V. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article a un double objet :

- aligner le rythme de l'imposition aux prélèvements sociaux du compartiment en euro des contrats d'assurance sur la vie dits « multi-supports » sur celui des contrats « mono-support » exprimés en euros, c'est-à-dire annuellement et non au dénouement du contrat ;

- prévoir une procédure de restitution au dénouement du contrat en cas d'imposition aux prélèvements sociaux, supérieure au montant dû sur la totalité du contrat, après réalisation effective d'une moindre plus-value ou d'une moins-value.

I. LE DROIT EXISTANT : L'IMPOSITION AUX PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX DES CONTRATS D'ASSURANCE-VIE « MULTI-SUPPORTS » AU DÉNOUEMENT DU CONTRAT

Les contrats d'assurance sur la vie peuvent prendre soit la forme d'un fonds en euros (majoritairement investi en obligations d'Etat à faible risque), d'unités de compte (UC) (parts d'OPCVM 3 ( * ) , actions, obligations) ou enfin une combinaison des deux, ce qui est le cas des contrats dits « multi-supports ».

Les produits de ces contrats sont soumis aux prélèvements sociaux d'un montant global de 12,1 % 4 ( * ) . Cependant, les modalités de prélèvement diffèrent , selon qu'il s'agit d'un contrat exprimé ou non en unités de compte, en raison de leur nature particulière .

En effet, la rémunération d'un contrat en euros dont le capital est garanti bénéficie d'un « effet cliquet ». Le taux net global ne peut être remis en cause quelle que soit l'évolution des taux. En revanche les contrats en unités de compte sont à capital variable. Leur rendement fluctue en fonction de la valeur à un moment donné des unités de compte qui les composent.

S'agissant des contrats d'assurance-vie dits « mono-support » ou « assurance-vie en euros », les prélèvements sociaux s'effectuent sur une base annuelle, lors de l'inscription des produits en compte . Le montant des intérêts est, en effet, calculé annuellement, puis il est crédité au compte de l'assuré.

Quant aux contrats composés d'unités de compte , le prélèvement est effectué au dénouement du contrat 5 ( * ) , en cas de rachat partiel ou total, ou même de décès 6 ( * ) , depuis le 1 er janvier 2010. Les contrats multi-supports qui constituent d'un point de vue juridique des contrats en unités de comptes, obéissent à la même règle.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'APPLICATION ANNUELLE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AU COMPARTIMENT EURO DES CONTRATS D'ASSURANCE-VIE MULTI-SUPPORTS

Le présent article propose d'aligner le rythme de l'imposition aux prélèvements sociaux du compartiment « euros » des contrats multi-supports sur celui des contrats en euros . En conséquence, le 1° du I du présent article modifie le 3° du II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

Il prévoit également au dénouement du contrat un mécanisme de restitution des sommes acquittées « au fil de l'eau » lorsque le montant qui a été payé s'avère à la fin du contrat être supérieur au montant des prélèvements sociaux devant être acquittés après calcul du rendement final et effectif du contrat multi-supports.

Le principe de régularisation ainsi que ses modalités d'application sont décrits au 2° du I du présent article. Deux cas sont envisagés. En cas de dénouement total, l'excédent est entièrement reversé au contrat. En cas de rachat partiel, ce dernier n'est reversé que proportionnellement 7 ( * ) . L'établissement payeur peut demander la restitution des sommes reversées à l'assuré. Celle-ci « s'effectue par voie d'imputation sur la contribution due par l'établissement payeur à raison des autres produits de placements. A défaut d'une base d'imputation suffisante, l'excédent de contribution non imputé est reporté ou remboursé . »

Le II du présent article opère une coordination avec l'ordonnance du 24 janvier 1996 instituant la CRDS afin de viser à l'article 16 de l'ordonnance le nouveau mécanisme de restitution en cas de « trop payé ».

Le III vise à ce que l'acompte des prélèvements sociaux versés par les assureurs en 2011 prenne en compte la nouvelle mesure.

Aux termes du IV , le présent article s'applique « aux produits inscrits aux bons ou contrats à compter du 1 er janvier 2011 8 ( * ) ». La réforme n'est donc pas rétroactive.

S'agissant de l'affectation des recettes supplémentaires ainsi générées, le V dispose que la Caisse d' amortissement de la dette sociale ( CADES ) en est la bénéficiaire .

Le gain immédiat de la mesure est de 1,6 milliard d'euros en 2011 , puis est décroissant jusqu'en 2019.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA COORDINATION DU NOUVEAU MÉCANISME AVEC LE BOUCLIER FISCAL

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels à l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Puis elle voté, à l'initiative de notre collègue Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, avec l'avis favorable du Gouvernement, une disposition visant à coordonner l'imposition aux prélèvements sociaux sur le compartiment en euros des contrats multi-supports avec le mécanisme du bouclier fiscal .

En effet, dans la mesure où les prélèvements sociaux seront désormais assis sur la partie « euros » de ces contrats, leur règlement doit avoir comme contrepartie le revenu correspondant, dans le cadre de la mise en jeu du bouclier fiscal. Sans cette coordination, ce nouveau prélèvement viendrait augmenter le montant des impositions sans contrepartie, ce qui pourrait conduire à une optimisation fiscale par le jeu des restitutions d'impôts.

En conséquence, le 2° du II bis nouveau modifie le 6 de l'article 1649-0 A du CGI.

Une coordination similaire est également prévue dans l'hypothèse d'une restitution de prélèvements sociaux à l'issue du contrat si une moins value ou une moindre valorisation était constatée. Il convient alors de prévoir explicitement que cette restitution vient diminuer le montant des autres impositions pour le calcul du bouclier fiscal.

A cet effet, le 1° du II bis nouveau modifie le premier alinéa du 3 de l'article 1649-0- A du CGI .

A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article a été modifié afin d' affecter le produit de l'imposition à la Caisse nationale des allocations familiales ( CNAF ) au lieu de la CADES. L'Assemblée nationale a également voté un amendement du Gouvernement tirant les conséquences du changement d'affectataire.

Enfin, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, elle a reporté l'entrée en vigueur du dispositif au 1 er mai 2011 .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La mesure proposée est se justifie par la part souvent prépondérante du compartiment « euros » dans l'investissement des contrats multi-supports.

Selon la Fédération Française des Sociétés d'Assurance, (FFSA), l'encours des contrats d'assurance-vie, soit 1 253 milliards d'euros en décembre 2009, se répartit de la façon suivante: 17 % en UC, 42 % sur le compartiment « euros » des multi-supports et 41% sur les contrats mono-support en euros. L'encours des unités de compte (dont la moitié est investie en action et l'autre moitié en support obligataire) s'élève donc à moins de 213 milliards d'euros contre près de 1 040 milliards d'euros souscrits sur des supports en euros.

Les contrats dits « UC purs » sont rares. Si l'on considère que l'ensemble des UC appartient au groupe des contrats multi-supports, la proportion d'UC représente moins de 29 % du total des encours des contrats multi-supports contre 71 % 9 ( * ) pour les compartiments euros.

S'agissant des flux en 2009 (soit près de 120 milliards d'euros), on observe que les cotisations se répartissent en moyenne à hauteur de 16 % sur les UC, 19 % sur les mono-supports euro et 65 % sur des contrats multi-supports.

Si ces chiffres doivent être interprétés avec toute la prudence nécessaire, face à des profils d'investisseurs très variés, il apparaît néanmoins que certains d'entre eux ont pu souscrire un contrat multi-supports, investi dans une très large majorité en euros, afin de reporter l'imposition des prélèvements sociaux au dénouement du contrat.

Le présent article tend donc à mettre fin à l'inégalité de traitement entre souscripteurs de contrats d'assurance-vie, selon que leur investissement en euros s'est porté sur un contrat mono-support ou multi-supports.

Il n'en reste pas moins que le dispositif proposé, qui vise à modifier le fait générateur d'imposition aux prélèvements sociaux des produits inscrits sur le compartiment en euros des contrats multi-supports, soulève une interrogation, celle de l'imposition d'une plus-value latente .

En effet, la provision mathématique est constituée d'un nombre de parts d'unités de comptes et non de la valeur de l'unité de comptes. La valorisation finale suit à la hausse ou à la baisse celle des marchés où les unités de compte sont investies.

Prélever par anticipation la CSG et la CRDS sur le compartiment « euros » du contrat multi-supports peut alors conduire un assuré à acquitter une imposition en l'absence in fine de produits, si la performance des unités de compte est moindre que prévue.

C'est pourquoi, d'un point de vue microéconomique, le mécanisme de restitution des sommes éventuellement trop perçues au dénouement du contrat, en cas de moins-value globale du contrat ou d'une moindre valorisation, est indispensable.

D'un point de vue macroéconomique, la disposition ne devrait pas déstabiliser la collecte des cotisations sur les contrats d'assurance-vie dans la mesure où l'attractivité fiscale du produit est maintenue. L'initiative de l'Assemblée nationale de reporter de quatre mois la date d'entrée en vigueur est raisonnable.

Enfin, votre rapporteur général rappelle que la taxation des compartiments euros des contrats multi-supports s'inscrit dans un plan de financement de la CNAF. Cette affection est cohérente avec les évolutions du schéma de reprise de dette par rapport au projet initial proposé par le Gouvernement 10 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 3 Organisme de placement collectif en valeurs mobilières.

* 4 8,2 % au titre de la contribution sociale généralisée (CSG), 0,5 % au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), 2 % au titre du prélèvement social, 0,3 % au titre des contributions additionnelles à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et 1,1 % au titre du revenu de solidarité active.

* 5 Cf. le 3 ° du II de l article L. 136-7 du code de la sécurité social : « [...] Sont également assujettis à cette contribution : [...] 3° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, ainsi qu'aux placements de même nature mentionnés à l'article 125-0 A du code général des impôts, quelle que soit leur date de souscription, à l'exception des produits attachés aux contrats mentionnés à l'article 199 septies du même code. »

* 6 Cf. article 18 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 7 L'excédent est versé à proportion du « rapport existant entre les primes comprises dans ce rachat et le montant total des primes versées net des primes comprises ».

* 8 A l'exception de ceux inscrits en compte au titre des intérêts techniques et des participations aux bénéfices de l'exercice 2010.

* 9 (1 253 x 0,42)/ (1 253 x 0,42) + (1253 x  0,17).

* 10 En effet, le Parlement a inséré dans le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale une disposition prévoyant que la CADES ne se voie affecter que des impositions à assiette universelle (comparable à celle de la CRDS ou de la CSG). En conséquence, dans le nouveau schéma, les nouvelles recettes sont affectées à la branche famille du régime général. La CADES se voit quant à elle affecter une fraction de contribution sociale généralisée (CSG).