IV. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 25 NOVEMBRE 2011)

Article 51 sexies (nouveau)

M. le président. L'amendement n° II-35, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. L'article 51 sexies , que nous entendons supprimer, est issu d'un article additionnel adopté par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, qui encadre le volet « dépenses » de la prochaine programmation des agences de l'eau sur la période 2013-2018.

Il s'agit d'exprimer une fois encore au Gouvernement la désapprobation du Parlement face à la méthode retenue, qui consiste à introduire un article important par voie d'amendement, sans donner ni le temps ni les informations qui seraient nécessaires à un examen approfondi du sujet par la représentation nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Cher Gérard Miquel, bien que je sois navré de vous faire de la peine, je souhaite que nous examinions particulièrement deux des amendements déposés sur cet article. Je ne saurais donc être favorable à votre amendement de suppression...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-139 rectifié, présenté par M. Dantec, Mme Rossignol, MM. Patient et S. Larcher, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le nombre :

13,8

par le nombre :

14

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur l'incohérence de la politique publique de l'environnement que le Gouvernement nous présente aujourd'hui.

On ne peut pas dire que l'eau constitue une priorité et, dans le même temps, réduire l'encadrement de la capacité d'action des agences de l'eau ! Cela n'a pas de sens ! C'est un signal absolument catastrophique en termes de volontarisme sur ce qui est pourtant un enjeu majeur, à savoir le retour au bon état écologique des milieux et de l'eau.

Notre collègue Fabienne Keller, laquelle n'est pas tout à fait de ma couleur politique (Sourires.) , vient de publier un rapport sur ce sujet. Il y est rappelé que nous sommes aujourd'hui sous la menace de nombreuses condamnations européennes et que l'échéance pour la réalisation des objectifs de la directive-cadre sur l'eau, la DCE, se rapproche, puisqu'elle est fixée à 2015.

Cet amendement, que je qualifierai de modéré, vise, de manière conservatoire, à garantir le même niveau d'encadrement, soit 14 milliards d'euros.

Mes chers collègues, soyons cohérents !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La commission de l'économie ne s'est pas prononcée sur cet amendement, et pour cause : la procédure fait que nous découvrons les amendements en séance...

À titre personnel, je suis également favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le plafond qui avait été fixé pour le dixième programme d'intervention des agences de l'eau pour 2013-2018 était de 14 milliards d'euros. Le Gouvernement a souhaité que l'ensemble des établissements public participent à la réduction des déficits. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité afficher un plafond maximum de dépenses de 13,8 milliards d'euros.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-139 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-108 rectifié bis , présenté par MM. Lenoir et Lasserre, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Aux actions en faveur d'un développement durable des activités économiques utilisatrices d'eau, notamment les économies d'eau et la mobilisation de ressources en eau nouvelles dans la mesure où l'impact global au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement est positif à l'échelle du bassin versant ;

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je le reprends, monsieur le président, au nom de la commission de l'économie.

Cet amendement nous semble tout à fait intéressant dans le cadre des dispositions générales de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Il permet en effet d'apporter une réponse, sur le terrain, aux problèmes nés des périodes de sécheresse que nous avons pu vivre, en particulier dans le Sud-Ouest. (Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement pénètre dans l'hémicycle.)

Je suis heureux, madame la ministre, de saluer votre arrivée. (Sourires.)

M. le président. En l'occurrence, monsieur le président de la commission de l'économie, seule la commission des finances pourrait reprendre cet amendement.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Je le reprends donc, monsieur le président, au nom de la commission des finances. On ne comprendrait pas qu'un élu du Sud-Ouest agisse autrement ! (Sourires.)

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-177, présenté par M. Miquel, au nom de la commission des finances, et dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° II-108 rectifié bis .

Non sans avoir à mon tour salué Mme la ministre, je l'interroge : quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon absence au cours de la plus grande partie de ce débat. J'ai dû en effet accompagner le Président de la République dans le cadre d'un déplacement sur l'efficacité énergétique et la sûreté nucléaire.

Sur cet amendement qui lui paraît équilibré au terme de sa nouvelle rédaction, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je m'abstiendrai sur cet amendement, qui peut effectivement paraître de bon sens, mais qui manque de précision. Le diable se cache parfois dans les détails !

En tant que rapporteur pour avis de la mission « Politique des territoires », et notamment du programme des interventions territoriales de l'État, le PITE, consacré au plan de sauvegarde du marais poitevin, je constate que, aujourd'hui, la tendance est massivement à la création de retenues supplémentaires, là où des alternatives seraient pourtant possibles, notamment par un accompagnement différent des agriculteurs.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je souhaite donner un éclairage sur la politique menée dans ce domaine par le Gouvernement.

Cet été, la sécheresse, finalement moins grave que prévu, a conduit à lancer un plan qui repose sur deux piliers.

Le premier pilier concerne la création de retenues collinaires des eaux d'hiver, reconnues comme telles par des expertises.

Le second pilier s'intéresse aux cultures moins consommatrices d'eau, qui devront être substituées aux cultures consommatrices ou irriguées, le premier objectif étant de remplacer 14 000 hectares de maïs irrigué. Un certain nombre d'actions de recherche et de formation seront mises en place pour accompagner la transition vers des agricultures moins consommatrices d'eau, notamment dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Il s'agit donc d'un plan équilibré reposant sur deux piliers d'égale importance. (M. Ronan Dantec en doute.) Évidemment, la rédaction de cet amendement n'est peut-être pas aussi précise...

M. Ronan Dantec. Qu'à cela ne tienne : il faudrait y introduire ce degré de précision !

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. Les évolutions de notre climat engendrent des sécheresses de plus en plus importantes dans un certain nombre de nos territoires.

Le Sud-Ouest a été marqué cet été par une très grave sécheresse. Or qu'avons-nous constaté ? Là où ont été mises en place des réserves d'eau en amont des petites rivières, avec des débits d'étiage, l'eau a continué de couler, permettant à la vie de se maintenir, et je pense ici notamment aux écrevisses à pattes blanches ! Là où, en revanche, comme dans mon département, de telles réserves n'ont pas été aménagées, les rivières se sont asséchées, et tout est mort.

Réfléchissons bien, mes chers collègues ! Il ne s'agit pas de constituer des réserves d'eau pour le plaisir ou pour irriguer des champs de maïs ! (M. Ronan Dantec en doute encore.) Il s'agit de maintenir une agriculture sur nos territoires, pour assurer un certain nombre de nos productions.

Et si cela se révèle nécessaire, il faut également pouvoir arroser les surfaces de maïs, car, dans des secteurs comme les nôtres qui ne sont pas des régions de grandes productions, nous avons besoin du maïs pour l'alimentation des animaux. Si nous ne mettons pas en place des réserves d'eau, notre agriculture disparaîtra.

Il nous faut maintenir des hommes et des animaux sur nos territoires : il y va de l'équilibre du milieu naturel !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-177.

Mme Françoise Laborde. Je m'abstiens !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-101 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Collin, C. Bourquin, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 12, première phrase

Remplacer les mots :

un milliard

par les mots :

1,120 milliard

II. - Alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

150 millions d'euros par an

par les mots :

780 millions d'euros

et le pourcentage :

20 %

par le pourcentage :

23 %

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Les agences de l'eau ont joué, depuis leur création, en 1964, un rôle essentiel dans la lutte contre toutes les pollutions. Elles participent également à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, ainsi qu'au financement de la connaissance de l'eau.

La mutualisation entre tous les usagers de l'eau à laquelle sont parvenues ces agences est exemplaire et inspire d'ailleurs de nombreux autres pays.

Une hausse importante des dépenses des agences de l'eau risque d'avoir des répercussions sur les redevances et donc, in fine, d'aboutir à une augmentation du prix de l'eau pour les usagers.

Or, dans la version du projet de loi de finances pour 2012 adoptée à l'Assemblée nationale, on demande à ces agences, d'une part, d'augmenter leur contribution à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques en 2012, d'autre part, d'augmenter de 38 % - c'est l'objet de l'article 51 sexies - le plafond annuel des contributions des agences de l'eau à l'ONEMA entre 2013 et 2018, en les portant à 150 millions d'euros par an, soit 900 millions d'euros sur l'ensemble du dixième programme d'intervention.

Une telle hausse des contributions des agences de l'eau à l'ONEMA résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement déposé par le Gouvernement. Parallèlement, les députés ont maintenu le plancher des dépenses de solidarité avec les communes rurales à 1 milliard d'euros.

Or les besoins des communes et des intercommunalités en matière de traitement des eaux résiduaires et de distribution d'eau potable continuent à augmenter du fait des directives européennes, d'une part, et de l'accroissement de la population, d'autre part.

Cet amendement a donc pour objet d'accroître les dépenses des agences de l'eau réalisées en faveur des communes rurales, sans pour autant diminuer la solidarité avec l'outre-mer et la Corse. Les sommes qui leur sont réservées sur les contributions à l'ONEMA sont même légèrement augmentées.

Une hausse des contributions des agences de l'eau pour les autres missions de l'ONEMA ne semble pas justifiée pour l'instant, d'autant qu'elle risquerait d'avoir des répercussions sur le prix de l'eau.

C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons de diminuer le plafond des contributions des agences de l'eau destinées à I'ONEMA, et de globaliser ces dernières sur la durée du dixième programme, de 2013 à 2018, ce qui permettrait une plus grande souplesse d'adaptation aux besoins des bassins ultramarins.

M. le président. L'amendement n° II-140 rectifié bis , présenté par MM. Patient et S. Larcher, Mme Rossignol, M. Dantec, Mme Bourzai, MM. Antoinette et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

1° Alinéa 12, première phrase

Remplacer les mots :

un milliard

par les mots :

1,120 milliard

2° Alinéa 13, première phrase

Remplacer le taux :

20 %

par le taux :

23 %

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. L'article 51 sexies maintient à 1 milliard d'euros le plancher des dépenses de solidarité avec les communes rurales et porte de 108 à 150 millions d'euros la contribution annuelle des agences de l'eau à l'ONEMA pour la période 2013-2018.

Il réserve 20 % du produit de cette contribution, soit 30 millions d'euros, aux actions de solidarité avec les bassins d'outre-mer et la Corse.

Cependant, les besoins des communes et des intercommunalités rurales pour le traitement des eaux résiduaires comme pour la distribution d'eau potable connaissent une augmentation continue, du fait tant des directives européennes que de l'accroissement de leur population.

Il est donc essentiel d'augmenter de 120 millions d'euros la part des dépenses des agences consacrée à la solidarité avec les communes rurales.

Par ailleurs, la solidarité avec les populations des départements et collectivités d'outre-mer est nécessaire et urgente au vu de nos engagements européens.

C'est pourquoi les auteurs de l'amendement n° II-140 rectifié bis proposent aussi, pour prolonger l'amendement n° II-138 rectifié bis déposé sur l'article précédent, que 23 %, au lieu de 20 %, des sommes versées par les agences de l'eau à l'ONEMA soient fléchées vers ces territoires.

Je le répète, en insistant : cette augmentation est tout à fait légitime, compte tenu de la situation des outre-mer.

La Guyane, par exemple, est emblématique de leur retard structurel en matière d'équipements. D'ailleurs, le conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009 avait fait des équipements et de l'assainissement des chantiers prioritaires dans ce département. Et pour cause : en Guyane, moins de 35 % des foyers sont raccordés à un système collectif, contre plus de 80 % en métropole ! Un retard encore accentué par une croissance démographique exponentielle...

Le Comité national de l'eau, dans une délibération adoptée au cours de sa séance du 9 novembre dernier, s'est « félicité du projet de doublement de la solidarité interbassins envers les départements d'outre-mer et de Corse dans les dixièmes programmes afin de conforter l'accès à l'eau et à l'assainissement partout sur le territoire français et de répondre aux enjeux de santé et salubrité publiques ».

L'adoption de l'amendement n° II-140 rectifié bis serait donc une mesure d'équité et un signe important au moment où la France s'apprête à accueillir sur son territoire le forum mondial de l'eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances. Les amendements n° II-101 rectifié et II-140 rectifié bis ont un objectif identique, mais prévoient des montants quelque peu différents.

Je serais tenté d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° II-101 rectifié présenté, notamment, par M. Mézard et Mme Escoffier, et qui fait passer de 900 à 780 millions d'euros le plafond des contributions versées à l'ONEMA par les agences de l'eau. Mais M. Antiste serait-il prêt à s'y rallier ?

M. le président. Monsieur Antiste, entendez-vous l'appel de M. le rapporteur spécial ?

M. Maurice Antiste. Si la part réservée à la solidarité financière entre bassins avec l'outre-mer et la Corse est bien portée à 23 %, je suis d'accord.

M. Gérard Miquel , rapporteur spécial. Monsieur Antiste, c'est bien ce que l'amendement prévoit.

Dans ces conditions, j'émets un avis favorable sur l'amendement n° II-101 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. En dépit des contraintes budgétaires, nous conservons un plancher de 1 milliard d'euros pour la solidarité du monde urbain envers le monde rural.

Nous avons besoin de maintenir à 900 millions d'euros le plafond des versements à l'ONEMA, alors qu'il est proposé, dans l'amendement n° II-101 rectifié, de le ramener à 780 millions d'euros.

C'est notamment nécessaire pour financer des recherches, des études et des innovations dont je vous rappelle qu'elles bénéficieront largement aux petites communes, singulièrement à l'épuration des eaux.

Ces investissements obligatoires sont aussi, en quelque sorte, des dépenses d'avenir.

J'émets donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l'amendement n° II-101 rectifié.

M. Ronan Dantec. Madame la ministre, le Gouvernement peut-il s'engager, de façon ferme et formelle, à ne pas opérer d'autres prélèvements sur le fonds de roulement de l'ONEMA ? C'est que 55 millions d'euros ont déjà été ponctionnés, ce qui nous rend extrêmement méfiants...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-101 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-140 rectifié bis n'a plus d'objet.

Je mets aux voix, modifié, l'article 51 sexies .

(L'article 51 sexies est adopté.)