MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux

VI. LE PROGRAMME « ENSEIGNEMENT TECHNIQUE AGRICOLE »

A. LES CRÉDITS PROPOSÉS PAR LE PLF POUR 2011

Témoignant du caractère interministériel de la mission, le programme « Enseignement technique agricole » regroupe 2,1 % des crédits de paiement de la mission.

A structure constante , les moyens du programme augmentent de 1,7 % par rapport à 2010.

Présentation des crédits de l'enseignement technique agricole pour 2011

(en euros)

Numéro et intitulé de l'action/sous action

Titre 2
Dépenses de personnel

Titre 3
Dépenses de fonctionnement

Titre 6
Dépenses
d'intervention

Total
pour 2011

01

Mise en oeuvre de l'enseignement dans les établissements publics

606 077 731

617 500

43 789 691

650 484 922

02

Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements privés

213 566 256

336 096 321

549 662 577

03

Aide sociale aux élèves (enseignement public et privé)

81 719 592

81 719 592

04

Évolution des compétences et dynamique territoriale

3 941 289

3 941 289

05

Moyens communs à l'enseignement technique agricole, public et privé

5 583 107

5 583 107

Total

819 643 987

6 200 607

465 546 893

1 291 391 487

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2011 - Projet annuel de performances « Enseignement scolaire »

B. UN ENSEIGNEMENT EFFICACE MAIS UN FINANCEMENT FRAGILE

1. Un ancrage au sein de la présente mission confirmé

Le Premier ministre a décidé le 3 septembre 2010 de ne pas transférer le programme « Enseignement technique agricole » vers la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » mais de le maintenir dans la mission « Enseignement scolaire ».

A la demande de Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, la modification du rattachement du présent programme avait été présentée au Parlement à l'occasion du débat d'orientation budgétaire.

Auditionné le 17 juin devant votre commission, le ministre de l'éducation nationale avait ainsi justifié ce projet de rattachement : « Il faut à mon sens en finir avec le système actuel. La LOLF a regroupé dans une mission unique l'enseignement scolaire et l'enseignement technique agricole, ce qui conduit chaque année à des ajustements budgétaires de dernière minute : cette année, 30 millions d'euros et une cinquantaine d'emplois ont été transférés vers le programme « Enseignement technique agricole ». Ce programme devrait être selon moi rattaché à une mission relevant du ministère de l'Agriculture. Je suis très soucieux de l'enseignement technique agricole, comme tous nos concitoyens, mais je plaide pour une meilleure lisibilité budgétaire (...) il n'est pas admissible que, chaque année, des crédits soient puisés à son profit, par voie d'amendements, dans la réserve supposément illimitée de l'Education nationale ! ».

Votre commission reconnaît que le rattachement du présent programme à la mission « Enseignement scolaire » s'est traduit par des transferts de crédits réguliers entre les programmes de l'éducation nationale et l'enseignement technique agricole .

Ainsi, entre 2006 et 2010, le programme 143 a bénéficié d'un abondement de 29,39 millions d'euros en provenance des programmes de l'éducation nationale.

Néanmoins, votre commission se félicite de l'arbitrage du Premier ministre, car elle jugeait particulièrement inopportun le transfert proposé : non seulement, ce dernier aurait conduit à fragiliser davantage le financement de cet enseignement déjà mis à mal, mais il aurait également constitué une sorte d'échec de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), en soulignant la prédominance des périmètres ministériels et l'impossibilité de faire émerger une stratégie interministérielle dans un secteur particulier.

S'agissant précisément de « l'interministérialité » de cette mission, votre commission souligne la nécessité de la concrétiser autrement que par une solidarité financière de la part du ministère de l'éducation nationale. Elle note que les liens entre les deux ministères ne sont pas inexistants, mais qu'ils mériteraient d'être renforcés, afin notamment de décloisonner davantage les deux types d'enseignement et de permettre une plus grande fluidité des parcours scolaires.

2. Des modalités de financement qui restent préoccupantes

L'enseignement agricole aurait accueilli, dans 838 établissements, 172 853 élèves en 2009-2010, dont 63 % dans l'enseignement privé . Entre 1995 et 2005, les effectifs de l'enseignement agricole auraient augmenté de 10 %, les évolutions étant toutefois contrastées entre l'enseignement public (+ 1,1 %) et l'enseignement privé (+ 16,1 %). Les résultats de cet enseignement restent très satisfaisants comme en témoignent les taux d'insertion présentés dans le projet annuel de performances.

Votre commission souhaite toutefois souligner plusieurs sujets de préoccupation.

a) Les questions de fermeture de classe et des reports de charge en 2010
(1) Les fermetures de classe : une politique soutenable ?

La restructuration des implantations de l'enseignement technique agricole et des classes à faibles effectifs entraîne des suppressions de postes et des fermetures de classe.

Ainsi le plafond d'emplois du programme diminuerait en 2011 de 214 emplois ETPT par rapport à 2010, dont 117 emplois ETPT au titre des enseignants ( cf . supra). Alors que l'enseignement public a bénéficié d'un moratoire à la rentrée 2010 (maintien des 75 postes devant être initialement supprimés), il serait soumis au droit commun des suppressions en 2011.

Cette évolution s'accompagne de la fermeture de classes. Ainsi, le bilan net des ouvertures et des fermetures est de - 25,5 classes en 2008/2009 dont (-) 21,75 classes dans le public et (+) 3,75 classes dans l'enseignement privé.

En 2009/2010, ce bilan net serait de (-) 65 classes dont (-) 44,1 dont l'enseignement public et - 20,9 dans l'enseignement privé.

A la rentrée 2010 , selon les informations communiquées à votre commission, cinq sites scolaires, totalisant vingt classes ont été fermés et les effectifs ont été transférés dans des établissements voisins. Ces suppressions concernent en premier lieu l'enseignement public qui enregistre la suppression de douze classes et la fermeture de trois sites.

Parallèlement à la révision de la carte d'implantations des établissements, le ministère étudie depuis cette année la pertinence du maintien des classes à petits effectifs (moins de dix élèves). Prenant en compte la répartition des effectifs en 2009, il a ajusté l'offre de formation à la rentrée 2010, en fermant huit structures et en opérant cinq regroupements. Les chiffres de 2009 soulignent en effet que l'enseignement agricole compte 524 classes à petits effectifs qui regroupent 2,7 % des élèves. Parmi ces classes, 125 ne sont tournées ni vers le secteur de la production, ni vers celui de l'agroalimentaire. Les mesures prises à la rentrée 2010 ont ainsi concerné 14 de ces classes.

Si votre commission reconnaît l'importance du nombre de classes ou de sections maintenues alors qu'elles regroupent un nombre d'élèves inférieurs aux seuils requis, elle s'interroge sur la soutenabilité d'une telle politique à moyen terme. La rationalisation de l'offre de formation, si elle se justifie, ne doit pas déboucher sur une remise en cause de l'enseignement technique agricole, notamment public, alors même que cet enseignement permet le plus souvent à des jeunes en difficulté de s'insérer.

(2) Les reports de charge reflètent le financement contraint de l'enseignement technique agricole

Le caractère extrêmement contraint du financement de l'enseignement technique agricole s'illustre chaque année par les prévisions des reports de charges.

En l'absence de la levée de la réserve de précaution, les reports de charges à la fin de l'année 2010 s'élèveraient à 17,79 millions d'euros en AE et 21,9 millions d'euros en CP , soit des montants nettement plus élevés que les reports de charge estimés l'année dernière pour l'année 2009.

La ventilation des reports serait la suivante :

- 3,28 millions d'euros en AE et 5,83 millions d'euros en CP pour l'enseignement privé du temps plein ;

- 10,37 millions d'euros en AE et 11,82 millions d'euros en CP  pour l'enseignement privé du rythme approprié ;

- 3,96 millions d'euros en AE et en CP  au titre des bourses ;

- 0,18 million d'euros en AE et 0,29 million d'euros en CP, au titre des accidents du travail.