M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial


LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La mission « Immigration, asile et intégration » est composée de deux programmes dont l'un, le programme 303 « Immigration et asile » représente environ 90 % des dotations.

2. Le niveau de dépenses du programme 303 dépend principalement du flux de demandeurs d'asile, ainsi que du délai de traitement de ces demandes par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

3. Si le flux de demandeurs d'asile strictement national est stable en 2015 par rapport à 2014, le budget 2016 est cependant hypothéqué par les conséquences, difficiles à prévoir à ce jour, de la crise migratoire que connaît l'Union européenne, et des programmes de relocalisation dans le cadre desquels la France accueillera des demandeurs d'asile supplémentaires qui sont en besoin manifeste de protection. Il est notamment probable que de nouveaux contingents de demandeurs soient accueillis en France au-delà des 30 000 que la France s'est d'ores et déjà engagée à recevoir.

4. Le Premier ministre a annoncé une enveloppe de 279 millions d'euros pour faire face à cette crise, dont environ 85 millions d'euros pour les deux programmes de la mission. Cette enveloppe semble insuffisante pour couvrir les besoins de dispositifs (hébergement et allocation) déjà sous-dotés. Le rapporteur spécial regrette que la crise migratoire européenne ne soit pas l'occasion d'une remise à plat de la gestion des dispositifs dédiés aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, dans un souci de sincérité budgétaire, de bon fonctionnement du système et d'intégration des réfugiés.

5. Bénéficiant d'une augmentation globale de ses moyens du fait de la prise en compte du « plan Migrants » annoncé par le Gouvernement en juin 2015 (création de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile [CADA], augmentation des moyens de l'OFPRA, optimisation de l'utilisation des places en centres de rétention administrative [CRA], hausse des moyens de l'Office français de l'immigration et de l'intégration [OFII] et création de places en centre provisoire d'hébergement pour les réfugiés [CPH]), la mission est dotée de 703 millions d'euros pour 2016, soit 50 millions d'euros de plus qu'en 2015 et que le plafond 2016 du budget triennal.

6. Les moyens destinés à l'OFPRA continuent leur progression. Cependant, l'objectif affiché d'un délai de traitement moyen de trois mois des demandes d'asile est encore loin d'être respecté, avec un délai de traitement à mi-2015 qui stagne à environ 200 jours.

7. Le parc de CADA voit ses capacités augmenter, pour s'établir à 33 000 places en 2016. Ce parc est complété par un dispositif d'hébergement d'urgence dont le financement, limité à 111,5 millions d'euros, sera manifestement insuffisant au regard du niveau de la demande d'asile.

8. La dotation d'allocation pour demandeurs d'asile (ADA), issue de la réforme de l'asile adoptée par le Parlement en 2015, est difficile à anticiper. Cependant, les crédits proposés par le projet de loi de finances, soit 137,5 millions d'euros, soit environ 50 millions d'euros de moins que la dépense prévisionnelle de l'allocation équivalente pour 2015, ne sont pas sincères.

9. L'augmentation de la dotation de fonctionnement des CRA, qui est portée à 20,6 millions d'euros, devra être accompagnée d'une hausse des moyens de la police aux frontières qui assure les escortes, pour permettre une véritable remontée des taux d'occupation des CRA et, ainsi, une plus grande efficacité de la politique de reconduite aux frontières.

10. Les crédits du programme 104, consacrés à l'intégration des étrangers en situation régulière, qui sont prévus à hauteur de 70,2 millions d'euros, augmentent pour la première fois depuis trois ans (+20,2 %).

11. Cette augmentation est le fait de trois principaux postes : la subvention de l'Etat à l'OFII (+ 4 millions d'euros), les dépenses de formation linguistique des étrangers (+ 3 millions d'euros) et la création de 500 places en CPH pour les réfugiés (+ 4 millions d'euros).

12. La progression des moyens dédiés à l'intégration des étrangers, à travers le financement de l'OFII (pour la première année d'arrivée) et les subventions aux associations (pour les quatre années suivantes) témoigne d'une ambition réelle, mais trop timide, d'intégration des étrangers par la formation linguistique. L'objectif d'un niveau A2 en langue française à l'issue d'une présence de cinq ans sur le territoire national reste faible au regard de l'importance de la langue pour une intégration sociale et professionnelle réussie.

13. La création de 500 places en CPH est une bonne nouvelle, mais sera insuffisante pour répondre aux besoins d'une population de réfugiés qui est amenée à s'accroître en 2015 et 2016, et dont l'intégration à la société française n'est pas correctement accompagnée et financée.

ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. UNE MISSION SOUS HYPOTHÈQUES

L'examen de la mission « Immigration, asile et intégration » s'inscrit cette année dans un contexte tout particulier. En effet, cette mission, réduite par le montant de ses crédits mais majeure par l'importance politique du sujet, est confrontée tout à la fois à une redéfinition de ses frontières dans le cadre des réformes de l'asile et du droit des étrangers, et à des bouleversements probables de l'utilisation des dispositifs qu'elle finance du fait de la crise des migrants à l'échelle européenne .

A. L'HYPOTHÈQUE DE LA CRISE MIGRATOIRE EUROPÉENNE

1. Une arrivée sans précédent de migrants aux frontières européennes

L'Europe est confrontée, depuis deux ans, à une arrivée massive de demandeurs d'asile en provenance, en particulier, de Syrie, d'Irak, d'Afghanistan, d'Érythrée et du Kosovo .

Ces vagues d'arrivées, qui se sont accélérées depuis l'été 2015 , s'expliquent, au-delà des situations sécuritaires des pays d'origine, par trois principales raisons : les conditions de vie dégradées dans les camps turcs, libanais et jordaniens ; l'attitude des pays de transit, en particulier la Grèce, qui ne s'oppose plus guère au passage des migrants ; et les signaux d'accueil perçus par ces réfugiés, en particulier en provenance d'Allemagne.

En 2014, la voie de la Méditerranée centrale, via la Libye puis Lampedusa et l'Italie, a concentré l'essentiel du flux, avec 170 000 arrivées irrégulières sur un total de 280 000. En 2015, le nombre des arrivées irrégulières s'est considérablement accru, en empruntant de nouvelles routes, en particulier la route des Balkans (arrivée en Hongrie depuis la Croatie et la Serbie), avec 150 000 arrivées entre janvier et août 2015, ainsi que la route de Méditerranée orientale (arrivée en Grèce par la Turquie), avec près de 230 000 arrivées entre janvier et août 2015. Au total, l'Agence Frontex estime qu'environ 500 000 personnes ont franchi les frontières de l'espace Schengen de façon irrégulière sur les huit premiers mois de l'année 2015 .

Cette dynamique se reflète dans la progression du nombre de demandes d'asile dans l'Union européenne . Ainsi, sur les six premiers mois de l'année 2015, environ 395 000 personnes ont déposé une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne, contre environ 220 000 personnes pour la même période en 2014. Alors que la demande d'asile en 2014 constituait déjà un record historique, comme l'illustre le graphique ci-dessous, les années 2015 et 2016 pourraient voir ce nombre encore doubler.

Évolution de la demande d'asile dans l'Union européenne (28)

en milliers de demandes

Source : commission des finances, d'après les données Eurostat

Dans ce contexte, la France n'est ni un pays de premier accueil pour ces flux massifs , contrairement à l'Italie, à la Grèce ou à la Hongrie, ni un pays de destination souhaitée par les demandeurs d'asile , contrairement à l'Allemagne, au Royaume-Uni ou à la Suède. En particulier, l'Allemagne est, de loin, la première destination des demandeurs d'asile issus des routes des Balkans et de la Méditerranée orientale. Ayant annoncé prévoir un total de 800 000 nouveaux demandeurs d'asile en 2015, l'Allemagne a accueilli, pour le seul mois de septembre, un total de 280 000 demandeurs d'asile ; après le rétablissement du contrôle à ses frontières, elle s'attend à accueillir désormais 10 000 demandeurs d'asile par semaine jusqu'à la fin de l'année 2015.

La France connaît quant à elle, sur la première moitié de l'année 2015, un nombre de demandes d'asile stable par rapport à 2014 avec 32 784 demandes d'asile déposées (+ 0,3 %) . Elle n'est pas confrontée, de façon directe, au phénomène migratoire connu par certains de ses voisins. En particulier, la France ne constitue pas - ce dont l'on peut s'étonner - une destination privilégiée pour les demandeurs d'asile Syriens, qui représentent la première nationalité des demandeurs à l'échelle de l'Union, mais seulement la cinquième nationalité pour la France, avec un total de 2 000 premières demandes environ en provenance de Syrie enregistrées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) en 2014.

2. Un système de répartition sur une base volontaire, avant la mise en place éventuelle d'un mécanisme permanent

Cependant, la France subit à deux principaux titres les conséquences de cette vague migratoire .

Tout d'abord, la France est un pays de transit pour une partie de ces demandeurs d'asile, en particulier Soudanais, Erythréens, Afghans et Syriens, qui cherchent à rejoindre le Royaume-Uni . Le Calaisis constitue à cet égard pour ces migrants un « goulot d'étranglement ». Ces migrants, n'ayant pas déposé leur demande d'asile en France, ne sont pas comptabilisé dans les statistiques de l'asile, même si les pouvoirs publics les orientent vers l'OFPRA pour les inciter à déposer en France, sans attendre un départ, hypothétique, pour le Royaume-Uni. Particulièrement visibles à Calais, ces populations de migrants sont également présents en région parisienne - c'est le cas, par exemple, des migrants installés dans le camp de La Chapelle jusqu'à l'évacuation de celui-ci en juin dernier.

Ensuite et surtout, l'ampleur de la crise dans les pays les plus concernés, en particulier la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, a conduit l'Union européenne à imaginer un mécanisme de répartition des demandeurs d'asile à l'échelle de l'Union .

Cette idée s'est tout d'abord concrétisée sous la forme d'une répartition de demandeurs d'asile dans le cadre d'un mécanisme d'urgence . Décidée par le Conseil de l'Union européenne le 27 mai 2015, une première répartition concernait 40 000 demandeurs d'asile , arrivés en Grèce et en Italie. Sur la base d'une clé de répartition qui tient compte de la population, du produit intérieur brut, du nombre de demandeurs d'asile accueillis sur les dernières années et du taux de chômage 1 ( * ) , ce nombre a été réparti entre chaque pays, la France devant en accueillir 4 051 en provenance d'Italie et 2 701 en provenance de la Grèce sur les deux prochaines années.

Au mois de septembre, au regard de l'aggravation de la crise des migrants, le Conseil, sur la base d'une initiative commune de la France et de l'Allemagne, a proposé de relocaliser 120 000 migrants supplémentaires présents en Italie, en Grèce et en Hongrie. Selon la même clé de répartition, la France devrait en accueillir 24 031 sur les deux prochaines années.

Ainsi, au total, la France devrait accueillir 30 783 migrants dans le cadre des programmes de relocalisation d'urgence adoptés au niveau européen .

Il convient de souligner que les migrants concernés par cette relocalisation sont, d'après le texte de la décision, des migrants en « besoin manifeste de protection internationale » , au regard notamment de leur nationalité (Syriens, Irakiens, Erythréens). Ils devraient être identifiés et pris en charge dans le cadre de « hotspots » aux frontières de l'Union, dont le statut et les missions précises (simple identification des demandeurs ou centre d'hébergement temporaire) n'ont pas encore été définis.

3. La nécessaire budgétisation de ces arrivées supplémentaires, au-delà de la présente mission

Le programme européen de relocalisation, négocié dans l'urgence pour répondre à une situation conjoncturelle, n'est, d'après les responsables européens, qu'un premier pas avant la mise en place d'un mécanisme permanent de solidarité . Cette idée est notamment poussée par l'Allemagne, dont le système de gestion de l'asile repose, depuis plusieurs décennies déjà, sur un mécanisme de répartition des demandeurs d'asile entre Länder d'après une clé de répartition fédérale.

À cet égard, plusieurs responsables politiques allemands ont souligné que l'effort de la France devrait, selon eux, être plus important concernant l'accueil des migrants. Ainsi, le député du SPD chargé des questions de politique intérieure, Burkhard Lischka, a indiqué que « la France devrait accueillir cette année environ 80 000 ou 90 000 réfugiés. C'est certainement beaucoup moins que l'Allemagne, et il faudra tirer les conséquences de ce constat au niveau européen » 2 ( * ) . En d'autres termes, votre rapporteur spécial constate qu'il sera difficile, sinon impossible, de se limiter à l'accueil de 30 000 réfugiés supplémentaires sur les deux années 2016-2017, alors que l'Allemagne pourrait en accueillir près d'un million pour la seule année 2015 .

Si un mécanisme permanent devait être mis en place, et au regard de la situation constatée aux frontières de l'Union européenne, en Hongrie, en Croatie, en Autriche et en Allemagne, la France devra accueillir en 2016 et 2017 un nombre de demandeurs d'asile significativement plus élevé que les 30 000 d'ores et déjà prévus .

Un tel accueil nécessite des moyens importants , en particulier au titre de :

- l'instruction des demandes d'asile supplémentaires par l'OFPRA ;

- l'hébergement des demandeurs d'asile puis, le cas échéant, des réfugiés ;

- l'allocation aux demandeurs d'asile puis, le cas échéant, le revenu de solidarité active ;

- la couverture maladie universelle ;

- les dépenses d'intégration des étrangers, en particulier la formation linguistique dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration ;

- l'éducation nationale s'agissant des familles de migrants.

D'après les estimations de votre rapporteur spécial, l'accueil de 15 000 réfugiés par an aurait un coût direct annuel, en année pleine, d'environ 185 millions d'euros (90 millions d'euros pour l'hébergement, 79 millions d'euros pour les prestations sociales, et 16 millions d'euros pour l'intégration linguistique), sans compter les coûts indirects, plus difficiles à évaluer, sur les dépenses de personnel de l'OFPRA et de la police, ou encore les dépenses de santé et l'éducation nationale.

À titre de comparaison, l'Allemagne a annoncé qu'un abondement d'environ 6 milliards d'euros serait prévu à compter de 2016 (soit 1 milliard d'euros dès le budget 2016, en particulier en soutien aux Länder et aux communes, et 5 milliards d'euros dans le cadre d'un fonds de réserve).

Or, le financement de l'accueil de ces contingents de demandeurs d'asile en France, tel qu'il est prévu à ce jour, n'est ni précis ni réaliste .

En premier lieu, l'Union européenne s'est engagée, s'agissant du programme de relocalisation d'urgence, à verser un financement de 780 millions d'euros pour l'ensemble des pays participants aux deux programmes de relocalisation . La France prenant part à hauteur de 19,2 % du total des migrants relocalisés, elle pourrait bénéficier d'une enveloppe de 150 millions d'euros. Toutefois, les modalités de ce financement ne sont pas encore prévues . En outre, les actions financées par cette enveloppe (hébergement, renforcement de l'instruction des demandes d'asile, intégration, aides sociales) ne sont pas définies. Enfin et surtout, il est possible, sinon probable, que l'enveloppe par pays soit fonction du niveau de la capacité budgétaire des États participants, ce qui réduirait l'enveloppe française.

En second lieu, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures en faveur de l'accueil des demandeurs d'asile . Tout d'abord, lors du Conseil des ministres du 17 juin dernier, un « plan Migrants » a été présenté par le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, dans le contexte du premier programme de relocalisation européen et de la première crise des migrants. Ce plan comprend, notamment, la création de 4 000 nouvelles places de centres d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA), ainsi que de 500 places d'hébergement pour les réfugiés. Ces annonces, faites au mois de juin, sont globalement budgétées dans le présent projet de loi de finances, en particulier s'agissant du financement de l'hébergement des demandeurs d'asile.

Par la suite, dans le contexte de la crise des migrants du mois de septembre dernier, le Premier ministre Manuel Valls a, le 16 septembre, annoncé un plan global de financement de 279 millions d'euros . Toutefois, ce plan, qui comprend à la fois une aide forfaitaire aux communes créant de nouvelles places d'hébergement, mais aussi des financements pour l'OFPRA, l'OFII, ainsi que pour le programme d'hébergement du ministère de la ville, ou encore l'éducation nationale, n'est pas encore précisé. D'après le directeur général des étrangers en France entendu par votre rapporteur spécial, il pourrait représenter un montant de 85 millions d'euros pour les deux programmes 303 et 104 de la présente mission . Cette enveloppe est fondée sur l'hypothèse, non vérifiée et peu réaliste, d'un lissage des arrivées sur les douze mois de l'année 2016, à raison d'environ 1 250 demandeurs par mois. Elle semble, en tout état de cause, insuffisante pour couvrir les besoins en renforcement des équipes de l'OFPRA, en hébergement, en allocations et en actions d'intégration qui résulteront de l'arrivée de 15 000 demandeurs d'asile , dont la plupart seront rapidement réfugiés. Cela est d'autant plus vrai que ces dispositifs sont, dans le présent projet de loi de finances et indépendamment de ces arrivées, déjà sous-dotés ( cf. infra ).

A ce jour, l'enveloppe annoncée n'a pas été intégrée au présent projet de loi de finances et devrait l'être, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, par voie d'amendement dans le cadre du débat budgétaire .

Extrait du discours du Premier Ministre Manuel Valls devant l'Assemblée nationale, 16 septembre 2015

« Il nous faut aujourd'hui aller plus loin, mobiliser très rapidement, dès le mois d'octobre, les moyens nécessaires. Le ministre de l'intérieur l'a indiqué samedi dernier devant les maires : d'ici 2017, une aide de 1 000 euros par place d'hébergement créée sera attribuée aux communes et intercommunalités qui participeront à l'effort de solidarité. Ce soutien exceptionnel vient en complément de la politique d'hébergement, qui relève, elle, de l'État. (...)

« Au total, ce sont 279 millions d'euros qui seront mobilisés d'ici à la fin de 2016 au titre du premier accueil, de l'hébergement d'urgence, de l'aide forfaitaire aux communes. Ils seront mobilisés aussi pour renforcer les effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA -, que nous n'avons eu de cesse d'augmenter depuis 2012, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration - OFII - mais aussi de l'Éducation nationale, qui doit assurer l'accueil des élèves et des parents, l'apprentissage du français et la transmission de nos valeurs républicaines. »

Source : compte-rendus des débats de l'Assemblée nationale, 16 septembre 2015

Au total, au regard à la fois de l'incertitude planant sur le nombre de demandeurs d'asile supplémentaires que la France pourrait devoir accueillir en 2016 et en 2017, et de l'imprécision du financement européen et du financement national, le budget proposé pour 2016 pour la présente mission est, à ce stade, un budget largement sous hypothèque .

Cette dernière ne pèse d'ailleurs pas seulement sur la présente mission, mais également sur les autres missions qui concourent à la politique d'immigration et d'accueil des réfugiés , en particulier le logement, l'éducation nationale, et l'ensemble des systèmes sociaux et de santé (aide médicale d'Etat, couverture maladie universelle, revenu de solidarité active, etc.).

B. L'HYPOTHÈQUE DE LA RÉFORME DU DROIT DES ÉTRANGERS

L'année 2015 a été marquée par l'adoption de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile . Cette loi modifie les procédures d'asile afin d'accélérer le délai d'instruction des demandes, d'améliorer la gestion du système d'accueil des demandeurs d'asile et de renforcer l'accueil des personnes réfugiées. Au 1 er novembre 2015, les principales dispositions de la loi entreront en vigueur, en particulier la mise en place de la nouvelle allocation pour les demandeurs d'asile (ADA), qui remplace et fusionne l'actuelle allocation temporaire d'attente (ATA), versée aux demandeurs d'asile non hébergés en CADA, et l'actuelle allocation mensuelle de subsistance (AMS), versée par les CADA aux demandeurs qui y sont hébergés. Par ailleurs, l'orientation directive des demandeurs d'asile, sur la base du schéma national d'accueil des demandeurs, entrera également en vigueur, permettant de mieux répartir les demandeurs sur l'ensemble du territoire national et, ainsi, de désengorger certaines régions, en particulier l'Île-de-France et Rhône-Alpes, qui accueillent actuellement environ 40 % des demandeurs d'asile.

Le 23 juillet 2015, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers . Ce dernier est discuté en séance publique au Sénat à compter du 6 octobre 2015. Le projet de loi devrait ainsi être adopté avant la fin de l'année 2015 pour une entrée en vigueur en 2016.

Ce texte, dont l'ambition « limitée » a été soulignée par notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur au nom de la commission des lois 3 ( * ) , contient trois principales dispositions :

- la création d'une carte de séjour pluriannuelle , d'une durée de quatre ans, qui serait délivrée aux étrangers en situation régulière à l'expiration de leur titre de séjour d'un an, s'ils justifient de leur assiduité aux cours de langue et de formation civique ;

- la refonte du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) , qui est recentré sur la formation linguistique, dont le niveau serait relevé, pour atteindre un niveau A1 puis A2, contre A.1.1 aujourd'hui ;

- une réforme des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière , en particulier à travers une priorité accordée à l'assignation à résidence plutôt qu'à la rétention.

Même si le projet de loi n'a pas encore été adopté par le Sénat, le texte adopté par notre commission des lois va d'ores et déjà dans le sens d'une meilleure efficacité des mesures d'éloignement, notamment par un encadrement du recours à l'assignation à résidence, en encadrant la possibilité de contestation des obligations de quitter le territoire français (OQTF), et dans le sens d'un resserrement des conditions du bénéfice du titre de séjour pluriannuel.

En tout état de cause, l'adoption du projet de loi aura des conséquences sur le budget de la présente mission à deux principaux titres .

Tout d'abord, les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière du programme 303 , qui sont composés essentiellement des frais d'éloignement et des dépenses de fonctionnement des centres de rétention administratifs, dépendront de la réalité et de l'efficacité de la priorité affichée par le projet de loi pour l'assignation à résidence au détriment du placement en rétention . Moins coûteuse, l'assignation à résidence est également moins efficace, en termes de contrôle des étrangers ayant vocation à retourner dans leur pays d'origine . À cet égard, la récente visite de votre rapporteur spécial dans le centre de rétention administratif du Mesnil-Amelot, d'une capacité totale de 240 places, l'a convaincu de la difficulté qu'il y a, au regard des nombreuses tentatives d'évasion des retenus, à assurer la sécurité et le suivi des étrangers en situation irrégulière concernés dans le cadre d'une simple assignation à résidence.

Ensuite, les crédits consacrés à l'intégration devront être renforcés en fonction de la formule finalement retenue pour le CAI . En particulier, les crédits dévolus à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui organise et finance le CAI pour les étrangers primo-arrivants et les réfugiés, devront notamment dépendre du niveau de langue exigé des étrangers à la fin de leur parcours d'intégration. Votre rapporteur spécial avait, dès 2012, souligné la nécessité de relever le niveau de langue exigé des étrangers, en le passant au niveau A2, puis B1, du cadre européen de référence 4 ( * ) . Un tel relèvement, souhaitable, engendrerait en effet un coût important pour l'OFII ; votre rapporteur spécial avait d'ailleurs précisé que « l'élévation au niveau A2 puis B1 n'est envisageable, d'un point de vue budgétaire, que combinée à l'instauration d'une participation financière des étrangers aux frais de formation ».

Au total, le budget 2016 de la présente mission est un budget prévisionnel soumis à de fortes incertitudes, en ce qui concerne aussi bien le financement de l'asile que celui de l'intégration.

II. UN BUDGET TRIENNAL D'ORES ET DÉJÀ LARGEMENT DÉPASSÉ

Le plafond triennal des dépenses a été fixé en 2014, à périmètre constant, à 650 millions d'euros pour 2015, puis 652 millions d'euros en 2016 et 657 millions d'euros en 2017 , comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Votre rapporteur spécial avait souligné, dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2015, l'insuffisance des plafonds pour les années 2016 et 2017 . Le présent projet de loi de finances lui donne d'ores et déjà raison, les crédits de la loi de finances pour 2016 au format de la loi de programmation des finances publiques s'établissant à 703 millions d'euros, soit environ 50 millions d'euros de plus que le plafond triennal .

A cet égard, il convient de noter qu' il s'agit à la fois d'un motif de regret, qui traduit la sous-estimation chronique des plafonds triennaux s'agissant de la présente mission, et d' un motif de satisfaction , dans la mesure où ce dépassement témoigne d'un effort, certes insuffisant, de sincérité budgétaire pour la présente mission dans le projet de loi de finances pour 2016.

Plafonds des crédits des programmations pluriannuelles (périmètre constant)

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Plafond des crédits du triennal 2013-2015

670

659

640

Crédits LFI

670

665

652

703

Exécution

705

711

Plafond des crédits du triennal 2015-2017

650

652

657

Source : commission des finances

III. UNE STABILITÉ DE LA MAQUETTE QUI MASQUE LA CONCENTRATION CROISSANTE DES DÉPENSES SUR L'ASILE

A. UNE MAQUETTE STABLE MALGRÉ LA RÉFORME DE L'ASILE

La mission est composée de deux programmes, le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » .

La seule évolution de périmètre , très limitée, concerne l'action 1 « Circulation des étrangers et politique des visas » du programme 303, les dépenses de titre 2 de la sous-direction des visas, située à Nantes, étant intégrées aux dépenses de fonctionnement du ministère de l'intérieur au sein du programme 216 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Par ailleurs, la maquette du programme 104 évolue, avec la création d'une nouvelle action 16 «  Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants » , qui permet d'identifier spécifiquement des crédits qui étaient jusqu'alors portés par l'action 12 « Action d'intégration des étrangers primo-arrivants », rebaptisée « Actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière », soit 9,5 millions d'euros.

La réforme de l'asile, bien qu'elle ait des conséquences importantes sur la plupart des dispositifs du droit d'asile (procédure, hébergement, allocation), n'a guère de conséquences immédiates d'un point de vue budgétaire . À court et moyen terme, elle ne devrait pas non plus entraîner d'autre évolution majeure de crédits que les trois suivantes :

- une augmentation des moyens dédiés à l'OFPRA pour l'instruction des demandes d'asile, afin de répondre à l'objectif, fixé dans la loi, d'un délai maximal de trois mois ;

- une augmentation des moyens destinés aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) , qui doivent redevenir, grâce à une augmentation du parc, le vecteur prioritaire d'hébergement des demandeurs d'asile ;

- la budgétisation de la nouvelle allocation pour demandeurs d'asile , dont le champ est plus large que l'actuelle allocation temporaire d'attente.

Au total, la dotation de la mission augmente de 8,2 % en crédits de paiement entre 2015 et 2016, passant d'environ 649 millions d'euros à environ 703 millions d'euros . Cette hausse est principalement portée par trois actions :

- la garantie de l'exercice du droit d'asile , pour environ 37 millions d'euros ;

- la lutte contre l'immigration irrégulière , pour environ 3 millions d'euros ;

- les actions d'intégration des étrangers , pour environ 4 millions d'euros s'agissant de la subvention à l'OFII et 3 millions d'euros s'agissant des autres actions d'intégration.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en euros)

Autorisations d'engagement

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation

Programme 303 - Immigration et asile

660 470 939

583 842 208

633 262 812

8,5 %

Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas

1 107 040

1 432 000

560 000

-60,9%

Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

570 396 859

496 567 568

533 300 000

7,4%

Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière

63 960 912

63 632 000

76 624 082

20,4%

Action 4 - Soutien

25 006 128

22 210 640

22 778 730

2,6%

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

51 022 122

58 014 519

70 369 458

21,3 %

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

0

10 424 156

14 644 043

40,5%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

33 105 916

30 954 876

24 708 000

-20,2%

Action 14 - Accès à la nationalité française

1 112 459

1 153 737

1 204 515

4,4%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

16 803 747

15 481 750

20 575 900

32,9%

Action 16 - Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

-

-

9 237 000

-

Total pour la mission

711 493 061

641 856 727

703 632 270

9,6 %

Source : commission des finances

Crédits de paiement

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation

Programme 303 - Immigration et asile

675 662 085

593 416 208

632 678 730

6,6%

Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas

1 159 114

1 432 000

560 000

-60,9%

Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

570 171 039

496 567 568

533 300 000

7,4%

Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière

77 622 087

73 807 000

76 700 000

3,9%

Action 4 - Soutien

26 709 845

21 609 640

22 118 730

2,4%

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

51 514 518

58 577 519

70 223 543

19,9%

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

0

10 424 156

14 644 043

40,5%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

33 150 916

30 954 876

24 708 000

-20,1%

Action 14 - Accès à la nationalité française

1 560 326

1 716 737

1 058 600

-38,3%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

16 803 366

15 481 750

20 575 900

32,9%

Action 16 - Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

-

0

9 237 000

-

Total pour la mission

727 176 603

651 993 727

702 902 273

7,8 %

Source : commission des finances

B. DES DÉPENSES CONCENTRÉES SUR QUELQUES DISPOSITIFS CONTRAINTS, NOTAMMENT LES DÉPENSES LIÉES À L'ASILE

Les crédits de l'action 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 passent de 496,6 millions d'euros en loi de finances pour 2015 à 533,3 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances (+ 7,4 %) . Cette augmentation résulte à la fois de l'augmentation des moyens dédiés à l'OFPRA et aux CADA, et d'un effort de budgétisation plus sincère de la dépense d'allocation des demandeurs d'asile ( cf. infra ).

En conséquence, les dépenses liées à l'asile restent largement prépondérantes, avec une part d'environ 76 % du total des dotations de la présente mission . Le deuxième poste de dépenses, également contraintes, est celui de la lutte contre l'immigration irrégulière (en particulier les frais de fonctionnement des CRA et frais de reconduite à la frontière), soit 11 % du total de la mission.

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2016

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances

ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE »

1. Un programme centré sur l'asile et l'immigration irrégulière

Le programme  303 « Immigration et asile », qui représente environ 90 % des dotations de la mission, est composé de quatre actions :

- l'action 1 « Circulation des étrangers et politique des visas » , qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des visas, placée au sein de la direction générale des étrangers en France ; cette action ne porte, en 2016, plus qu'un reliquat de crédits de 560 000 euros, en raison du transfert des crédits de fonctionnement de la sous-direction des visas de Nantes vers le programme 216 ;

- l'action 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » , qui rassemble les crédits destinés au traitement des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et l'ensemble du financement des dispositifs d'accompagnement des demandeurs d'asile (centres d'accueil des demandeurs d'asile, hébergement d'urgence, allocation aux demandeurs d'asile) ;

- l'action 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » , qui porte principalement les crédits destinés au fonctionnement des centres et lieux de rétention administrative (CRA), ainsi que les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ;

- l'action 4 « Soutien » , qui porte les dépenses de fonctionnement de la direction générale des étrangers en France, à l'exclusion des dépenses de personnel et des loyers budgétaires.

Évolution des crédits de paiement du programme 303

en euros

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation

Programme 303 - Immigration et asile

675 662 085

593 416 208

632 678 730

6,6%

Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas

1 159 114

1 432 000

560 000

-60,9%

Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

570 171 039

496 567 568

533 300 000

7,4%

Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière

77 622 087

73 807 000

76 700 000

3,9%

Action 4 - Soutien

26 709 845

21 609 640

22 118 730

2,4%

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

2. Une demande d'asile « nationale » stable, dans l'attente des demandeurs d'asile répartis à l'échelle de l'Union européenne

Comme cela a déjà été indiqué, la France connaît quant à elle, sur la première moitié de l'année 2015, un nombre de demandes d'asile stable par rapport à 2014 avec 32 784 demandes d'asile déposées (+ 0,3 %) . Sur la base de cette évolution, la demande d'asile strictement nationale devrait s'établir entre 65 000 et 70 000 demandes en 2015 .

Les nationalités d'origine des demandeurs d'asile connaissent cependant une évolution notable. Ainsi, le Kosovo redevient la première nationalité d'origine des demandeurs , avec 1 805 demandes sur le premier semestre 2015 - ce qui est directement lié au retrait du Kosovo de la liste des pays d'origine sûrs en octobre 2014. Par ailleurs, le Soudan (+ 94 %) et l'Irak (+ 1 546 %), tout en conservant des chiffres relativement contenus en valeur absolue (soit respectivement 1 273 et 905 demandes), ont connu une forte hausse en ce début d'année.

S'agissant de 2016, le projet de loi de finances pour 2016 a été conçu sur la base d'une « hypothèse d'une hausse de la demande d'asile régulière, conduisant au dépôt de 71 500 demandes en 2016 » 5 ( * ) . Cette hypothèse semble réaliste, indépendamment du programme de relocalisation à l'échelle européenne .

3. Des moyens accrus pour l'OFPRA, qui doit également faire face à la mise en oeuvre de la réforme

L'OFPRA est l'office chargé, en première instance, d'accorder ou non la protection de la France aux demandeurs d'asile qui la sollicitent. Face à l'augmentation de la demande d'asile depuis 2007 et à l'allongement des délais de traitement des demandes d'asile, l'OFPRA a vu ses moyens considérablement augmenter lors des dernières lois de finances . En 2016, ce renforcement des moyens est d'autant plus nécessaire que la loi précitée de réforme de l'asile a fixé des objectifs exigeants à l'office, à savoir un traitement des demandes d'asile dans un délai de trois mois, tout en assurant le respect des nouveaux droits, en particulier des droits de recours, que cette réforme a conférés aux demandeurs d'asile.

Ainsi, le projet de loi de finances poursuit l'évolution de ces dernières années, la subvention de l'État augmentant de 1,4 million d'euros par rapport à la loi de finances pour 2015, pour s'établir à 47,4 millions d'euros . En 2009, elle était de seulement 29 millions d'euros (+63 %). De la même manière, le plafond d'emplois de l'opérateur est relevé de 20 équivalents temps plein travaillés (ETPT), pour s'établir à 545 en 2016 , après une progression de 50 ETPT en 2015. Au total, depuis 2013, l'office a gagné 100 ETPT.

Le directeur général de l'OFPRA Pascal Brice a indiqué à votre rapporteur spécial que ces recrutements devraient en 2016 se concentrer sur les tâches administratives nécessaires à l'enregistrement des demandes, à la notification des décisions et à la production des documents d'état civil des personnes protégées, alors que les recrutements précédents avaient essentiellement permis d'accroître le nombre d'officiers de protection chargés des décisions.

Tout en saluant cette progression, votre rapporteur spécial doute qu'elle puisse être suffisante, au regard du délai de traitement des demandes, qui reste, en 2015, à un niveau élevé d'environ 200 jours , d'après le projet annuel de performances. Certes, le stock des dossiers de plus de trois mois est en cours de résorption, étant passé de 20 000 dossiers lors du pic de 2013 à 14 000 dossiers aujourd'hui. L'objectif d'un délai de trois mois, soit 90 jours, devrait être atteint, selon le directeur général de l'OFPRA, en 2017.

En tout état de cause, ces cibles, déjà ambitieuses, illustrent le fait que les économies budgétaires liées à une hypothétique réduction du délai de traitement des demandes n'interviendront pas immédiatement après l'entrée en vigueur de la réforme de l'asile au 1 er novembre .

Il convient de souligner que le délai global d'examen des demandes d'asile se réduit également en raison de l'augmentation du nombre de dossiers traités chaque année, en appel, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Ainsi, entre 2009 et 2014, le nombre de décisions annuelles de la Cour a doublé, passant de 20 240 à 39 162.

4. Des places en CADA en augmentation

Constatant que le niveau élevé de la demande d'asile que connaît la France depuis plusieurs années est amené à perdurer, les pouvoirs publics, quels que soient les Gouvernements, ont développé la capacité d'accueil dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) , capacité pérenne et plus adaptée à ce public spécifique. Ainsi, entre 2001 et 2014, le parc de CADA est passé de 5 282 places à 25 637 places .

En 2015, 4 200 nouvelles places auront été créées . S'agissant de 2016, dans le cadre du plan « Migrants » annoncé en juin 2015, un nouvel appel d'offres a été lancé dont l'objectif est de créer à terme 5 500 places supplémentaires de CADA, en particulier par transformation de places d'hébergement d'urgence existantes. Ainsi, il est prévu de créer 3 500 nouvelles places en CADA en 2016 et 2 000 nouvelles places en 2017 .

Votre rapporteur spécial se félicite de la poursuite de la politique de construction de places de CADA , qui assure un hébergement adapté et encadré ; au total, environ 10 000 places de CADA auront été construites entre 2012 et 2016. Cependant, force est de constater que cette évolution n'est pas à la hauteur des enjeux, conduisant au maintien d'un important dispositif, mal contrôlé et plus onéreux, d'hébergement d'urgence (cf. infra ).

Le coût moyen par place en CADA s'établit, pour 2016, à 19,45 euros par jour . Il est en diminution compte tenu de l'entrée en vigueur de la nouvelle allocation pour demandeur d'asile (ADA), les CADA ne finançant plus, à compter du 1 er novembre 2015 et de l'entrée en vigueur de la réforme de l'asile, l'allocation mensuelle de subsistance.

Il convient de souligner que, l'ADA étant budgétée pour un montant moyen de 8,4 euros par personne et par jour, le coût journalier global d'un demandeur d'asile en CADA (coût à la place + allocation) augmente sensiblement en 2016, passant de 24 euros à 27,85 euros . Votre rapporteur spécial sera particulièrement vigilant quant à l'évolution du coût unitaire moyen des places en CADA , le ministère de l'intérieur soulignant, dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances, que le référentiel de coûts mis en place depuis 2012 devrait permettre une évolution à la baisse du coût unitaire moyen en cours d'année.

Au total, la dotation pour les CADA s'établit à 236,4 millions d'euros pour 2016, pour un total de 33 000 places dont 3 500 places créées en cours d'année 2016 .

5. Le financement insuffisant de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile

Avec 33 000 places en CADA prévues pour 2016, un nombre de demandeurs d'asile estimés à 70 000, soit 85 000 a minima en tenant compte du programme européen de relocalisation, et une durée moyenne de traitement des demandes par l'OFPRA de 200 jours, la capacité d'hébergement en CADA devra être complétée par des places en hébergement d'urgence .

Le parc d'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile (HUDA) est composé de deux dispositifs : un parc national, géré par la société Adoma, soit 6 660 places ; et un parc déconcentré, géré par les préfets de département, soit 12 760 places prévues en 2016.

Le parc déconcentré est composé à la fois de centres d'hébergement collectifs, d'appartements pris à bail et de nuitées d'hôtels, ces dernières étant, comme l'illustre le tableau ci-dessous, la formule la plus coûteuse en terme de coût journalier.

Coût de l'hébergement d'urgence en 2014

HU déconcentré

HU national

Collectif

Hôtel

Appartements

ATSA

Coût unitaire

15,05 €

17,88 €

13,36 €

16,28 €

Coût total (estimation pour l'HU déconcentré)

28,4 M€

78,1 M€

35,5 M€

13,1 M€

Source : ministère de l'intérieur, réponses au questionnaire budgétaire

Misant sur l'augmentation du parc de CADA, ainsi que sur la mise en place de l'orientation directive, qui pourrait réduire le nombre de demandeurs d'asile hébergés dans le dispositif financé par l'État, le projet de loi de finances prévoit une dotation 2016 en baisse significative par rapport à 2015, soit 111,5 millions d'euros, contre 132,5 millions d'euros en 2015 . Or, la dotation 2015, même si elle se caractérisait par une augmentation significative par rapport aux années précédentes, était inférieure aux dépenses constatées en 2014 (142 millions d'euros). En outre, la loi précitée de réforme de l'asile prévoit que les demandeurs d'asile hébergés en HUDA ont droit à un accompagnement juridique et social , à l'instar de ceux hébergés en CADA ; cet accompagnement, s'il est effectivement mis en oeuvre, devra donc également être financé par cette enveloppe.

En conséquence, la dotation 2016 d'hébergement, compte tenu de la situation de la demande d'asile en France et du programme de relocalisation européen, n'est pas réaliste et devra probablement faire l'objet d'un abondement de l'ordre de 30 millions à 40 millions d'euros en cours d'année .

6. La délicate budgétisation de la nouvelle allocation pour demandeurs d'asile

Jusqu'au 1 er novembre 2015, les demandeurs d'asile bénéficient, en fonction de leur situation, de deux allocations différentes : l'allocation mensuelle de subsistance (AMS), versée par les CADA lorsqu'ils sont hébergés en CADA, et l'allocation temporaire d'attente (ATA), versée par Pôle Emploi lorsqu'ils n'ont pas pu être hébergés en CADA et le sont en hébergement d'urgence. La loi précitée portant réforme de l'asile a fusionné ces deux allocations en une seule « allocation pour demandeurs d'asile » (ADA), qui sera désormais gérée par l'Office français d'immigration et d'intégration (OFII) .

La budgétisation de la nouvelle allocation est, pour plusieurs raisons, particulièrement délicate .

Tout d'abord, son barème a été familialisé , si bien que le montant journalier moyen ne peut être, à ce stade, qu'une estimation. Le Gouvernement s'est ainsi fondé sur un montant moyen de 8,4 euros par personne et par jour - soit significativement moins que l'ATA, dont le montant était de 11,5 euros par personne et par jour. Cela représente un montant mensuel de 252 euros.

Ensuite, le nombre des bénéficiaires est susceptible d'évoluer en fonction des conséquences de la mise en oeuvre de l'orientation directive des demandeurs d'asile . En effet, en vertu de ce système prévu par la réforme de l'asile, un refus d'hébergement proposé par l'OFII entraînera la perte des droits à l'allocation, ce qui pourrait faire diminuer le nombre d'allocataires.

Enfin, l'ATA était caractérisée par une proportion importante d'indus, de l'ordre de 20 %, d'après les estimations de Pôle Emploi, en 2013. La dépense d'ADA dépendra donc également de l'efficacité de la gestion de l'allocation par l'OFII et de la capacité de ce dernier à maîtriser les indus , notamment en affinant le lien entre la situation du demandeur au regard de l'OFPRA et de la CNDA et ses droits à l'allocation, mais aussi en vérifiant effectivement la situation matrimoniale et familiale des allocataires, dès lors que l'ADA est familialisée.

Au total, le projet de loi de finances prévoit une dotation de 137,5 millions d'euros pour l'ADA . Cela représente une augmentation de 27,5 millions d'euros par rapport à la dotation d'ATA en loi de finances initiale pour 2015, que votre rapporteur spécial avait qualifiée de « manifestement insincère ». D'après les éléments transmis à votre rapporteur spécial, la dépense prévisionnelle d'ATA, pour 2015, s'établit à 157 millions d'euros jusqu'au 1 er novembre 2015 (soit près de 190 millions d'euros en dépense théorique annualisée) .

Évolution de la dépense annuelle d'allocation temporaire d'attente

en millions d'euros

* 2015 : l'ATA, remplacée par l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA), ne sera plus versée à compter du 1 er novembre 2015 ; le montant indiqué correspond à une dépense prévisionnelle annuelle sur la base de la dépense prévisionnelle jusqu'au 1 er novembre 2015.

*2016 : dotation initiale pour l'ADA dans le PLF 2016

Source : commission des finances

La seule analyse du nombre de bénéficiaires de l'allocation suffit à éclairer l'insuffisance manifeste de la dotation pour 2016 . En effet, le nombre de bénéficiaires journaliers de l'ATA est, en 2014 et en 2015, de 46 900 personnes. Or, le public potentiel de l'ADA, qui comprend les demandeurs accueillis en CADA, est plus important que le public de l'ATA , limité aux seuls demandeurs hébergés en HUDA. Pourtant, les crédits d'ADA proposés par le présent projet de loi de finances sont établis sur la base d'une prévision de 44 800 bénéficiaires seulement .

Par conséquent, tout en reconnaissant la difficulté attachée à la prévision budgétaire d'une allocation dont le champ et le montant ont été redéfinis, votre rapporteur spécial estime que toute dotation inférieure à 200 millions d'euros sera insuffisante en gestion .

Au total, qu'il s'agisse de l'hébergement d'urgence ou de l'allocation temporaire d'attente, et malgré la hausse des crédits globaux dédiés à l'asile, votre rapporteur spécial déplore que la mise en oeuvre de la réforme de l'asile ne se soit pas accompagnée d'un effort de sincérité budgétaire qui permette, enfin, de mettre un terme à ce que l'opinion publique perçoit, depuis plusieurs années, comme une volonté politique de masquer, sinon de maquiller, la réalité du coût des dépenses liées aux demandeurs d'asile .

7. Les moyens à redéfinir d'une politique de rétention hâtivement repensée

L'action 3 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière finance trois principaux postes :

- les dépenses de fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative et zones d'attente ;

- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière ;

- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus.

La politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière est traversée, en 2015, par deux phénomènes contradictoires . D'un côté, le projet de loi précité relatif au droit des étrangers prévoit d'accorder la priorité à l'assignation à résidence plutôt qu'au placement en rétention, conformément à la directive 2008/115/CE dite « Directive Retour » 6 ( * ) . D'un autre côté, dans le cadre du plan « Migrants » annoncé en juin 2015, le Gouvernement a décidé de renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière et, dans ce cadre, d'optimiser l'utilisation des places existantes de centres de rétention administrative (CRA) , aujourd'hui largement sous-utilisées 7 ( * ) .

En conséquence, les crédits prévus en 2016 sont en légère hausse, passant de 19 millions d'euros à 20,6 millions d'euros pour le fonctionnement des CRA . Cependant, il convient de souligner qu'au-delà de la dotation de fonctionnement du programme 303, la capacité d'accueil des CRA dépend essentiellement des effectifs de la police aux frontières qui leur sont alloués , afin d'assurer les nécessaires escortes consulaires et judiciaires et les raccompagnements à la frontière. Or, votre rapporteur spécial a pu constater, lors de sa visite au CRA du Mesnil-Amelot, que ces effectifs avaient baissé en 2013, 2014 et 2015.

Les dépenses d'assignation à résidence sont prévues à hauteur de 1,3 million d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 25 % par rapport à la loi de finances pour 2015. Votre rapporteur spécial souligne que cette solution, qui peut être utile, ne saurait remplacer la rétention pour une grande partie du public concerné pour qui elle ne permet pas d'assurer le contrôle nécessaire à leur reconduite effective à la frontière .

Par ailleurs, afin de désengorger le dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile (CADA et HUDA), il est nécessaire d'en sortir, le plus rapidement possible, les personnes déboutées du droit d'asile à la suite d'une décision définitive de l'OFPRA ou de la CNDA. À cet égard, la revue de dépenses, conduite par les inspections générales, relative à l'hébergement d'urgence, a préconisé de mettre en place des dispositifs dédiés d'accompagnement des déboutés du droit d'asile vers le départ du territoire . De tels centres, que votre rapporteur spécial appelle de ses voeux, sont actuellement expérimentés dans le cadre du plan « Migrants », en particulier à Vitry-sur-Orne en Moselle. Le projet de loi de finances prévoit une dotation de 1,9 million d'euros à cet effet.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2016 se caractérise par une hausse significative des crédits dédiés aux frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière , les frais de billetterie centrale passant de 15,3 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2015 à 23,75 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances. Cette hausse correspond à la dépense constatée en 2014 , soit 24 millions d'euros, et qui s'explique moins par la hausse du nombre de raccompagnements aux frontières que par l'augmentation du coût individuel des billets du fait de la part croissante des renvois vers des pays lointains hors Union européenne.

II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

1. Une augmentation bienvenue des crédits du programme

Le programme  104 regroupe les crédits d'intervention consacrés à l'intégration des étrangers et des réfugiés et s'articule autour de cinq actions, dont l'une est créée à l'occasion du présent projet de loi de finances :

- l'action  11 « Accueil des étrangers primo-arrivants », qui porte la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'action  12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants », qui finance les actions d'intégration des étrangers en situation régulière hors OFII ;

- l'action  14 « Accès à la nationalité française », qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations ;

- l'action  15 « Accompagnement des réfugiés », qui finance les actions d'intégration des réfugiés et, en pratique, essentiellement les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) ;

- l'action 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », nouvellement créée, qui reprend des crédits auparavant intégrés au sein de l'action 12 et qui sont désormais, à juste titre, isolés au sein d'une action spécifique.

Ce programme représente, avec 70,2 millions d'euros prévus en 2016 , moins de 10 % des crédits de paiement de la mission . Pour la première fois depuis plusieurs années, le programme connaît ainsi une hausse de ses crédits, qui s'étaient établis à 58,6 millions d'euros en loi de finances pour 2015 (+ 20 %) . Votre rapporteur spécial, qui appelle de ses voeux une politique ambitieuse en matière d'intégration depuis plusieurs années, ne peut que s'en réjouir, bien que l'analyse détaillée de cette évolution et de ses raisons soit plus nuancée.

Évolution des crédits de paiement du programme 104

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

51 514 518

58 577 519

70 223 543

19,9%

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

0

10 424 156

14 644 043

40,5%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

33 150 916

30 954 876

24 708 000

-20,1%

Action 14 - Accès à la nationalité française

1 560 326

1 716 737

1 058 600

-38,3%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

16 803 366

15 481 750

20 575 900

32,9%

Action 16 - Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

-

0

9 237 000

-

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

2. L'OFII confronté à un basculement de ses missions vers l'asile

Créé en 2009, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dispose d'une compétence générale en matière d'intégration des étrangers en situation régulière dans les cinq premières années de résidence sur le territoire français . Il est financé essentiellement par des taxes affectées , correspondant aux droits de timbre acquittés par les étrangers ou aux taxes sur la main d'oeuvre étrangère due par les entreprises, qui sont complétées par une subvention pour charges de service public de l'Etat , et par des crédits du fonds européens d'intégration (FEI) et « Asile, migration et intégration » (FAMI).

L'OFII est confronté, avec la loi précitée portant réforme de l'asile et le projet de loi précité relatif au droit des étrangers, à une évolution structurelle de ses missions qui en font désormais, un acteur mixte au service de l'asile et de l'intégration .

En effet, l'OFII est désormais responsable :

- du premier accueil des demandeurs d'asile , y compris l'évaluation des demandeurs pour estimer leur « vulnérabilité » et adapter ainsi la solution d'hébergement proposée ;

- de la gestion de l'ensemble du parc de places en CADA de façon centralisée pour l'attribution des places aux demandeurs d'asile, ainsi que des places en centres provisoires d'hébergement (CPH) pour les réfugiés ( cf. infra ).

- de la gestion de l'allocation pour demandeurs d'asile , qui se substitue à l'allocation temporaire d'attente.

S'agissant de ses missions traditionnelles relatives à l'accueil et à l'intégration des étrangers primo-arrivants, l'OFII connaît également des évolutions importantes, qui ont été rappelées précédemment, en particulier :

- la refonte du parcours de l'étranger primo-arrivant et, en particulier, le relèvement au niveau A1 (contre A1.1 aujourd'hui) du niveau de langue exigé des étrangers après un an en France ;

- le renforcement de l'aide au retour pour les étrangers en situation irrégulière dans le cadre du plan « Migrants » ;

- la suppression de la visite médicale pour les étudiants , prévue par l'article 4 bis du projet de loi relatif au droit des étrangers, qui permettra de dégager quelques marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires.

Dans ce contexte, la subvention d'équilibre de l'État à l'OFII s'établirait à 14,6 millions d'euros, soit une augmentation d'environ 4 millions d'euros par rapport à 2015 . Par ailleurs, le plafond des taxes affectées est maintenu à 140 millions d'euros par le présent projet de loi de finances.

Cette augmentation des moyens a vocation, d'après le projet annuel de performances, à financer « d'une part le recrutement de 40 ETP supplémentaires, dont 10 pour la mission Asile et 30 pour la mission Retour et réinsertion, et d'autre part les aides versées aux étrangers ». Ainsi, cette augmentation n'a pas pour objet de revoir à la hausse les prestations de formation linguistique à destination des étrangers primo-arrivants . Pourtant, une telle hausse est rendue nécessaire à la fois par l'élévation mentionnée précédemment du niveau de langue exigé des étrangers signataires du contrat d'accueil et d'intégration, et par l'arrivée prévue de près de 15 000 réfugiés supplémentaires en France en 2016 dans le cadre du programme de relocalisation européen. Ces derniers seront en effet autant de futurs signataires du contrat d'accueil et d'intégration et, au regard de leurs nationalités d'origine (Syriens, Irakiens, Erythréens), autant de bénéficiaires des prescriptions linguistiques pour l'apprentissage du français.

Aussi, votre rapporteur spécial s'interroge sur la capacité de l'OFII de répondre en 2016, sur la base d'une hausse de seulement 4 millions d'euros de ses ressources, tout à la fois à la prise en charge de missions entièrement nouvelles liées à l'asile et à la mise en oeuvre d'une intégration réussie des étrangers primo-arrivants et des réfugiés dans le cadre d'un parcours d'intégration présenté comme plus exigeant .

En tout état de cause, il sera attentif à ce que cette subvention ne soit pas, comme ce fut le cas en 2014 et 2015, supprimée ou réduite en cours de gestion, par décret d'annulation ou loi de finances rectificative .

3. Une ambition encore timide d'intégration et de formation linguistique des étrangers

Le projet de loi relatif au droit des étrangers prévoit que les étrangers primo-arrivants suivent un parcours d'intégration qui débute par un contrat d'intégration qui les mène, à l'issue d'un an, au niveau A1 en langue française et, à l'issue de cinq années de présence en France, au niveau A2 . Tout en saluant cet effort, votre rapporteur spécial note son manque d'ambition, le niveau A2, qui correspond seulement à la deuxième marche d'une échelle européenne qui en compte six, restant un niveau faible pour des personnes qui vivent et travaillent en France pendant cinq ans . À titre de comparaison, le niveau d'ores et déjà exigé en Allemagne des étrangers en situation régulière à l'issue de leur parcours obligatoire d'intégration est le niveau B1.

La formation linguistique nécessaire au passage du niveau A1 au niveau A2 est financée par l'action 12 « Accompagnement des étrangers en situation régulière » du programme 104. Afin d'assurer le relèvement à A2 du niveau exigé à l'issue de cinq ans, cette action voit, à périmètre constant 8 ( * ) , ses crédits augmenter de 3 millions d'euros en 2016 par rapport à 2015 , pour s'établir à 24,7 millions d'euros. Il convient de souligner que 2016 n'étant que la première année de la mise en oeuvre de cet objectif de relèvement, les crédits de la présente action devront augmenter dans des proportions similaires chaque année sur les cinq prochains exercices, afin de financer le cycle complet, sur cinq ans, de cette formation linguistique renforcée.

4. Les centres provisoires d'hébergement : la création de 500 places nouvelles, insuffisantes face à l'enjeu d'accompagnement et d'intégration des réfugiés

L'action 15 du programme 104 porte essentiellement les crédits destinés au financement de l'hébergement des réfugiés, en particulier les centres provisoires d'hébergement (CPH) .

Cette action constitue l'un des motifs de satisfaction du présent projet de loi de finances . En effet, la nécessité de renforcer l'intégration des réfugiés après l'obtention du statut par l'OFPRA ou la CNDA, qui était au coeur du rapport d'information de votre rapporteur spécial sur les centres provisoires d'hébergement 9 ( * ) , semble avoir été partiellement comprise par le Gouvernement. Ainsi, dans le cadre du plan Migrants de juin 2015, la création de 500 places supplémentaires en CPH a été annoncée , ce qui portera en 2016 le parc de CPH, qui n'avait pourtant pas progressé depuis 10 ans, à 1 500 places.

En conséquence, l'action voit sa dotation progresser globalement de 4,4 millions d'euros pour financer ces places nouvelles dont le coût journalier prévisionnel moyen, en baisse, s'établit à 27,2 euros pour 2016 .

Votre rapporteur spécial regrette cependant qu'il ne soit pas tenu compte, dans ce financement, des modifications apportées, à l'initiative de votre rapporteur spécial au Sénat, par la loi précitée portant réforme du droit d'asile au statut des CPH et, en particulier, à l'élargissement de leurs missions à l'accompagnement de l'intégration de l'ensemble des réfugiés accueillis sur le territoire du département.

En tout état de cause, l'augmentation des moyens dédiés à l'accompagnement des réfugiés est inévitable .

D'une part, en raison de l'évolution des flux de demandeurs d'asile vers la France, et en particulier, de la progression du nombre de demandeurs en provenance de pays dont la situation sécuritaire est problématique - Soudan, Irak, Ukraine, Syrie notamment -, le nombre de décisions favorables de l'OFPRA et de la CNDA progresse en 2014 et au premier semestre 2015 . Ainsi, sur le seul premier semestre 2015, 14 748 demandeurs se sont vus accorder le statut de réfugié, soit autant qu'au cours de l'ensemble de l'année 2014.

D'autre part, au regard de l'annonce du programme de relocalisation de demandeurs d'asile « en besoin manifeste de protection » en 2016 et 2017, la France accueillera en 2016, a minima , 15 000 demandeurs d'asile supplémentaires en provenance de Hongrie, d'Italie et de Grèce, dont 95 %, d'après Pierre-Antoine Molina, directeur général des étrangers en France entendu par votre rapporteur spécial, devraient obtenir le statut de réfugié.

Au total, la France devrait accorder sa protection à au moins 30 000 personnes en 2016, soit près du triple de la moyenne annuelle des dix dernières années . Plus que les solutions d'hébergement, qui pourraient être trouvées par la mobilisation des logements sociaux vacants notamment, cette situation appelle une augmentation massive des moyens d'accompagnement et de formation pour permettre une intégration aisée dans la société française de cette population durablement réfugiée .

La création de 500 places en CPH constitue une bonne nouvelle, mais qui n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Comme votre rapporteur spécial a eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises, il est absolument primordial de se donner, non seulement les moyens de gérer le flux des demandeurs d'asile mais, surtout, d'accompagner dans l'intégration ceux, de plus en plus nombreux, à qui la République accorde sa protection .


* 1 La clé de répartition est fonction des critères suivants : taille de la population : pondération de 40 % ; PIB : pondération de 40 % ; nombre moyen de demandes d'asile antérieures : pondération de 10 %, et taux de chômage : pondération de 10 %.

* 2 « Nach allem, was ich weiß, wird Frankreich in diesem Jahr etwa 80, 90.000 Flüchtlinge aufnehmen. Das ist sicherlich deutlich weniger als Deutschland, und diese Feststellung wird man sicherlich auch deutlich auf europäischer Ebene artikulieren müssen », Deutschlandfunk, 2 octobre 2015.

* 3 Rapport n° 716 (2015-2016) de M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015.

* 4 Rapport n° 47 (2012-2013) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances, « L'office français de l'immigration et de l'intégration: pour une politique d'intégration réaliste et ambitieuse »

* 5 Réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 6 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

* 7 Taux moyen d'occupation de 54,6 % des places au premier semestre 2015 pour les CRA situés en métropole.

* 8 En raison de la création de l'action 16, les crédits de l'action 12 sont amputés, à périmètre courant, de 9,6 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016.

* 9 Rapport n° 97 (2014-2015), fait au nom de la commission des finances « Les centres provisoires d'hébergement : remettre l'accueil et l'intégration des réfugiés au coeur de la politique d'asile ».