II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME II (2010-2011)

Observations et décision de la Commission :

Cet article vise à créer une nouvelle taxe au profit de l'État appelée « contribution de solidarité territoriale », qui viendra alimenter, au côté d'une partie de la taxe d'aménagement du territoire, un nouveau compte d'affectation spéciale intitulé Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs .

En effet, dans le cadre du monopole dont bénéficie la SNCF, certaines lignes sont structurellement déficitaires - trains Corail inter-cités, Téoz ou Lunéa. Le déficit est évalué à 190 millions d'euros en 2009 par la SNCF et les besoins d'investissement de 1,5 à 2 milliards d'euros d'ici 2015. Jusqu'à présent, l'équilibre de ces lignes repose sur une péréquation interne des lignes à grande vitesse vers les lignes Corail.

Dans une logique d'ouverture à la concurrence des services de transports ferroviaires internationaux par la loi du 13 décembre 2009 qui préfigure celle des services de transports ferroviaires nationaux, ce modèle est condamné. En outre, le règlement européen n° 1370/2007 relatif aux obligations de service public prévoit des compensations pour les entreprises soumises à une telle obligation. C'est dans ce contexte que s'inscrit le présent article.

I.- CRÉATION D'UNE « CONTRIBUTION DE SOLIDARITÉ TERRITORIALE » (CST).

A.- LE RÉGIME FISCAL DE LA NOUVELLE TAXE

En application du nouvel article 302 bis ZC du code général des impôts, la CST est due par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs, réalisés en tout ou partie sur le réseau ferré national métropolitain.

Sont redevables les entreprises de transport ferroviaire autorisées à exploiter des services de transport mentionnés au IV de l'article 17-1 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs. N'entrent pas dans le champ d'application de la contribution, les services de transport ferroviaire de voyageurs conventionnés avec des autorités organisatrices en France. Par ailleurs, il est prévu qu'une entreprise redevable non établie en France devra désigner un représentant fiscal, chargé de procéder à l'ensemble des obligations fiscales.

La réalisation du service de transport constitue le fait générateur de la nouvelle contribution. L'assiette est égale au montant total hors taxe sur la valeur ajoutée du chiffre d'affaires afférent aux opérations situées dans le champ d'application de la TVA réalisé :

- au titre des prestations de transport ferroviaire de voyageurs et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées avec du matériel à grande vitesse pour la distance parcourue sur le réseau ferré national ;

- au titre des prestations de transport ferroviaire de voyageurs et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées avec du matériel autre pour la distance parcourue sur le réseau ferré national.

Les ministres chargés des transports, de l'économie et du budget fixent le taux de la CST, dans la limite de 5 % du chiffre d'affaires réalisé au titre des prestations réalisées avec du matériel grande vitesse, et dans la limite de 3 % pour celles réalisées avec du matériel autre.

Pour le reste, le régime de la CST suit celui de la TVA, notamment en matière de constatation, de recouvrement ou encore de réclamations. Par ailleurs, le II de l'article 302 bis ZC prévoit que la taxe est due à compter des sommes encaissées en décembre 2010.

B.- LA PARTICIPATION FINANCIÈRE NÉCESSAIRE DES AUTRES OPÉRATEURS

En vertu du cahier des charges approuvé par décret du 13 décembre 1983, la SNCF dispose d'un monopole d'exploitation des lignes de transport de voyageurs conventionnées. Les lignes exploitées par les branches d'activité « SNCF Proximités » et « SNCF Voyages », communément dénommées « Corail » ou trains d'équilibre du territoire (TET), sont globalement déficitaires.

Le mode de financement actuel est fondé sur une péréquation interne entre les produits et charges de l'ensemble des lignes globalement excédentaires, telles que les lignes grande vitesse, vers ces lignes Corail.

Il existe une réelle nécessité de modifier le système de financement de ces lignes. En effet, pour l'exercice 2009, le déficit d'exploitation a été évalué à 190 millions d'euros, tandis que les besoins relatifs au renouvellement du matériel roulant ont été estimés entre 1,5 et 2 milliards d'euros pour les quinze années à venir.

Face à l'ouverture prochaine à la concurrence du marché des transports ferroviaires nationaux de voyageurs, le modèle économique de la SNCF ne paraît plus viable économiquement. Afin d'anticiper une baisse de rentabilité des lignes à grande vitesse aujourd'hui les plus rentables, il convient d'externaliser le système de péréquation en faisant contribuer l'ensemble des futurs opérateurs de transport de voyageurs sur le réseau ferroviaire au financement des TET.

Fondé sur le principe de solidarité, ce système permet à terme que la SNCF ne soit plus seule en charge du poids financier de ce service public.

II.- CRÉATION D'UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORTS CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS

A.- LE DISPOSITIF BUDGÉTAIRE

L'article 21 de la loi organique de 2001 définit le compte d'affectation spéciale (CAS) comme retraçant des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées.

En recette, le nouveau CAS intitulé Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs sera alimenté :

- dans une logique de péréquation , par le produit de la nouvelle taxe CST à hauteur de 175 millions d'euros ;

- et, dans une logique de report modal , par une fraction du produit de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes fixée à l'article 302 bis ZB du code général des impôts. Il est prévu, à l'article 34 du présent projet de loi, une augmentation de la TAT dont une partie - 35 millions d'euros - sera affectée au présent CAS.

En dépenses, le CAS retracera les contributions de l'État liées :

- à l'exploitation des services nationaux de transports de voyageurs conventionnés ;

- au financement du matériel roulant de ces mêmes services.

B.- LA LOGIQUE DE COMPENSATION DES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC

Au sens du règlement européen n° 1370/2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs, entré en vigueur le 3 décembre 2009, le fait pour la SNCF d'assurer un transport de voyageurs sur des lignes qu'elle n'assurerait pas ou n'assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie, si elle considérait son propre intérêt commercial, est assimilé à une obligation de service public.

Cette mission doit être précisée dans le cadre d'une nouvelle convention avec l'État, qui fixera notamment les modalités des « compensations de service public », contreparties à l'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET).

En l'espèce, le nouveau mode de financement des déficits des lignes d'équilibre du territoire présente de nombreux avantages.

D'une part, en intégrant au sein de son budget le financement de l'obligation de service public, aujourd'hui assumée par la SNCF, l'État entend assumer le rôle d'autorité organisatrice des TET. Dans la continuité du dispositif de compensation déjà existant, l'État souhaite pleinement garantir la pérennité des relations d'équilibre du territoire et améliorer la qualité du service aux usagers, sans que cela ne pèse sur les déficits publics.

D'un point de vue budgétaire, le nouveau mécanisme proposé assure une meilleure transparence et de ce fait un plein contrôle du Parlement sur le financement des TET. En effet, l'article 21 de la LOLF dispose que le total des dépenses en autorisations d'engagement et en crédits de paiement d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Aussi, il sera plus aisé d'exercer chaque année une régulation des flux, et de maîtriser les déficits structurels de ces lignes Corail.

À terme, lorsque la concurrence jouera pleinement entre les différentes entreprises de transport ferroviaire de voyageurs non conventionné, le déficit des TET sera pris en charge par l'ensemble du secteur, dans une logique de solidarité. Les territoires desservis, qui ont une importance particulière au regard des enjeux nationaux de la politique d'aménagement du territoire, pourraient trouver dans ce mode de financement un intérêt en terme de croissance économique.

Enfin, pour les usagers, la logique du système est intéressante, puisqu'ils n'auront pas à supporter de hausse prohibitive des tarifs. Les opérateurs des lignes excédentaires compenseront directement les déficits d'exploitation des TET.

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La Commission adopte l'article 33 sans modification .