II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 46 bis (nouveau)

I. - Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 31-10-2 est ainsi rédigé :

« Les prêts mentionnés au présent chapitre sont octroyés aux personnes physiques, sous condition de ressources, lorsqu'elles acquièrent ou font construire leur résidence principale neuve en accession à la première propriété. Les prêts émis à compter du 1 er janvier 2013 sont octroyés sous condition de performance énergétique. Aucun frais de dossier, frais d'expertise, intérêt ou intérêt intercalaire ne peut être perçu sur ces prêts. » ;

2° L'article L. 31-10-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Remplissent la condition de ressources mentionnée à l'article L. 31-10-2 les personnes physiques dont le montant total des ressources, mentionné au c de l'article L. 31-10-4, divisé par le coefficient familial, apprécié selon les modalités fixées à l'article L. 31-10-12, est inférieur à un plafond fixé par décret, en fonction de la localisation du logement. Ce plafond ne peut être supérieur à 49 500 € ni inférieur à 16 500 €. » ;

3° Au premier alinéa de l'article L. 31-10-12, après le mot : « suivant », sont insérés les mots : « un maximum de ».

II. - À la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 244 quater V du code général des impôts, le mot : « versés » est remplacé par le mot : « émis » et le montant : « 2,6 milliards d'euros » est remplacé par le montant : « 800 millions d'euros ».

III. - Les I et II s'appliquent aux prêts émis à compter du 1 er janvier 2012.

III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article propose un recentrage du PTZ+ sur certains logements et un plafonnement de son bénéfice en fonction des ressources pour aboutir à une diminution de 69 % de la dépense fiscale.

I. LE PREMIER BILAN DU PTZ + MONTRE UN CIBLAGE SOCIAL INSUFFISANT

A. LE PTZ +, HÉRITIER DE PLUSIEURS DISPOSITIFS D'AIDE À L'ACCESSION

Le prêt à taux zéro plus (PTZ+) a été créé à l'occasion de la réforme des dispositifs d'aide à l'accession à la propriété, votée en loi de finances pour 2011 et sa distribution a débuté en janvier 2011.

Il succède à plusieurs dispositifs antérieurs :

- l'ancien prêt à 0 % ;

- le Pass-foncier 1 ( * ) ;

- et la déduction des intérêts d'emprunt de l'impôt sur le revenu (issue de la loi TEPA).

Ce nouvel outil prend la forme d'un prêt à taux zéro à remboursement différé.

Par rapport au dispositif antérieur, le PTZ+ présente plusieurs caractéristiques :

- il est ouvert à un champ de bénéficiaires plus large que l'ancien prêt à 0 % dans la mesure où l'ensemble des ménages peuvent en bénéficier, sans plafonds de ressources. En revanche, il est limité aux primo-accédants , contrairement au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts ;

- les montants de prêts sont revalorisés pour suivre la réalité des prix de l'immobilier (particulièrement en zone tendue) mais la différenciation des territoires est accrue ;

- les durées de remboursement, qui dépendent non seulement des ressources mais également de la composition familiale du ménage, sont allongées, avec une durée maximale de 30 ans ;

- l'acquisition de logements neufs titulaires du label Bâtiment basse consommation « BBC » et l'acquisition de logements anciens performants énergétiquement sont encouragées. La quotité du prêt est réduite si, pour les logements neufs, la norme « BBC » n'est pas respectée et pour les logements anciens, s'ils appartiennent à une catégorie énergétique E, F ou G du diagnostic de performance énergétique (DPE) ;

- le coût total de la dépense fiscale au titre du PTZ+ est limité, par la loi , à 2,6 milliards d'euros annuels .

B. UN BILAN CONTESTABLE DU FAIT DE SON ABSENCE DE CIBLAGE

Bien que sa distribution par les banques n'ait débuté que récemment, un premier bilan partiel du nouveau dispositif, sur la base des éléments statistiques connus au 1 er juillet 2011, a pu être dressé par les services de l'Etat.

Il fait apparaître tout d'abord que les effectifs de PTZ+ émis en 2011 au premier semestre sont conformes aux prévisions .

Sur le premier semestre, le nombre de prêts émis s'établit selon les sources entre 155 191 et 173 816 PTZ+. L'objectif initial de 380 000 prêts en fin d'année devrait donc pouvoir être atteint.

En se limitant aux ménages dont les ressources sont inférieures aux plafonds de l'ancien PTZ, les réalisations devraient être supérieures à celles du prêt à 0 % avant plan de relance (les effectifs se situaient entre 200 000 et 240 000). Ces chiffres favorables qu'il convient de souligner, tiennent aussi au fait que le PTZ+ a succédé à trois dispositifs antérieurs.

En ce qui concerne le recentrage du dispositif sur le neuf et sur les zones tendues , des résultats contrastés apparaissent.

La part des logements neufs dans les opérations d'acquisition est plus faible que prévue . Elle s'établit, en effet, à 24 % pour une prévision de 33,6 %.

En revanche, la répartition géographique des opérations est conforme aux objectifs du Gouvernement, au moins pour les émissions mensuelles de PTZ+ sous plafonds PTZ.

En zone A, les émissions PTZ+ sont supérieures à celles de la période 2005-2008 et équivalentes à celles du plan de relance (2009-2010). En zone C, au contraire, les émissions sont légèrement inférieures à celle du PTZ. L'objectif de rationalisation des aides à l'accession selon la tension des marchés immobiliers et le taux de ménages propriétaires en zone détendue, (69 % de propriétaires en zone C contre 45 % en zone A), est donc atteint.

En ce qui concerne le ciblage social du dispositif , le Gouvernement observe « une sous-représentation des tranches de niveaux de vie les plus élevées des bénéficiaires » et estime « qu'il n'a pas atteint la part des bénéficiaires attendue au delà des anciens plafonds de ressources de l'ancien PTZ, avec un taux de chute d'autant plus fort que l'aide attachée au PTZ+ est faible : la part des bénéficiaires située au dessus des anciens plafonds du PTZ, évaluée à 36 %, se retrouve en réalité à 23 %, soit une baisse de 36 %. » 2 ( * )

Cette sous représentation serait particulièrement marquée pour les tranches 9 et 10 correspondant aux revenus les plus élevés.

Au total, le bilan réalisé estime que « le ciblage social est efficace puisque les 20 % de bénéficiaires les plus modestes reçoivent 37 % de l'aide totale de l'Etat . »

Cette appréciation du ciblage social du PTZ+ est contestable.

En premier lieu, ce dispositif n'a pas été conçu pour être social puisqu'il repose sur le principe de l'universalité - c'est-à-dire l'absence de plafond de ressources - a été retenu pour cette aide à l'accession c'est uniquement en raison de l' héritage reçu de la déduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunt de la loi TEPA.

Or l'ouverture du PTZ+ à l'ensemble des ménages, sans condition de ressources, constitue une erreur.

Elle participe à la tension des prix de l'immobilier en injectant inutilement de la dépense publique sur le marché.

Elle est la source d'une véritable injustice dans la répartition des moyens de la collectivité pour l'aide à l'accession à la propriété.

Le projet annuel de performances de la mission « Ville et logement » pour 2012 se fixe ainsi pour objectif de porter le pourcentage des bénéficiaires du PTZ+ à revenus aisés (tranches 9-10) à 55 % des bénéficiaires du nouveau PTZ (avec une cible à 50 % en 2013), alors que l'ancienne formule était concentrée à hauteur de 56 % sur la population des actuels bénéficiaires du PTZ + à revenus modestes (tranches 1-3).

Le document budgétaire explique ainsi que « le nouveau produit, bien qu'universel, privilégie les accédants à revenus modestes ou moyens » !

Source : projet annuel de performances « Ville et logement » pour 2012

Paradoxalement, on constate d'ailleurs, dans les faits, un décalage entre l'affichage d'un dispositif « universel », dont on souhaite qu'il profite surtout aux plus riches, et le bilan des premiers mois d'exécution , tel qu'il ressort des éléments présentés ci-dessus et qui montre que les bénéficiaires à hauts revenus ne semblent pas manifester une grande attirance pour ce produit.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte de l'adoption d'un amendement du Gouvernement dont l'objet est de diminuer le coût fiscal du PTZ+ .

L'aide de l'Etat est ainsi réservée :

- pour les logements neufs , à ceux qui justifient d'un niveau élevé de performance énergétique et qui sont situés dans les zones les plus tendues, soit selon l'exposé des motifs de l'amendement, les zones A et B1.

- pour les logements anciens , à ceux dans lesquels des travaux sont réalisés. A défaut de précision complémentaire figurant dans le texte proposé, puisque les conditions et les barèmes du prêt sont fixés par décret, l'exposé des motifs de l'amendement indique qu'il s'agira de travaux importants réalisés lors de l'acquisition.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale propose également de placer le prêt à taux zéro sous plafond de ressource , afin de renforcer l'efficacité de la dépense publique. En plus de la mise sous conditions de ressources, le barème réglementaire sera ainsi revu pour mettre l'accent sur les classes moyennes.

Le barème retenu est spécifique. Seul le plancher et le plafond de ressources annuel par ménage figurent dans le texte adopté ainsi que les modalités de calcul qui font référence au coefficient multiplicateur familial déjà existant.

Pour un plancher et un plafond définis par la loi respectivement à 16 500 euros et 49 500 euros, le barème familialisé serait donc le suivant :

Planchers et plafonds de ressources après familialisation

1 personne

2 personnes

3 personnes

4 personnes

5 personnes

Coefficient familial

1

1,4

1,7

2

2,3

minimum

16 500

23 100

28 050

33 000

37 950

maximum

49 500

69 300

84 150

99 000

113 850

Source : commission des finances

Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, les barèmes détaillés du prêt à taux zéro ainsi que leur modulation selon les zones géographiques resteront fixés par décret.

Les trois mesures de recentrage doivent aboutir à diminuer le « plafond de dépense générationnelle totale » à 800 millions d'euros, contre 2,6 milliards d'euros actuellement .

Ce plafond constitue une particularité et une innovation majeure du PTZ+ . Pour la première fois, en effet, la dépense fiscale a fait l'objet d'un plafonnement global. L'article 244 quater V du code général des impôts impose, en effet, le respect d'une enveloppe de dépense calculée par rapport au coût pour l'Etat d'une « génération » de prêt (et non par année de dépense fiscale). En conséquence, les conditions d'attribution et les modalités des prêts sont revus tous les ans par décret, une étude d'impact devant faire apparaître les mesures prises pour que le montant de crédits d'impôt accordés, au titre des PTZ + versés sur une même période de douze mois, ne dépasse pas le montant plafond. Celui-ci a été fixé par la loi de finances pour 2011 à 2,6 milliards d'euros. Son abaissement à 800 millions d'euros (soit une diminution de 69 %) montre l'ampleur des restrictions proposées par le Gouvernement par le présent article.

L'amendement du Gouvernement a été sous-amendé à l'initiative de plusieurs de nos collègues députés dont Gilles Carrez, Marc Le Fur, Pierre Méhaignerie et Michel Piron afin :

- de réserver le PTZ+ aux seuls logements neufs qui justifient d'un niveau élevé de performance énergétique et donc de supprimer le PTZ+ dans l'ancien avec travaux ;

- d' élargir à l'ensemble du territoire l'éligibilité au PTZ+.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La question du recentrage du PTZ+ comporte trois aspects qui sont interdépendants.

- celui de son coût global pour les finances de l'Etat ;

- celui du périmètre géographique et de la nature des logements concernés ;

- celui des bénéficiaires et du plafonnement éventuel des leurs ressources.

En ce qui concerne le coût de la dépense fiscale attachée au PTZ+, votre rapporteure générale observe que le Gouvernement affiche une très forte diminution du « plafond de dépense générationnelle totale » de 2,6 milliards à 800 millions d'euros. Sachant que le PTZ+ constitue désormais l'unique mesure en faveur de l'accession à la propriété, et que le montant choisi montre de ce que la collectivité est prête à apporter à cette politique d'accession, un plafond de 1,2 milliard par génération de prêts , qui correspond au coût de l'ancien dispositif, afficherait un caractère moins brutal.

L'Assemblée nationale a opportunément refusé de réserver le PTZ+ aux seules zones de tension du marché immobilier et a souhaité ouvrir ce dispositif sur la France entière. Toutefois, afin de gager le coût de cette extension par rapport au texte initial du Gouvernement, elle a restreint le bénéfice du PTZ+ aux seuls logements neufs . Si ce type de recentrage est favorable à la construction , elle présente l'inconvénient d' exclure nombre de jeunes ménages qui ne disposent pas des revenus suffisants pour acquérir dans le neuf, et surtout le neuf à haut niveau de performance énergétique, dont les coûts d'acquisition sont supérieurs d'environ 20 % à l'ancien.

Votre rapporteure générale vous proposera de revenir sur cette restriction en réintroduisant la possibilité de bénéficier du PTZ+ dans l'ancien avec travaux.

Quant à la question du plafonnement des ressources des bénéficiaires du PTZ+, votre rapporteure générale note que le Gouvernement a modifié sa philosophie en la matière entre la discussion de la première et de la seconde partie du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. Il s'était en effet opposé à un amendement de notre collègue député Michel Bouvard, qui proposait de mettre un terme au principe de l'universalité, avant de proposer lui-même d'y renoncer.

Le barème sui generis proposé par le Gouvernement est assez proche des plafonds applicables aux prêts locatifs intermédiaires, et de ce fait est insuffisamment ciblé.

Votre rapporteure générale vous propose de retenir un montant maximum de revenus qui était celui applicable à l'ancien prêt à taux zéro avant la réforme de la loi de finances pour 2011.

Il est de nature à confirmer le caractère social du PTZ+ sans pour autant exclure de son bénéfice des ménages à revenus intermédiaires, jeunes cadres diplômés en milieu urbain, qui sans « coup de pouce fiscal » de l'Etat, ne peuvent envisager de devenir propriétaires, surtout dans les zones tendues.

En tout état de cause, il convient de souligner la grande latitude dont dispose le pouvoir réglementaire pour moduler dans la limite de ce plafond, les seuils de ressources selon les zones du territoire.

Au total, l'amendement que vous propose votre commission vise donc trois objectifs :

- relever à 1,2 milliard le plafond « générationnel » ;

- rétablir l'application du PTZ+ à l'ancien avec travaux ;

- abaisser à 64 875 euros annuels le plafond de ressources pour bénéficier du PTZ+.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 Le mécanisme général du Pass-foncier repose sur l'idée de « portage du coût du terrain dans le temps ». L'objectif est de dissocier le paiement de la construction et du terrain. Institué par la convention entre l'État, l'UESL et la CDC du 20 décembre 2006 le « Pass foncier » a été modifié par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

* 2 Réponse au questionnaire budgétaire adressé dans le cadre de la mission « Ville et logement ».