ARTICLE  60 QUATER (NOUVEAU) : REMISE D'UN RAPPORT D'ÉVALUATION DES MESURES À PRENDRE POUR PERMETTRE LA FORMATION ET L'INSTALLATION DE GYNÉCOLOGUES MÉDICAUX

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 29 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 60 ter

Mme la présidente. L'amendement n° II-209, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 60 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 janvier 2012, un rapport permettant d'évaluer les mesures à prendre pour permettre la formation et l'installation de gynécologues médicaux.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Jusqu'en 1984, la France possédait une originalité dans le domaine de la santé : la gynécologie médicale, spécialité universitaire née en 1963. À la suite de la réforme de l'internat en 1984, la gynécologie médicale a été supprimée du cursus universitaire, ce qui a entraîné un déficit en gynécologues médicaux au point qu'aujourd'hui on estime à 2 101 le nombre de gynécologues médicaux et à 5 032 celui des gynécologues obstétriciens.

Cette situation porte atteinte à la santé des femmes, particulièrement en matière de prévention, puisque, si rien n'est fait, il n'y aura plus en 2015 que 600 gynécologues médicaux pour toutes les femmes en France. Pourtant, les gynécologues médicaux accomplissent une mission fondamentale. Ce sont des médecins dédiés aux femmes, à leur sexualité, dans un cadre plus large que celui de la gynécologie obstétrique.

Leur importance n'est plus à prouver. Grâce à ces professionnels et à leur rôle majeur en termes de prévention, le nombre de cancers du col de l'utérus a été divisé par quatre en vingt ans, et les femmes ne sont plus que 14 % à être privées d'utérus à cinquante ans, contre 30 % à 46 % dans le reste de l'Europe.

Le Comité de défense de la gynécologie médicale alertait en 2010 Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé, sur le risque de disparition de cette spécialité utile aux femmes. Reçu en délégation par l'une de ses conseillères, le Comité recevait l'assurance qu'elle était attachée à la santé des femmes, et que, pour elle, « un médecin devait être formé pour le suivi des femmes ». Malgré ces déclarations rassurantes, un mois après, le nombre de postes d'internes en gynécologie médicale était abaissé de 27 à 24 ! Ce n'est bien évidement pas en diminuant le nombre de professionnels diplômés que l'on accroîtra le nombre des médecins en exercice.

Aussi, afin de trouver une solution à cette situation, nous proposons que soit remis prochainement un rapport évaluant les besoins des femmes et les réponses concrètes à apporter.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable, car cet amendement met l'accent sur un sujet extrêmement préoccupant.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable. (Oh ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV) En effet, un tel rapport n'a pas sa place dans une loi de finances,...

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. ... c'est-à-dire dans un texte budgétaire.

Par ailleurs, prévoir que ce rapport soit remis au plus tard le 30 janvier 2012 laisse peu de place à un travail sérieux.

M. Louis Pinton. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Nous abordons un problème extrêmement sensible. De quoi s'agit-il ? De réserver une partie des places en gynécologie médicale, ce qui ne se ferait qu'au détriment des gynécologues obstétriciens.

On le sait, l'exercice de la gynécologie médicale est un exercice programmé, étalé dans la journée, mais on ne peut, me semble-t-il, le faire au détriment des gynécologues obstétriciens dont nous avons grand besoin pour assurer les permanences dans les maternités et dans les hôpitaux.

Il faut être très vigilant en ce qui concerne l'évolution de ce système...

M. Louis Pinton. Bien sûr !

M. Gilbert Barbier. ... qu'il conviendrait sans doute d'étudier.

Quoi qu'il en soit, personnellement, je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. Louis Pinton. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je suis personnellement très favorable à cet amendement. En effet, les gynécologues médicaux manquent cruellement en France, et, là encore, de façon inégale sur le territoire. Par exemple, en région Nord - Pas-de-Calais, ce manque est crucial !

Je suis désolée, monsieur Barbier, les gynécologues obstétriciens sont très occupés par leur activité de gynécologue-obstétricien, que ce soit dans un établissement hospitalier public ou privé, et, tout en ayant évidemment une grande compétence, ils ont peu de compétence pour exercer la spécialité de gynécologie médicale, surtout lorsqu'il ne s'agit pas du suivi de leurs anciennes parturientes. Cela signifie qu'ils n'acceptent pas de clientèle nouvelle s'il n'est question que de gynécologie médicale. Ils n'en ont matériellement pas le temps.

Par conséquent, au lieu de supprimer cette spécialité, qui est extrêmement importante, mieux vaudrait revoir son mode d'organisation, et envisager - pourquoi pas ? - la possibilité de participer à certaines gardes.

Eu égard à la recrudescence de diagnostics et de traitements des cancers du sein, par exemple, chez la femme, il me semble vraiment important de traiter ce sujet. Bien évidemment, un rapport ne résoudra pas le problème, mais il aura au moins le mérite de mettre évidence les besoins concernant cette spécialité. Il est nécessaire qu'un tel rapport soit rédigé. Le délai pour la remise de ce rapport pourrait quant à lui être allongé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Ce problème de la gynécologie médicale est lié, depuis la réforme de l'internat et la suppression des certificats d'études spécialisées, les CES, à des spécialités qui, comme celle-ci, n'ont plus beaucoup de praticiens.

M. Jean-Louis Carrère. Nous en sommes aux explications de vote !

Mme Catherine Deroche. Je pense en particulier à l'ophtalmologie, car autrefois, nombre d'ophtalmologistes obtenaient un CES sans passer par l'internat et sans faire de chirurgie.

Par ailleurs, les médecins traitants sont tout à fait aptes à effectuer une surveillance gynécologique médicale de leurs patientes. Mais, là encore, on se heurte au problème de la démographie.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Je partage les propos de ma collègue Catherine Deroche. J'ajouterai juste qu'en 1984 la création de l'internat a entraîné la suppression de la gynécologie médicale mais a permis la mise en place de la gynécologie obstétrique. Si demain on favorisait de nouveau la gynécologie médicale, il est évident que les internes, qui connaissent de nombreuses difficultés dans l'exercice de l'obstétrique en particulier du fait de la responsabilité civile professionnelle que nous connaissons tous, se dirigeront plus facilement vers la gynécologie médicale. On se retrouvera une fois de plus sans obstétriciens, et ce métier sera confié aux sages-femmes. Je n'ai rien contre les sages-femmes dans la mesure où l'accouchement est normal, mais si tel n'est pas le cas, il vaudrait mieux que des spécialistes soient présents.

Je rejoins tout à fait ma collègue sur le fait que la surveillance d'un cancer du sein, d'une vie gynécologique normale peut être faite par le médecin traitant sans aucune difficulté. (Mme Catherine Génisson s'exclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Les écologistes soutiennent cette proposition. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP) et manifestent leur attachement à l'existence de la gynécologie médicale.

Je ne peux sans doute pas parler au nom de toutes les femmes (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) , mais j'exprime sûrement l'opinion d'un nombre significatif d'entre elles, qui aiment bien avoir affaire à ces spécialistes motivés et compétents plutôt qu'à leur simple médecin traitant dès lors qu'une pathologie ou une surveillance exigent des gestes plus spécialisés. (M.  Alain Gournac s'exclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d'État, vous avez dit que ce rapport n'avait rien à faire dans le projet de loi de finances. Or, juste avant, nous avons voté la remise d'un autre rapport. Votre argument ne me semble donc pas très adapté. Voilà pour ce qui est de la forme.

Sur le fond, autant je suis d'accord avec M. Milon et Mme Deroche sur le fait que, depuis 1984, la spécialité de gynécologie médicale a disparu au profit de la gynécologie obstétricale. Mais mon approbation s'arrête là, car nous ne demandons qu'un rapport.

Si toutefois la spécialité de gynécologie médicale devait être remise en avant, ce qui nous semble important - c'est pour cela que nous demandons ce rapport -, je ne peux pas croire qu'elle le soit au détriment, monsieur Barbier, de la gynécologie obstétrique.

Le ministère de la santé ne peut pas opposer ces deux spécialités, étant donné qu'elles sont aussi importantes : il faut des gynécologues obstétriciens en cas de grossesse ou d'accouchement difficile, et des gynécologues médicaux pour assurer le suivi que ne peuvent pas forcément réaliser l'ensemble des obstétriciens.

D'ailleurs, vous nous disiez que ces gynécologues obstétriciens bien formés étaient absolument indispensables. Or il y a peu, chers collègues de droite, vous défendiez ici même les maisons de naissance,...

M. Alain Milon. Pas moi !

Mme Annie David. ... dans lesquelles ne seront présentes que les sages-femmes. Monsieur Milon, si vous n'avez effectivement pas soutenu leur ouverture, Mme la ministre Roselyne Bachelot-Narquin l'a fermement défendue !

Certes, Mme  Bachelot-Narquin n'avait pas forcément été suivie sur l'ensemble des travées. Pour notre part, nous avions insisté sur le fait que, si les maternités ne doivent pas être surmédicalisées, il convient que les naissances se déroulent dans des endroits suffisamment sécurisés pour la mère et l'enfant.

De fait, la gynécologie médicale pourrait permettre de suivre les femmes jusqu'à leur accouchement, sans que les maternités aient besoin d'avoir recours à un matériel particulièrement important.

En effet, il ne me semble pas que ces deux spécialités importantes, la gynécologie médicale et l'obstétrique, s'opposent. Aujourd'hui, il est regrettable que la gynécologie médicale soit en voie d'extinction. C'est l'idée que nous défendons par le biais de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. La gynécologie médicale, que cet amendement vise à rétablir, est bien différente de l'obstétrique. Elle exige des compétences qui peuvent être dévolues aux médecins généralistes, ce qui explique sa disparition progressive.

Je ne partage absolument pas les propos qui ont été tenus par ma collègue. Nous devons d'abord nous préoccuper de combler le déficit de notre pays en matière de médecins généralistes.

M. Alain Gournac. Effectivement !

M. René-Paul Savary. Or plus vous rétrécissez le champ de leurs compétences, moins vous en trouverez ! Car l'intérêt de l'exercice du généraliste, c'est vraiment de pouvoir porter sur leurs patients, de l'enfance à la vieillesse, un regard global. Or la gynécologie médicale est parfaitement conforme à une telle exigence. Les médecins généralistes disposent en effet de tous les éléments nécessaires pour bien soigner les personnes qui avaient auparavant recours aux gynécologues médicaux.

Quant à la spécialité que peut être l'obstétrique, il s'agit d'un problème différent.

Mme Catherine Deroche. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-209.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et l'avis du Gouvernement, défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 60 :

Nombre de votants

346

Nombre de suffrages exprimés

346

Majorité absolue des suffrages exprimés

174

Pour l'adoption

176

Contre

170

Le Sénat a adopté.

M. Alain Gournac. C'était ric-rac !

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60 ter .