V. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article propose de majorer la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu et les impositions sur les revenus du capital afin, dans sa rédaction initiale, de contribuer au financement de la réforme des retraites. En outre, ces prélèvements supplémentaires ne pourraient ouvrir droit à restitution au titre du bouclier fiscal.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article porte les principales mesures de mise à contribution des hauts revenus et des revenus du patrimoine au financement de la réforme des retraites.

A cette fin, il propose une majoration de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu ainsi que des impositions sur les revenus du capital, lesquelles ne seraient pas prises en compte dans le calcul du droit à restitution au titre du bouclier fiscal.

Le tableau suivant, tiré de l'avis rendu par notre collègue Jean-Jacques Jégou sur le projet de loi portant réforme des retraites 14 ( * ) , synthétise l'ensemble des mesures de recettes prévues initialement par le Gouvernement :

Synthèse des mesures de recettes

(en millions d'euros)

MESURE

Rendement 2011

Rendement 2020

Contributions des hauts revenus

410

630

Augmentation de 40 % à 41 % du taux marginal du barème de l'impôt sur le revenu

230

290

Retraites-chapeaux : suppression de l'abattement de 1.000 euros pour l'imposition des rentes et instauration d'une contribution salariale spécifique de 14 %

110

140

Stock-options : augmentation de la contribution patronale spécifique sur la valeur des options (14 %) et de la contribution salariale sur le gain de levée d'option (8 %)

70

200

Contribution des revenus du capital

1 090

1 340

Hausse des prélèvements proportionnels

- PV de cessions mobilières

90

110

- PV de cessions immobilières

45

50

- PFL sur les dividendes et les intérêts

130

160

Suppression du crédit d'impôt sur les dividendes

645

800

Imposition des PV de cessions mobilières au premier euro

180

220

Total taxe sur les ménages

1 500

1 970

Annualisation des allègements généraux de charges sociales

2 000

2400

Suppression du plafonnement de la quote part pour frais et charges sur les dividendes reçus par une société mère de ses filiales

200

250

Total taxe sur les entreprises

2 200

2 650

TOTAL

3 700

4 600

Source : Avis Sénat n° 727 (2009-2010) de Jean-Jacques Jégou sur le projet de loi portant réforme des retraites

A. LA CONTRIBUTION SUPPLÉMENTAIRE DE 1 % SUR LES HAUTS REVENUS

La détermination des tranches et taux d'imposition au barème sur les revenus relève du I de l'article 197 du code général des impôts (CGI). Celle-ci fait traditionnellement l'objet d'une simple actualisation annuelle sur la base de l'évolution de l'indice des prix hors tabac. Ainsi, l'article 2 du présent projet de loi procède à l'indexation des tranches de revenus et des seuils du barème qui lui sont associés.

Depuis 2006, date de l'entrée en vigueur de la réforme de l'impôt sur le revenu 15 ( * ) (IR) applicable sur les revenus de 2006, le nombre de tranches a été ramené de sept à cinq, suivant une répartition progressive des taux d'imposition de 0 %, 5,5 %, 14 %, 30 % et 40 % pour la tranche des revenus les plus hauts. Cette architecture n'a donc pas été modifiée depuis.

En instaurant une contribution supplémentaire de 1 % sur la tranche d'imposition au taux marginal le plus élevé, celui-ci passant de 40 % à 41 %, le I du présent article procède à la première revalorisation d'un des taux d'imposition de ce nouveau barème.

Cette majoration de 2,5 % du taux applicable sur la tranche de revenus supérieure à 70 830 euros emporte mécaniquement un surcroît d'imposition pour les contribuables concernés. La hausse sera variable selon les niveaux de salaires et de plus-values de cessions de valeurs mobilières soumis au barème : entre environ 0,8 % et 2,8 % en fonction des cas présentés ci-dessous.

Effets de la majoration de 1 % de la dernière tranche
d'imposition du barème

(en euros)

Situation du foyer fiscal

Montant des revenus imposables au barème

Montant de l'imposition (tranche à 40 %)

Montant de l'imposition (tranche à 41 %)

Majoration d'imposition

Célibataire sans enfant

100 000
de salaire

23 538

23 740

0,85 %

Contribuables mariés avec deux enfants

300 000
de salaire

84 894

86 359

1,72 %

Célibataire sans enfant

300 000
de salaire

et 150 000 de plus-values de cession de valeurs mobilières

128 958

132 621

2,80 %

Source : évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2011

Sur le total escompté de 410 millions de recettes supplémentaires prélevées sur les hauts revenus destinées à financer la réforme des retraites, le relèvement du taux de 40 % à 41 %, qui doit s'appliquer à compter de l'imposition des revenus de 2010 , devrait produire dès 2011 un gain de 230 millions d'euros à la charge des revenus les plus élevés, soit 56 %.

Il convient toutefois de souligner deux caractéristiques peu satisfaisantes , sur le plan des principes, du dispositif proposé :

- en premier lieu, contrairement à l'indexation annuelle des tranches du barème qui a pour objet de contenir la pression fiscale en proportion de l'évolution des prix, la rétroactivité ici mise en oeuvre concerne l'application d'un dispositif qui est moins favorable que le droit en vigueur 16 ( * ) . Du point de vue budgétaire, ce dispositif permet certes d'anticiper une augmentation de recettes dès 2011, mais du point de vue du contribuable cette hausse du prélèvement engendre une insécurité fiscale ;

- en second lieu, le IV du présent article prévoit que la fraction supplémentaire d'impôt résultant de l'augmentation de 40 % à 41 % du taux de la dernière tranche n'entre pas dans le montant d'imposition pris en compte dans le calcul du bouclier fiscal. Ce faisant, cette nouvelle « couche de complexité » introduit des traitements fiscaux différenciés sur des fractions de revenus de même nature et vient altérer davantage la prévisibilité de l'impôt dû.

B. LA MAJORATION DE L'IMPOSITION DES REVENUS DU CAPITAL

Si certains revenus du capital sont taxés à partir de l'impôt sur le revenu et sont donc traités par les dispositions précédemment décrites relative à la tranche la plus élevée du barème, de nombreux revenus de ce type sont, en revanche, imposés sur la base de taux forfaitaires, soit de façon optionnelle (les assujettis pouvant choisir entre l'impôt sur le revenu et un prélèvement libératoire), soit de façon obligatoire.

Les II et III du présent article ont pour objet de solliciter les contribuables bénéficiant de tels revenus dans le cadre de la réforme des retraites au moyen d'un relèvement de ces taux.

1. Les revenus pour lesquels il est possible d'opter pour une taxation forfaitaire

Comme cela est indiqué dans le tableau des mesures de recettes, présenté ci-avant, les majorations proposées du prélèvement libératoire sur les dividendes et les intérêts ont un rendement prévisionnel de 130 millions d'euros pour 2011.

a) Les dividendes

Les revenus de capitaux mobiliers régulièrement distribués de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ou un impôt équivalent imposables au barème sont imposés au titre de l'impôt sur le revenu après application d'un abattement de 40 %, auquel s'ajoute un abattement forfaitaire annuel de 1 525 euros pour une personne seule et 3 050 euros pour un couple 17 ( * ) . Le contribuable bénéficie également, l'année suivante, de la déductibilité de la contribution sociale généralisée (CSG) acquittée, à hauteur de 5,8 %. Toutefois, l'article 10 de la loi de finances pour 2008 a offert aux contribuables la possibilité d'opter un prélèvement forfaitaire libératoire.

Le II du présent article prévoit le relèvement de 18 % à 19 % de ce prélèvement , codifié à l'article 117 quater du code général des impôts.

Il est à noter que, compte tenu des abattements précités, le prélèvement forfaitaire libératoire n'est intéressant, en pratique, que pour les contribuables dont la tranche marginale d'impôt sur le revenu est de 40 %. La mesure proposée cible donc les hauts revenus (sauf erreur ou préférence de certains contribuables pour la simplicité pour le système du prélèvement libératoire).

b) Les placements à revenu fixe

Aux termes de l'article 125 A du code général des impôts, les produits de placement à revenu fixe 18 ( * ) peuvent être imposés, sur option, au moyen d'un prélèvement forfaitaire. L'option peut être exercée sur ces produits lorsque la personne qui assure le paiement de ces revenus est établie en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale (article 125 D du code général des impôts).

Une telle option peut également être exercée, sous certaines conditions :

- au titre des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, au titre de comptes courants d'associés, qui comportent les sommes laissées temporairement par les associés 19 ( * ) ;

- pour les intérêts servis aux associés au titre des comptes bloqués d'associés, qui enregistrent des sommes devant être incorporées au capital dans un délai défini à l'avance 20 ( * ) (article 125 C du même code).

Comme pour les dividendes, le II du présent article tend à relever le taux « de droit commun » applicable aux dispositifs décrits précédemment de 18 % à 19 %.

Il est à noter que, le taux s'appliquant sans abattement, les contribuables imposés sur le revenu au taux marginal de 30 % ont, tout comme les assujettis de la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu, intérêt à opter pour le prélèvement. Cette mesure ne devrait donc pas viser les seuls contribuables les plus aisés.

2. Les revenus imposés exclusivement sur la base d'un taux forfaitaire

Pour les revenus exposés exclusivement sur la base d'un taux forfaitaire, les relèvements de taux proposés par le présent article frapperont l'ensemble des contribuables bénéficiant de tels revenus, quel que soit leur niveau global de revenus et leur tranche marginale d'imposition.

a) Les plus-values de cession sur valeurs mobilières

Le II du présent article prévoit le relèvement de 18 % à 19 % du taux forfaitaire applicable aux plus-values mobilières , définies à l'article 150-0 A du code général des impôts 21 ( * ) . Il est à noter qu'actuellement, l'imposition s'applique au-delà d'un seuil de cession annuel fixé à 25 830 euros en 2010, mais que l'article 5 du présent projet de loi de finances tend à supprimer. Les pertes subies au cours d'une année peuvent être imputées sur les gains de même nature réalisés la même année ou les dix années suivantes. Le rendement de cette mesure devrait s'élever à 90 millions d'euros en 2011.

b) Les plus-values immobilières

Le III du présent article propose de relever de 16 % à 17 % le taux applicable à l'imposition des plus-values immobilières visées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts et dont le taux est fixé à l'article 200 B du même code.

Il s'agit des plus-values réalisées par les particuliers et les sociétés de personnes et groupements transparents sur la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis, de droits afférents à ces biens et de droits de sociétés de personnes ou groupements à prépondérance immobilière, ainsi que les plus-values réalisées par les fonds de placement en immobilier (FPI) sur la cession d'actifs immobiliers ou celles réalisées par une société de personne ou un groupement à prépondérance immobilière ou un FPI détenu par un autre FPI à proportion de ses droits. De même, les plus-values réalisées sur des droits représentatifs des biens ou droits du patrimoine fiduciaire, sont concernées par ce dispositif.

Il convient de rappeler que sont exonérées les plus-values réalisées à raison de la vente de la résidence principale, et qu'un abattement annuel de 10 % s'applique à compter de la sixième année de détention du bien (ce qui aboutit à une exonération au bout de quinze ans).

Le rendement de cette mesure est estimé à 45 millions d'euros en 2011.

c) Les prélèvements applicables aux plus-values réalisées par des personnes ne résidant pas au sein de l'Espace économique européen

Le II du présent article prévoit également que les relèvements de taux décrits ci-dessus s'appliquent :

- aux plus-values immobilières réalisées par les personnes physiques, les associés personnes physiques de sociétés ou groupements dont les bénéfices sont imposés au nom des associés et les porteurs de parts, personnes physiques, de fonds de placement immobilier, résidents d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, qui, aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, subissent un prélèvement au taux fixé à l'article 200 B précité (soit 16 %, devant passer à 17 %) ;

- aux gains résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux réalisés par des personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France ou par des personnes morales ou organismes quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social hors de France lorsque les droits dans les bénéfices de la société détenus par le cédant ou l'actionnaire ou l'associé, avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, qui, aux termes de l'article 244 bis B du code général des impôts, subissent un prélèvement au taux fixé à l'article 200 A précité (soit 18 %, devant passer à 19 %).

d) Les retenues à la source sur les revenus distribués

L'article 119 bis du code général des impôts prévoit l'application d'une retenue à la source (dont le taux est fixé à l'article 187 du même code) pour les produits des obligations, titres participatifs et autres titres négociables, à l'exclusion des titres de créances et des primes de remboursement, ainsi que pour les revenus distribués. L'article 187 précité prévoit notamment un taux de 18 % pour les dividendes et distributions assimilées perçus par des personnes physiques domiciliées dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant signé avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. La retenue à la source s'applique aussi aux bénéfices réalisés en France par des sociétés étrangères qui sont réputés distribués à des non-résidents, à l'exception des sociétés ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne où elles sont soumises à l'impôt sur les sociétés, sous réserve de diverses exonérations.

Le II du présent article prévoit de relever de 18 à 19 % le taux de la retenue à la source prévue au quatrième alinéa du 1 de l'article 187 du code général des impôts , qui s'applique aux revenus distribués par une société française, à des personnes physiques ou morales non-résidentes. Ce taux vise les distributions régulières, les revenus fiscalement assimilés et les jetons de présence.

Les revenus du capital qui échappent aux relèvements de taux
proposés par le présent article

Certains revenus du capital échappent aux relèvements de taux proposés par le présent article. Il s'agit principalement :

- des dividendes, plus-values de cession et autres produits réalisées sur un plan d'épargne en actions (PEA), dont l'imposition est définie à l'article 200 A du code général des impôts avec, en particulier, une exonération au bout de cinq années de détention ;

- des produits des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, c'est-à-dire l'assurance-vie, dont l'imposition est définie à l'article 125 A du même code (avec, en particulier, l'application d'un taux de 7,5 % et un abattement annuel forfaitaire de 4 600 euros pour une personne seule et 9 200 euros au bout de huit années de détention) ;

- et des plus-values professionnelles à long terme, nées de la cession d'éléments d'actifs immobilisés de l'entreprise, amortissables ou non, détenus depuis plus de deux ans sous déduction du montant des amortissements pratiqués (imposées au taux de 16 % aux termes de l'article 39 quindecies du code général des impôts).

C. LA NON-APPLICATION DU BOUCLIER FISCAL

Le IV du présent article vise à modifier l'article 1649-0 A du code général des impôts de sorte que le supplément d'imposition résultant des dispositions susmentionnées ne puisse donner droit à restitution au titre du bouclier fiscal.

A cette fin, il propose de compléter le a du 2 de cet article, qui vise l'impôt sur le revenu parmi les impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution, pour exclure la fraction de cet impôt qui résulte de l'augmentation des taux prévue par le présent article.

D. ENTRÉE EN VIGUEUR

Aux termes du V du présent article , ces dispositions seraient applicables :

- à compter de l'imposition des revenus de l'année 2010 pour la majoration du taux de la tranche supérieur de l'impôt sur le revenus ;

- aux revenus perçus ainsi qu'aux gains et profits réalisés à compter du 1 er janvier 2011 et aux plus - values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1 er janvier 2011 pour les majorations sur les revenus du patrimoine mobilier et immobilier.

II. les modifications apportées par l'assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a introduit des amendements de plusieurs ordres.

A. LE FINANCEMENT DES MESURES INTRODUITES PAR LE SÉNAT DANS LE PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements visant à financer les mesures du projet de loi portant réforme des retraites adoptées lors de sa lecture au Sénat.

A cet égard, il est rappelé que cette lecture a notamment permis de compléter ledit projet de loi par des mesures de solidarité sur deux points :

- d'une part, les mères de trois enfants et plus, nées entre 1951 et 1955, continueront de bénéficier d'une retraite sans décote à 65 ans, sous réserve de s'être arrêtées pour élever un enfant. 130 000 personnes seraient concernées ;

- d'autre part, les parents d'enfants lourdement handicapés pourront également continuer de bénéficier d'une retraite à taux plein à 65 ans.

Le coût annuel de ces mesures est estimé à 340 millions d'euros.

Il est proposé que cette somme soit obtenue :

- en modifiant l'article 200 B du code général des impôts de façon à aligner le taux forfaitaire applicable aux plus-values immobilières sur celui applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières, soit 19 %. Pour les intéressés, l'augmentation s'élèverait donc à trois points, le taux passant de 16 % à 19 %. Le gain résultant de cette mesure est estimé à 135 millions d'euros ;

- de modifier l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale afin de porter le taux du prélèvement social sur les revenus du capital de 2 % à 2,2 % , pour un rendement prévisionnel d'environ 205 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Là encore, des coordinations sont proposées au sein de l'article 1649- 0 A de sorte que les prélèvements suvisés 22 ( * ) soient retenus dans la limite du taux de 2 % pour le calcul du droit à restitution au titre du bouclier fiscal . Il s'agit donc de neutraliser l'effet des hausses de prélèvement opérées par les présentes dispositions au regard du bouclier.

La réforme s'appliquerait :

- aux revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1 er janvier 2010 ;

- aux produits de placements et plus-values mentionnés au I de l'article L. 136-7 du même code de la sécurité sociale et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1 er janvier 2011.

B. LE RELÈVEMENT D'UN POINT DU TAUX DE 40 % APPLICABLE AUX PLUS-VALUE D'ACQUISITION DE STOCK OPTION : UNE MESURE D'ACCOMPAGNEMENT DE LA MAJORATION DU BARÈME

A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général, et sur un avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également adopté une autre mesure de relèvement d'un point du taux de 40 % applicable à l'imposition aux plus-values de levées de stock-options prévu à l'article 200 A du code général des impôts.

Cette nouvelle disposition entre également dans le cadre du financement de la réforme des retraites et contribue à augmenter le niveau des recettes d'un million d'euros. Elle correspond à une mesure symétrique au relèvement du barème de l'IR applicable aux traitements et salaires ainsi qu'aux plus-values de cessions de valeurs mobilières. Aussi peut-on considérer que l'initiative de nos collègues députés ne s'apparente pas à une action ultra petita et vient utilement combler un « oubli » du texte initial.

C. LE REPORT DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES ABATTEMENTS POUR DÉTENTION DE VALEURS MOBILIÈRES À LONG TERME

D'autre part, à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, l'Assemblée nationale a adopté un amendement modifiant les articles 150-0 D bis et 150-0 D ter du code général des impôts ainsi que l'article 29 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 de manière à reporter de trois ans l'entrée en vigueur de l'abattement applicable aux plus-values mobilières à raison de la durée de détention des titres .

Ainsi, la durée de détention ouvrant droit à l'abattement , d'un tiers à compter de la sixième année, actuellement décomptée à partir du 1 er janvier 2006 ou de la date d'acquisition des titres si elle est postérieure, serait décomptée à partir du 1 er janvier 2009 . De cette façon, l'abattement s'appliquerait à compter des plus-values constatées en 2015 au lieu de 2012 , et les exonérations complètes à compter de l'année 2017 au lieu de 2014.

S'agissant d'un report d'entrée en vigueur, cette mesure n'apporte aucune recette nouvelle en 2011.

D. L'ASSUJETTISSEMENT AUX PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX DES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES BÉNÉFICIANT D'UN ABATTEMENT

Par ailleurs, à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, Marie-Anne Montchamp et Laurent Hénart, l'Assemblée nationale a adopté, malgré un avis défavorable du Gouvernement, un amendement tendant à modifier les articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale, de façon à assujettir aux prélèvements sociaux les plus-values immobilières et les plus-values professionnelles portant sur des immeubles, bénéficiant d'un abattement de 10 % à compter de la sixième année .

Le gain de cette mesure est estimé à 80 millions d'euros.

En outre, cet amendement modifie la rédaction de l'article 1649-0 A du code général des impôts, de sorte que les revenus pris en compte pour le calcul du bouclier fiscal intègre ces revenus.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. SANCTUARISER LE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DES RETRAITES

Votre rapporteur général soutient pleinement l'idée selon laquelle les hauts revenus et les revenus du capital doivent participer au financement d'une réforme d'ampleur et de solidarité nationale telle que la réforme des retraites.

C'est pourquoi il approuve les mesures en ce sens figurant au sein du présent article, qu'il s'agisse du dispositif initial ou des amendements votés à l'Assemblée nationale visant à assurer le financement des aménagements au texte sur les retraites adoptés au Sénat.

Dans cette perspective, il est également logique que le bouclier fiscal ne puisse exonérer personne de l'effet des dispositions du présent article. Cependant, cet exercice montre les limites du bouclier dans une période où un effort est demandé à chacun pour maîtriser les comptes publics ou, comme dans le cadre du présent article, pour réformer un pan important de notre protection sociale. S'il n'eût pas été concevable que les plus favorisés de nos concitoyens ne soient pas sollicités dans le contexte actuel, le bouclier ne visera donc plus qu'une fraction (certes importante) des impôts , et non plus les impôts eux-mêmes, pour les comparer aux revenus des contribuables . Ainsi, alors que les précédents aménagements s'inscrivaient dans la logique du dispositif (en visant, en particulier, à mieux définir les revenus des contribuables), c'est, cette fois, la philosophie même du bouclier fiscal qui est remise en cause .

Ces dispositions montrent bien l'urgence d'une « remise à plat » de la fiscalité du patrimoine et des revenus du patrimoine , dont le Président de la République a annoncé le principe à l'horizon du printemps prochain.

B. NE PAS PRÉEMPTER LE DÉBAT À VENIR SUR LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ PATRIMONIALE ET DES REVENUS DU PATRIMOINE

C'est pourquoi, sans porter aucun jugement sur le fond, votre rapporteur général n'estime pas opportun de préempter, dans le cadre du présent projet de loi de finances, les conclusions de ce grand débat, qui doit être global.

D'une part, réformer de manière isolée tel ou tel pan de la fiscalité patrimoniale ou des revenus du patrimoine n'apparaît pas de bonne méthode. D'autre part, il ne s'agit pas de se priver de marge de manoeuvre financière pour financer les mesures qui pourraient être prises à la mi-2011, concernant notamment l'impôt de solidarité sur la fortune.

Pour ces raisons d'opportunité, votre rapporteur général propose de revenir sur les votes de l'Assemblée nationale relatifs :

- au report de trois ans de l'entrée en vigueur de l'abattement applicable aux plus-values mobilières à raison de la durée de détention des titres, ce dispositif n'ayant, de surcroît, aucun coût pour les finances publiques en 2011 ;

- à l'assujettissement aux prélèvements sociaux des plus-values immobilières et des plus-values professionnelles portant sur des immeubles qui bénéficient d'un abattement à compter de la sixième année.

* *

*

Examen en commission

Article 3

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je vais vous présenter les amendements n°s 2 et 3. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont pris une série de mesures qui portent sur la fiscalité des revenus du capital et sur le régime des plus-values. Ces initiatives se répartissent en deux parts : il y a celles qui sont nécessaires à l'équilibre financier de la loi portant réforme des retraites et à la loi organique sur le remboursement de la dette sociale. La deuxième part relève d'initiatives autonomes, non indispensables à l'équilibre financier des deux textes précités.

Dans quelques mois, nous aurons un débat de fond sur la fiscalité et sur les revenus du patrimoine. Il convient donc de ne pas préempter ce débat, d'autant que la marge de manoeuvre n'est pas extensible. Mieux vaut donc arrêter de prendre des mesures ponctuelles pour avoir une vue globale des enjeux et pour préserver au mieux la compétitivité de notre pays. C'est pourquoi je propose les amendements de suppression n° s 2 et 3, qui ne signifient nullement une opposition de fond aux mesures proposées mais le constat qu'elles ne sont, pour l'instant, pas indispensables à l'équilibre financier des deux lois que j'ai citées.

Mme Nicole Bricq . - Vos propos s'adressent à qui, monsieur le rapporteur général ? A votre majorité ou à la commission ?

M. Philippe Marini , rapporteur général . - A ceux qui examinent ces amendements.

Mme Nicole Bricq . - Je comprends votre logique : il faut attendre le « grand soir ». Mais cela signifie que nous n'aurons pas de débat lors de la loi de finances, ce qui est regrettable car nous ne pourrons pas présenter nos amendements. Vous voulez contraindre la majorité au silence, c'est votre droit, mais ce faisant vous empêchez l'opposition de s'exprimer alors qu'elle a des propositions globales à faire sur la fiscalité.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Si le Gouvernement nous propose un projet de loi de finances rectificative afin d'opérer un redéploiement fiscal et de réduire les prélèvements au titre de l'ISF, mieux vaut se laisser des marges de manoeuvre.

Enfin, les dispositions que je propose de supprimer avec mon amendement n° 2 n'entreront pas en vigueur avant l'exercice 2012. Il n'est donc pas gênant de reporter le débat de six mois.

L'amendement n° 3 traite d'une mesure qui serait effective dès 2011, mais qui ne touche pas au financement des retraites.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Je comprends la position de notre rapporteur général. L'inconvénient avec ces amendements, c'est que nous allons nous priver de recettes pour 2011.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je vais vous en proposer d'autres.

Mme Nicole Bricq . - Vous avez donné une conférence de presse avec le président Arthuis au cours de laquelle vous avez exposé votre vision de la future architecture de la fiscalité française. Aujourd'hui, vous nous dites qu'il faut attendre un projet de loi de finances rectificative alors que la loi de finances n'a pas été encore votée. C'est original.

M. Éric Doligé . - C'est la première fois que nous parlons sérieusement d'une réforme de la fiscalité. Il serait dommage que chacun vote ses amendements fiscaux et qu'il n'y ait plus rien à négocier lors de la réforme.

M. Jean Arthuis , président . - L'amendement n° 2 pourrait être déposé en deuxième partie de la loi de finances.

Certains feront valoir que l'amendement n° 3 sur les plus-values immobilières réduira les ressources de l'État.

M. Jean-Jacques Jégou . - Eh oui, nous perdons un an de ressources.

M. Jean Arthuis , président . - Autant le premier amendement me convient, autant le deuxième me laisse perplexe.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - C'est une question de principe.

L'amendement n °2 est adopté ainsi que l'amendement n °3.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 14 Avis Sénat n° 727 (2009-2010).

* 15 La loi de finances pour 2006 a procédé à la refonte globale du barème progressif de l'impôt sur le revenu, à compter de l'imposition des revenus de l'année 2006.

* 16 L'indexation des tranches du barème de l'impôt sur le revenu est également une mesure rétroactive, mais plus favorable, elle, au contribuable.

* 17 En outre, les contribuables bénéficient d'un crédit d'impôt de 115 euros pour une personne seule et 230 euros pour un couple, mais l'article 4 du présent projet de loi de finances vise à procéder à sa suppression.

* 18 Cela concerne, en particulier, les obligations et autres titres d'emprunt négociables (notamment les emprunts d'Etat), les titres de créances négociables, les bons du Trésor et assimilés, les bons de caisse, les intérêts des plans d'épargne logement de plus de douze ans, les parts de fonds communs de créances et de fonds communs de titrisation, les créances hypothécaires privilégiées et chirographaires, les dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance fixe, et les cautionnements en numéraire.

* 19 Article 125 B du code général des impôts. L'option n'est pas applicable à la fraction des intérêts excédant les limites légales de déduction par la société, ni aux associés assurant en droit ou en fait la direction de l'entreprise (sauf pour la fraction inférieure ou égale à 46 000 euros), ni lorsque la constitution et la rémunération des sommes sont liées à la souscription ou à l'acquisition de droits sociaux.

* 20 Article 125 C du même code. L'option trouve à s'appliquer si, cumulativement, les sommes sont incorporées au capital dans un délai de cinq ans à compter de la date de leur dépôt, elles sont indisponibles jusqu'à cette date, le taux d'intérêt n'excède pas le taux maximum de déduction des intérêts des comptes courants d'associés et la société ne procède pas à une réduction du capital social non motivée par des pertes ou à un prélèvement sur le compte « prime d'émission » pendant une période commençant un an avant le dépôt des sommes et s'achevant un an après leur incorporation au capital.

* 21 Le taux d'imposition est, quant à lui, visé à l'article 200 A du même code. Le III de l'article 150-0 A exonère les plus-values réalisées à l'intérieur des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et clubs d'investissements, dans le cadre d'un plan d'épargne actions (PEA) ou plan d'épargne populaire (PEP), sur des parts de fonds communs de placement à risque (FCPR), sur des titres acquis dans le cadre des législations sur la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'actionnariat dans l'entreprise, sur titres de jeunes entreprises innovantes, sous condition de participation n'excédant pas 25 %.

* 22 Mentionnés aux articles L 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale.