II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N°3805 XIIIÈME LÉGISLATURE PREMIÈRE LECTURE

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de simplifier et d'accroître l'efficacité du recouvrement des indus versés par Pôle emploi, en particulier s'agissant des sommes versées aux demandeurs d'emploi pour le compte de l'État ou du Fonds de solidarité. Il s'agit d'une part de permettre à Pôle emploi d'assurer de façon autonome la gestion de ces indus, d'autre part de renforcer les règles permettant d'en limiter le nombre.

I.- LE RECOUVREMENT DES ALLOCATIONS INDUES VERSÉES PAR PÔLE EMPLOI : DES PROCÉDURES DIVERSES ET PEU EFFICACES

Les prestations versées par Pôle emploi donnent régulièrement lieu à des « trop-perçus », dont il est nécessaire d'obtenir le remboursement de la part des bénéficiaires. Toutefois, les procédures de recouvrement actuelles sont complexes et peu efficaces.

A.- LES ALLOCATIONS VERSÉES PAR PÔLE EMPLOI

En application du 4° de l'article L. 5312-1 du code du travail, Pôle Emploi assure pour son propre compte, pour le compte de l'État ou du Fonds de solidarité ainsi que pour le compte des employeurs publics visés à l'article L. 5424-1 du même code, le service des allocations de solidarité.

Les allocations versées par Pôle emploi pour son propre compte correspondent à l'ensemble des aides et mesures décidées par le conseil d'administration de Pôle Emploi à destination des demandeurs d'emplois (bons de transport, prise en charge de frais de déplacement, aide au reclassement...).

Les allocations versées par Pôle Emploi pour le compte des employeurs publics résultent de la décision de ces derniers de confier à Pôle emploi la gestion de l'allocation d'assurance par convention.

Les allocations versées par Pôle Emploi pour le compte de l'État et du Fonds de solidarité sont précisées dans le tableau ci-après.

ALLOCATIONS VERSÉES PAR PÔLE EMPLOI
POUR LE COMPTE DE L'ÉTAT ET DU FONDS DE SOLIDARITÉ

Montants des
allocations versées
(en M€)

Indus identifiés
en 2010

(en M€)

Indus récupérés en 2010

(en M€)

Taux de recouvrement
en 2010

2010

2011

allocation de solidarité spécifique (ASS)

1 900

1 940

51,80

27,82

53,71 %

ACCRE ASS (allocataires créateurs-repreneurs d'entreprises)

33

39

0,38

0,25

65,79 %

allocation équivalent retraite (AER)

461

290

2,04

1,25

61,27 %

AER 2009 et 2010

187

212

1,43

1,03

72,03 %

prime forfaitaire / intéressement à la reprise d'emploi

59

64

4,22

2,91

68,96 %

prime retour à l'emploi (PRE)

53

6

0,07

0,04

57,14 %

allocation de fin de formation (AFF)

130

60

1,63

1,17

71,78 %

Allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (AFDEF)

139

192

3,53

1,85

52,41 %

allocation temporaire d'attente (ATA)

152

174

3,58

1,34

37,43 %

allocation complémentaire (ACO)

2

2

0,62

0,56

90,32 %

allocations fonds intermittents du spectacle

12

10

0,09

0,06

66,67 %

préretraites progressives (PRP)

15

6

0,73

0,57

78,08 %

Allocation spéciale du Fonds national de l'emploi (AS-FNE)

140

108

1,17

0,85

72,65 %

Rémunération publique des stagiaires

3

1

0,07

0,04

57,14 %

Prime de 500 €

12

0

0,16

0,15

93,75 %

aide exceptionnelle pour l'emploi - plan rebond (AEPE)

10

18

0,28

0,09

32,14 %

TOTAL

3 308

3 122

71,80

39,98

55,68 %

Il ressort de ce tableau que les procédures de recouvrement actuelles ne permettent de récupérer que 56 % des montants indus identifiés, ce qui correspond à une perte pour l'État d'environ 32 millions d'euros chaque année pour ces seules allocations.

B.- DES PROCÉDURES LONGUES ET COMPLEXES DE RECOUVREMENT DES ALLOCATIONS INDÛMENT VERSÉES PAR POLE EMPLOI

1.- Des circuits de recouvrement hétérogènes selon les allocations

Il convient de distinguer le circuit de recouvrement des indus selon le type d'allocations versées par Pôle Emploi :

- pour les allocations versées pour son propre compte, Pôle emploi intervient directement ;

- pour celles versées pour le compte de l'État et du Fonds de solidarité, le circuit de recouvrement est précisé dans le cadre des conventions de gestion de ces allocations et fait intervenir, outre Pôle Emploi, plusieurs services de l'État.

Ce circuit comprend toujours deux phases :

- la première phase de recouvrement amiable est réalisée par Pôle Emploi puisque la détection des indus relève de sa compétence. Lorsqu'un versement indu d'allocation est constaté, Pôle Emploi envoie une lettre à l'allocataire sur l'existence, le montant et la cause de l'indu et lui propose l'établissement d'un échéancier ou une compensation conventionnelle.

Pôle Emploi dispose d'un délai de 6 mois suivant la constatation de l'indu pour recouvrer les versements indus relatifs aux allocations de solidarité. Par exception, en matière d'allocation temporaire d'attente (ATA), la durée de la période de recouvrement amiable est fixée à 12 mois.

Au terme du délai de recouvrement amiable, Pôle emploi transmet un état des sommes non recouvrées aux services déconcentrés de l'État (seconde phase), sauf si le recouvrement amiable est en cours (échéancier ou compensation conventionnelle).

- la seconde phase de recouvrement, dit « contentieuse », fait donc intervenir les services déconcentrés de l'État : en cas d'échec du recouvrement amiable, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) établissent les titres de perception sur la base des informations communiquées par Pôle emploi concernant le montant et le motif de l'indu, et transmettent ces titres aux comptables compétents des directions régionales des finances publiques (DRFiP). Ces titres doivent être motivés : ils doivent préciser la cause de l'indu et la période sur laquelle ils portent.

Les demandeurs d'emploi sont susceptibles d'exercer un recours contre les indus qui leur sont réclamés (remise gracieuse ou contestation du bien fondé de l'indu). Les recours portant sur le bien fondé des indus (contestation du montant ou de l'existence même de l'indu) sont instruits par les DIRECCTE, tandis que les comptables publics sont seuls compétents pour décider des remises gracieuses des titres relatifs aux indus.

Enfin, les comptables des DRFiP recouvrent les sommes indûment perçues, sur la base des titres de perception établis par les DIRECCTE. Elles notifient le titre exécutoire au demandeur d'emploi.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, il n'est pas rare que l'ensemble de la procédure de recouvrement des allocations versées pour le compte de l'État prenne un à deux ans. Ces difficultés avaient été signalées en 2006 par une mission d'audit de modernisation sur l'allocation de solidarité spécifique (ASS), conduite par l'IGF et l'IGAS, qui avait jugé la segmentation de la gestion des indus peu efficace. Ces difficultés sont renforcées par le fait que Pôle emploi ne dispose pas d'outils juridiques permettant d'assurer efficacement le recouvrement des indus.

2.- Un pouvoir de contrainte de recouvrement insuffisant

La contrainte est une procédure exorbitante de droit commun. Elle ne nécessite par l'intervention du tribunal mais produit les mêmes effets qu'une décision de justice susceptible d'exécution. Elle permet ainsi à l'institution créancière d'engager l'ensemble des procédures d'exécution, notamment la saisie des comptes bancaires et la saisie des biens mobiliers du débiteur. La contrainte est signifiée par voie d'huissier de justice.

À ce jour, Pôle Emploi ne dispose pas de pouvoir de contrainte, contrairement aux organismes de sécurité sociale pour recouvrer les prestations sociales indues, les cotisations de sécurité de sociale impayées, les sommes indûment perçues par les professionnels de santé et les établissements de santé qui ne respectent pas les règles de tarification ou de facturation... (article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale).

3.- Un mode de recouvrement différent selon les allocations

Pour les prestations versées pour le compte de l'État, le code du travail prévoit que les montants indus au titre de l'ASS et de l'ATA peuvent être récupérés par retenues sur des prestations ultérieures (articles L. 5423-5 et L. 5423-13). Il n'est donc pas permis d'effectuer un recouvrement sur d'autres prestations versées au même bénéficiaire par Pôle Emploi. Le code du travail fixe en outre un seuil en deçà duquel les indus relatifs à l'ASS (article R. 5423-14) et à l'ATA (article R. 5423-30) ne sont pas recouvrés.

De la même manière, pour les prestations versées pour le compte de l'État et du Fonds de solidarité, le code du travail n'autorise pas Pôle Emploi à accorder des remises gracieuses aux demandeurs d'emploi ou à renoncer au recouvrement de créances irrécupérables. Ainsi, seul le comptable public (au sein des DRFiP) est actuellement compétent pour accorder une remise gracieuse ou admettre en non-valeur une créance relative aux allocations de solidarité.

II.- SIMPLIFIER LA PROCÉDURE DE RECOUVREMENT ET MIEUX LUTTER CONTRE LA FRAUDE SOCIALE

Les objectifs de la réforme sont de permettre à Pôle Emploi d'assumer seul l'ensemble de la procédure de recouvrement des indus et de le doter d'outils juridiques lui permettant d'améliorer le taux de recouvrement de ces indus.

A.- CONFIER A POLE EMPLOI L'ENSEMBLE DE LA PROCÉDURE DE RECOUVREMENT DES ALLOCATIONS INDUES QU'IL VERSE

Le dispositif proposé à l'article L. 5426-8-1 du code du travail vise à autoriser Pôle Emploi à procéder, pour l'ensemble des allocations qu'il verse, à la récupération des indus de manière autonome.

Ce nouveau dispositif permettra à Pôle Emploi d'organiser de façon plus homogène et plus rationnelle ses procédures de recouvrement. Il permettra en outre aux services déconcentrés de l'État de ne plus intervenir dans le cadre de mécanismes auxquels ils n'apportent qu'une valeur ajoutée très limitée.

La simplification concerne enfin les usagers, qui n'auront plus qu'un seul interlocuteur pour le recouvrement des indus les concernant, avec des procédures plus simples et plus rapides. Le cas échéant, leur situation personnelle pourra être mieux appréciée dans la mesure où Pôle Emploi sera responsable de l'ensemble de la procédure.

Ce dispositif emporte des conséquences sur les recettes et les dépenses de l'État. En effet, puisque Pôle Emploi procédera directement au recouvrement contentieux des indus en lieu et place des DIRECCTE et des DRFiP, ceci se traduira par une diminution des recettes de l'État. En revanche, cette mesure de rationalisation de procédures administratives devrait permettre des gains de productivité dans le fonctionnement des services de l'État, sur lesquels sont assises les suppressions d'emplois programmées dans la trajectoire de redressement des comptes publics présentée par l'État pour la période 2011-2013. Selon l'évaluation préalable du présent article, cette mesure permettrait de supprimer 20 ETP en 2012 et 2013 au sein des services de l'État sans pour autant constituer un transfert de charges sur Pôle Emploi qui dispose déjà des personnels de gestion chargés du recouvrement des indus. Au total, le dispositif proposé devrait diminuer les recettes et les dépenses de l'État pour un montant de l'ordre d'un million d'euros.

B.- DOTER PÔLE EMPLOI D'OUTILS JURIDIQUES PLUS EFFICACES POUR ASSURER UN MEILLEUR RECOUVREMENT DES INDUS

1.- Doter Pôle Emploi d'un pouvoir de contrainte

Le présent article prévoit de doter le directeur général de Pôle Emploi, ou la personne qu'il désignera au sein de l'institution, d'un pouvoir de contrainte pour le remboursement de toutes les allocations que Pôle Emploi verse pour son compte ou celui de l'État, du Fonds de solidarité et des employeurs publics. Les conditions et les délais d'exercice de ce pouvoir de contrainte devront être précisés par voie réglementaire. Cette contrainte comportera tous les effets d'un jugement et conférera notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

En pratique, la procédure de recouvrement des allocations indûment versées se déroulera de la manière suivante :

1) Constatation de l'indu par Pôle Emploi et information du demandeur d'emploi concerné qui devra présenter ses observations dans un délai fixé par décret (un ou deux mois) ;

2) Notification de l'indu par Pôle Emploi au demandeur d'emploi concerné qui disposera d'un nouveau délai pour exercer un recours le cas échéant (un ou deux mois) ;

3) À l'issue de ce délai, mise en demeure du demandeur d'emploi concerné de procéder au remboursement des sommes indûment versées par Pôle Emploi sous peine du déclenchement de la contrainte.

Le Gouvernement espère ainsi améliorer le taux de recouvrement des indus et réduire les délais de recouvrement à moins de six mois. Selon l'évaluation préalable du présent article, une réduction de seulement 1 % du montant total des indus, associée à une augmentation de 1 % des montants recouvrés, permettrait de réaliser une économie de plus de 1,2 million d'euros au titre des allocations de solidarité.

2.- Autoriser Pôle Emploi à procéder à des remises gracieuses

Le présent article autorise Pôle Emploi à différer ou à abandonner la mise en recouvrement des allocations indûment versées pour son propre compte comme pour le compte de l'État, du Fonds de solidarité ou des employeurs publics précités.

Les conditions dans lesquelles Pôle Emploi pourra décider de différer ou d'abandonner la mise en recouvrement de prestations indues, notamment en présence de bénéficiaires insolvables, seront précisées par décret.

Il s'agit, en pratique, de ne pas procéder au recouvrement des créances dont le montant ne dépasse pas un certain montant fixé par décret, ainsi que le prévoit déjà le code du travail s'agissant du recouvrement de l'ASS et de l'ATA (articles R. 5423-14 et R. 5423-30).

3.- Simplifier le mode de recouvrement des indus

Le présent article propose enfin d'autoriser Pôle Emploi à procéder au remboursement des sommes indûment versées, par retenue sur les échéances à venir « dues à quelque titre que ce soit », selon des modalités précisées par décret. Il prévoit également que « les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage des échéances mensuelles ».

Cette rédaction emporte deux conséquences :

- désormais Pôle Emploi pourra effectuer ce recouvrement, non plus seulement sur la prestation sur laquelle a été constaté l'indu, mais également sur d'autres prestations qu'il peut être amené à verser au bénéficiaire concerné pour son compte ou pour le compte de l'État, du Fonds de solidarité ou des employeurs publics ;

- toutefois, les retenues ne pourront dépasser un pourcentage des échéances mensuelles, ce qui limite le montant susceptible d'être recouvré en une ou plusieurs fois et garantit au bénéficiaire concerné un minimum de prestations sociales mensuelles. Il est toutefois surprenant que le dispositif ne laisse pas la possibilité au bénéficiaire d'opter pour un remboursement intégral en un seul versement, si le montant en cause est supérieur au minimum fixé par décret, alors que cette option est ouverte aux bénéficiaires d'allocations familiales en cas de recouvrement de sommes indûment versées par les organismes de sécurité sociale (article L. 553-2 du code de la sécurité sociale).

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La Commission adopte l'article 27 sans modification .