M. Vincent CAPO-CANELLAS, rapporteur spécial

PROGRAMME 159
« EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » regroupe à compter du présent projet de loi de finances pour 2017 les subventions pour charges de service public du Centres d'études et d'expertises pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma) , de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo France .

En conséquence, le programme 170 « Météorologie » est supprimé et le Céréma ne figure plus dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durable » .

I. COMME LES ANNÉES PRÉCÉDENTES, LE BUDGET DE MÉTÉO-FRANCE SERA SOUMIS À UNE FORTE CONTRAINTE FINANCIÈRE EN 2017

A. DES RECETTES EN DIMINUTION HORS CONTRIBUTION À EUMETSAT

1. Une hausse du budget pour 2017 en trompe-l'oeil qui s'explique uniquement par la hausse de la contribution française à EUMETSAT

Le budget prévisionnel 1 ( * ) de Météo-France pour l'année 2017 s'élève à 405,6 millions d'euros , en hausse de 5 % par rapport aux 386,4 millions d'euros de budget désormais prévu pour 2016.

Mais cette augmentation s'explique uniquement par la hausse de la subvention portée par le programme 193 destinée à financer la participation de la France au programme européen de satellites météorologiques EUMETSAT , qui ne fait que « transiter » par le budget de Météo-France. Si l'on exclut cette subvention, le budget de l'opérateur baissera en réalité de 3,8 millions d'euros en 2017 .

La dotation portée par le présent programme 170 représente, avec 195,2 millions d'euros , un peu moins de la moitié des recettes de Météo-France prévues pour 2017.

2. La baisse de la dotation de l'État portée par le programme 159 se poursuivra en 2017 pour la cinquième année consécutive

La dotation de l'État versée à Météo-France au titre du programme 159 correspond à la compensation des missions de service public qui incombent à l'établissement :

- la fourniture d'informations permettant d'assurer la sécurité météorologique des personnes et des biens en avertissant les populations le plus en amont possible, dans un contexte où le territoire national est régulièrement frappé par des évènements climatiques extrêmes , à l'instar des inondations survenues en région parisienne au mois de juin 2016 ;

- la conduite de travaux de recherches visant à améliorer les capacités de prévision et à mieux appréhender le changement climatique sur le long terme, afin de permettre à la société de mieux s'y adapter ;

- le soutien opérationnel aux forces armées et aux administrations de l'État en cas de crise.

Pour la cinquième année consécutive , la dotation de l'État à Météo-France connaîtra une diminution significative .

Pour l'année 2017, il est prévu que Météo-France perçoive 195,2 millions d'euros , soit 3 millions d'euros de moins que les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2016. En outre, Météo-France a fait l'objet d'une régulation budgétaire infra-annuelle (mise en réserve et gels de crédits) particulièrement sévère ces dernières années, avec 8 millions d'euros de crédits supprimés en 2016.

Évolution de la dotation de l'État à Météo-France de 2014 à 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2014

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Écart 2016-2017

Écart 2015-2016

Programme 170

199 223 173

203 758 760

198 241 019

195 241 019

- 1,5 %

- 2,7 %

Source : documents budgétaires annexés au projet de loi de règlement pour 2014 et au projet de loi de finances pour 2016

Selon le projet annuel de performances pour 2017, « 70 % du montant de la subvention de l'État est consacré aux dépenses de personnel et 30 % aux autres dépenses de fonctionnement et d'investissement ».

Le programme comprend deux sous-actions , qui correspondent aux anciennes actions du programme 170.

La première, « Observation et prévision météorologiques », regroupe 89 % des crédits de paiement de la subvention, soit 173,8 millions d'euros (AE=CP) , contre 177,8 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2016.

La seconde, « Recherche dans le domaine météorologique », rassemble 21,5 millions d'euros de crédits de paiement (AE=CP), soit 11 % des crédits, contre 22 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015.

Les orientations stratégiques assignées par l'État à Météo-France dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2017-2021

- mettre la logique de service au coeur des priorités de Météo-France, en adaptant en permanence ses actions aux besoins des interlocuteurs, en tournant l'expertise humaine vers l'aide à la décision et en tirant pleinement parti des opportunités offertes par le numérique ;

- faire progresser la connaissance, l'anticipation et la gestion des risques météorologiques et climatiques, et élargir les domaines thématiques accompagnés par l'action de l'établissement, en s'appuyant sur les activités scientifiques et techniques comme sur les dispositifs de vigilance et de gestion de crise ;

- maintenir au meilleur niveau international la recherche et les infrastructures essentielles de Météo-France ;

- mobiliser les leviers d'efficience permis par les évolutions scientifiques et techniques, pour satisfaire des ambitions nouvelles au service de la société, tout en poursuivant une gestion rigoureuse des ressources.

Source : projet annuel de performances pour 2017

3. La dotation destinée au financement de la contribution française à EUMETSAT portée par le programme 193 est en très forte hausse de 63,6 %

En plus de la dotation portée par le présent programme 159, Météo-France bénéficiera en 2017 de deux autres dotations de l'État :

- 69,6 millions d'euros correspondant à un versement du programme 193 « Recherche spatiale », qui constitue la contribution française à l'organisation européenne EUMETSAT qui gère les satellites météorologiques. Cette dotation, en très forte hausse de 63,6 % par rapport à 2016, ne fait que « transiter » par Météo-France, qui la complètera grâce à ses autres ressources à hauteur de 2,8 millions d'euros pour 2017 ;

- 3,9 millions d'euros versés par la direction générale de la prévention des risques à partir des crédits du programme 181 « Prévention des risques » pour participer à l'entretien du réseau d'observation hydro-météorologique (stations automatiques d'observation au sol, radars) ;

B. UN EFFORT IMPORTANT DE MAÎTRISE DES DÉPENSES

1. La baisse des effectifs se poursuit à un rythme soutenu

En 2016, les charges de personnel ont représenté environ 257 millions d'euros , soit 67 % du budget de Météo-France. Pour 2017, la prévision s'établit à 255 millions d'euros , soit 63 % du budget de l'opérateur.

Cette baisse est permise par la réduction continue des effectifs, qui conduit l'opérateur à ne remplacer que 20 % des départs à la retraite de ses collaborateurs. Jusqu'en 2013, l'effet de ces réductions était surcompensé par la hausse du taux de contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». La stabilité de ce taux depuis 2013 a permis une réduction significative de la masse salariale de Météo-France .

Après la suppression de 78 équivalents temps plein (ETP) en 2016 (soit 4,6 millions d'euros d'économies réalisées par rapport à 2015), Météo-France verra ainsi ses effectifs diminuer de 60 ETP en 2017 (soit un taux d'effort de - 2,5 %).

Ces dernières années, le plafond d'emplois de l'établissement public a évolué comme suit :

- 3 337 ETPT en 2013, soit une évolution de - 2,9 % par rapport au plafond 2012 ;

- 3 243 ETPT en 2014, soit une évolution de - 2,9 % ;

- 3 149 ETPT en 2015, soit une évolution de - 2,6 % ;

- 3 080 ETPT en 2016, soit une évolution de - 2,2 %.

Le présent projet de loi de finances prévoit pour sa part un plafond d'emplois de 3 020 ETPT , en baisse de -1,9 % par rapport à 2016.

2. La réduction du réseau territorial décidée en 2008 devrait s'achever d'ici la fin de l'année 2016 et ne sera pas poursuivie en 2017

Pour mener à bien ses différentes missions, Météo-France dispose de deux centres nationaux - la direction générale, basée à Paris, et la météopole de Toulouse, qui regroupe depuis 1982 la plupart des directions techniques centrales, et notamment le centre national de prévision, soit plus de 1 000 collaborateurs - ainsi que d'un réseau territorial structuré autour de 11 directions interrégionales (7 en métropoles, 4 en outre-mer 2 ( * ) ).

Les principales implantations de Météo-France en métropole

Source : Météo-France

La réorganisation du réseau territorial, décidée en 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) 3 ( * ) , vise à réduire sur la période 2012-2016 de 108 à 55 les implantations locales de Météo-France (soit 53 suppressions), afin de ne conserver que les 7 directions interrégionales et seulement 48 centres météorologiques et stations spécialisées .

Selon le président-directeur général de Météo-France, entendu par votre rapporteur spécial, les 8 dernières fermetures d'implantations locales prévues dans ce plan de réorganisation seront achevées d'ici la fin de l'année 2016 . Le coût des mesures d'accompagnement de cette restructuration est estimé sur l'ensemble de la période à 2,4 millions d'euros .

Ainsi que le souligne l'opérateur dans ses réponses au questionnaire budgétaire, cette réorganisation du réseau « vise un mode d'organisation plus efficace permettant de concentrer les moyens au sein d'entités dotées d'une taille adéquate ». Surtout, le maillage territorial de Météo-France demeurera, en dépit des regroupements de moyens opérés, l'un des plus fins et importants d'Europe .

La fermeture de nouveaux centres régionaux pourra être étudiée à partir de 2018 mais il est peu probable que cette nouvelle réorganisation, si elle devait être décidée, permette de réaliser des économies aussi importantes que celle en cours.

Il convient de noter que, depuis 2014, l'établissement a également mis en place une politique de mutualisation progressive sur le site de Toulouse de ses fonctions support (ressources humaines, finances, communication, etc.) qui devrait s'achever d'ici la fin de l'année 2016.

3. L'effort de baisse des dépenses de fonctionnement porte désormais sur des activités liées au coeur de métier de Météo-France

Le budget initial pour 2016 de Météo-France avait prévu une diminution des dépenses de fonctionnement d'environ 2 million d'euros, soit un recul de près de 5 % .

Les dépenses de fonctionnement devraient poursuivre leur baisse en 2017, puisque le budget prévisionnel de l'établissement prévoit de réaliser 2,5 millions d'euros d'économies sur ce poste.

Selon le président-directeur général de Météo-France, l'effort prévu en 2017 dépassera le seul cadre des fonctions support et portera également sur des activités liées au coeur de métier de l'opérateur , telles que la maintenance des réseaux d'observation, l'informatique ou bien encore les télécommunications.

4. Un résultat comptable qui demeurera déficitaire en 2017, entraînant un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement

Selon le directeur général de Météo-France, le budget de l'opérateur devrait enregistrer un résultat comptable négatif à hauteur de 4,5 millions d'euros en 2016, qui se traduira par un prélèvement sur le fonds de roulement d'environ 4 millions d'euros .

Les hypothèses retenues à ce stade conduiraient, pour 2017, à un résultat comptable déficitaire d'environ 1,5 million d'euros et à un prélèvement sur le fonds de roulement dépassant les 2 millions d'euros .

C. UN OPÉRATEUR QUI DOIT FAIRE FACE À DE NOMBREUX DÉFIS

1. Un besoin d'investissements qui va considérablement augmenter dès 2017

Conformément aux objectifs de son contrat d'objectifs et de performances 2012-2016, Météo-France a investi 22 millions d'euros en 2016 et devrait investir une somme analogue en 2017.

Ces investissements concernent principalement la modernisation des réseaux d'observation (radars, réseaux au sol, radiosondage) et des moyens de calcul intensif (renouvellement des équipements de stockage des données). Dans une moindre mesure, ils concernent également la rénovation du patrimoine immobilier de l'opérateur , en particulier la réhabilitation du site de Toulouse. Le projet annuel de performances pour 2017 précise que « pour le reste, seules les dépenses correspondant à des investissements absolument nécessaires seront engagées ».

Lors de son audition par votre rapporteur spécial, le président-directeur général de Météo-France a mis en avant sa volonté de « rehausser la courbe de l'investissement » dans les années à venir. En effet, l'activité de prévision devient de plus en plus intensive en capital et repose sur des technologies de calcul de plus en plus puissantes . Ainsi, le Royaume-Uni s'est récemment doté d'un supercalculateur , quinze fois plus puissant que celui actuellement en service à Météo-France, pour un montant de 120 millions d'euros .

Or, dans les années à venir, les recherches sur le climat vont nécessiter de disposer de modèles informatiques permettant à la fois d'établir des prévisions sur le long terme (vingt ans) et sur des zones géographiques précises.

Si Météo-France veut maintenir son rang , il sera donc contraint d'investir , compliquant un peu plus son équation budgétaire.

2. Améliorer la compétitivité de Météo-France pour développer les recettes commerciales

Face à la diminution de la dotation de l'État, il apparaît urgent que Météo-France puisse consolider ses ressources propres , à savoir la redevance en tant que prestataire à la navigation aérienne et, surtout, ses ressources commerciales, dont le niveau reste décevant.

Dans le cadre du Ciel unique européen (CUE), Météo-France est le prestataire exclusif de l'assistance météorologique pour la navigation dans l'espace aérien sous juridiction française 4 ( * ) . Les 85,5 millions d'euros versés chaque année par la DGAC à Météo-France sont indispensables à son budget , mais ne constituent pas une ressource dynamique .

Les recettes commerciales de Météo-France, quant à elles, ont connu ces dernières années un important recul et ont systématiquement été inférieures aux prévisions , en raison de la forte concurrence à laquelle est confronté l'opérateur public.

S'il est producteur de données brutes, les règles applicables aux données publiques l'obligent en effet à les mettre à disposition gratuitement : de nombreuses entreprises utilisent ces données brutes, les retraitent puis les revendent.

Météo-France présente ainsi le paradoxe de disposer d'une expertise reconnue au niveau international pour la production de données mais de se retrouver parfois dépassé par ses concurrents pour leur exploitation et leur diffusion .

Si le nombre d'utilisateurs des services téléphoniques (numéro 3250) va poursuivre son inexorable déclin dans les années à venir ( 4 millions d'euros de recettes environ en 2016 contre encore 10 millions d'euros il y a seulement cinq ans), le grand enjeu pour Météo-France est de :

- reconquérir des parts de marché dans le secteur des services au grand public en prenant pleinement en compte l'évolution des usages (sites internet mobile, applications mobiles, applications tablettes, objets connectés, etc.), dans un contexte de forte croissance du marché publicitaire sur les supports mobiles . Le profond renouvellement du site internet en 2013 et de l'application mobile à l'été 2015 vont déjà dans ce sens et ont permis de développer l'offre commerciale en ligne , qui bénéficie d'environ un million et demi de visites quotidiennes ;

- accroître le volume des prestations météorologiques aux professionnels , qui représentent un marché estimé à 40 millions d'euros environ pour le territoire français en 2016 (Météo-France détient actuellement 50 % de ce marché). Selon l'opérateur, 40 % des entreprises seraient en effet « météo-sensibles » (secteurs de l'agriculture, du BTP, de l'énergie, des transports ou bien encore du sport) et sont à la recherche d'information météorologiques toujours plus précises et de services réactifs et innovants.


* 1 Le projet de budget prévisionnel de Météo-France transmis à votre rapporteur spécial n'a à ce stade pas encore été approuvé par son conseil d'administration et est donc encore susceptible d'ajustements.

* 2 Antilles-Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française.

* 3 Cette décision, prise par le Conseil de modernisation des politiques publiques, a été incluse explicitement dans les Contrats d'objectifs et de performance signés entre Météo-France et l'État pour les périodes 2009-2011 et 2012-2016. Elle a suscité une grève dure en 2008 et est la cause d'une détérioration du climat social au sein de l'établissement public.

* 4 Les règlements communautaires du CUE, qui s'imposent directement aux États membres de l'Union européenne et aux prestataires de services de navigation aérienne autorisés à opérer dans l'espace aérien de l'Union, laissent la liberté aux États de désigner un prestataire exclusif dans leur espace aérien. Pour la France, ce prestataire est Météo-France.