MM. Bernard DELCROS et Daniel RAOUL, rapporteurs spéciaux

II. UN SOUTIEN RENFORCÉ À LA POLITIQUE DE LA VILLE

A. LA CONCRÉTISATION DANS LE BUDGET DES ENGAGEMENTS PRIS DANS LE CADRE DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL À L'ÉGALITÉ ET À LA CITOYENNETÉ

L'augmentation des crédits du programme 147, hors crédits destinés à compenser les exonérations de charges sociales en ZFU, s'inscrit dans la mise en oeuvre des engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015 30 ( * ) , qui faisait suite aux événements du 7 janvier 2015 et au cours duquel 60 mesures ont été arrêtées.

Dès 2015, 31,7 millions d'euros ont fait l'objet d'un dégel de crédits initialement mis en réserve sur le programme afin de mettre en oeuvre au plus vite certaines mesures.

Poursuivant les efforts déjà engagés cette année, les crédits supplémentaires, qui s'élèveraient à 18,5 millions d'euros pour 2016 selon les informations du ministère chargés de la ville, sont destinés à :

- augmenter les dotations des préfets destinées aux actions territorialisées par le versement de subventions aux associations de proximité ;

- étendre le programme de réussite éducative dans les établissements scolaires situés en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) et qui n'étaient pas encore couverts, ainsi que le renforcer là où il était déjà présent ;

- soutenir le dispositif des adultes-relais , par le financement en année pleine de la revalorisation de 5 % du montant du forfait d'aide accordé par an et par poste et déjà en vigueur depuis le 1 er septembre 2015 ;

- accroître les capacités de l'EPIDe , en créant 570 places nouvelles afin d'accueillir 1 000 jeunes supplémentaires. Plus globalement, le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté prévoit de développer l'ensemble des « dispositifs de 2 ème chance pour accompagner les jeunes décrocheurs » ;

- lancer un programme de formation pour, selon le projet annuel de performances, « répondre aux besoins de qualification et d'accompagnement de professionnels de terrain en contact avec les publics, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour l'application des principes de la République, principalement du principe de laïcité, dans les situations professionnelles qu'ils rencontrent au quotidien . ».

Selon les informations recueillies auprès du ministère chargé de la ville, cette dotation supplémentaire devrait être complétée par un dégel de crédits qui permettrait d'aboutir à une enveloppe de 55 millions d'euros .

Votre rapporteur spécial se félicite de ce renforcement des moyens alloués aux crédits spécifiques de la politique de la ville, en particulier à destination des 7 000 associations intervenant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

La recherche d'une plus grande efficacité des actions menées passe également par la définition d'une nouvelle géographie prioritaire plus resserrée , conformément à la loi précitée de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

La détermination des quartiers entrant dans le cadre de la nouvelle
géographie prioritaire de la politique de la ville

Conformément à la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, une nouvelle géographie prioritaire, plus resserrée, a été mise en place.

Ainsi, 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) remplacent désormais les 751 zones urbaines sensibles (ZUS) et 2 492 quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).

Déterminés en fonction du revenu des habitants et selon la technique du « carroyage » 31 ( * ) , ces QPV ont été arrêtés par deux décrets du 30 décembre 2014, pour la métropole, d'une part, et les départements d'outre-mer, Saint-Martin et la Polynésie française, d'autre part 32 ( * ) . Ils couvrent plus de 5 millions d'habitants.

Selon le ministère chargé de la ville, 6 quartiers sur 10 de l'ancienne géographie prioritaire ont été conservés, dont 9 ZUS sur 10. 100 communes sont entrées dans la géographie prioritaire alors que 300 en sont sorties.

Les 100 zones franches urbaines (ZFU) ont été conservées et rebaptisées en ZFU-territoires entrepreneurs. Elles bénéficient d'avantages fiscaux qui ont été redéfinis tout en étant prorogés 33 ( * ) . En revanche, les zones de revitalisation urbaine (ZRU) ont été supprimées.

Pour la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), 216 quartiers d'intérêt national, où vivent 2 millions d'habitants, ont été retenus par le conseil d'administration de l'ANRU le 3 mars 2015 et confirmés par un arrêté ministériel du 29 avril 2015. S'y ajoutent par ailleurs 250 quartiers d'intérêt régional identifiés à l'occasion de la définition des contrats de plan État-région.

Par ailleurs, de nombreuses mesures du comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté profiteront aux quartiers de la politique de la ville. Ainsi en est-il de la création de l'Agence de développement économique des territoires , annoncée dès le mois de février 2015 par le Président de la République et officiellement lancée le 20 octobre. Sur le modèle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), cette agence devrait « permettre de soutenir l'initiative et le développement économique des territoires », en proposant une « approche nouvelle et partenariale », une mise en réseau des différents acteurs et un « point d'entrée unique » pour les porteurs de projet.

En matière d' emploi , alors que le chômage frappe plus particulièrement encore les habitants des quartiers de la politique de la ville, le Gouvernement s'est également engagé à assurer à ces personnes un « accès effectif [...] aux mesures de la politique de l'emploi en se fixant, dispositif par dispositif, des objectifs chiffrés , en termes de ratio entre le nombre de bénéficiaires habitant dans les territoires populaires et le nombre total de bénéficiaires ».

De même, dans le domaine de la rénovation urbaine, certaines opérations de démolitions-reconstructions seraient avancées de deux ans dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), avec un préfinancement d'un milliard d'euros assuré par un prêt de la Caisse des dépôts et consignations 34 ( * ) . Par ailleurs, dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau programme, une meilleure articulation entre renouvellement urbain et développement économique est prévue de même que, pour mieux répartir le parc social sur le territoire, la reconstitution de l'offre de logements sociaux prioritairement en dehors des quartiers de la politique de la ville où l'accession à la propriété et le logement intermédiaire devront être favorisés.

Les préfets devront également limiter la construction de logements sociaux dans ces quartiers prioritaires dès lors que le taux de logement social y dépasse déjà 50 %.

Un « suivi social et de santé renforcé » est enfin prévu dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, avec la mise en place d'un diagnostic des besoins de la population, le soutien à la création et au développement des structures de soins de premiers secours (avec la mobilisation de la Caisse des dépôts et consignations pour le financement) et la consolidation des conseils locaux de santé mentale.

B. DES DÉPENSES FISCALES REDÉFINIES ET EN HAUSSE

Les prévisions pour les 3 dépenses fiscales sur impôts d'État rattachées au programme 147 atteignent 367 millions d'euros pour 2016, contre 336 millions d'euros en 2015 (+ 9,2 %) et 310 millions d'euros pour 2014 (+ 18,4 %).

Évolution des dépenses fiscales sur impôts d'État rattachées au programme 147

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

Chiffrage pour 2014

Chiffrage pour 2015

Chiffrage pour 2016

Exonération de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés plafonnée à 61 000 euros de bénéfice pour les entreprises qui exercent une activité en zone franche urbaine

60

61

62

Taux réduit de TVA à 5 % applicable aux logements en accession sociale à la propriété dans les zones faisant l'objet de la politique de la ville

80

90

105

Exonération de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés plafonnée à 50 000 euros du bénéfice réalisé par les entreprises exerçant une activité dans une zone franche urbaine de troisième génération ou qui créent une activité dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2020

170

185

200

Total

310

336

367

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

À la suite de la loi précitée du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, la loi de finances initiale pour 2015 et la seconde loi de finances rectificative pour 2014 35 ( * ) ont remis à plat les dépenses fiscales en faveur de la politique de la ville .

Ainsi, s'agissant du développement économique des quartiers et de la mixité fonctionnelle , une exonération de l'imposition sur les sociétés (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) a été maintenue jusqu'en 2020 dans les 100 zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-territoires entrepreneurs) 36 ( * ) , pour les entreprises qui s'y créent ou s'y implantent et respectent une clause locale d'embauche 37 ( * ) .

Le bénéfice de l'exonération s'applique sur une période de huit ans suivant le début de l'activité et selon le taux suivant : 100 % pendant les cinq premières années, 60 % la sixième année, 40 % la septième année et 20 % la huitième année.

Parallèlement, des exonérations d'impôts locaux ont également été conservées pour certaines entreprises exerçant une activité commerciale dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville .

En vertu de l'article 49 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 précitée, les très petites entreprises - de moins de 10 salariés et ayant un chiffre d'affaires annuel hors taxes inférieur à 2 millions d'euros - exerçant une activité commerciale bénéficient d'une exonération facultative à la fois de cotisation foncière d'entreprises (CFE) 38 ( * ) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) 39 ( * ) entre le 1 er janvier 2015 et le 31 décembre 2020. Le bénéfice de ces exonérations est subordonné à l'existence d'un contrat de ville à compter du 1 er janvier 2016.

L'exonération de TFPB est prévue pour cinq ans. La même durée s'applique également pour l'exonération de CFE qui a pour limite le « montant de base nette imposable fixé, pour 2015, à 77 089 euros et actualisé chaque année ». Ensuite, pendant trois ans, un abattement est appliqué pour la CFE, à hauteur de 60 % la première année, 40 % la seconde et 20 % la troisième.

Votre rapporteur spécial est particulièrement sensible aux dispositifs en faveur de la mixité fonctionnelle des quartiers bénéficiant de la politique de la ville, considérant que l'essor de ces territoires passe notamment par l'implantation d'entreprises et la création d'emplois.

Par ailleurs, dans l'optique de favoriser la mixité sociale , l'article 17 de la loi de finances initiale pour 2015 précitée a opportunément étendu le régime de TVA à taux réduit pour l'accession sociale à la propriété à l'ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville , alors qu'il était réservé auparavant aux seuls quartiers retenus dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (dits « quartiers ANRU »)..

Enfin, l'article 62 de la loi de finances initiale pour 2015 a prorogé jusqu'en 2020, pour certains logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville , l'abattement de 30 % jusqu'à présent applicable dans les zones urbaines sensibles (ZUS) sur la base d'imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties .

Le bénéficiaire de l'abattement doit désormais être à la fois signataire d'un contrat de ville et transmettre chaque année les documents justifiant le montant et le suivi des actions qu'il a entreprises pour l'amélioration des conditions de vie des habitants de ces quartiers.

Le coût de cette exonération sur impôts locaux est estimé à 47 millions d'euros pour 2015 par le projet annuel de performances.

C. DES CRÉDITS DE DROIT COMMUN MOBILISÉS AU NIVEAU TERRITORIAL DANS LE CADRE DES CONTRATS DE VILLE

L'essentiel des crédits consacrés par l'État aux quartiers prioritaires de la politique de la ville constituent des crédits dits « de droit commun » des autres ministères. En effet, les crédits spécifiques à la politique de la ville, qui, bien que renforcés, restent modestes, ne pourraient à eux seuls soutenir ces quartiers et améliorer la situation de leurs habitants.

Plus d'une trentaine de programmes budgétaires participent ainsi aux actions de la politique de la ville . Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial et dans l'attente du document de politique transversale (DPT) consacré à la ville 40 ( * ) , une évaluation chiffrée est disponible pour 26  de ces programmes (contre 24 dans le DPT « Ville » annexé au projet de loi de finances pour 2015), qui correspondrait à un total de 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 4,2 milliards d'euros de crédits de droit commun (et 438 millions d'euros pour le programme 147). Ce montant progresserait puisqu'en 2014, l'exécution fait apparaître une dépense de 3,7 milliards d'euros et la prévision pour 2015 s'établirait à un peu moins de 4 milliards d'euros.

Pour autant, l'appréhension des crédits de droit commun mobilisés dans le cadre de la politique de la ville reste imparfaite , même si d'importants efforts sont consentis afin de mieux les identifier et les chiffrer dans ce document de politique transversale. Il est donc nécessaire de poursuivre les travaux engagés pour améliorer leur recensement .

L'article 1 er de la loi précitée de programmation pour la ville et la cohésion sociale consacre au niveau législatif le principe de la mobilisation prioritaire des crédits de droit commun . Au niveau national, celle-ci s'est déjà concrétisée par la conclusion de douze conventions interministérielles conclues entre le ministère chargé de la ville et les autres ministères depuis 2013. Des conventions ont également été signées avec d'autres opérateurs de l'État (par exemple Pôle emploi ou la Caisse nationale des allocations familiales) et des associations d'élus pour les crédits des collectivités territoriales.

La mise en oeuvre des mesures du Comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté devrait également soutenir la mobilisation des crédits de droit commun, notamment dans le domaine de l'emploi et du développement économique 41 ( * ) .

Ayant vocation à bénéficier aux quartiers prioritaires, les crédits de droit commun sont mobilisés dans le cadre des contrats de ville, comme le prévoit la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Tous les contrats de ville doivent en principe être conclus avant la fin de l'année 2015.

État d'avancement de la signature des contrats de ville

Selon les chiffres publiés par le ministère chargé de la ville, 73 % des contrats de ville étaient signés au 1 er septembre 2015 , soit 321 contrats sur les 438 attendus d'ici la fin de l'année. En principe, 98 % d'entre eux devraient être signés en novembre 2015.

63 % des contrats de ville sont pilotés au niveau des intercommunalités .

D. UN FINANCEMENT DE LA RÉNOVATION URBAINE ASSURÉ MAIS QUI RESTE TENDU

1. Un bouclage financier marqué par le soutien très largement porté par Action logement et reposant sur le reliquat non consommé du PNRU

En vertu de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le programme national de rénovation urbaine (PNRU) a été prolongé de deux ans , jusqu'au 31 décembre 2015. Parallèlement, un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) était lancé , avec l'engagement de 5 milliards d'euros d'équivalents-subventions, destiné à engendrer des investissements pour un montant global de 20 milliards d'euros.

Comme c'est le cas déjà pour le PNRU depuis plusieurs années, le financement de ces programmes n'est plus assuré que par des ressources extrabudgétaires . Action logement contribue désormais pour l'essentiel des ressources de l'ANRU.

Conformément à l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation (tel qu'issu de l'article 123 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové [ALUR]), une convention pluriannuelle a été conclue entre l'État et l'UESL-Action logement pour la période 2015-2019 le 2 décembre 2014 .

Ainsi, Action logement s'est engagée à financer la rénovation urbaine à hauteur de 850 millions d'euros entre 2015 et 2017, 700 millions d'euros en 2018 et 500 millions d'euros en 2019 ainsi que pour les années qui suivront la période couverte par la convention pluriannuelle.

Deux conventions ont été, depuis, conclues entre l'État, l'UESL-Action logement et l'ANRU afin de préciser les modalités de financement du PNRU, par la convention du 14 avril 2015, d'une part, et surtout du NPNRU, avec la convention du 2 octobre 2015, d'autre part.

Le PNRU est engagé à 92 % au 30 juin 2015, avec 70 % des opérations programmées qui étaient livrées en 2014. À la même date, les décaissements représentaient 8,2 milliards d'euros, soit 76 % des sommes engagées. Des paiements continueront d'être assurés jusqu'en 2020 pour ce programme. D'ailleurs, la quasi-totalité des 850 millions d'euros d'Action logement devraient couvrir ses besoins en 2016 .

Le NPNRU doit, quant à lui, bénéficier de 5 milliards d'euros, d'équivalent-subvention, avec un effet de levier attendu de 1 à 4 (20 milliards d'euros d'investissement au total).

Pour obtenir ce résultat, les concours financiers s'élèveront toutefois à 6,4 milliards d'euros . En effet, 4,2 milliards d'euros correspondront à des subventions et 2,2 milliards d'euros à des prêts bonifiés qui auront vocation à générer 800 millions d'euros de subvention.

La contribution d'Action logement se concrétise donc à la fois par des subventions (3,2 milliards d'euros) et aussi, ce qui est nouveau, par des prêts bonifiés (pour 40 % du total, soit 2,2 milliards d'euros).

Lancement du NPNRU

216 quartiers d'intérêt national, qui couvrent plus de 2 millions d'habitants et où sont constatés les « dysfonctionnements urbains les plus importants » ont été identifiés parmi les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville. S'y sont ajoutés 250 quartiers d'intérêt régional.

Sur les 120 protocoles de préfiguration qui devront être conclus au niveau des agglomérations, le premier a été signé à Rennes en avril 2015 et une quinzaine sont passées devant le comité d'engagement de l'ANRU.

Un nouveau règlement général relatif au NPNRU a été approuvé le 7 août 2015 et fixe notamment les modalités de détermination de la participation de l'agence aux projets.

Source : commission des finances

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ces prêts bonifiés seront réservés aux bailleurs sociaux. Les subventions bénéficieront quant à elles aux collectivités territoriales mais aussi aux bailleurs sociaux, essentiellement pour leurs opérations de démolitions qui n'apportent, par définition, pas de recettes.

Les contreparties au financement du NPNRU par l'UESL-Action logement

Les contreparties en faveur d'Action Logement visent à favoriser la diversité de l'habitat en amenant une population nouvelle de salariés et ainsi réduire les inégalités dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville visés par le NPNRU. Elles se réalisent en lien et après les investissements de renouvellement urbain financés par l'agence, qui rendent crédibles et opérationnels le projet d'aménagement foncier et le changement d'image. Ces contreparties contribuent à la réduction de la concentration des ménages en difficultés dans les mêmes quartiers conformément aux objectifs posés par le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015.

Les contreparties pour Action Logement (apports favorisant la mixité) s'appuieront sur deux supports :

- terrains ou droits à construire issus de l'aménagement foncier des quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficiant d'une convention pluriannuelle de renouvellement urbain signée avec l'agence. Compte tenu des estimations disponibles, ces droits correspondraient à un aménagement équivalent à un total de l'ordre de 12 500 logements ;

- et de droits de réservation de logements locatifs sociaux dans et hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) bénéficiant d'une convention pluriannuelle de renouvellement urbain signée avec l'Agence. Compte tenu des estimations disponibles, ces droits correspondraient à l'équivalent de l'ordre de 20 000 logements.

Ces contreparties en faveur d'Action logement sont détaillées et mises en oeuvre au travers des conventions pluriannuelles de renouvellement urbain. Le comité d'engagement de l'ANRU, afin de tenir compte des enjeux urbains et du contexte en matière de dynamique économique, démographique et des dynamiques du marché du logement notamment en termes de besoins de logements pour les salariés, apprécie la qualité du projet de développement urbain porté par la collectivité, et son impact sur l'attractivité après renouvellement. Pour ce faire, le comité d'engagement sera doté d'un outil de contextualisation construit conjointement entre notamment l'État, l'agence et Action logement.

Source : extraits de la convention du 2 octobre 2015 entre l'État, l'ANRU et l'UESL-Action logement

S'ajouteront à ces ressources issues d'Action logement la contribution de la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) , qui représentera un total de 400 millions d'euros , ainsi que le montant des sommes non utilisées dans le cadre du PNRU. 600 millions d'euros devraient ainsi être réaffectés au NPNRU. Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ils correspondent à la fois à des sommes non engagées et à des sommes engagées mais non réalisées.

En revanche, il convient de noter qu' en vertu de la réforme de financement des aides à la pierre , prévue par l'article 56 du projet de loi de finances pour 2016, le fonds de péréquation issu de l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation et actuellement géré par la CGLLS ne devrait plus constituer une source de financement pour la rénovation urbaine. Ce fonds devrait, en effet, être supprimé à la suite de la création du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Il constituait une ressource facultative pour le PNRU, qui n'a d'ailleurs pas été utilisée depuis 2013. Pour mémoire, il avait auparavant contribué à hauteur de 165 millions d'euros en 2012 et 70 millions d'euros en 2013.

Source : Convention État-ANRU-UESL Action logement du 2 octobre 2015

Si l'équilibre financier du NPNRU semble assuré, ce dont il faut se féliciter, il repose désormais sur l'hypothèse d'un report de 600 millions d'euros du PNRU dont la concrétisation est désormais indispensable.

Une « clause de rendez-vous » est prévue d'ici 2019, date de fin de la convention pluriannuelle, afin de déterminer les modalités de financement pour les années suivantes. L'UESL-Action logement s'est toutefois engagé, dès la présente convention, à assurer le financement de l'ANRU à hauteur de 500 millions d'euros par an jusqu'en 2031.

Il convient de noter que le système des avances tel qu'il existait dans le cadre du PNRU n'a pas été conservé pour la mise en oeuvre du NPNRU . Il est remplacé par le versement d'acomptes une fois que l'engagement a été autorisé et que l'opération a réellement commencé. Cette évolution tend à répondre à l'une des recommandations formulées par la Cour des comptes dans l'enquête réalisée en juin 2014, à la demande de la commission des finances, en vertu de l'article 58-2 de la LOLF 42 ( * ) , sur la gestion de l'ANRU 43 ( * ) . Tout en comprenant l'objectif de cette évolution, votre rapporteur spécial espère que le dispositif retenu permettra de fournir les garanties nécessaires aux collectivités territoriales, porteuses des projets de renouvellement urbain .

2. Des prévisions de trésorerie sous tension qui nécessitent de piloter finement la mise en oeuvre des programmes

Comme indiqué précédemment, si les engagements de crédits au titre du PNRU s'achèveront au 31 décembre 2015, plus de 3 milliards d'euros resteront à décaisser au cours des prochaines années et d'ici 2020 .

Parallèlement, le NPNRU montera en puissance au fil des années. En 2016, seules quelques dépenses d'études et d'ingénierie sont prévues et estimées à 20 millions d'euros pour 2016 dans la convention du 2 octobre 2015 précitée.

Certaines opérations, urgentes et consensuelles, de démolitions-reconstructions devraient également faire l'objet d'un engagement rapide, conformément au comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015, dont la mesure n° 4 du volet « Habiter » prévoit d'avancer de deux ans le lancement de ce type d'opérations. Elle prévoit, à cet effet, un préfinancement d'un milliard d'euros par un prêt accordé par la Caisse des dépôts et consignations .

Ce préfinancement d'un milliard d'euros par la Caisse des dépôts et consignations est prévu par la convention tripartite du 2 octobre 2015, afin de parer l'éventualité de besoins de trésorerie en raison d'un « décalage temporel [...] entre les ressources [...] et les décaissements prévus tant en subventions qu'en prêts en direction des maîtres d'ouvrage » .

En effet, le niveau de trésorerie de l'ANRU s'est déjà considérablement réduit puisqu'il a baissé de 40 % entre 2013 et 2014, passant de 443 millions d'euros à 270 millions d'euros, et la prévision pour 2015 s'établit désormais à 161 millions d'euros . Pour les années à venir, son niveau pourrait être inférieur à 100 millions d'euros et même être négatif en 2018 et 2019.

En conséquence, le prêt de la Caisse des dépôts et consignations constitue une facilité de trésorerie qui pourrait s'avérer utile pour sécuriser efficacement la mise en oeuvre du nouveau programme .

Il est à noter que la convention prévoit également la possibilité pour Action logement d'apporter des « compléments de trésorerie éventuellement nécessaires sur la période 2015-2019 [...] jusqu'à concurrence de 100 millions d'euros maximum en cumulé. »

Compte tenu des prévisions de trajectoire financière retenues pour la rénovation urbaine et de la situation tendue que devrait connaître l'ANRU, il conviendra donc d'être prudent afin de garantir un lissage dans le temps de l'engagem ent des crédits et de leurs décaissements . La fin du PNRU et la montée en puissance du NPNRU devront être réalisées en s'assurant de la soutenabilité financière du système pour l'ANRU . Un suivi financier attentif sera indispensable, comme le prévoit la convention du 2 octobre 2015.


* 30 Réunion interministérielle du 6 mars 2015, « Égalité et citoyenneté : la République en actes ».

* 31 Pour mémoire, la technique du « carroyage » consiste à diviser le territoire national en carreaux de 200 mètres de côté pour déterminer des « zones statistiques » en fonction du critère retenu.

* 32 Décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains et décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et en Polynésie française.

* 33 Cf . le B du présent II.

* 34 Cf. le 2 du D.

* 35 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 36 Article 44 octies A du code général des impôts tel que modifié par l'article 48 de la loi de finances rectificative pour 2014 du 29 décembre 2014.

* 37 Soit la moitié des salariés résident dans la ZFU-territoire entrepreneur ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville situé dans l'unité urbaine où se trouve la ZFU-territoire entrepreneur, soit le nombre de salariés embauchés depuis l'implantation de l'entreprise résident dans cette même ZFU-territoire entrepreneur ou ce quartier prioritaire.

* 38 Article 1466 A du code général des impôts.

* 39 Article 1383 C ter du code général des impôts .

* 40 Celui-ci doit, en principe, être annexé au projet de loi de finances pour 2016 mais n'a pas encore été publié.

* 41 Cf . le 2 du B du I de la présente partie.

* 42 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 43 Rapport d'information n° 768 (Sénat, 2013-2014) de Jacques Chiron, au nom de la commission des finances, sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).