ARTICLE  26 BIS (DEVENU ARTICLE 60 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
PROROGATION POUR TROIS ANS DES EXONÉRATIONS SOCIALES DU BONUS EXCEPTIONNEL DE 1 500 EUROS EN OUTRE-MER

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 22 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 26

M. le président. L'amendement n° I-101, présenté par MM. Vergès et Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au premier alinéa du II de l'article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».

II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de la sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par l'État.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Je présente cet amendement au nom de notre collègue Paul Vergès, sénateur de la Réunion, qui ne peut pas être parmi nous ce soir. Je le ferai sans doute avec beaucoup moins de brio que lui. (Sourires.)

En mai 2009, dans un contexte économique et social difficile, le MEDEF de la Réunion avait signé un accord régional interprofessionnel instaurant un bonus exceptionnel de 50 euros, 60 euros ou 55 euros en fonction des tranches de salaires, exonéré de cotisations sociales et pour une durée maximale de trois ans, conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM.

Cet accord arrive à son terme le 31 décembre prochain.

En juin 2009, dans la continuité de l'accord régional interprofessionnel, et conformément à l'article 3 de la LODEOM permettant « de renvoyer à un accord de branche ou d'entreprise la fixation d'un montant du bonus exceptionnel », la branche bâtiment et travaux publics a signé un accord paritaire fixant différents niveaux du bonus exceptionnel pour les salariés du BTP, également exonéré.

Cet accord BTP a fait l'objet d'une extension ministérielle, le rendant applicable à toutes les entreprises du secteur.

Cet accord est intervenu alors même que le secteur du BTP connaissait déjà depuis six mois le début d'une crise d'activité pressentie, mais dont la gravité allait s'avérer sans précédent et qui, en deux ans, allait conduire à la perte de plus de 10 000 emplois, dont 7 000 emplois directs, et à un effondrement de 35 % de l'activité.

Or, au moment où les exonérations instituées par l'article 3 de la LODEOM arrivent à échéance - au 31 décembre 2011 -, le secteur du BTP est toujours en crise et la situation des entreprises et des emplois encore davantage fragilisée.

Alors que, en 2008, année précédant l'accord, le chiffre d'affaires du BTP à la Réunion s'élevait à plus de 2,1 milliards d'euros pour un effectif en emplois directs de près de 25 000 salariés, le chiffre d'affaires du secteur ne sera que de 1,3 milliard d'euros en 2011, avec un effectif qui stagne autour de 17 000 emplois.

Dans un tel contexte, et alors qu'en situation de crise les partenaires sociaux du BTP se sont montrés responsables et exemplaires, le maintien du bonus BTP et la fin des exonérations de cotisations s'annoncent comme un nouveau coup dur et difficilement surmontable, tant pour les entreprises que pour les salariés.

C'est la raison pour laquelle, au regard des difficultés des entreprises comme des salariés et, par ailleurs, de l'absence totale de visibilité quant à un hypothétique redressement de l'activité du secteur, il semble plus que souhaitable que le dispositif transitoire soit maintenu pendant trois nouvelles années.

Tel est, mes chers collègues, le sens de cet amendement que je ne peux, au nom de notre collègue Paul Vergès, que vous inviter à adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à prolonger un dispositif qui avait été mis en place en 2009 à la suite des graves mouvements sociaux dans les départements d'outre-mer.

Nous avons étudié comment le rapport Guillaume de l'Inspection générale des finances avait évalué cette niche sociale. Nous avons constaté qu'elle était finalement notée correctement. On peut donc considérer que l'amendement est justifié.

Le dispositif initial ne prévoyait pas de compensation par l'État, mais l'amendement envisage une telle compensation à compter de 2012. Le Sénat peut, me semble-t-il, l'adopter sans craindre de se tromper. La commission des finances s'en remet donc à sa sagesse.

J'ajoute que, en commission, notre collègue Georges Patient nous a bien fait percevoir, à cette occasion, la spécificité de l'outre-mer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce bonus salarial correspondait à un contexte social très particulier. Le contexte a disparu. Nous ne souhaitons pas pérenniser des niches fiscales et sociales qui arrivent à leur terme.

Si elle était adoptée, cette mesure coûterait 19 millions d'euros Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais quand j'entends Mme la ministre dire que le contexte a disparu, j'ai envie de lui demander d'écouter les élus de la Réunion. Je regrette d'ailleurs que Paul Vergès ne soit pas là, car il aurait pu nous expliquer la situation sur place en ce moment.

Si nous voulons éviter que la situation ne se dégrade et que de nouvelles explosions sociales et économiques graves ne se déclenchent , nous devons, en conscience, voter cet amendement. Comment peut-on dire que la situation que nous avons connue il y a trois ans n'existe plus alors que le nombre d'habitants au chômage à la Réunion est de plus en plus grand ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 26.