IX. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE DU MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2011

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l'article 2.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, vous confondez la règle d'or et la règle du noeud coulant... Ce n'est quand même pas tout à fait pareil, à voir dans quel état on en sort !

Nous savons tous que l'impôt sur le revenu est théoriquement le plus juste, parce que le plus progressif. Il est d'autant plus juste que le nombre de tranches est élevé et les taux suffisamment échelonnés pour s'adapter aux capacités contributives des ménages.

Au nom de la concurrence fiscale et de prétendus critères d'attractivité qui n'ont jamais été étayés par la moindre démonstration, cet impôt a été régulièrement et volontairement l'objet d'attaques au cours des vingt dernières années. On est ainsi passé de treize tranches avant 1986 à sept tranches en 1994 sous le gouvernement Balladur, puis à quatre tranches en 2007, avec un taux marginal ramené à 40 % alors qu'il dépassait 65 % en 1982.

L'impôt sur le revenu a été dans le même temps mité de mesures dérogatoires, de niches fiscales dont la Cour des comptes souligne qu'elles ont, concernant l'impôt sur le revenu, augmenté de 142 % entre 2004 et 2009. Ces niches représentent un manque à gagner de 16 milliards d'euros au moins, si l'on en croit le rapport d'information de notre rapporteur Gilles Carrez, dont on connaît l'objectivité et la discrétion.

La priorité est aujourd'hui de redonner à cet impôt toute sa place, de supprimer les niches sans pertinence économique et sociale, et de créer de nouvelles tranches pour les fractions de revenu supérieures en fixant un taux marginal sensiblement plus élevé que l'actuel. La mesure de gel du barème, proposée le 7 novembre dernier par le Premier ministre, ne répond pas à cet objectif. Elle frappera essentiellement les salariés et les retraités, qui devront payer le principal de la facture adressée aux Français. Nous nous opposerons donc à l'amendement de suppression de l'article 2 proposé par la commission.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L'article 2, tel que rédigé par le Sénat, a le mérite de reprendre des éléments de la discussion que nous avions eue au sein même de cette assemblée sur des amendements émanant de la droite comme de la gauche, puisque certains de nos collègues de l'UMP proposaient une tranche à 46 %.

Le Sénat propose pour sa part d'instaurer une tranche à 45 % à partir de 100 000 euros, ce qui correspond à la proposition que nous avions faite. Il propose également, à travers d'autres articles et amendements, la suppression de nombreux dispositifs à cause desquels l'impôt sur le revenu n'est aujourd'hui plus progressif. On sait fort bien que, lorsque l'on monte dans l'échelle des revenus le taux d'imposition effectif baisse, en raison des niches fiscales mais aussi des prélèvements libératoires. C'est ainsi que les mille plus hauts revenus n'acquittent que 25 % de leurs revenus en impôts alors que la tanche marginale est à 41 %, tandis que les dix plus hauts revenus paient moins de 20 %.

Une réforme simple de l'imposition du revenu, qui élargisse l'assiette et rétablisse la progressivité, est donc nécessaire. C'est un débat que nous avons eu longuement et qui n'épouse pas strictement le clivage gauche-droite, puisque certains au sein de la majorité proposaient l'instauration d'une tranche à 45 ou 46 %. Dans la conjoncture actuelle, le Gouvernement aurait été bien inspiré d'entreprendre, au lieu de ses bricolages, cette nécessaire réforme de l'impôt sur le revenu.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. J'ai deux questions très simples. L'article 2 concerne le barème de l'impôt sur le revenu ; j'aimerais donc savoir en premier lieu, madame la ministre, à combien vous estimez le nombre de foyers fiscaux qui deviendront pour la première fois imposables au titre de l'impôt sur le revenu du fait du gel du barème. Le rapporteur général a déclaré en commission que ce nombre était difficile à évaluer mais il l'estimait entre cent et deux cent mille foyers fiscaux.

Ma seconde question porte sur votre remarque de tout à l'heure et n'a rien à voir avec l'article 2, et je m'en excuse : pouvez-vous nous confirmer que la TVA sur l'eau restera à 5,5 % comme c'est le cas actuellement dans le projet de collectif budgétaire ? Ce serait une nouveauté...

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Eckert, nous ne connaissons pas le nombre exact de personnes qui seront soumises pour la première fois à l'impôt sur le revenu pour la bonne et simple raison que, dans une année qui s'annonce difficile pour les entreprises, nous pensons que les hausses de salaires seront sans doute plus modérées.

M. Jean-Pierre Brard. Et les dividendes ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais l'ordre de grandeur que vous a donné le rapporteur est le bon. Vous savez cependant qu'en deçà de 60 euros, l'impôt n'est pas recouvré, et l'effet de seuil est lissé par cette disposition.

Pour ce qui concerne l'eau potable, je répète qu'il s'agit d'un produit alimentaire de base, d'utilisation courante, et que sa TVA restera à 5,5 %.

M. le président. L'amendement n° 98 présenté par M. Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il s'agit de supprimer l'article rédigé par le Sénat mais surtout de coordonner l'article 1 er de la loi de finances pour 2012 avec l'article premier du collectif que nous avons examiné la semaine dernière.

En effet, dans le cadre du plan annoncé par le Premier ministre le 7 novembre dernier et dont la traduction se retrouve pour partie dans le collectif, il a été décidé de ne pas indexer le barème de l'impôt sur le revenu sur les deux exercices 2012 et 2013. Puisque nous avions voté comme chaque année cette indexation pour 2012, il convient de supprimer l'article 2 de la loi de finances initiale pour 2012, pour être cohérent avec le collectif que nous avons adopté la semaine dernière.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable.

(L'amendement n° 98 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.