ARTICLE 5 TER (DEVENU ARTICLE 21 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
RÉDUCTION D'UN AVANTAGE FISCAL SUR LE FIOUL DOMESTIQUE UTILISÉ À USAGE PROFESSIONNEL

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (3ÈME SÉANCE DU JEUDI 20 OCTOBRE 2011)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 57 et 311, ainsi rédigés :

APRÈS L'ARTICLE 5, insérer l'article suivant :

À la quarantième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, le nombre : « 5,66 » est remplacé par le nombre : « 7,20 ».

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 311.

M. Charles de Courson. Je profite, mes chers collègues, de l'examen de cet amendement pour présenter plus généralement une mesure très importante de réduction des charges sociales patronales sur les bas salaires, pour les CDI dans le secteur agricole, pour des raisons sociales et des raisons de compétitivité. Un amendement sera déposé à cet effet à l'occasion de l'examen du budget de l'agriculture, dont nous discuterons en commission élargie au début de la semaine prochaine ; en attendant, puisque nous sommes en première partie, il nous faut le financer. Nous proposons de le faire par le biais de deux mesures, dont la première consiste à diminuer légèrement, à hauteur de 1,54 euro, la réduction de la taxe intérieure de consommation applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel à usage professionnel dont bénéficient le BTP et l'agriculture. Le tarif de ta TIC payée par ces secteurs passerait à 7,20 euros par hectolitre, ce qui permettrait de dégager 80 millions d'euros - dont, pour être très précis, 34 millions proviendraient de l'agriculture et 46 millions du BTP.

Un autre amendement, que nous examinerons un peu plus tard, concerne les boissons sucrées. Le Gouvernement présentera, en deuxième partie, la création d'une taxe dont le produit, de 120 millions d'euros, serait attribué à la caisse nationale d'assurance-maladie. Nous vous proposons de doubler le produit de cette taxe afin d'affecter 130 millions d'euros à la réduction de charges que nous envisageons.

Avec ces 80 millions d'euros et ces 130 millions d'euros, nous aurons ainsi les 210 millions d'euros nécessaires pour financer le dispositif que nous vous présenterons en deuxième partie ; nous demanderons alors au Gouvernement s'il veut bien lever le gage. Il serait important, madame la ministre, que vous puissiez dès maintenant nous dire si le Gouvernement est bien favorable à cette mesure : elle se traduira par une réduction de près d'un euro du coût salarial pour les rémunérations comprises entre 1 SMIC et 1,4 SMIC. Pour éviter tout risque de trappe à bas salaire - objection fondée, les dispositifs existants l'ont montré -, nous avons prévu un plancher entre 1 et 1,1 SMIC un abattement linéaire entre 1,1 SMIC et 1,4 SMIC. Précisons que la réduction de charges ne portera que sur les cotisations conventionnelles, qui représentent à peu près 10 % du coût de la main-d'oeuvre.

Je veux appeler l'attention de mes collègues sur l'importance de cette mesure. Nous avions déjà mis en place un premier dispositif sur le travail occasionnel, mais celui-ci a eu un effet pervers : on a vu des employeurs ont substitué le travail occasionnel aux CDI... Ce que nous vous proposons aujourd'hui apparaît donc comme une mesure sociale anti-précarisation du travail en agriculture.

Il s'agit par ailleurs de faire face dans de meilleures conditions à la concurrence entre les différents pays de l'Union. Grâce à une série d'accords, germano-polonais, germano-roumain et quelques autres, l'Allemagne a atteint des taux horaires de six euros... On voit bien qu'il faut agir !

Tel est, mes chers collègues, l'objectif de ces trois amendements dont vous avez ici le premier.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 57.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission appuie totalement ce dispositif. Je veux à ce propos saluer tout le travail, de très grande qualité, réalisé par nos collègues Charles de Courson, Bernard Reynès et Serge Poignant, en liaison avec le Gouvernement.

Dans un premier temps, nous sommes amenés à examiner les amendements identiques n os 57 et 211, qui proposent de diminuer - très modérément - un abattement fiscal applicable au fioul utilisé comme gazole à usage agricole ou BTP. Une seconde disposition interviendra par la suite, qui concernera une autre taxe.

Je veux appeler votre attention, madame la ministre, sur un point de technique budgétaire très important. En première partie, nous allons ainsi créer des ressources. Celles-ci iront au budget général de l'État ; elles ne sont pas affectées, - Michel Bouvard rappelait le principe d'universalité il y a un instant. En seconde partie en revanche, nous proposerons avec Bernard Reynès, Charles de Courson, Serge Poignant et Christian Jacob un amendement visant à réduire le coût du travail salarié pour les emplois salariés à durée indéterminée dans le secteur agricole. Il est donc essentiel, madame la ministre, que vous nous donniez clairement votre accord sur ce dispositif afin que nous puissions déposer cet amendement qui, en seconde partie, constituera une charge, mais dont nous garantissons, dès à présent, l'équilibre général.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je remercie le Nouveau Centre et le rapporteur général pour ces amendements dont l'objectif est de trouver une ressource supplémentaire permettant de tenir un engagement pris solennellement par le Président de la République et qui consiste à abaisser les cotisations légales et conventionnelles, de façon à réduire d'un euro le coût de l'heure de travail des salariés permanents de l'agriculture payés autour du SMIC.

Cette exonération s'appliquerait à tous les salaires compris entre 1 et 1,4 SMIC ; elle serait dégressive, maximale pour une rémunération annuelle inférieure ou égale 1,1 SMIC et s'annulerait pour une rémunération annuelle supérieure à 1,4 SMIC. Le coût de la mesure pour l'ensemble des employeurs agricoles concernés est de 210 millions d'euros. L'idée est que les cotisations patronales soient prises en charge par l'État, ce qui assurerait la neutralité financière de la mesure pour les organismes concernés. Le dispositif sera géré pour le compte de l'État par les caisses de mutualité sociale agricole. Ce dispositif ne pourra évidemment pas entrer en vigueur avant d'avoir été soumis à l'examen de la Commission européenne, et son décret d'application sera évidemment soumis aux exigences de conformité au droit communautaire.

Pourquoi cette mesure ? Non seulement on ne compte que 15 % de salariés permanents dans le secteur de la production agricole, contre 78 % dans les autres secteurs de l'économie, mais cette disproportion qui tend à s'aggraver depuis 2004 : l'emploi permanent agricole baisse de 2,4 % par an en moyenne. Les CDI ne représentent dans ce secteur que 4 % des nouvelles embauches, contre 20 % dans les autres secteurs. Nous avons donc un réel problème de compétitivité de l'emploi permanent dans l'agriculture ; il nous faut le résoudre si nous voulons assurer à tous ceux qui travaillent dans nos exploitations agricoles une carrière, un métier et un statut durables.

Le Gouvernement est donc favorable à cette augmentation de la fiscalité du gazole qui, en réalité, pour reprendre les termes du président Cahuzac, est plutôt un rétrécissement d'une niche fiscale sur le gazole.

(Les amendements identiques n os 57 et 311 sont adoptés.)

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120022.asp#P456_83864