il a estimé que ces instruments relativement récents devaient encore faire leurs preuves, mais que la politique conduite à Tours lui avait paru tout à fait intéressante et encourageante.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a rappelé que, sur le plan pénal, la qualité de conjoint ou de concubin de la victime constituait, depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994, une circonstance aggravante dans les cas suivants : tortures et actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) pendant plus de huit jours. Il a précisé qu'à ces dispositions du code pénal, il convenait d'ajouter celles qui constituent des infractions pénales sans que la qualité de l'auteur soit prise en considération : le meurtre, les appels téléphoniques malveillants, la menace de commettre un crime ou un délit, la séquestration, etc., mais pas le viol au sein du couple qui, s'il a été reconnu par la Cour de cassation en 1990 et 1992, n'était pas visé par le code pénal. Faisant remarquer que les violences infligées à une femme au sein du couple étaient sévèrement sanctionnées, il a noté que les faits de violences envers les femmes devaient correspondre à ces qualifications pénales, qu'une plainte devait être déposée, que les preuves devaient exister et que les pratiques des parquets devaient être cohérentes, ce qui n'était pas toujours le cas, certains étant plus impliqués et innovants que d'autres. Telle est la raison pour laquelle, a-t-il insisté, la priorité récente du ministère de la justice consistait à réduire au maximum les cas dans lesquels les victimes n'étaient pas suffisamment écoutées et comprises et à proscrire par principe les classements sans suite « secs » en matière de violences au sein du couple.

Il a souligné l'importance d'harmoniser les directives des procureurs de la République, en vue d'un meilleur traitement judiciaire de ce contentieux, et a rappelé que cette politique, initiée lors de la réunion du Conseil national d'aide aux victimes du 21 octobre 2003, présidée par le ministre de la justice, avait abouti à la constitution d'un groupe de travail pluridisciplinaire sur les violences au sein du couple, qui avait élaboré un guide de l'action publique, diffusé à partir de septembre 2004 dans l'ensemble du réseau judiciaire.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a estimé que des marges de progression demeuraient toutefois, tant en ce qui concerne la répression et la prévention des violences que l'apport d'aides spécifiques aux victimes, et a indiqué que tel était précisément l'objet des dispositions des deux propositions de loi dont la délégation avait été saisie par la commission des lois.

Après avoir présenté les dispositions de ces propositions de loi, le rapporteur a abordé les cinq priorités sur lesquelles la délégation pourrait insister.

Il a estimé que l'approche juridique de la lutte contre les violences au sein du couple gagnerait à être plus cohérente. Il a souligné l'importance des retraits et, parfois, des nouveaux dépôts de plainte dans ce type d'affaires, et a jugé que le principe de l'opportunité des poursuites expliquait en partie le grand nombre de classements sans suite empêchant de sanctionner de telles violences. Il a également mis en évidence des contradictions entre certaines dispositions du code pénal et d'autres du code de déontologie médicale, qui placent les médecins devant un dilemme délicat : tenter de concilier la prise en charge de leur patiente et le respect du secret professionnel. Puis il a fait part de ses doutes sur la pertinence du recours à la médiation pénale pour le traitement des situations de violences au sein du couple. En effet, la médiation ne lui a paru guère adaptée en cas d'agression, la violence au sein du couple relevant moins d'un mode de résolution des conflits applicable à une « scène de ménage » que de la sanction d'une véritable agression subie par une victime. Selon lui, l'égalité de traitement impliquée par la médiation pénale n'est pas de mise en matière de violences conjugales.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a ensuite évoqué la deuxième priorité, c'est-à-dire la formation des acteurs de la lutte contre les violences au sein du couple. Notant que les médecins avaient parfois été réticents à aborder ces problèmes au cours de leur formation, il a estimé que la formation médicale continue devait être privilégiée par rapport à la formation initiale, car le dépistage des violences requiert une grande maturité professionnelle et humaine. S'il a jugé que la formation des policiers et des gendarmes avait connu de réels progrès, il convenait toutefois de combler d'éventuels écarts entre la théorie de la formation dispensée et la réalité constatée sur le terrain, par exemple quant au nombre de fonctionnaires ayant effectivement suivi une formation. Il a surtout considéré qu'un effort renforcé devait être porté en direction des magistrats, pour les sensibiliser davantage à la problématique des violences au sein du couple. Puis il a constaté qu'en France, contrairement à d'autres pays comme le Canada, il n'existait quasiment pas de structures permettant d'accueillir les hommes violents, où ceux-ci pourraient engager une réflexion sur leur comportement.

Le rapporteur a qualifié de « centrale » la question de l'hébergement des victimes. Il a rappelé que la loi sur le divorce du 26 mai 2004 avait introduit une disposition dans le code civil, l'article 220-1, 3ème alinéa, permettant d'évincer du domicile conjugal l'époux violent, alors que, paradoxalement, la victime devait, dans la très grande majorité des cas, quitter le domicile conjugal pour sa sécurité et celle de ses enfants, se retrouvant ainsi en situation de précarité. Il a estimé que cette disposition pourrait être étendue aux autres couples (concubinage et PACS). Il a également regretté la pénurie de logements sociaux affectés aux besoins de relogement des victimes.

Il a ensuite abordé la quatrième priorité, le sort des enfants, considérant que les violences au sein du couple avaient forcément de graves conséquences sur l'éducation des enfants, qui en sont souvent traumatisés et dont les résultats scolaires s'en ressentent. Il a rappelé que les enfants pouvaient aussi être, parfois, les « victimes collatérales » des agressions visant leur mère, ou placés au centre d'une relation de chantage. Il a dénoncé une reproduction mimétique fréquente de la violence, les enfants pouvant même, sous l'influence de l'« exemple » de leur père, devenir eux aussi violents et agresser leur mère.

Enfin, le rapporteur a indiqué que la bataille contre les violences au sein du couple ne pourrait être remportée sans un changement des mentalités, et qu'il fallait déconsidérer les hommes qui frappaient leur femme, comme on avait déconsidéré, avec des résultats tangibles, les hommes qui commettaient des excès de vitesse. Une grande campagne d'information, conduite avec l'ensemble des partenaires, lui a donc paru indispensable.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a ensuite présenté ses propositions de recommandations :

1. La délégation approuve le principe d'une aggravation des sanctions des violences au sein du couple, en particulier par l'incrimination des formes les plus insidieuses de ces violences, celles qui se manifestent de façon répétée. De même approuve-t-elle la sanction du caractère habituel des violences lorsqu'elles sont exercées par les anciens conjoints.

2. Elle est également favorable à l'élargissement des sanctions pénales à l'ensemble des formes de vie en couple, quel que soit le statut de celui-ci, mariage, concubinage ou pacte civil de solidarité (PACS).

3. Elle approuve l'introduction dans le code pénal de la reconnaissance du viol au sein du couple, dont le fondement n'est jusqu'à présent que jurisprudentiel.

4. La délégation est favorable au renforcement de l'aide apportée aux victimes de violences au sein du couple.

5. Relever de 15 à 18 ans l'âge légal du mariage des femmes, afin de contribuer à lutter contre les mariages forcés.

6. Prohiber la médiation pénale dans les affaires de violences au sein du couple, cette peine alternative souvent utilisée aujourd'hui par le juge donnant l'illusion d'une égalité entre les conjoints, alors qu'il existe bel et bien un agresseur et une victime.

7. Etendre le dispositif d'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal, prévu au troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, aux concubins et aux partenaires d'un PACS.

8. Etendre aux « ex », ex-époux, ex-concubins et ex-partenaires d'un PACS :

- les circonstances aggravantes prévues par le 6° des articles 222-3 (tortures ou actes de barbarie), 222-8 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner), 222-10 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente), 222-12 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours) et 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) du code pénal, la rupture de la vie de couple ne signifiant pas nécessairement la fin des violences pour les femmes, comme l'ont montré les résultats de l'enquête ENVEFF ;

- les dispositions prévues par les propositions de loi pour le 3° de l'article 138 du code de procédure pénale permettant au juge d'interdire à la personne sous contrôle judiciaire de se rendre au domicile du couple en cas de violences entre conjoints, concubins ou partenaires liés par un PACS.

9. Se doter rapidement des moyens statistiques sexués permettant de chiffrer les infractions liées aux violences au sein du couple, ce qui n'est pas possible actuellement.

10. Actualiser les résultats de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), qui date de 2000, afin de disposer d'un état des lieux le plus exhaustif et récent possible de manière à mieux mesurer les violences dont les femmes sont les victimes.

11. Réaliser des études sur l'influence de certains phénomènes sur la violence masculine à l'égard des femmes, tels que la pornographie, la prostitution ou la consommation d'alcool.

12. Conduire une étude sur le coût budgétaire et le coût social des violences au sein du couple, notamment leurs conséquences en matière d'arrêts de travail, d'assurance, de protection policière, de soins, de traitement judiciaire, de logement, de prise en charge des enfants, etc., ce coût étant aujourd'hui totalement inconnu.

13. Engager rapidement des négociations afin de faire de 2006 une année de lutte contre les violences au sein du couple dans l'ensemble des 25 Etats membres de l'Union européenne, voire dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, conformément à la recommandation 1681 (2004) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 8 octobre 2004.

14. Coordonner le réseau d'accueil et de prise en charge des victimes de violences au sein du couple, en y intégrant les collectivités territoriales, les communes en particulier.

15. Accroître, dans les plus brefs délais, la présence des permanences d'associations d'aide aux victimes au sein des commissariats.

16. Mieux sensibiliser les magistrats à la problématique des femmes victimes de violences de la part de leur conjoint, en leur dispensant une formation ciblée sur la prise en charge des victimes.

17. Privilégier la formation continue plutôt que la formation initiale pour les modules de formation organisés en direction des policiers, des gendarmes, des magistrats ou des personnels médicaux, l'accueil et la prise en charge de femmes victimes de violences au sein de leur couple nécessitant une grande maturité professionnelle et humaine.

18. Mettre en place, en relation avec les associations, des formations, notamment sous la forme de groupes de parole, destinées aux hommes violents afin que ceux-ci disposent des moyens leur permettant de mener une réflexion sur les causes de leur comportement.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a remercié le rapporteur pour la qualité de son travail et a souligné son investissement personnel.

Mme Hélène Luc,après avoir noté l'intérêt du rapport, a estimé que le relèvement de 15 à 18 ans de l'âge légal du mariage des femmes pouvait effectivement limiter les mariages forcés. Elle s'est félicitée que le rapporteur reprenne dans ses propositions de recommandations les principes posés par les deux propositions de loi. Aussi bien a-t-elle indiqué qu'elle les adopterait. Elle a ensuite insisté sur l'amélioration de la formation des policiers à l'accueil des victimes, sur la prévention des violences au sein du couple dès l'école et sur la nécessité d'éloigner du domicile conjugal le conjoint violent.

Mme Janine Rozier a insisté sur le dispositif introduit par la loi du 26 mai 2004 réformant le divorce, qui permet d'éloigner le conjoint violent du domicile conjugal, l'agresseur continuant de payer sa part du loyer. Elle a estimé que la police devait impérativement conseiller aux victimes de porter plainte, une mention sur la main courante n'étant pas suffisante. Enfin, elle s'est félicitée du maintien du divorce pour faute, qui permet de sanctionner les violences conjugales.

Mme Gisèle Printz a fait part de son accord avec les propositions de recommandations, notamment l'interdiction de recourir à la médiation pénale en cas de violence au sein du couple.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a indiqué qu'elle avait préparé, en concertation avec la Défenseure des enfants, une proposition de loi tendant à relever l'âge légal du mariage des femmes. Elle a également rappelé que les Nations unies avaient adressé une recommandation à la France en ce sens, mais que notre pays ne l'avait pas suivie.

Mme Paulette Brisepierre, après avoir souligné le caractère intéressant et complet du rapport, a, elle aussi, insisté sur la formation des policiers.

Mme Anne-Marie Payet a fait part du souhait de certaines victimes d'être accueillies de préférence par des fonctionnaires de police féminins dans les commissariats.

Mme Christiane Kammermann a remercié la présidente pour l'organisation du déplacement à Tours et a souligné l'intérêt des enseignements qui en ont été tirés. Elle a noté la faiblesse des moyens de fonctionnement des commissariats alloués à l'accueil des victimes. Elle a dit ignorer que les violences au sein du couple constituaient une des principales causes de décès des femmes et a, dès lors, estimé qu'il convenait de mettre l'accent sur la prévention de ce type de violences.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a indiqué, en réponse, que la recommandation de porter plainte systématiquement en cas de violences conjugales était déjà prévue par le guide de l'action publique du ministère de la justice. Il a noté que 67 circonscriptions de sécurité publique, réparties sur 44 départements, accueillaient la permanence d'associations d'aide aux victimes. Enfin, il a fait observer que la formation des policiers à l'accueil des victimes avait déjà connu de réels progrès, comme l'a montré l'expérience très encourageante du commissariat central de Tours.

La délégation a adopté à l'unanimité les recommandations.