ARTICLE 60 TER (DEVENU ARTICLE 147 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
DEMANDE DE RAPPORT SUR LA CRÉATION D'UN FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DU TABAC

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (1ÈRE SÉANCE DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2011)

Première séance du lundi 14 novembre 2011

Article additionnel après l'article 60

M. le président. L'amendement n° 482 présenté par M. Nesme et M. Bur, est ainsi libellé :

Après l'article 60, insérer l'article suivant :

Le Gouvernement dépose auprès du Parlement, avant le 31 décembre 2012, un rapport sur les conditions dans lesquelles pourrait être mis en oeuvre un fonds d'indemnisation des personnes victimes du tabac et contribuant à des actions de prévention et de lutte contre le tabagisme ainsi que l'aide au sevrage tabagique, financé par une taxe de 10 % du chiffre d'affaires réalisé en France par les fabricants de produits du tabac.

La parole est à M. Jean-Marc Nesme, pour soutenir l'amendement n° 482.

M. Jean-Marc Nesme. L'amendement est cosigné par Yves Bur, qui n'a pu être présent ce soir. M. Bur a été chargé par M. Xavier Bertrand et Mme Nora Berra d'une mission sur la lutte contre le tabagisme, lutte à laquelle cet amendement a trait.

Nous proposons d'insérer après l'article 60 un article additionnel ainsi rédigé : « Le Gouvernement dépose auprès du Parlement, avant le 31 décembre 2012, un rapport sur les conditions dans lesquelles pourrait être mis en oeuvre un fonds d'indemnisation des personnes victimes du tabac et contribuant à des actions de prévention et de lutte contre le tabagisme ainsi que l'aide au sevrage tabagique, financé par une taxe de 10 % du chiffre d'affaires réalisé en France par les fabricants de produits du tabac. »

Le tabac tue chaque année en France plus de 60 000 personnes. Il reste la première cause de décès prématuré évitable. Première cause de mortalité par cancer, il est à l'origine de nombreuses pathologies respiratoires particulièrement invalidantes, et également cause de décès par pathologies cardio-vasculaires. Le tabac est ainsi le premier facteur de risque d'infarctus chez les personnes jeunes.

Depuis la loi Évin, la loi Veil et le décret de 2006 pris par Xavier Bertrand visant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, les pouvoirs publics se sont engagés à lutter contre le tabagisme. Cet engagement s'est également traduit par la ratification en octobre 2004 du premier traité international de santé publique élaboré sous l'égide de l'OMS, consacré à la lutte contre le tabagisme. Il est prévu d'aller plus loin encore, que chaque État membre de l'OMS puisse réfléchir à la mise en oeuvre d'un dispositif permettant aux cigarettiers - qui font, comme chacun sait, des bénéfices considérables - de contribuer largement, non seulement à l'indemnisation des victimes du tabac, mais aussi à toutes les actions de prévention contre le tabagisme.

Si cet amendement était adopté, ce serait parfaitement cohérent avec les demandes de la Ligue nationale du tabagisme, présidée par le professeur Martinet, et la Ligue contre le cancer, présidée par le professeur Lenoir, qui regroupent plus d'un million d'adhérents. Ce serait également en parfaite cohérence avec la ratification par la France de la convention élaborée sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. Je me souviens de l'argumentation de M. Bur lors de l'examen du PLFSS. Il avait mis en évidence l'accroissement du chiffre d'affaires des cigarettiers, qui ont profité des augmentations des prix du tabac au cours des dernières années. Je suis a priori favorable à un amendement qui tend à instituer une taxe sur ce chiffre d'affaires.

De la même façon, une taxe du même type permettrait de faire financer par l'industrie pharmaceutique un fonds mutualisé d'indemnisation des victimes d'aléas thérapeutiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . Elle est favorable à cet amendement, bien qu'il existe une ambiguïté dans l'intitulé : « fonds d'indemnisation des personnes victimes du tabac et contribuant à des actions de prévention et de lutte contre le tabagisme ». Je souscris totalement, cela dit, aux actions de prévention, et j'estime que les moyens qui leur seront consacrés seront les bienvenus. Cet amendement permettra d'éviter des morts dus au tabagisme, qui est, en France, un vrai problème.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement émet un avis de sagesse peu enthousiaste, car ce sera pour l'administration un rapport supplémentaire à rédiger... Mais nous comprenons le souci qu'il traduit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Madame la ministre, il s'agit d'un amendement de repli, car Yves Bur, dont je salue le combat contre le tabagisme, avait déposé, dans le cadre du PLFSS, un amendement visant à taxer le chiffre d'affaires des cigarettiers.

Il faut rappeler que nous déplorons, chaque année, 60 000 morts liés au tabac, soit quinze fois plus que ceux dus aux accidents de la route. Lorsque l'on voit la mobilisation du Gouvernement pour faire baisser le nombre de tués sur les routes, on ne comprend pas l'inertie qu'il affiche à l'égard des décès, bien plus nombreux, dus au tabagisme.

En augmentant le prix du tabac, on provoque une petite baisse de la consommation, mais les cigarettiers ont plutôt tendance à en profiter.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n'y a pas de baisse de la consommation due à la hausse des prix du tabac !

M. Jean-Luc Préel. Il faut rappeler la réalité des chiffres. Il y a quinze fois plus de morts dus au tabac qu'aux accidents de la route. Cela devrait entraîner la mobilisation du Gouvernement contre le tabagisme.

Le combat d'Yves Bur a pour but de faire baisser cette mortalité. Nous espérons en effet que le rapport demandé conclura à la nécessité de mettre en place un fonds d'indemnisation pour engager des mesures de prévention, afin que le nombre de morts diminue. C'est malheureusement un chemin détourné. J'aurais préféré que nous instaurions directement une taxe sur le chiffre d'affaires dans le cadre du PLFSS, mais ce sera peut-être le cas en deuxième lecture, qui sait ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. J'ai voté, lors de l'examen du PLFSS, la proposition d'Yves Bur, qui a été rejetée. Je suis cependant troublé par la rédaction du présent amendement, car je fais un parallèle avec d'indemnisation des victimes du Médiator ou des victimes de l'amiante. Dans ces deux cas, la victime n'est pas responsable et le préjudice subi est involontaire.

M. Jean Mallot. Il y a aussi le tabagisme passif !

M. Jean-Pierre Door. Les fumeurs, en revanche, sont fumeurs de leur plein gré. Je souhaiterais qu'une rédaction moins ambiguë soit proposée, ou que l'on taxe directement le chiffre d'affaires des cigarettiers dans le cadre des recettes du PLFSS.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nesme.

M. Jean-Marc Nesme. Je ne veux pas entrer dans un débat sémantique. Les termes repris dans l'amendement sont la traduction pure et simple du traité ratifié par la France en octobre 2004. Cela peut prêter, non à confusion, mais à interprétation. C'est pourquoi Yves Bur et moi-même demandons au Gouvernement qu'un rapport soit remis au Parlement avant le 31 décembre 2012, de sorte que la création de ce fonds d'indemnisation et de prévention puisse être mis en place, dans l'esprit du traité.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je suis très favorable à la création d'un fonds de prévention et d'indemnisation des personnes victimes du tabac. À l'inverse d'autres rapports, celui-ci me semble tout à fait pertinent et pédagogique, et sa rédaction permettra, je l'espère, de lever les ambiguïtés signalées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial . Je voudrais souligner deux points.

Premièrement, on a pu observer que chaque augmentation des prix des cigarettes avait un effet sur la consommation, notamment celle des jeunes. Cette augmentation trouve cependant ses limites en l'absence d'harmonisation européenne, compte tenu du passage transfrontalier.

Deuxièmement, il faudrait élargir et durcir la réglementation des ajouts et additifs au tabac, aux feuilles de papier et aux filtres à cigarettes. Actuellement, les cigarettiers introduisent des saveurs de type vanille ou des additifs de type saccharose, de manière à créer une addiction, notamment chez les jeunes notamment. Il me semble que cela relève du pouvoir réglementaire du Gouvernement.

(L'amendement n° 482 est adopté.)