III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article vise à supprimer la subordination au plafond fixé par les lignes directrices communautaires du capital-investissement pour les versements aux entreprises solidaires actives en matière de logement social permettant de bénéficier des réductions d'impôts dites « Madelin » ou « ISF-PME ».

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts, un contribuable peut bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu (IR) de 25 % 1 ( * ) au titre des investissements dans les petites moyennes entreprises (PME) et fixe les conditions dans lesquelles cet avantage fiscal trouve à s'appliquer.

A l'article 885-0 V bis du même code se trouve codifié un dispositif similaire, quoique plus puissant (son taux étant actuellement de 50 %) concernant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Entre autres conditions, les versements ouvrant droit à la réduction d'IR ou d'ISF ne peuvent , en application des lignes directrices communautaires du capital-investissement, dépasser un plafond commun de versements de 2,5 millions d'euros apprécié par période « glissante » de douze mois . Le d du VI quinquies de l'article 199 terdecies -0 A ainsi que le d du VI de l'article 885-0 V bis du code général des impôts renvoient ainsi explicitement au respect de ce plafond pour que les avantages fiscaux trouvent à s'appliquer.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson avec l'accord de la commission des finances et du Gouvernement, vise à compléter le d du VI quinquies de l'article 199 terdecies -0 A ainsi que le d du VI de l'article 885-0 V bis du code général des impôts de façon à ce que le plafond communautaire ne s'applique pas aux versements au titre de souscriptions effectuées au capital des entreprises solidaires 2 ( * ) qui ont exclusivement pour objet :

- soit l'étude, la réalisation ou la gestion de construction de logements à destination de personnes défavorisées ou en situation de rupture d'autonomie et sélectionnées par une commission de personnes qualifiées , la société bénéficiant d'un agrément de maîtrise d'ouvrage en application des articles L. 365-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

- soit l'acquisition, la construction, la réhabilitation, la gestion et l'exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers en vue de favoriser l'amélioration des conditions de logement ou d'accueil et la réinsertion de personnes défavorisées ou en situation de rupture d'autonomie, la société bénéficiant d'un agrément d'intérêt collectif.

En outre, il est précisé que le bénéfice de cette dérogation est subordonné au fait que la société :

- ne procède pas à la distribution de dividendes ;

- et réalise son objet social sur l'ensemble du territoire national.

Cette abrogation s'appliquerait aux souscriptions effectuées à compter du 1 er janvier 2013.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article reprend un dispositif adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2011, mais repoussé par le Sénat 3 ( * ) , la commission mixte paritaire en ayant confirmé la suppression.

Votre rapporteure générale en approuve la logique , tant sont avérés les besoins de financement des entreprises solidaires actives dans le domaine du logement social en faveur des plus démunis.

En outre, le présent article ne paraît pas poser de réelle difficulté, ni sur le plan juridique, ni sur le plan budgétaire.

En termes juridiques , il s'agit, en effet, de déroger à un plafond fixé par des lignes directrices communautaires. Cependant, le risque encouru par la France semble faible car :

- d'une part, au vu des critères retenus et de l'activité visée, les échanges intra communautaires ne sont pas de nature à être affectés , ce qui exclut la qualification d'aide d'Etat ;

- d'autre part, en vertu de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels sont considérées comme compatibles avec le marché intérieur. Là encore, les critères retenus par le présent article assurent que les avantages fiscaux consentis aux souscripteurs profitent, en réalité, directement aux personnes défavorisées qui bénéficient des logements. Il convient d'ailleurs de se demander si d'autres actions dans lesquelles des entreprises solidaires sont actives ne pourraient entrer dans ce champ, suivant la même logique.

En termes budgétaires , votre rapporteure générale ne dispose pas d'estimation du coût de cette mesure. Toutefois, son impact devrait être très limité . En effet, elle ne modifie en rien le régime applicable aux contribuables (en particulier leur plafond d'investissements éligibles ou le taux de réduction d'impôt), mais uniquement le plafond d'investissements ainsi « subventionnés » que peuvent recevoir certaines entreprises solidaires, en nombre très limité. S'il était adopté, le présent article devrait donc davantage permettre une répartition différente de ces souscriptions au capital de PME (en faveur des entreprises solidaires actives en matière de logement social) qu'une augmentation globale de la dépense fiscale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Avant application du « rabot » de 15 % sur les niches fiscales par l'article 45 du présent projet de loi de finances, susceptible de ramener ce taux à 21 %.

* 2 Ces entreprises sont mentionnées à l'article L. 3332-17-1 du code du travail.

* 3 Rapport Sénat n° 620, tome I (2010-2011), commentaire de l'article 17 quinquies .