M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial


LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. Un nouveau programme s'inscrivant en apparence dans les pas des précédents

1) La mission « Investissements d'avenir » constitue le troisième volet des programmes d'investissements d'avenir (PIA), engagés à compter de la loi de finances rectificative pour 2010 à la suite du rapport dit Juppé-Rocard. Le PIA 3, doté de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement en 2017, prend la suite des programmes de 2010 (35 milliards d'euros en AE et CP) et de 2014 (12 milliards d'euros en AE et CP).

2) La gouvernance du troisième programme d'investissements d'avenir s'inscrit dans les pas des précédents : les modalités de gouvernance et de gestion prévues en 2010 et en 2014 sont globalement reconduites .

3) Pour le PIA 3, le Gouvernement a fait le choix de regrouper l'ensemble des crédits dans une mission dédiée , alors qu'auparavant ils faisaient l'objet de programmes nouveaux et éphémères insérés dans les missions concernées (missions « Recherche et enseignement supérieur », « Écologie, développement et mobilités durables », « Économie »...).

4) Placée sous l'autorité du Premier ministre , la mission est composée de trois programmes dont le Commissariat général à l'investissement est responsable :

- programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », avec 2,9 milliards d'euros en AE ;

- programme 422 « Valorisation de la recherche », avec 3 milliards d'euros en AE ;

- programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », avec 4,1 milliards d'euros en AE.

II. Zéro crédit de paiement en 2017 : une astuce de budgétisation qui fragilise le PIA 3

5) Le Gouvernement annonce un programme d'investissement de 10 milliards d'euros dont il ne supporte pas le coût budgétaire : zéro euro sera dépensé à ce titre en 2017 .

6) L'absence de crédits de paiement en 2017 reporte la charge budgétaire de 10 milliards d'euros de ce troisième programme d'investissements d'avenir sur les exercices postérieurs . Cette astuce de budgétisation , qui permet de ne pas dégrader le déficit de l'État en 2017, rompt avec la pratique établie tant en 2010 qu'en 2014 où la totalité des CP étaient ouverts avec les AE et fragilise le programme , dont le bon déroulement dépendra des contraintes pesant chaque année sur le solde budgétaire de l'État.

III. Une normalisation budgétaire artificielle, un suivi qui demeurera complexe

7) Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, la création d'une mission dédiée ne répond pas aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport public thématique relatif aux programmes d'investissements d'avenir : la gestion effective des crédits continuera d'être mise en oeuvre dans un cadre extrabudgétaire et il ne semble pas que l' intégration du PIA 3 à la norme de dépenses soit sérieusement envisagée.

8) En revanche, l'existence d'une mission spécifique permet d'entretenir un flou opportun sur les politiques publiques auxquelles concourent réellement les programmes .

9) En particulier, l'affirmation selon laquelle 60 % des crédits seraient alloués à la croissance verte et au développement durable paraît largement exagérée .

10) L'analyse des projets prévus fait d'ores et déjà apparaître des débudgétisations manifestes : certaines étaient déjà identifiées dans le cadre des deux premiers programmes d'investissements d'avenir, comme le financement du réacteur de recherche Jules Horowitz ou le plan numérique à l'école, d'autres sont nouvelles, comme le possible financement de la rénovation du Grand Palais.

11) Par ailleurs, si l'essentiel des actions proposées semble effectivement relever de secteurs d'activité importants pour l'avenir de notre pays , il n'en reste pas moins que les résultats de certaines d'entre elles demeurent, pour partie, incertains . En outre, un risque de saupoudrage et l'apparition d'un effet d'éviction vis-à-vis de l'investissement privé ne sont pas non plus totalement à exclure .

12) À l'opposé de ce qu'allègue le Gouvernement, l'abondement en crédits de paiement de 2 milliards d'euros chaque année ne simplifie aucunement le suivi du Parlement qui sera en réalité dédoublé : il s'agira de veiller non seulement à ce que les crédits soient bien alloués par les organismes gestionnaires aux projets prévus, mais aussi que les fonds soient mis à la disposition des opérateurs du PIA suivant le rythme prévu par les conventions passées entre ceux-ci et l'État.

PREMIÈRE PARTIE :
UN TROISIÈME PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS
D'AVENIR LANCÉ SANS CRÉDIT DE PAIEMENT

I. UN NOUVEAU PROGRAMME S'INSCRIVANT EN APPARENCE DANS LES PAS DES PRÉCÉDENTS

A. 10 MILLIARDS D'EUROS S'AJOUTANT AUX 35 MILLIARDS D'EUROS DE 2010 ET AUX 12 MILLIARDS D'EUROS DE 2014

1. Un financement exceptionnel et sanctuarisé, au service de l'investissement public...

Le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), annoncé par le Président de la République en mars 2015 et ayant fait l'objet d'une communication en Conseil des ministres le 22 juin 2016 1 ( * ) , s'inscrit dans le prolongement direct des deux précédents PIA.

a) Deux programmes représentant 47 milliards d'euros désormais contractualisés à plus de 80 % et dont les premiers résultats sont globalement salués

Pour mémoire, le PIA 1 a été instauré par la première loi de finances rectificative pour 2010 2 ( * ) , avec 35 milliards d'euros consacrés à ce grand « emprunt national ». Le Gouvernement de l'époque s'appuyait ainsi sur le rapport de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, co-présidents de la commission chargée de mener une réflexion sur les investissements porteurs d'avenir 3 ( * ) .

Un deuxième PIA de 12 milliards d'euros est venu le compléter lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2014 4 ( * ) .

Destinés à relancer l'investissement public dans les secteurs et les projets à fort potentiel pour l'avenir, les PIA 1 et 2 interviennent dans un nombre important de domaines sectoriels mais concentrent toutefois l'essentiel de leurs crédits sur les missions « Recherche et enseignement supérieur » (27,2 milliards d'euros) et « Économie » (9,9 milliards d'euros).

Si elles ont vocation à soutenir l'investissement, les dotations du PIA n'entrent pas nécessairement dans la catégorie des investissements au sens de la comptabilité nationale et peuvent notamment couvrir des dépenses de fonctionnement.

Comme l'indique le projet annuel de performances ainsi que le rapport de présentation du programme publié en juin dernier, lors de la communication au conseil des ministres, le PIA « obéit à trois mots d'ordre qui en font la marque : l'excellence, l'innovation et la coopération ».

Répartition par mission des crédits des PIA 1 et PIA 2

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat

Lors de sa création, le premier programme d'investissements d'avenir avait été qualifié par le rapporteur général de la commission des finances de l'époque, Philippe Marini, d'« opération originale aussi bien sur le plan opérationnel que sur le plan institutionnel » 5 ( * ) . En effet, comme cela sera présenté plus en détail dans la suite du présent rapport, il repose sur des modalités de gestion et de gouvernance éloignées des pratiques habituelles 6 ( * ) .

Au 30 juin 2016, 38,6 milliards d'euros sont engagés et 38,2 milliards d'euros contractualisés sur l'enveloppe globale qui s'établit à 46,9 milliards d'euros.

L'engagement correspond pour 23,8 milliards d'euros à des dotations consommables et le reste (14,8 milliards d'euros) à des dotations non consommables 7 ( * ) .

15,5 milliards d'euros ont été décaissés, dont 1,9 milliard d'euros d'intérêt sur dotations non consommables.

80 % de l'enveloppe globale des PIA 1 et 2 sont désormais engagés et contractualisés , même si ce chiffre cache des situations contrastées selon les actions.

Évolution de la situation financière des investissements d'avenir
depuis 2010

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du Commissariat général à l'investissement (CGI)

Même s'il est encore tôt pour évaluer véritablement l'efficacité de la dépense publique, il apparaît, notamment à la suite des travaux du comité d'examen du PIA issu de France Stratégie 8 ( * ) que cette « initiative originale produit des effets positifs, à la fois quantitatifs et qualitatifs », même si des dérives ont également été mises en exergue, notamment par la Cour des comptes 9 ( * ) , s'agissant de ses modalités de mise en oeuvre (substitution de crédits budgétaires par exemple) mais aussi de l'utilité des fonds engagés (effet de levier vis-à-vis des financements privés, défaillances de marché à pallier...).

b) Un PIA 3 doté de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement principalement tourné vers l'enseignement supérieur et la recherche, la valorisation de la recherche et l'innovation

Le présent projet de loi de finances pour 2017 prévoit un troisième PIA (PIA 3), pour un montant de 10 milliards d'euros en autorisation d'engagement , tourné vers la modernisation de l'économie, en axant son action sur l'enseignement supérieur et la recherche, la valorisation de la recherche et l'accélération de la modernisation de l'entreprise par l'innovation.

Le Gouvernement ayant décidé de faire du PIA 3 une mission budgétaire propre 10 ( * ) , les trois priorités retenues font l'objet de trois programmes distincts : programme 412 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » (2,9 milliards d'euros), programme 422 « Valorisation de la recherche » (3 milliards d'euros) et programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » (4,1 milliards d'euros).

Par ailleurs, 60 % du PIA, soit 6 milliards d'euros, devront contribuer au développement durable et à la croissance verte . Ce principe s'inscrit dans la droite ligne du PIA 2 qui imposait déjà le respect de l'éco-conditionnalité pour 50 % de ses crédits.

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir »

Si certains domaines sont davantage investis dans le cadre de ce programme que pour les deux précédents, à l'instar de la formation initiale et continue à travers l'expérimentation d'innovations pédagogiques ou encore la santé, notamment dans le secteur de la recherche, il apparaît qu'il tend surtout à poursuivre, consolider voire renforcer certaines des actions déjà engagées, comme par exemple les structures instaurées et financées par les investissements d'avenir, les Initiatives d'excellence (Idex), les Instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT).

Les thématiques sectorielles les plus concernées sont le numérique et le développement durable, ce qui semble logique au regard de l'objectif d'y consacrer 60 % des crédits, mais aussi l'éducation, la santé, l'agroalimentaire, les transports ou encore le tourisme.

2. ...qui s'ajoute en principe aux crédits budgétaires...
a) Le principe d'additionnalité des crédits...

En principe, les programmes d'investissements d'avenir prévoient des financements exceptionnels qui s'ajoutent aux crédits budgétaires habituellement prévus. Répondant au principe d'additionnalité, ils ne doivent donc pas se substituer à des crédits budgétaires puisqu'ils visent à aller « au-delà des actions poursuivies par les ministères dans le cadre budgétaire habituel » 11 ( * ) .

b) ... toutefois inégalement respecté par les PIA 1 et PIA 2

Si cette règle constitue l'une des principales caractéristiques des programmes d'investissements d'avenir, il n'en demeure pas moins qu'elle a pu être mise à mal en pratique, depuis 2010.

S'agissant de la recherche, l'importance des financements issus des PIA a pu avoir pour effet de justifier la baisse des crédits budgétaires alloués à l'Agence nationale de la recherche (ANR) au cours des dernières années.

Ainsi, dans son rapport au titre de la loi de finances pour 2016, Michel Berson, rapporteur de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour les crédits de la recherche, avait mis en évidence la diminution récurrente des crédits d'intervention de l'ANR depuis 2012, en partie justifiée par le Gouvernement par le fait que, « parallèlement, des financements sur projets ont été alloués dans le cadre de différentes actions des programmes d'investissements d'avenir , avec une durée de réalisation de 9 à 10 ans. La plupart de ces actions sont également opérées par l'ANR ».

Évolution des crédits d'intervention de l'ANR entre 2012 et 2016

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

PLF 2016

Crédits d'intervention LFI (AE)

728,9

656,2

575,2

575,1

555,1

Variation en valeur

-22,9

- 72,7

- 81,0

-0,1

-20

Variation en pourcentage

-3,1%

- 10,0 %

-12,3 %

-3,5 %

Source : réponse du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche au questionnaire de Michel Berson, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur - Examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, dans le rapport précité n° 164 (2015-2016)-tome III-Annexe 24

En outre, comme cela sera évoqué plus loin et mis en évidence par les rapports ayant évalué les premières années de mise en oeuvre des investissements d'avenir 12 ( * ) , il existe un risque à ce que les dotations du PIA soient employées pour opérer des « débudgétisations ». Indépendamment de la légitimité des dépenses concernées, la question s'est notamment posée dans le cadre de l'application du programme « Habiter mieux », les crédits du Fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) complétant les subventions de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour la rénovation énergétique des logements privés des ménages modestes. De même, l'action « Innovation numérique pour l'excellence éducative », créée par voie de redéploiement opéré dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015 du 29 décembre 2015 13 ( * ) et désormais dotée de 168 millions d'euros, contribue au plan numérique à l'école en fournissant notamment un outil numérique à l'ensemble des collégiens d'ici 2018 14 ( * ) .

Ainsi en est-il également pour les actions où les dotations qui prennent le relai de crédits budgétaires pour le financement de projets préexistants. Ce fut le cas pour les projets de recherche nucléaire, avec les actions « Réacteur de 4 eme génération » (627 millions d'euros) et « réacteur Jules Horowitz » (248 millions d'euros), pour le fonds démonstrateur de l'Adème (867 millions d'euros au titre du PIA 1 et 800 millions d'euros au titre du PIA 2) ou encore l'action « Démonstrateurs technologiques aéronautiques et aéronefs du futur » qui a notamment permis le financement des projets Airbus A350, Hélicoptère X4 et Hélicoptère X6 pour 1,8 milliard d'euros.

2 milliards d'euros, correspondant à 17 % de l'enveloppe du PIA 2, prévus au sein de l'action « Excellence technologique des industries de défense » ont également couvert les besoins de financement pour 2014 et jusqu'ici pris en charge par le programme 146 de la mission « Défense ».

Pour le PIA 3, le risque de « débudgétisations » est également réel, certaines actions ne manquant pas d'interpeller votre rapporteur 15 ( * ) .

3. ... et qui ne pèse pas sur la norme de dépenses : un principe encore justifié ?

Les crédits consacrés aux programmes d'investissements d'avenir ne pèsent pas sur la norme de dépenses .

La double norme de dépenses : zéro valeur et zéro volume

Si des normes d'évolution des dépenses de l'État ont été introduites dès le début des années 2000, c'est la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 qui a mis en place la double norme de dépenses aujourd'hui appliquée : d'une part, les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État, doivent être stabilisés en valeur à périmètre constant : c'est la norme « zéro valeur » ; d'autre part, la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pension, doit être, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation : c'est la norme « zéro volume » .

Source : commission des finances du Sénat

Ceci se justifie à la fois par leur caractère exceptionnel et la nécessité de les protéger de tout risque d'arbitrages défavorables : si les programmes d'investissements d'avenir étaient intégrés à la norme de dépenses, un dérapage de crédits des ministères pourrait être compensé par des « coupes » sur le budget du PIA.

Dans le cas du PIA 3, le caractère exceptionnel des dépenses d'investissement couvertes mérite d'être interrogé . En effet, il intervient après deux programmes engagés en six ans et le Gouvernement a fait le choix de l'inscrire dans une mission budgétaire propre du projet de loi de finances pour 2017.

En outre, contrairement aux deux précédents PIA où autorisations d'engagement et crédits de paiement étaient intégralement décaissés du budget de l'État dans le cadre de la loi de finances qui les instauraient, il a été décidé pour le PIA 3 de lisser sur plusieurs années l'ouverture des crédits de paiement, entre 2018 et 2022 selon un calendrier provisoire 16 ( * ) .

B. DES MODALITÉS DE GESTION ET DE GOUVERNANCE GLOBALEMENT RECONDUITES

Avec ce troisième PIA, ce mode d'intervention et de gouvernance de l'État pour financer l'investissement public perd son caractère exceptionnel. Il conserve toutefois une forme d'originalité dans ses modalités de mises en oeuvre.

1. Des modes de financement adaptés à l'investissement soutenu et ayant un impact différent sur la dette et les déficits

Comme pour les précédents programmes, le PIA 3 intervient différemment, dans la nature des financements retenus, selon ses domaines d'intervention.

Les PIA 1 et 2 prévoyaient des subventions , des avances remboursables et des prêts, des dotations non consommables (ou non consomptibles) générant des intérêts annuels, des dotations à fonds de garantie et des prises de participations (ou dotations en fonds propres).

Définition des différents modes d'intervention des PIA 1 et 2

- subvention : aide financière apportée à un projet ou à un organisme (avec ou sans contreparties) ;

- avance remboursable : aide financière apportée à un projet, qui doit être remboursée en cas de succès du projet, avec paiement d'intérêts défini en fonction du type de projet ;

- dotation à fonds de garantie : assimilable à une subvention, elle permet d'assumer le risque de défaut de l'emprunteur ;

- prêt : remise de fonds à une entreprise ou un organisme moyennant le paiement d'un intérêt, avec l'engagement de remboursement de la somme prêtée ;

- dotation en fonds propres : apport en capital - ou en quasi fonds propres - à une société, en tant qu'« investisseur avisé » (c'est-à-dire avec la même façon d'apprécier l'opportunité financière qu'un investisseur privé) ;

- dotation non consommable : capital dont seuls les intérêts qui le rémunèrent sont rendus disponibles année après année.

Source : rapport d'activité 2015 du Commissariat général à l'investissement

Mode de financement particulièrement innovant, les dotations non consommables ont été instituées dans le cadre du PIA 1 . Elles servent d'assiette au calcul d'intérêts à taux fixe versés aux bénéficiaires. Seule l'Agence nationale de la recherche (ANR) a été dépositaire de dotations non consomptibles, à destination d'actions relevant de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Comme l'a démontré la Cour des comptes dans son rapport précité sur les investissements d'avenir, ce ne sont donc pas 47 milliards d'euros qui pourront être consommés au titre des PIA 1 et 2 puisque seuls les intérêts annuels des dotations non consomptibles sont décaissés, en aucun cas les dotations elles-mêmes. La Cour des comptes estime ainsi que le montant total disponible s'élève en réalité à 24 milliards d'euros pour le PIA 1 et à 10 milliards d'euros pour le PIA 2, soit un total de 34 milliards d'euros (dont 5,7 milliards d'euros au titre des intérêts des dotations non consommables).

Situation financière des investissements d'avenir au 30 juin 2016
par nature de financement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le bilan du Commissariat général à l'investissement du 30 juin 2016

Il convient également de rappeler que la nature du financement retenu a un impact très différent sur le déficit budgétaire, le déficit au sens de Maastricht et la dette (cf. le tableau ci-dessous). Les prises de participation ont ceci de particulièrement intéressant pour l'État qu'elles n'ont aucun impact sur le déficit maastrichtien.

Impact budgétaire des différentes interventions des PIA 1 et 2

Dette

Déficit budgétaire

Déficit maastrichtien

Dotations non consommables

Intérêts annuels

100 % de l'année de la loi de finances

Intérêts annuels

Prêts / prises de participation

Impact lors du décaissement

100 % de l'année de la loi de finances

0 % au décaissement, impact si réévaluation ultérieure

Subventions

Impact lors du décaissement

100 % de l'année de la loi de finances

100 % au décaissement

Avances remboursables

Impact lors du décaissement

100 % de l'année de la loi de finances

100 % au décaissement (impact positif les années de remboursement)

Source : Commissariat général à l'investissement

Selon le projet de loi de finances pour 2017, le PIA 3 se composera :

- de subventions , à hauteur de 3,05 milliards d'euros ;

- de dotations décennales , pour 2 milliards d'euros, en remplacement des dotations non consomptibles ;

- d' avances remboursables , à hauteur de 950 millions d'euros ;

- de prises de participation, pour 4 milliards d'euros.

Les investissements en fonds propres que constituent les prises de participation prennent une place importante (40 % du montant total) et se concentrent sur des actions visant la valorisation économique, pour lesquels l'État prend des risques et peut donc espérer, en contrepartie, un retour sur investissement.

Les avances remboursables apparaissent également risquées pour l'État qui engage alors son financement sur la réussite du projet, condition nécessaire pour le remboursement avec intérêts. Dans son rapport présentant le PIA, le Commissariat général à l'investissement indique ainsi que « chaque fois que cela est possible, il conviendra d'examiner la possibilité de [substituer aux avances remboursables] des apports en fonds propres ou quasi fonds propres ». Il indique également qu'il conviendra de « veiller à ce que les retours pour l'État, au cas où le succès commercial du projet est avéré, soient plus élevés et prennent pleinement en compte le risque assumé par l'État . »

Avec près de la moitié des dotations du PIA prévues en dotations sur fonds propres et avances remboursables, il appartiendra donc à l'État d'intervenir en « investisseur avisé », en sélectionnant avec prudence les projets pour espérer un retour financier.

Les subventions et les dotations décennales se concentreront pour leur part sur les investissements relevant de l'enseignement supérieur et de la recherche , bien en amont de la valorisation commerciale.

Impact budgétaire des différentes modalités d'intervention du PIA 3

Dette

Déficit budgétaire

Déficit maastrichtien

Dotations décennales

Impact lors du décaissement de chaque fraction annuelle

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

Chaque fraction annuelle de la dotation

Prêts / prises de participation

Impact lors du décaissement

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

0 % au décaissement, impact si réévaluation ultérieure

Subventions

Impact lors du décaissement

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

100 % au décaissement

Avances remboursables

Impact lors du décaissement

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

100 % au décaissement (impact positif les années de remboursement)

Source : commission des finances du Sénat

2. Le remplacement des dotations non consommables par des dotations décennales dans le PIA 3

Les dotations décennales ont vocation à remplacer les dotations non consomptibles prévues pour les PIA 1 et 2. Les crédits prévus seront décaissés progressivement, pendant dix ans, et ne peuvent dépasser 10 % du total chaque année.

Il semblait effectivement inutile de conserver le financement par dotations non consomptibles .

Tout d'abord, celles-ci n'avaient que peu d'intérêt dans le contexte économique actuel de taux d'intérêt particulièrement faibles. Ensuite, elles ont fait l'objet d'un certain nombre de critiques , en particulier de la Cour des comptes 17 ( * ) , dans la mesure où, d'une part, elles r endent difficilement lisibles le montant des financements réellement disponibles (versement des intérêts et non de la dotation elle-même) et, d'autre part, l'avenir de ces dotations non consomptibles reste inconnu puisqu'aucune date de fin de versement n'est prévue et qu'elles sont, dès lors, susceptibles de créer des « engagements de dépenses budgétaires pour l'État sans limitation de durée ».

La dotation décennale , retenue dans le cadre du PIA 3, répond à ces critiques , en ce qu'elle permet de connaître le montant exact qui sera versé et la durée pendant laquelle les bénéficiaires la percevront. En revanche, elle ne constitue pas un dispositif de financement pérenne et laisse donc pendante la question du devenir des structures qui la perçoivent et de l'obligation pour les crédits budgétaires de « prendre le relai » à l'issue de cette période de 10 ans.

Enfin, d'un point de vue budgétaire , ces dotations décennales peuvent être assimilées à des subventions .

3. Une gouvernance reposant sur le Commissariat général à l'investissement et les opérateurs

Avec l'article 56 du projet de loi de finances pour 2017, rattaché à la présente mission, le Gouvernement propose, pour ce troisième programme d'investissements d'avenir, de reconduire, quasiment à l'identique, les modalités de gouvernance prévues pour les deux précédents PIA , notamment à l'article 8 de la loi précitée du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

a) Un pilotage assuré par le Commissariat général à l'investissement

La gouvernance repose en particulier sur le Commissariat général à l'investissement, institué par le Gouvernement en 2010 18 ( * ) , en s'appuyant sur les recommandations du rapport de MM. Alain Juppé et Michel Rocard. Spécifiquement chargé de la mise en oeuvre des PIA et placé auprès du Premier ministre, il doit notamment préparer les décisions du Gouvernement sur les contrats passés entre l'État et les opérateurs gestionnaires des fonds, coordonner la préparation des cahiers des charges accompagnant la sélection des projets, formuler des avis et des propositions sur lesdits projets et veiller à l'évaluation des investissements (y compris leur rentabilité).

b) Une gestion et une utilisation des fonds confiées à des opérateurs qui sont liés par une convention avec l'État

La mise en oeuvre des actions du PIA et la gestion de ses dotations n'est pas confiée aux ministères concernés sur le fond par les investissements mais à des opérateurs . Il peut ainsi s'agir de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou d'autres établissements publics de l'État, voire des sociétés dans lesquelles ce dernier détient, directement ou indirectement, une majorité du capital ou des droits de vote. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) gère également certains fonds du PIA, pour le compte de l'État ou des opérateurs qu'il a désignés.

Liste des opérateurs de l'État au titre des PIA 1 et 2

- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) ;

- Agence nationale de l'habitat (Anah) ;

- Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) ;

- Agence nationale de la recherche (ANR) ;

- Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ;

- Agence de services et de paiement (ASP) ;

- Banque publique d'investissement (BPI) ;

- Caisse des dépôts et consignations (CDC) ;

- Centre national d'études spatiales (CNES) ;

- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;

- FranceAgriMer ;

- Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera).

Pour le PIA 3, le Gouvernement a décidé de restreindre à quatre le nombre d'opérateurs . Il s'agit de l'Adème, de l'agence nationale de la recherche (ANR), de Bpifrance et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Les relations entre l'État et l'opérateur sont formalisées par voie conventionnelle , tant pour les modalités de gestion que d'utilisation des fonds 19 ( * ) . Ceux-ci sont déposés sur un compte du Trésor , garantissant ainsi un meilleur suivi pour l'État.

c) Une sélection des projets les plus innovants assurée par une mise en concurrence et un jury indépendant

Les opérateurs doivent sélectionner les projets en garantissant une mise en concurrence , par un dispositif d'appel à projets, ainsi que la transparence de la procédure .

Les projets sont retenus après examen par un jury indépendant, généralement composé d'experts internationaux.

d) Le suivi des PIA et le contrôle du Parlement

Pour suivre la mise en oeuvre des PIA, l'article 8 précité de la première loi de finances rectificative pour 2010 prévoit plusieurs dispositions.

Tout d'abord, chaque année, le Gouvernement doit décrire, pour les années passées, présente ou à venir, les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts. Ces éléments figurent dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances initiale.

Ensuite, un « jaune » budgétaire , annexé au projet de loi de finances, propose chaque année un bilan de la mise en oeuvre et du suivi des programmes d'investissements d'avenir 20 ( * ) .

Le suivi des PIA est, enfin, également assuré par le comité de surveillance des investissements d'avenir qui, initialement présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard et désormais par MM. Jean-Pierre Raffarin et Jean-Paul Huchon, est chargé d'évaluer le programme d'investissements d'avenir et de « dresser un bilan annuel de son exécution ».

Concernant plus spécifiquement le contrôle du Parlement , essentiel compte tenu de la spécificité des PIA, il s'appuie toute d'abord sur les documents annexés annuellement au projet de loi de finances pour suivre leur exécution. Par ailleurs, le Commissariat général à l'investissement adresse aux commissions des finances un bilan sur les financements des PIA chaque trimestre .

Les commissions des finances et les commissions permanentes compétentes peuvent également communiquer au Premier ministre leurs observations sur les projets de conventions qui leur sont adressés en amont de leur signature, ainsi que leurs éventuels avenants.

Elles sont aussi informées des projets de redéploiements de crédits qui modifient la répartition initiale des fonds entre les différentes actions des programmes, avant d'être approuvés par le Premier ministre.

Enfin, il convient de préciser que quatre députés et quatre sénateurs sont membres du comité de surveillance des investissements d'avenir.

Programmes et actions du PIA 3

(en millions d'euros)

PRIORITÉS

OBJECTIFS

ACTIONS

Subventions/
Avances remboursables

Dotations
décennales

Fonds propres

TOTAL

PROGRAMME 421
« SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

1

Développer l'innovation pédagogique

"Territoires d'innovation pédagogique" dans l'enseignement scolaire

400

100

-

500

Nouveaux cursus à l'université

0

250

-

250

2

Amplifier des programmes de recherche

Programmes prioritaires de recherche

50

350

-

400

Équipements structurants pour
la recherche

200

150

-

350

3

Intégrer recherche et enseignement supérieur

Soutien des grandes universités de recherche

0

700

-

700

Constitution d'écoles universitaires de recherche

0

300

-

300

4

Diversifier de nouveaux modes de gestion des universités

Création expérimentale de "sociétés universitaires et de recherche"

-

-

400

400

Total Programme 421

650

1 850

400

2 900

PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE

5

Promouvoir des territoires d'innovation et des démonstrateurs

Nouveaux écosystèmes d'innovation

80

150

-

230

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

800

-

700

1 500

Accélérer le développement des écosystèmes d'innovation performants

620

-

-

620

6

Faciliter l'appropriation de l'innovation

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

50

-

100

150

Fonds national post-maturation « Frontier venture »

0

0

500

500

Total Programme 422

1 550

150

1 300

3 000

PROGRAMME 423

ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES

7

Soutenir l'innovation

Soutien à l'innovation collaborative

550

-

0

550

Accompagnement et transformation des filières

500

-

500

1 000

8

Accompagner "l'industrie du futur"

Industries du futur

350

-

-

350

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

100

-

-

100

9

Accélérer la croissance des PME et ETI

Concours d'innovation

300

-

-

300

Fonds national d'amorçage n° 2

-

-

500

500

Fonds de fonds « Multi-cap-croissance » n° 2

-

-

400

400

Fonds à l'internationalisation des PME

-

-

200

200

Grands défis

-

-

700

700

Total Programme 423

1 800

0

2 300

4 100

TOTAL

4 000

2 000

4 000

10 000

Source : commission des finances d'après les données du projet annuel de performances et rapport précité de juin 2016 du Commissariat général à l'investissement sur le PIA 3

II. DES CRÉDITS RÉPARTIS ENTRE TROIS PROGRAMMES

Pour le PIA 3, le Gouvernement a fait le choix de regrouper l'ensemble des crédits dans une mission propre, alors qu'auparavant ils faisaient l'objet de programmes nouveaux insérés dans les missions concernées (missions « Recherche et enseignement supérieur », « Écologie, développement et mobilités durables », « Économie »...) 21 ( * ) .

Placé sous l' autorité du Premier ministre , la mission est composée de trois programmes dont le Commissariat général à l'investissement est responsable :

- programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », avec 2,9 milliards d'euros ;

- programme 422 « Valorisation de la recherche », avec 3 milliards d'euros ;

- programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », avec 4,1 milliards d'euros.

A. LE PROGRAMME 421 « SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

Le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » tend à soutenir l'investissement dans l'enseignement , principalement dans l'enseignement supérieur mais également à l'école, et la recherche.

Les crédits qui leur sont consacrés, à hauteur de 2,9 milliards d'euros , se répartissent en sept actions .

1. 2,9 milliards d'euros répartis en sept actions

Répartition des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Deux opérateurs seront chargés de la mise en oeuvre de ces actions, à savoir la Caisse des dépôts et consignations (CDC), à hauteur de 900 millions d'euros, et l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour 2 milliards d'euros.

Les financements se répartissent en 650 millions d'euros de subventions, 1,85 milliard d'euros de dotations décennales et des prises de participation à hauteur de 400 millions d'euros.

Répartition des crédits du programme par action,
par opérateur et par type de financement

(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Opérateur

crédits de l'action

dont subventions

dont dotations décennales

dont prises de participation

Action 01 - Nouveaux cursus à l'université

Agence nationale de la recherche

250

250

Action 02 - Programmes prioritaires de recherche

Agence nationale de la recherche

400

50

350

Action 03 - Équipements structurants de recherche

Agence nationale de la recherche

350

200

150

Action 04 - Soutien des grandes universités de recherche

Agence nationale de la recherche

700

700

Action 05 - Constitution d'écoles universitaires de recherche

Agence nationale de la recherche

300

300

Action 06 - Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques

Caisse des dépôts et consignations

400

400

Action 07 - Territoires d'innovation pédagogique

Caisse des dépôts et consignations

500

400

100

Total du programme

2 900

650

1 850

400

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Sur le fond, les projets couverts par ce programme sont très variés . D'après la présentation du 3 e programme d'investissements d'avenir, élaborée en juin 2016 par le Commissariat général à l'investissement, ce programme vise quatre objectifs :

- développer l' innovation pédagogique (actions 01 et 07) ;

- amplifier les programmes de recherche (actions 02 et 03) ;

- intégrer recherche et enseignement supérieur (actions 04 et 05) ;

- ouvrir de nouveaux modes de gestion aux universités (action 07).

a) Développer l'innovation pédagogique (actions 01 et 07)

L' action 01 « Nouveaux cursus universitaires », vise ainsi à développer l'innovation pédagogique, en vue ensuite, le cas échéant, de généraliser les expérimentations menées.

Ainsi en est-il notamment dans le cadre de la formation initiale de niveau licence , où seraient testées de nouvelles organisations des parcours offerts aux étudiants. Il s'agit ainsi de faire face au nombre croissant d'étudiants inscrits chaque année dans les universités, avec 1,59 million d'étudiants à la rentrée 2015 et une hausse de 2,8 % des effectifs par rapport à 2014, hors doubles inscriptions pour les étudiants en classe préparatoire aux grandes écoles. Surtout, l'objectif est de développer des solutions permettant de réduire le taux d'échec alors que seuls 27,2 % des étudiants parviennent à obtenir leur licence en 3 ans (chiffre 2014, la prévision s'établissant à 27,5 % pour 2016 et 2017).

Elle viserait également à développer les parcours de formation professionnelle (formation continue « tout au long de la vie ») et les modalités de formations innovantes , à l'image des « massive open online courses » (MOOC) dont le développement a notamment été permis dans le cadre du PIA 2.

Complétant le plan numérique à l'école, l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » a pour spécificité de cibler l'enseignement scolaire et de s'inscrire dans le prolongement de l'appel à projets e-FRAN (« Espaces de formation, de recherche et d'animation numérique ») prévu dans le cadre du PIA 2 (action « Innovation numérique pour l'excellence éducative »). Il s'agirait ainsi de soutenir des initiatives de terrains, issues généralement du corps enseignant ou d'encadrement des établissements scolaires, en prévoyant de les déployer sur un territoire donné.

Le champ d'intervention pourrait couvrir à la fois « l'orientation, la lutte contre le décrochage scolaire, l'apprentissage des fondamentaux, des langues ou des sciences, l'interdisciplinarité, les relations école-entreprises et formation-emploi, l'organisation innovante dans les territoires ruraux à tous les niveaux du parcours éducatif ».

Le projet annuel de performances précise que l'action pourrait également aider au développement d'applications ludo-éducatives.

b) Amplifier des programmes de recherche (actions 02 et 03)

L'action 02 « Programmes prioritaires de recherche » tend à assurer un soutien financier prolongé aux programmes de recherche ayant un potentiel exceptionnel , dans la ligne des actions des PIA 1 et 2 et des laboratoires d'excellence (Labex), notamment dans les secteurs de la santé, du numérique et du développement durable. Selon le projet annuel de performances, ces programmes seront « définis au niveau interministériel et après concertation avec la communauté scientifique ».

Par l' action 03 « Équipements structurants de recherche », le programme d'investissements d'avenir poursuit son objectif de soutien à l'investissement dans la recherche, par le financement d'équipements indispensables. Le projet annuel de performances cite notamment, à titre d'exemple, le stockage et le traitement des données de masse ou encore l'acquisition d'équipements de pointe et structurants pour mener à bien la recherche dans le domaine de la transition numérique. Il pourrait ainsi s'agir d'un supercalculateur partagé par la communauté scientifique pour diverses applications (simulation numérique, big data ...) ou encore d'un synchrotron pour les laboratoires de chimie et de physique.

Le projet annuel de performances précise également que ces équipements devront répondre à une double condition : servir la recherche publique (et si possible privée) et développer un modèle de gestion novateur, c'est-à-dire permettre leur exploitation commerciale.

c) Intégrer recherche et enseignement supérieur (actions 04 et 05)

L'action 04 « Soutien des grandes universités de recherche » s'inscrit dans le prolongement des Initiatives d'excellence (Idex) et des Initiatives « science-innovation-territoires-économie » (I-site) des PIA 1 et PIA 2. Elle serait ainsi destinée à renforcer l'intégration de ces regroupements par l'émergence d'« universités de recherche » de rang mondial . Selon le projet annuel de performances, « la démarche intégrative doit viser notamment la simplification institutionnelle, et porter sur la gouvernance, la politique de recherche et de formation, les ressources humaines et l'emploi scientifique [...], l'action internationale et l'intensification des relations avec le monde économique . » Il s'agirait ainsi d' encourager l'affirmation des identités collectives , avec des projets tels que le développement de chaires d'attractivité, des bourses de mobilité répondant à une stratégie ciblée, ou encore de partenariats internationaux.

Poursuivant cette même idée d'intégration et d'union des structures, l'action 05 doit permettre la « constitution d'écoles universitaires de recherche ». Selon les informations recueillies auprès du Commissariat général à l'investissement, elle permettrait ainsi de pousser les synergies entre les différentes structures déjà existantes et très largement financées par les précédents PIA, à savoir les Idex, les I-site, les équipements d'excellence (Equipex)... Selon le projet annuel de performances, cette action permettrait d'offrir « à chaque site universitaire la possibilité de renforcer l'impact et l'attractivité internationale de sa recherche dans un domaine scientifique ».

Ces écoles universitaires de recherche, à vocation internationale et créées à l'image des « graduate schools » à l'étranger, rassembleraient ainsi la formation et la recherche dans un même domaine, en regroupant les masters et les doctorats ainsi que des laboratoires de recherche.

Il convient de souligner que ce nouveau label permettrait également de « simplifier le paysage français de l'enseignement supérieur et de la recherche » puisqu'il aurait l'ambition de se substituer à tous ceux qu'il regrouperait.

d) Ouvrir de nouveaux modes de gestion aux universités (actions 06)

L' action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques » est la seule action du programme reposant sur des financements ayant la nature de prises de participation.

Son objectif est de soutenir des expérimentations dans le domaine de la valorisation des actifs des établissements publics de l'enseignement supérieur, afin à la fois de moderniser les campus et de favoriser les échanges avec les entreprises composant le tissu économique.

Selon les exemples présentés par le Commissariat général à l'investissement, l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) pourrait ainsi développer la commercialisation de l'accès à sa soufflerie de Modane, unique au monde, alors qu'actuellement elle est mise à disposition quasi gratuitement aux entreprises qui en ont besoin. Il pourrait en être de même avec les bateaux de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). La valorisation commerciale pourrait aussi concerner l'organisation de formations. À ce titre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche compte beaucoup sur le développement de la formation continue pour les universités.

Le PIA 3 ne comprend pas d'action destinée à soutenir des opérations immobilières, comme ce fut le cas dans le cadre du plan Campus et du plateau de Saclay. En revanche, la présente action pourrait permettre aux universités, par ces sociétés, de valoriser leur patrimoine immobilier.

Le PIA investirait ainsi dans ces sociétés universitaires et scientifiques, par des prises de participation, en tant qu'investisseur avisé.

2. Des projets globalement prometteurs mais pour des résultats incertains

Il semble que les actions du présent programme tendent effectivement à soutenir des projets d'investissement qui devraient permettre de favoriser le développement de « l'économie de la connaissance », tant s'agissant de l'enseignement que de la recherche.

En particulier, l'action 01 « Nouveaux cursus universitaires » semble particulièrement utile en ce qu'elle offrirait la possibilité d'expérimenter des formations innovantes au sein des universités, tant au niveau de la formation initiale que continue, surtout si elles sont conçues dans l'optique d'être ensuite généralisées.

Le rapport précité du comité d'examen à mi-parcours des investissements d'avenir, présidé par Philippe Maystadt, avait déjà souligné le fait que ce programme constituait une « méthode originale de modernisation qui, pour autant qu'elle soit pilotée, pourrait donner des résultats dans d'autres domaines (éducation, santé) où la réforme par voie législative ou réglementaire se heurte à de fortes résistances et où la réforme par incitant pourrait faire bouger les lignes . »

La démarche intégrative de l'action 04 « Soutien des grandes universités de recherche » devrait s'inscrire pleinement dans les objectifs et les critères d'évaluation élaborés pour les précédents PIA , notamment pour les Idex et les I-site. Au regard des résultats de l'évaluation réalisée en juin dernier pour les 8 Idex relevant du PIA 1, il apparaît que nombre de ces structures n'ont pas suffisamment progressé sur cette intégration, en particulier en termes de gouvernance. L'exemple le plus frappant reste à l'heure actuelle l'Idex de Paris Saclay dont la période probatoire a été prolongée pour 18 mois avant de décider de sa confirmation et donc de la pérennisation de son financement.

En proposant des expérimentations destinées à la valorisation commerciale des actifs appartenant aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche, l'action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques » semble également particulièrement utile , notamment pour diversifier les ressources propres des universités .

Les actions 02 « Programmes prioritaires de recherche » et 03 « Équipements structurants de recherche » participent, quant à elles, directement au soutien apporté par le PIA à la recherche fondamentale universitaire , depuis le lancement du « Grand emprunt » en 2010. Une attention particulière devra toutefois être apportée à ces financements du PIA qui doivent en principe s'additionner à ceux issus des crédits budgétaires de l'État mais qui parfois s'y substituent , limitant ainsi leurs effets sur la dynamique de la recherche 22 ( * ) .

De même, il conviendra de veiller que, dans le cadre de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique », le PIA ne serve pas à couvrir démesurément des dépenses qui devraient davantage l'être par des crédits budgétaires , à l'instar de ce qui fut pratiqué dans les précédents PIA, par exemple avec la fourniture d'un équipement numérique mobile à tous les collégiens d'ici 2018. Or, l'acquisition d'équipements individuels et collectifs dans le cadre de cette action a été confirmée à votre rapporteur spécial 23 ( * ) .

En outre, comme Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » l'a déjà souligné dans ses rapports budgétaires, il est permis de s'interroger sur la nécessité de soutenir, une nouvelle fois, le développement du numérique à l'école, les études menées à ce sujet, en particulier par l'OCDE, ne permettant pas d'en déduire un meilleur apprentissage.

B. LE PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE »

Les crédits du programme 422 « Valorisation de la recherche » , qui s'élèvent au total à 3 milliards d'euros , s'articulent autour de cinq actions , dont l'action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » , qui compte à elle seule 1,5 milliard d'euros .

Répartition des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Trois opérateurs seront chargés de la mise en oeuvre de ces cinq actions : la Caisse des dépôts et consignations , à hauteur de 1,3 milliard d'euros , l 'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) , à hauteur de 850 millions d'euros , et l 'Agence nationale de la recherche (ANR) , à hauteur de 850 millions d'euros .

La nature des crédits portés par le programme se répartit entre 1,3 milliard d'euros de subventions , 150 millions d'euros de dotations décennales , 250 millions d'euros d'avances remboursables et 1,3 milliard d'euros de prises de participation .

Répartition des crédits du programme par action, par opérateur et par type de financement

(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Opérateur

crédits de l'action

dont subventions

dont dotations décennales

dont avances remboursa-bles

dont prises de participation

Action 01 - Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

Caisse des dépôts et consignations

150

50

100

Action 02 - Fonds national post-maturation « Frontier venture »

Caisse des dépôts et consignations

500

500

Action 03 - Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

ANR et Adème

1 500

600

200

700

Action 04 - Nouveaux écosystèmes d'innovation

ANR

230

80

150

Action 05 - Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants

Caisse des dépôts et consignations, ANR et Adème

620

570

50

Total du programme

3 000

1 300

150

250

1 300

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Les crédits du programme viendront financer des actions censées être complémentaires pour valoriser d'un point de vue commercial les résultats de la recherche française :

- la poursuite du financement des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) et des instituts hospitalo-universitaires (IHU) , leur regroupement et la rationalisation de leur présence sur le territoire et leur rapprochement avec les incubateurs de la recherche publique (actions 01, 04 et 05) ;

- le financement de la post-maturation grâce à un fonds Frontier venture et l'amplification de l'action du fonds French Tech accélération au service de la création de startups (actions 01 et 02) ;

- la poursuite de l'action des démonstrateurs de recherche de la transition énergétique et écologique (action 03).

Mais ils viendront également financer deux projets dont la légitimité est nettement plus contestable :

- des « territoires d'innovation de grande ambition » , concept flou pour lequel un risque de saupoudrage des crédits du programme d'investissements d'avenir paraît réel (action 03) ;

- le financement du réacteur expérimental Jules Horowitz , en grande difficulté financière et dont le coût paraît exponentiel (action 03).

1. Poursuivre le financement des SATT et des IHU, favoriser leur regroupement et les rapprocher des incubateurs de la recherche publique

Les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) sont des sociétés par actions simplifiées (SAS) ayant pour actionnaires des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche qui détiennent 67 % de leur capital social , les 33 % restant étant détenus par la Caisse des dépôts et consignations .

Créées dans le cadre du premier programme d'investissements d'avenir, les SATT visaient à mettre fin au morcellement des structures de valorisation de la recherche publique , disséminées dans les universités et les organismes de recherche, ce qui engendrait un déficit d'efficacité considérable .

Pour répondre à cette difficulté, chaque SATT constitue, dans sa région, une structure unique à laquelle les universités et les organismes de recherche peuvent confier la maturation technologique des résultats des projets de recherche menés par leurs chercheurs et leurs enseignants-chercheurs.

Le travail des SATT consiste à éprouver la robustesse d'une invention en validant la preuve de concept, à faire les travaux de changement d'échelle 24 ( * ) , à explorer ses possibilités commerciales et à garantir sa propriété intellectuelle .

Le dispositif fait l'objet d'évaluations régulières qui ont permis de dégager des pistes d'évolution censées permettre aux différentes parties prenantes de mieux s'approprier ces nouveaux acteurs de la politique de soutien à l'innovation . Mais, dans l'ensemble, le dispositif donne à ce stade satisfaction et leurs résultats sont positifs .

Chaque SATT est dotée d'un capital social de un million d'euros puis se voit attribuer des apports en quasi fonds propres sur dix ans , versés en trois tranches conditionnées par des évaluations régulières de leurs performances.

Les résultats obtenus par les SATT au 31 décembre 2015

- 1 052 projets en maturation ;

- 118 millions d'euros investis dans la maturation de résultats de laboratoires publics ;

- 3 787 déclarations d'invention répertoriées ;

- 1 189 brevets déposés ;

- 315 concessions de licences fermes et payantes à l'issue de la maturation ;

- 6,3 millions d'euros de revenus cumulés issus du transfert ;

- 104 startups créées.

Source : ANR

Les premières SATT (vague A et B) ont un peu plus de trois ans d'existence et les deux dernières ont été créées en juillet 2015 : au total il existe désormais quatorze SATT présentes sur la quasi-totalité du territoire français , à l'exception de la Normandie et des territoires d'outre-mer.

L'action 04 du programme 142 prévoit de dégager les crédits nécessaires à la création d'une SATT en région Normandie ainsi qu'à la mise en place d'un dispositif de valorisation de type SATT pour les territoires d'outre-mer .

Elle financera également le regroupement de certaines SATT dont le périmètre d'intervention ne coïncide pas avec celui des nouvelles régions ou dont l'activité est insuffisante .

Cette action porte également des crédits destinés à financer deux ou trois IHU supplémentaires pour compléter la carte hospitalo-universitaire qui en compte déjà six , qui seront pérennisés .

Les instituts hospitalo-universitaires (IHU)

Un Institut hospitalo-universitaire (IHU) est un pôle d'excellence consacré à la recherche biomédicale, aux soins, à la formation et au transfert de technologies dans le domaine de la santé. Il rassemble les compétences de la recherche publique et de l'industrie, dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs.

Il a pour finalité de renforcer la compétitivité des industriels de la pharmacie, des biotechnologies et des technologies pour la santé, ainsi que les capacités de recherche de niveau mondial. Il suppose une masse critique suffisante de moyens et de compétences (plus de 100 chercheurs, ingénieurs et enseignants-chercheurs publics et privés, plus de 200 personnels médicaux et paramédicaux) situés, de préférence, sur un même lieu. Il devra couvrir l'ensemble du processus d'innovation, jusqu'à la valorisation et le transfert des résultats de la recherche vers le patient.

L'institut hospitalo-universitaire associe une université, un centre hospitalo-universitaire et des structures de recherche publique. Il inclut un centre de recherche clinique et translationnelle ouvert aux projets émanant de partenaires publics ou privés, aboutissant à de nouveaux produits et des procédés préventifs, diagnostiques ou thérapeutiques et des transferts de ces innovations dans les pratiques de soins. Pour ce faire, l'IHU doit être en capacité d'attirer une quantité significative de projets émanant de partenaires privés et inclure, dans la mesure du possible, un partenariat avec un pôle de compétitivité.

Source : ANR

En outre, l'action 01 du programme 142 prévoit de consacrer 50 millions d'euros de subventions au financement de rapprochements entre les SATT et les incubateurs publics , qui interviennent à un stade postérieur à celui des SATT, pour créer les startups susceptibles de commercialiser les projets dont la maturation technologique est terminée .

Les incubateurs publics

Un incubateur est une structure d'accompagnement de porteurs de projets de création d'entreprises qui, en mettant à leur disposition les compétences et les outils indispensables au bon démarrage et au développement d'une entreprise innovante va leur permettre de concrétiser leur idée ou leur projet en une entreprise structurée et viable.

L'incubateur peut apporter un appui en termes d'hébergement, de conseil et de financement, avant la création et lors des premières étapes de la vie de l'entreprise.

En 2016, le ministère de l'enseignement supérieur soutient 23 incubateurs de la recherche publique.

Source : ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

Selon le projet annuel de performances pour 2017, un tel rapprochement « permettrait de constituer un guichet unique , source de mutualisation, de réduction de coût et de simplification pour les laboratoires comme pour les entreprises ».

Ce projet s'inspire de la création d'une activité d'incubation au sein des SATT de Lyon (Pulsalys) et de Grenoble (Linksium) .

L'action 05 du programme, enfin, entend apporter de nouveaux financements aux SATT , pour pallier l'épuisement des crédits qui leur étaient destinés dans le premier programme d'investissement.

Elle prévoit que les 620 millions d'euros qu'elle porte pourront également permettre d'abonder les budgets des Instituts de recherche technologique (IRT), des Instituts pour la transition énergétique (ITE), des instituts hospitalo-universitaires (IHU) et des plateformes technologiques qui ont été créés par les précédents programmes d'investissements d'avenir.

L'action des SATT , si elle est encore perfectible, répond à un vrai besoin d'accompagnement de la maturation des technologies issues de la recherche publique et constitue un indéniable progrès par rapport à la situation préexistante , qui voyait les universités et les organismes de recherche valoriser leurs innovations par eux-mêmes.

Quant aux IHU, leur réussite est largement admise, et la création de deux à trois IHU supplémentaires paraît un objectif conforme à la vocation des programmes d'investissements d'avenir .

2. Financer la phase de post-maturation grâce à un fonds Frontier venture et amplifier l'action du fonds French Tech accélération au service de la création de startups

L'action 02 du programme 422, dotée de 500 millions d'euros , prévoit la création d'un Fonds national post-maturation baptisée « Frontier venture » . Ces 500 millions d'euros donneront à ce fonds une force de frappe considérable , destinée à envoyer un signal fort aux investisseurs privés , en particulier les business angels .

Il s'agit de venir combler une défaillance de marché sur la phase de post-maturation ou de pré-industrialisation des projets issus de la recherche française et qui ont bénéficié d'une maturation au sein des SATT, des IRT, des ITE, des IHU ou d'autres structures de valorisation de la recherche comme les Instituts Carnot grâce aux crédits des programmes d'investissements d'avenir 1 et 2. De fait, ces différents organismes ne sont pas en mesure de réunir les fonds nécessaires pour accompagner les technologies dans cette nouvelle phase de leur développement .

Cette phase de post-maturation ne nécessite généralement que des financements limités - quelques centaines de milliers d'euros - mais n'intéresse pas assez les investisseurs privés car elle intervient avant la phase d'amorçage .

Selon le projet annuel de performances pour 2017 , les coûts liés à la phase de post-maturation sont « des coûts de développement technologique, des coûts de protection de la propriété intellectuelle ou bien encore des coûts pour couvrir des prestations de diagnostic stratégique, de prospection commerciale, de certification et de conseil juridique ».

Le « Frontier venture » aurait donc vocation à soutenir les structures de maturation et de valorisation de la recherche publique en apportant des co-financements, aux côtés d'investisseurs privés, dans les projets qu'elles portent.

Le fonds pourra également labelliser ces structures de maturation en tant que tiers de confiance , ce qui leur permettra de prendre un « ticket » dans les projets dont elles ont accompagné la maturation . Le projet annuel de performances précise que, dans cette perspective, le fonds « sélectionnera les écosystèmes de valorisation qui souhaitent obtenir une homologation en fonction de leur potentiel de projets, de leur expertise technologique et des liens tissés avec les financeurs privés ».

Intervenir là où existent des défaillances de marché est précisément la vocation des fonds publics de soutien à l'innovation . Toutefois, la dotation très importante du « Frontier venture » ne devra pas conduire ses gestionnaires à négliger la qualité des projets sélectionnés , qui devront faire l'objet d'une sélection extrêmement rigoureuse .

Parallèlement, l'action 01 porte 100 millions d'euros qui viendront renforcer les fonds propres du fonds French tech accélération .

Ce fonds, qui a été créé par le deuxième programme d'investissements d'avenir et doté de 200 millions d'euros en fonds propres , a pour objet de favoriser l'essor des accélérateurs de startups en France , en investissant dans leur capital au côté d'investisseurs privés en tant qu'actionnaire minoritaire 25 ( * ) . Il est géré par Bpifrance .

Les accélérateurs visent à accompagner la création et la croissance de startups en leur proposant des services qui peuvent les aider à se développer : programmes de mentorat, de formation, d'aide au recrutement, de partage de technologies de pointe ou de machines (comme dans des « accélérateurs hardware », des plateformes de prototypage), d'aide à la commercialisation (par exemple le montage de pilotes commerciaux) ou à l'internationalisation.

Ils peuvent également proposer, dans certains cas, des financements aux startups , notamment de l'investissement en fonds propres .

Ce type d'initiative présente un fort effet d'entraînement , chaque structure pouvant contribuer au développement de plusieurs centaines de startups . Selon le projet annuel de performance, « une augmentation de 100 millions d'euros du fonds French Tech accélération lui permettrait de poursuivre l'action qu'il a engagée pour la prochaine décennie et d'approfondir de nouveaux modèles comme celui des startups studios , qui consistent à créer des startups sans équipe préalablement constituée, à partir d'une idée dont le potentiel de marché a pu être établi ».

Depuis sa création, French tech accélération a investi dans cinq projets mais a également entrepris de localiser l'ensemble des accélérateurs présents sur notre territoire sous des formes variées : accélérateurs proprement dits, fonds avec accélération, startups studios.

À titre d'exemple, le premier bénéficiaire du fonds French tech accélération a été l'accélérateur de startups numériques Axeleo , qui accompagne le développement de startups qui ont déjà des premiers clients et ont réalisé un premier tour de financement ( Love money , business angels , fonds d'amorçage), dans le cadre d'une levée de fonds de 2,3 millions d'euros réalisée au côté d'un pool d'entrepreneurs issus du monde du numérique.

Le deuxième bénéficiaire du fonds, l'accélérateur Usine IO, est pour sa part un « accélérateur hardware », qui met à la disposition de startups des machines ainsi qu'un pôle d'expertise technique et de mise en relation afin de concevoir, prototyper et préparer l'industrialisation d'objets.

3. Les territoires d'innovation de grande ambition, un concept flou, un risque de saupoudrage

L'action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » porte 500 millions d'euros destinés au financement de « territoires d'innovation de grande ambition » , un concept qui apparaît flou et susceptible d'englober des actions multiples , sans réelle cohérence d'ensemble .

De fait, selon le projet annuel de performance pour 2017, « il s'agit d'identifier des territoires visibles et attractifs pour mettre en oeuvre de nouvelles technologies multiples (numérique, santé, habitat, traitement des déchets, énergie, mobilité, sécurité). À l'instar des opérations d'intérêt national (OIN) ou des grands projets qui permettent d'harmoniser les projets d'aménagement d'un territoire, de simplifier la gouvernance, d'accélérer les processus de décisions et renforcer leur cohérence, il est proposé de sélectionner des territoires d'intérêt national en innovation, dans lesquels se concentreraient des technologies émergentes testées en vraie grandeur en coordination avec les acteurs locaux et en y associant les usagers ».

Plus concrètement, selon les informations recueillies auprès du Commissariat général à l'investissement, il s'agirait de développer des écoquartiers , des écocités ou bien encore des livings labs , censés expérimenter des technologies à grande échelle . L'Agence nationale de l'habitat (Anah) espérerait même en bénéficier pour procéder à des opérations de rénovation énergétique sur des quartiers.

Consacrer 500 millions d'euros à « ces territoires d'intérêt national en innovation » sans plus d'informations apparaît contradictoire avec la logique des programmes d'investissements d'avenir , qui ont au contraire, depuis leur lancement, cherché à financer des projets précis et bien localisés , afin de bénéficier d'un effet levier maximal et d'éviter le saupoudrage .

4. La poursuite de l'action des démonstrateurs de recherche de la transition énergétique et écologique

La loi de finances pour 2014 avait créé un programme 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique » qui était doté de 1,1 milliard d'euros provenant du deuxième programme d'investissements d'avenir.

Sur ce montant, 800 millions d'euros avaient vocation à accompagner les projets des entreprises et des collectivités territoriales dans le domaine de la transition écologique en favorisant l'émergence de démonstrateurs de recherche , qui, selon l'Adème, « constituent une étape importante du processus de recherche et développement de l'industrialisation des technologies , dans la mesure où cette étape se situe après la phase de recherche en laboratoire et avant la phase d'industrialisation qui, elle, relève de la phase de déploiement de la technologie ».

Six thématiques stratégiques avaient été retenues : la biodiversité, l'économie circulaire, les énergies renouvelables, la décarbonation des usages de l'énergie, la rénovation énergétique du bâti et la santé-environnement.

Sur les 800 millions d'euros consacrés à ces démonstrateurs, 100 millions d'euros étaient alloués sous forme de subventions , 550 millions d'euros sous forme d'avances remboursables et 150 millions d'euros étaient des prises de participation dans des entreprises existantes ou créées pour les besoins du projet .

L'action 03 du présent programme 422 prévoit 700 millions d'euros supplémentaires pour le financement de ces démonstrateurs, dont 100 millions d'euros de subventions et 200 millions d'euros d'avances remboursables .

Selon le projet annuel de performances pour 2017, « un soutien en fonds propres est également prévu dans cette action afin d'accompagner les premières mises en oeuvre commerciales des développements qui en sont issus , en particulier dans le domaine des infrastructures énergétiques . Ces fonds propres doivent permettre d'investir dans des projets d'infrastructures innovantes, aux côté des promoteurs initiaux de ces innovations et du secteur bancaire afin de partager les risques technologiques inhérents au lancement de ce types d'opérations ».

Il faut espérer que la somme de 700 millions d'euros sera vraiment utile , les crédits consacrés aux démonstrateurs dans les précédents PIA ayant fait l'objet de redéploiement de crédits en leur défaveur (200 millions d'euros au total). La diminution des crédits était justifiée par le fait que le nombre de projets à financer était moins important que prévu. Toutefois, d'après l'Adème, l'ensemble des crédits du PIA 2 devrait être engagé à mi-2017.

5. La fin de la construction du réacteur Jules Horowitz, chantier qui a connu un dérapage financier considérable

L'action 03 porte enfin 300 millions d'euros , dans le cadre d'un volet baptisé « nucléaire de demain », qui servira pour l'essentiel à financer le réacteur nucléaire expérimental Jules Horowitz , c'est-à-dire une infrastructure de recherche dont le financement devrait en principe relever du programme 172 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et non d'un programme d'investissements d'avenir.

Le réacteur Jules Horowitz

Créé en 2009, le Réacteur expérimental Jules Horowitz (RJH) est un projet européen destiné à la recherche sur les comportements des combustibles et des matériaux pour les centrales électronucléaires. Il est en cours de construction par Areva sur le site du Commissariat à l'énergie atomique de Cadarache (Bouches-du-Rhône).

Ce réacteur de 100 mégawatts permettra de réaliser sur les prochaines décennies les programmes de recherche nécessaires à la sûreté, à l'optimisation et aux innovations pour les réacteurs nucléaires industriels actuels et futurs. Le RJH permettra d'expérimenter de nouveaux combustibles nucléaires et de tester différents matériaux sous de très fortes sollicitations mécaniques et thermiques pour améliorer encore la sûreté, la durée de vie et la compétitivité des centrales.

Il produira également des radioéléments pour la médecine nucléaire. En effet, les nouvelles technologies d'imagerie médicale utilisent des radioéléments à durée de vie très courte (quelques heures à quelques jours). Ils doivent donc être produits en permanence. Le RJH permettra de satisfaire 25 % des besoins européens, jusqu'à 50 % si nécessaire. Le RJH, actuellement en cours de construction, remplacera le réacteur de recherche Osiris implanté à Saclay (Essonne) qui sera mis à l'arrêt définitif dans les années à venir.

Source : Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Pour mémoire, le budget du réacteur Jules Horowitz s'élevait initialement à 500 millions d'euros . Il a été rapidement réévalué à 750 millions d'euros , mais, compte tenu des retards pris par le chantier, le coût final du projet est désormais évalué à 1,5 milliard d'euros .

Son démarrage est prévu au plus tôt fin 2019 alors que sa mise en service aurait dû avoir lieu en 2014 .

C. LE PROGRAMME 423 « ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES »

1. Un programme de soutien à la compétitivité, à l'innovation et à l'internationalisation des entreprises

Doté de 4,1 milliards d'euros, le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » est, sur le plan financier, le programme le plus important du PIA 3. Il vise à soutenir l'innovation au niveau des entreprises, c'est-à-dire « en aval » du processus d'innovation, à accompagner « l'industrie du futur », et plus généralement à accélérer la croissance des PME et des ETI.

Répartition des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances annexé au PLF 2017

Ce programme est décliné en neuf actions :

- l'action 01 « Soutien à l'innovation collaborative » vise à financer, par des subventions et avances remboursables, des projets « coopératifs » et « transversaux » favorisant l'innovation des entreprises, et notamment des PME : pôles de compétitivité, développement d'applications de la R&D, démonstrateurs, etc. Il s'agit donc d'aides indirectes aux entreprises, versées à des acteurs intermédiaires. Parmi les secteurs concernés figurent la santé, le numérique ou encore la défense, avec les petits drones terrestres et la robotique humanoïde ;

- l'action 02 « Accompagnement et transformation des filières » vise à réaliser des investissements, via un fonds direct géré par Bpifrance, dans des sociétés de projet ad hoc créées par plusieurs entreprises d'une même filière (PME, ETI, grands groupes, etc.), dans le but de favoriser sa transformation au travers de projets transversaux (partage des technologies, démarches commerciales, etc.). Des subventions et avances remboursables sont également prévues ;

- l'action 03 « Industrie du futur » vise, dans la continuité des PIA 1 et PIA 2, à octroyer des subventions et avances remboursables directes aux entreprises afin de financer leur transformation dans trois secteurs majeurs : Internet des objets, fabrication additive (ou impression 3D) et automatisation industrielle (conception, fabrication, commande, transport, livraison etc.) ;

- l'action 04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » est constituée de subventions visant à développer des formations innovantes, en lien avec les technologies du futur et le cas échéant en vue d'un projet précis (par exemple une nouvelle ligne de production robotisée), ainsi qu'à encourager l'entrepreneuriat (par le programme French Tech Ticket , qui permet l'accueil d'entrepreneurs étrangers dans des incubateurs français) ;

- l'action 05 « Concours d'innovation » doit permettre de financer le Concours mondial d'innovation et le Concours d'innovation numérique, et de lancer d'autres initiatives similaires, qui permettent notamment aux TPE/PME innovantes de se faire remarquer par les grands groupes ;

- l'action 06 « Fonds national d'amorçage 2 » a pour but d'investir dans de jeunes entreprises innovantes dès leurs premières levées de fonds, dans la continuité du Fonds national d'amorçage 1 , lui aussi géré par Bpifrance et actif dans le cadre des PIA 1 et 2 ;

- l'action 07 « Fonds à l'internationalisation des PME » vise à doter le PIA d'un outil d'interventions ponctuelles en capital-développement ou en capital-risque en faveur des PME ayant des perspectives de croissance importantes à l'international ;

- l'action 08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 » a vocation à prendre le relais du fonds de fonds Multicap Croissance 1 , en participant (sans limitation sectorielle) à des levées de fonds de plus de 200 millions d'euros, aujourd'hui difficiles en France ;

- l'action 09 « Grands défis » est spécifiquement destinée à investir des « gros tickets », de l'ordre de 100 à 200 millions d'euros chacun, via des fonds de fonds. Il s'agit d'apporter des capitaux massifs à des projets entrepreneuriaux ambitieux dès leur naissance, notamment dans le domaine de la santé connectée ( medtechs ) ou des nouvelles technologies financières ( fintechs , et en particulier la blockchain , un système de validation distribuée dont les applications financières sont très prometteuses).

On notera, tout d'abord, que les priorités sectorielles présentées pour chaque action dans le projet annuel de performances ne correspondent pas exactement - voire pas du tout - aux principales thématiques présentées dans le tableau figurant dans le rapport précité du commissariat général à l'investissement de juin 2016 et présentant le PIA 3.

Un tel éclatement n'est pas de nature à rassurer quant aux risques de saupoudrage et d'effets d'aubaine auxquels pourraient donner lieu les interventions du programme.

2. Une priorité donnée aux interventions en fonds propres : un choix pertinent, sous réserve que l'effet de levier ne se transforme pas en effet d'éviction

Sur les 4,1 milliards d'euros du programme 423, les interventions en fonds propres représentent 2,3 milliards d'euros, soit 56 % du total . Elles étaient d'une moindre importance dans le PIA 1 et le PIA 2. Pour les investissements en fonds propres, les opérateurs sont Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Répartition par action, par opérateur et par catégorie d'intervention
des crédits du programme 423

(en millions d'euros)

Actions

Opérateur

Types d'intervention

Total

Subv.

Avances
remb.

Fonds
propres

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

Bpifrance

275

275

550

02 « Accompagnement et transformation des filières »

Bpifrance

250

250

500

1000

03 « Industrie du futur »

Bpifrance

275

75

350

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

CDC

100

100

05 « Concours d'innovation »

Bpifrance
et Adème

200

100

300

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

Bpifrance

500

500

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

Bpifrance

400

400

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

CDC

200

200

09 « Grands défis »

CDC

700

700

Total programme 423

1 100

700

2 300

4 100

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances.

a) Un effet de levier sur le financement des entreprises innovantes

Cette priorité accordée aux interventions en fonds propres, surtout dans la phase « en aval » du programme d'investissements d'avenir que constitue le programme 423, est une nouveauté bienvenue du PIA 3 .

Tout d'abord, sur le principe, le capital-investissement, et plus particulièrement le capital-risque, est le mode de financement le plus adaptés aux PME innovantes : en effet, le crédit bancaire n'est pas adapté au financement de l'innovation et des start-up , dont le modèle de croissance ne leur permet pas de faire face à des échéances de remboursement fixes avant plusieurs années.

Ensuite, les PIA 1 et 2 ont contribué, via les interventions de Bpifrance, à la croissance du marché français du capital-risque : alors que jusqu'en 2014 celui-ci ne dépassait guère 800 millions d'euros de levées de fonds chaque année, il atteint 1,8 milliard d'euros de levées de fonds en 2015, pour un total de 488 opérations. Au seul premier semestre 2016, les levées de fonds ont atteint un milliard d'euros (297 opérations). L'effet de levier ainsi exercé se lit également dans la hausse du montant moyen investi par chaque investisseur (le « ticket »), soit 3,4 millions d'euros en 2016, contre 3,5 millions d'euros en 2015. Parmi les secteurs les plus dynamiques cette année figurent les technologies de la santé ( medtechs ), les nouvelles technologies financières ( fintechs ) ou encore la robotique et le big data , autant de secteurs correspondant aux priorités du PIA 3 .

Enfin, s'agissant des instruments, le programme 423 fait apparaître une préférence pour l'investissement indirect via des « fonds de fonds 26 ( * ) » , plutôt que pour des prises de participation via des fonds directs. Il s'agit là encore d'une orientation pertinente, accentuée par rapport aux PIA 1 et 2, et qui permet de modérer l'exposition de Bpifrance et de la Caisse des dépôts tout en maximisant l'effet de levier.

Les fonds de fonds du programme 423, qui disposent du réseau des 600 partenaires de Bpifrance, sont : le Fonds national d'amorçage 2 (action 06, 500 millions d'euros) ; le fonds Multicap Croissance 2 (action 08, 200 millions d'euros) ; le fonds « Grands défis » (action 09, 700 millions d'euros). Ceci étant dit, les fonds directs gérés par Bpifrance dans le cadre du PIA demeurent complémentaires des fonds de fonds , et ont d'ailleurs donné lieu à des investissements importants ces dernières années. Par exemple, en 2015, le fonds Ambition numérique a investi 49 millions d'euros, le fonds Ecotechnologies 24 millions d'euros, et le fonds Biothérapies et maladies rares 2,6 millions d'euros dans de jeunes entreprises innovantes 27 ( * ) . Le PIA 3 conserve le principe des fonds directs, avec le fonds SPI (action 02) ou encore le fonds à l'internationalisation des PME (action 07).

Au-delà des véhicules d'investissement, il convient de souligner que l'intervention publique en matière de capital-risque implique aussi un changement « culturel », consistant à passer du « seul » financement à l'accompagnement dans la durée des entreprises . Même si cela reste sans commune mesure avec l'offre d'accompagnement qui fait le succès des grands fonds privés de capital-risque américains 28 ( * ) ou même français 29 ( * ) , on peut noter que Bpifrance a commencer à mettre en place certains outils, parmi lesquels le programme Initiative Conseil (cofinancement d'une une mission de conseil en stratégie) ou encore le Hub Start-Up (37 jeunes entreprises accompagnées en 2016).

b) Le double risque d'une éviction des acteurs privés sur l'amorçage et d'une présence insuffisance sur le capital-développement

Ceci étant dit, l'orientation d'une partie substantielle des crédits du PIA 3 vers le capital-investissement et le capital-risque n'est pas sans soulever certaines interrogations , qui constituent autant de dangers à éviter et de défis à relever.

Le premier de ces risques est que l'effet de levier de Bpifrance ( via les fonds PIA ou en fonds propres) ne se transforme en effet d'éviction , précisément parce que les investisseurs privés ont tendance à considérer sa présence au tour de table comme une condition indispensable à leur propre engagement - et de fait, la présence de Bpifrance est très forte (cf. encadré). Pour reprendre l'analyse du Conseil d'analyse économique (CAE) dans une note de juillet 2016 30 ( * ) , « la difficulté est que du fait même de son existence, et parce qu'elle joue un rôle clé d'instruction des dossiers et de coordination des acteurs privés, Bpifrance porte en elle le risque, par effet d'éviction, d'entraver l'émergence d'un écosystème autonome . Sa taille, sa qualité de référent reconnue ainsi que le travail de vérification préalable ( due diligence ) poussée sur les fonds conduisent les investisseurs institutionnels privés à se reposer fortement sur ce filtrage et cette surveillance par Bpifrance , ce qui peut les empêcher de devenir des acteurs autonomes ». Il faut à cet égard rappeler que le PIA et Bpifrance ont pour vocation de pallier la défaillance temporaire de l'initiative privée, et non de s'y substituer .

Activité de Bpifrance en 2015 (interventions en fonds propres)

Source : note n° 33 du CAE (juillet 2016), d'après Bpifrance, le CGI et la DG Trésor.

Ceci ne serait pas un problème si par ailleurs Bpifrance, institution publique, ne faisait pas preuve d'une prudence bienvenue d'une manière générale mais par définition peu compatible avec la logique même du capital-risque . Ainsi, là où les fonds de venture capital américains assument un taux de survie très faible des entreprises dans lesquelles ils investissent 31 ( * ) (en comptant sur le fait que celles qui survivent seront les prochains Google ou Facebook ), l'indicateur 1.1 du programme 423 mesure le « taux de pérennité à 3 ans » des entreprises bénéficiant d'un financement PIA : même si la cible de 15 % ou plus en 2020 correspond peu ou prou à ce qu'il est permis d'attendre 32 ( * ) , le principe même d'assimiler la survie des start-up à la performance du capital-risque est problématique. Dans un contexte où les investisseurs privés sont réticents à s'engager sans la présence de Bpifrance, cette approche constitue donc un obstacle pour la réussite du PIA 3, qui appelle à tout le moins à une clarification de la doctrine d'intervention de l'opérateur , distinguée selon chacun de ses métiers et de ses instruments.

Le deuxième problème, qui s'ajoute au premier, est que les fonds PIA ne sont pas forcément bien dimensionnés compte tenu des principales défaillances actuelles du capital-investissement en France : en effet, si l'offre semble désormais satisfaisante au stade de l'amorçage ( early stage ) et des tickets de quelques dizaines de millions d'euros, elle demeure encore très insuffisante au stade du capital-développement ( growth capital ), c'est-à-dire pour des tours de table de 100 ou 200 millions d'euros . C'est ainsi que l'année dernière, Blablacar , l'une des deux « licornes » françaises, est allée lever 200 millions de dollars auprès des fonds Insight Venture Partners et Lead Edge Capital . De fait, il n'existe que peu, voire pas, de fonds « large venture » en France 33 ( * ) , c'est-à-dire ayant la surface financière suffisante pour porter une « licorne », alors que les 10 premiers fonds américains - tous privés - ont chacun une taille supérieure à un milliard d'euros 34 ( * ) .

Il est vrai que, pour la première fois, le PIA 3 est doté d'outils dont l'objectif explicite est de réaliser des prises de participation sous la forme de « gros » tickets de 100 ou 200 millions d'euros, voire davantage. C'est très précisément la vocation de l'action 09 « Grands défis », dotée de la somme importante de 700 millions d'euros , qui s'adresse notamment aux secteurs des nouvelles technologies en matière de santé ( medtechs ) ou de finance ( fintechs ), très dynamiques en France. Toutefois, la seule inscription des crédits ne saurait garantir la capacité du PIA et de l'opérateur (la Caisse des dépôts et consignations) à prendre des risques par définitions très importants compte tenu de la nature même de ces projets - d'autant que le fonds de fonds « Grands défis » a vocation à demeurer, comme toujours, un investisseur minoritaire, ce qui implique que d'autres acteurs soient déterminés à prendre ce risque. En d'autres termes, il n'est pas certain que cela suffise à « retenir en France » les prochains Blablacar et autres Criteo .

De même, le fonds Multicap Croissance 2 (action 08) vise lui aussi à exercer un effet de levier sur des tours de table supérieurs à 200 millions d'euros, quoique cela n'implique pas que les tickets eux-mêmes atteignent ce montant. Le Fonds national d'amorçage 2 (action 06), doté de 500 millions d'euros, se donne quant à lui pour objectif « le changement d'échelle du capital-innovation en France », mais l'on peut s'interroger sur l'articulation de cette ambition avec le principe même de l'amorçage, qui implique des tickets plus petits. Le défi des investissements « large venture » est donc loin d'être gagné .

Surtout, et c'est le troisième problème, l'importance des actions en fonds propres dans le programme 423 pourrait aggraver les conséquences d'éventuels « détournements » de la vocation initiale du PIA - en d'autres termes, plus les montants en jeu sont importants, plus les débudgétisations, les effets d'aubaine et les décisions politiques en faveur de projets sans lien avec l'esprit du PIA sont lourdes de conséquences. Le sujet est complexe :

- d'un côté, il est légitime que l'autorité politique puisse peser dans les décisions d'investissement qui seront prises par les opérateurs, surtout pour des prises de participation de 100 ou 200 millions d'euros, qui relèvent à de tels montants d'une véritable logique d'État actionnaire, donc soumise au contrôle du Gouvernement et du Parlement ;

- d'un autre côté, la sélection des champs d'intervention de l'État en matière d'investissements structurants est toujours délicate , et le risque de financement de projets sans lien avec le PIA 35 ( * ) ne peut être totalement exclu.

À cet égard, les prises de participation les plus importantes présentent aussi un risque plus important : par exemple, le projet annuel de performances précise que les 700 millions d'euros consacrés à l'action 09 « Grands défis » ont vocation à être investis dans les medtechs et les fintechs , mais également « pour financer toute transformation de modèle économique, (...) dans le domaine de la culture par exemple » : l'inclusion de ce secteur, sans grand rapport avec les autres secteurs visés par ce programme, n'est-elle pas porteuse d'effets d'aubaine à venir ? Les investissements via des fonds directs présentent aussi un risque de saupoudrage plus élevé que les fonds de fonds, surtout lorsque leurs priorités ne sont pas définies de manière précise.

3. Subventions et avances remboursables : des aides justifiées, mais toujours soumises aux effets d'aubaine, au saupoudrage et aux débudgétisations

Bien que les crédits du programme 423 accordent la priorité aux interventions en fonds propres, les subventions et avances remboursables représentent tout de même un total de 1,8 milliard d'euros, soit 44 % du total des crédits prévus 36 ( * ) . Plus précisément, sont prévus 1,1 milliard d'euros de subventions et 700 millions d'euros d'avances remboursables (dont des prêts à taux zéro), mais ces outils sont en réalité d'une nature proche, les avances remboursables n'ayant généralement pas à être remboursées en cas d'échec du projet.

Le maintien de ce type d'interventions est naturellement justifié, y compris dans le cas du programme 423 qui s'adresse plus particulièrement aux entreprises elles-mêmes, et non pas à des acteurs intermédiaires situés en amont de l'innovation (universités, pôles de compétitivité, etc.). En effet, le soutien à l'innovation via des outils qui ne produisent pas de retour financier direct ne peut que relever d'une politique publique : il n'y a pas là d'effet d'éviction du secteur privé.

Un autre point positif est l'accent porté sur le soutien aux TPE et aux PME , bénéficiaires principales des aides du programme, y compris de manière indirecte lorsque celles-ci sont versées à des projets « transversaux » (actions 01, 02, 03, 05, etc.).

Les aides prévues sur le programme 423 appellent néanmoins une série de remarques :

- tout d'abord, les aides directes et indirectes prévues ici ont une finalité très proche de celles de la mission « Économie », en particulier de son programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » . Celui-ci vise à soutenir la compétitivité, l'emploi et l'innovation dans les entreprises, et principalement les PME, au moyen d'une série d'instruments similaires : subventions, prêts, garanties, avances remboursables etc. Ces aides sont, comme pour le PIA 3, versées directement ou attribuées à des intermédiaires divers (pôles de compétitivité, centres techniques industriels, organismes de formation, réseau consulaire etc.). Les crédits d'intervention du programme 134 étant en baisse continue depuis plusieurs années (- 6,4 % en 2017, soit 16,2 millions d'euros), une partie des aides du programme 423 peuvent être considérées comme des débudgétisations . La question se pose notamment pour le soutien aux pôles de compétitivité, démonstrateurs et autres projets collectifs (action 01), aux projets de filière (action 02) ou encore aux divers soutiens à des initiatives de formation (action 04) ;

- de façon similaire, il est bien difficile de distinguer, sur le fond, les aides financées par le PIA et confiées à Bpifrance d'une part, et les aides financées par Bpifrance d'autre part . De fait, toutes reposent sur des instruments financiers identiques, s'adressent peu ou prou aux mêmes entreprises des mêmes secteurs économiques, et sont d'ailleurs présentées de manière indifférenciée sur le site Internet de Bpifrance. Dès lors, on peut se demander si le PIA n'est pas, au moins en partie, une sorte d'effet d'aubaine pour Bpifrance Financement, qui aurait de toute façon distribué les aides en question. La même remarque pourrait d'ailleurs être faite s'agissant des interventions en fonds propres (cf. supra ) : y a-t-il une différence de nature entre les investissements réalisés par Bpifrance Participations au titre du PIA et pour son compte propre ? Force est de constater que le Parlement n'a pas aujourd'hui les moyens de le vérifier ;

- un autre problème bien identifié des subventions par rapport aux prises de participation est le risque de saupoudrage d'une part, et peut-être de complaisance d'autre part (cf. supra ). S'agissant du saupoudrage, le peu d'éléments fournis dans les documents transmis au Parlement au sujet des aides de l'action 01 « Soutien à l'innovation collaborative », de l'action 02 « Accompagnement et transformation des filières » ou encore de l'action 04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » laisse craindre un ciblage insuffisant des défaillances de marché et une multiplication des effets d'aubaine d'aubaine - un problème dont le programme 134 de la mission « Économie » est coutumier, et qui se trouve ici démultiplié par l'hétérogénéité des thématiques « prioritaires » .

- enfin se pose la question de la pertinence du choix de l'opérateur chargé de ces actions . Il s'agit la plupart du temps de Bpifrance et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), étant entendu que cette dernière peut ensuite déléguer à Bpifrance la gestion des aides. Toutefois, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) est désignée comme l'opérateur d'une partie des crédits de l'action 05, soit 100 millions d'euros de subventions et 50 millions d'euros d'avances remboursables : si ce choix peut se comprendre par une partie des secteurs concernés (transport, biodiversité, économie circulaire etc.), on peut cependant douter qu'il soit très efficace de multiplier les opérateurs pour des sommes en l'occurrence assez faibles . La remarque est importante car il existe un précédent : confié à l'Adème dans le cadre du PIA 1 et doté de 250 millions d'euros, le fonds Ecotechnologies a par la suite été « transféré » à Bpifrance, qui ne possède certes pas l'expertise sectorielle de l'Adème, mais dispose d'outils financiers plus performants. D'une manière générale, il serait cohérent avec l'esprit du PIA de favoriser une logique de guichet unique pour les entreprises .

III. ZÉRO CRÉDIT DE PAIEMENT EN 2017 : UNE ASTUCE DE BUDGÉTISATION QUI FRAGILISE LE BON DÉROULEMENT DU PIA 3

Le Gouvernement a annoncé le lancement en 2017 du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) pour un montant de 10 milliards d'euros . En réalité, aucune dépense ne sera effectuée en 2017 . Ce programme ne sera doté de crédits de paiement qu'à partir de 2018 et seules des autorisations d'engagement sont budgétées pour 2017 : ce mode de budgétisation présente l'avantage, pour le Gouvernement, de pouvoir afficher un effort important en faveur de l'investissement sans en assumer les conséquences budgétaires , en particulier en matière de déficit. Cette astuce de budgétisation, qui rompt avec les deux premiers programmes d'investissements d'avenir, confère à la mission « Investissements d'avenir » un caractère artificiel et ne protège pas le troisième programme d'investissements d'avenir d'éventuelles « coupes » budgétaires .

A. UNE DÉPENSE BUDGÉTAIRE INEXISTANTE EN 2017, QUI NE PÈSERA SUR LE DÉFICIT QU'À COMPTER DE 2018

Aucun crédit de paiement n'est alloué à la mission « Investissements d'avenir » en 2017 : le Gouvernement s'attribue le mérite d'un programme d'investissement sans en assumer le coût budgétaire.

1. Zéro euro dépensé en 2017 pour le troisième programme d'investissements d'avenir

Aucun crédit de paiement n'est budgété en 2017 sur la mission « Investissements d'avenir ». Seules des autorisations d'engagement sont prévues, à hauteur de 10 milliards d'euros.

Cela signifie que la mise en oeuvre du troisième programme d'investissements d'avenir n'aura un impact sur le déficit budgétaire qu'à partir de 2018 .

Il ne s'agit certes pas de la seule dépense que le Gouvernement affiche tout en reportant son coût budgétaire sur les exercices postérieurs à 2017 37 ( * ) . Mais les montants en jeu sont particulièrement importants puisqu'ils s'élèveront au total à 10 milliards d'euros sur les années 2018 à 2022, soit près de 15 % du déficit budgétaire prévu pour 2017.

La double budgétisation en autorisations d'engagement
et en crédits de paiement

Les autorisations d'engagement sont engagées au moment où la dépense est rendue certaine, tandis que les crédits de paiement ne sont décaissés qu'au moment où le paiement effectif intervient. Par exemple, dans le cadre d'une opération d'investissement, le total des autorisations d'engagement prévues doit être engagé au moment du lancement de l'opération mais le paiement n'interviendra qu'au fur et à mesure de la constatation du service fait.

La comptabilité des autorisations d'engagements permet de déterminer, à l'issue d'un exercice budgétaire et par rapprochement avec les paiements, les restes à payer , à savoir les autorisations d'engagement consommées et non soldées par un paiement. Les restes à payer correspondent ainsi à des paiements qui s'imputeront sur l'exécution des budgets futurs .

Source : commission des finances du Sénat

La dépense en crédits de paiement devrait, selon le Gouvernement, s'étaler sur plusieurs années avec des rythmes de décaissement divers selon les programmes et une attribution des CP à hauteur de 2 milliards d'euros par an sur cinq ans .

Répartition des crédits de paiement par programme et par année

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2017

Ce montant annuel fixe ne correspondra pas aux dépenses réellement décaissées par les opérateurs du programme d'investissements d'avenir : il est probable que celles-ci soient d'abord inférieures à deux milliards d'euros, en raison des délais de lancement des projets, puis supérieures en fin de période.

2. Un choix qui rompt avec la logique des deux premiers programmes d'investissements d'avenir

L'absence de crédits de paiement est exactement contraire à la pratique établie par les deux premiers programmes d'investissements d'avenir : en 2010 comme en 2014, les 35 et 12 milliards d'euros ont pesé intégralement sur la dépense budgétaire de l'année où le programme d'investissements a été lancé.

Cette modalité de mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir était d'ailleurs prévue explicitement dans le rapport « Investir l'avenir » dit Juppé-Rocard à l'origine du premier programme d'investissements d'avenir.

La gestion financière et budgétaire des fonds prévue par le rapport « Investir pour l'avenir » dit rapport Juppé-Rocard

La gestion financière et budgétaire des fonds doit suivre plusieurs règles:

- l'affectation des fonds à des organismes gestionnaires clairement identifiés pour financer les dépenses d'investissement proposées [...] ;

- une étanchéité stricte entre le budget de l'État et les fonds alloués dans le cadre de l'emprunt national ; autrement dit, il ne doit pas être possible d'utiliser ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de l'État ;

- un effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels : l'affectation de fonds à la suite de l'emprunt national ne doit pas conduire à une diminution des dotations budgétaires annuelles des organismes gestionnaires ;

- le non-financement de salaires de fonctionnaires , afin d'éviter d'utiliser l'emprunt pour procéder à des recrutements publics ;

- la pluriannualité de l'utilisation des fonds.

[...] Le schéma suivant pourrait être retenu pour la gestion financière :

- une loi de finances pourrait ventiler les fonds levés par l'emprunt national dans autant de programmes budgétaires interministériels (rattachés au Premier ministre) que d'axes prioritaires retenus (« Recherche et innovation », « PME innovantes »...) ;

- les dépenses inscrites dans ces programmes seraient constituées exclusivement de dotations pour les organismes récipiendaires identifiés pour chaque action à financer [...] en une seule fois en 2010 (voire une seconde fois en 2011 en cas de levée de l'emprunt sur deux ans) ;

- ces dotations seraient placées, sauf exceptions, sur le compte unique du Trésor à la banque de France ;

- la gestion financière des dépenses d'investissements d'avenir [...] serait assurée de manière décentralisée par les organismes ainsi dotés .

Source : rapport « Investir pour l'avenir », p. 43

Ainsi, l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2010 38 ( * ) indiquait que « l'intégralité des crédits sera décaissée par l'État avant la fin de l'année , au fur et à mesure du rythme de conclusion des conventions prévoyant les modalités d'utilisation des fonds » et le projet de loi de finances pour 2014 prévoyait que « les programmes [liés aux investissements d'avenir] seront créés pour la seule année 2014 afin de permettre le versement des fonds aux opérateurs chargés de leur gestion , en vertu de conventions qui seront signées avec l'État au cours de l'année 2014 ».

La totalité des autorisations d'engagement et des crédits de paiement était donc dépensée l'année de lancement du programme d'investissements d'avenir et les fonds étaient alors transmis aux opérateurs. Ceux-ci les décaissaient, à leur tour, au fur et à mesure de l'avancement des projets sélectionnés. Afin de limiter l'endettement net induit par les dépenses d'avenir, les opérateurs étaient dans l'obligation de déposer sur le compte du Trésor les sommes qui leur étaient allouées par l'État, jusqu'au paiement effectif des dépenses correspondantes.

Pour ce troisième programme d'investissements d'avenir, le choix fait par le Gouvernement rend la création de la mission « Investissements d'avenir » en 2017 totalement artificielle : en réalité, il aurait été plus conforme à la logique budgétaire - et au bon sens - que le programme soit lancé de façon concomitante avec les décaissements effectifs de crédits . En 2017, des conventions vont être conclues entre l'État et les organismes gestionnaires des programmes d'investissements d'avenir alors même que ceux-ci ne disposeront pas d'un euro de crédit de paiement. De façon similaire aux précédents PIA, il aurait été tout à fait envisageable de décaisser la totalité des crédits au moment même de la conclusion des conventions entre l'État et les opérateurs .

Cette astuce de budgétisation permet au Gouvernement de s'attribuer le mérite d'un programme d'investissement dont il ne supporte pas le coût - laissant derrière lui un lourd héritage de 10 milliards d'euros. Elle est aussi profondément contraire à la logique même du programme d'investissements d'avenir , qui est de sanctuariser les crédits dédiés à l'investissement en faveur de projets innovants et disruptifs.

B. UNE ASTUCE DE BUDGÉTISATION QUI FRAGILISE LE TROISIÈME PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

1. L'ADN des programmes d'investissements d'avenir : la sanctuarisation des dépenses d'investissement en période de restriction budgétaire

L'objet même du programme d'investissements d'avenir est de protéger les investissements de long terme de l'État de la tentation de restrictions budgétaires. En effet, il est plus facile de réduire les dépenses d'investissement , dont le caractère est assez largement discrétionnaire, que la masse salariale de l'État ou encore les dépenses de fonctionnement.

C'est d'ailleurs la logique défendue dans le rapport Juppé-Rocard de 2009 qui a inspiré la mise en place du dispositif : partant du constat que « dans un contexte de recherche d'économies, face à la dégradation des finances publiques, la part de l'investissement dans les dépenses publiques a reculé », les auteurs proposaient la mise en oeuvre d'un programme d'investissement ambitieux devant s'accompagner d'une maîtrise à terme de la croissance de l'endettement de l'État.

Or, le décaissement de la totalité des crédits en un an facilite la sanctuarisation des fonds et leur étanchéité avec le budget de l'État . Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le rapport dit « Juppé-Rocard » précisait explicitement qu'il fallait que les dotations aux opérateurs gestionnaires du PIA soient transférées sur une seule année.

Ce mode de budgétisation avait en effet été choisi en 2010 et 2014 parce qu'il correspond à l'objet même du programme d'investissements d'avenir : le fait de décaisser les crédits en une seule fois constitue en quelque sorte une « autocontrainte » du Gouvernement qui ne pourra plus opérer de coupes dans ces crédits une fois qu'ils auront été sortis du budget général pour être pris en charge directement par les divers organismes gestionnaires du programme d'investissements.

2. Un rythme de décaissement en crédits de paiement soumis aux aléas de gestion budgétaire

En revanche, la libération progressive des fonds sur cinq ans que prévoit le Gouvernement fragilise le programme .

En effet, la budgétisation de 2 milliards d'euros de crédits de paiement chaque année, au titre du PIA 3, n'aura rien d'automatique . Le Gouvernement devra prendre en compte les contraintes pesant sur le solde budgétaire de l'État. Or celles-ci devraient être particulièrement lourdes à compter de 2017 au regard des sous-budgétisations importantes que contient le projet de loi de finances pour 2017 et des nombreuses mesures annoncées par le Gouvernement, tant en dépenses qu'en recettes, qui ne pèseront qu'à partir de 2018.

Au surplus, bien que les programmes soient supervisés par le Premier ministre, dans un contexte de raréfaction des crédits budgétaires il est difficile de concevoir que l'existence d'une enveloppe de deux milliards d'euros en crédits de paiement chaque année ne suscitera pas des convoitises au sein des ministères, facilitant les débudgétisations et les dérogations au principe d'additionnalité prévu par le rapport « Juppé-Rocard ».

Le rythme de décaissement des programmes d'investissements d'avenir est déjà utilisé par le Gouvernement, en comptabilité maastrichtienne, comme un outil de financement de certaines dépenses nouvelles : ainsi, en 2017, le Gouvernement a indiqué que le ralentissement des décaissements PIA permettait de financer une partie des nombreuses dépenses supplémentaires prévues par rapport au programme de stabilité.

Aujourd'hui, la corrélation entre le rythme des décaissements PIA et les dépenses supplémentaires annoncées par le Gouvernement ne concerne que les dépenses publiques au sens maastrichtien, non les crédits budgétaires proprement dits puisque ceux-ci ont tous été décaissés la première année du lancement du programme. Par ailleurs, le lien établi entre le ralentissement des dépenses du PIA et les nouvelles annonces du Gouvernement est essentiellement rhétorique.

Cependant, la récurrence de la budgétisation de 2 milliards d'euros chaque année renforce considérablement le risque d'un pilotage des crédits du PIA en lien avec le déficit budgétaire de l'État . Le Gouvernement semble d'ailleurs avoir déjà prévu cette possibilité puisque l'article rattaché à la mission, qui prévoit les modalités de gouvernance du nouveau programme d'investissements d'avenir, indique que la convention conclue entre l'État et l'opérateur retenu pour mener à bien l'action financée par le PIA précise notamment le « rythme prévisionnel d'abondement des fonds des programmes de la mission "Investissements d'avenir" [...] » mais également que le rapport annexé à la loi de finances initiale (« jaune budgétaire ») relatif au suivi des investissements d'avenir présente les abondements réellement opérés pour chaque programme, comparés aux prévisions initialement établies dans la convention entre l'État et l'opérateur - laissant entendre qu' il est probable que l'un ne coïncide pas totalement avec l'autre .

SECONDE PARTIE :
UNE NORMALISATION BUDGÉTAIRE ARTIFICIELLE

L'exposé des motifs de l'article 56 du projet de loi de finances pour 2017, rattaché à la présente mission, indique que « pour tenir compte des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur les programmes d'investissements d'avenir, les crédits de paiement versés aux opérateurs du PIA 3 seront autorisés annuellement au sein du budget général ». La création d'une mission dédiée au troisième programme d'investissements d'avenir serait donc une réponse aux critiques de la Cour des comptes et permettrait de « rapprocher le mode de budgétisation du PIA 3 des règles budgétaires de droit commun ».

En réalité, la création d'une mission budgétaire ne règle aucun des problèmes de fond soulevés par la Cour des comptes et par le Parlement . Les règles du droit budgétaire continueront de ne pas être appliquées aux crédits du programme d'investissements d'avenir et cette simple modification de la maquette budgétaire n'évitera pas les problèmes rencontrés lors des précédents programmes. Le suivi des dépenses, loin d'être simplifié, sera rendu plus complexe par le chevauchement des décaissements du budget général avec ceux des opérateurs.

I. LA CRÉATION D'UNE MISSION DÉDIÉE AU PIA 3 : UNE NORMALISATION BUDGÉTAIRE TRÈS LIMITÉE

Le Gouvernement argue du fait qu'en créant une mission dédiée aux investissements d'avenir, il améliore le suivi des dépenses du programme et répond aux critiques formulées à la fois par le Parlement et la Cour des comptes en matière de lisibilité des dépenses et de conformité au droit budgétaire.

Pourtant, le projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir » ne présente presque aucune information relative à la gestion budgétaire des crédits de la mission, et pour cause : contrairement aux allégations du Gouvernement, la création d'une mission dédiée n'entraîne pas une réelle normalisation budgétaire du troisième programme d'investissements d'avenir et ne répond en rien aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public thématique.

A. L'ABSENCE DE LIEN DIRECT ENTRE LA CRÉATION D'UNE MISSION BUDGÉTAIRE ET LES RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LA COUR DES COMPTES

Selon le Gouvernement, la création d'une mission budgétaire dédiée aux investissements d'avenir vise à « tenir compte des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public » . Il ne paraît donc pas inutile de rappeler la nature exacte de ces recommandations.

Les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public thématique relatif au programme d'investissements d'avenir

1. Pour assurer une meilleure compréhension et une plus grande transparence des résultats du PIA, mieux définir les données budgétaires et financières, en particulier les montants disponibles pour financer les opérations, la mesure de l'avancement du programme, la définition de l'effet de levier et des cofinancements, la comptabilisation des retours financiers ;

2. Définir les conditions de retour sur investissement adaptées aux types et aux tailles des projets, dès les appels à projets et les décisions d'engagements ;

3. Élargir le périmètre des normes de dépenses aux décaissements annuels effectués par les opérateurs dans le cadre de la mise en oeuvre du PIA (dotations consommables et intérêts versés au titre des dotations non consommables) ;

4. Clarifier rapidement le devenir des dotations non consommables des Idex et des Labex afin de ne pas créer d'engagements de dépenses budgétaires pour l'État sans limitation de durée ;

5. Proscrire le recours à des opérateurs « écrans » dont l'intervention est sans utilité par rapport à la gestion budgétaire habituelle des opérations concernées ;

6. Organiser le pilotage interministériel et transversal du PIA ;

7. Poursuivre la simplification des procédures de sélection, de décision et de gestion des opérations, en les adaptant mieux à la taille et à l'objet des actions financées ;

8. Créer une instance d'évaluation du PIA, interministérielle et indépendante.

Source : Cour des comptes, rapport public thématique relatif aux investissements d'avenir

Les recommandations, au nombre de huit, n'évoquent pas la création d'une mission .

La seule référence à la maquette budgétaire fait suite à un développement sur la norme de dépenses 39 ( * ) . En effet, la Cour des comptes indique que « la prolongation du PIA, ainsi que les débudgétisations de plus en plus importantes auxquelles il donne lieu, rendent désormais injustifiées certaines de ses spécificités, en particulier la gestion extrabudgétaire de ses crédits et son exclusion de la norme de dépense du budget général ». Elle propose donc d'élargir le périmètre des normes de dépenses aux décaissements annuels effectués par les opérateurs dans le cadre de la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (dotations consommables et intérêts versés au titre des dotations non consommables).

Au total, les véritables critiques de la Cour des comptes portaient sur deux points précis : la gestion extrabudgétaire des crédits et l'exclusion des décaissements du PIA de la norme de dépenses du budget général.

Or, sur ces deux sujets, la création d'une mission n'apporte aucune amélioration .

B. LE MAINTIEN D'UNE GESTION EXTRABUDGÉTAIRE ET DE L'EXCLUSION DE LA NORME DE DÉPENSES

La normalisation budgétaire mise en avant par le Gouvernement est, dans le meilleur des cas, extrêmement limitée .

Il semble que les décaissements des opérateurs continueront de ne pas être intégrés à la norme de dépenses , contrairement aux recommandations de la Cour des comptes formulées dans son rapport précité. En effet, la question de la prise en compte des décaissements des opérateurs dans la norme de dépenses n'est évoquée ni dans le rapport spécial de la mission, ni dans le projet de loi de finances pour 2017, ni dans les documents qui lui sont annexés. Il n'est pas illogique qu'aucune réponse n'ait été apportée dans la mesure où le Gouvernement n'a budgété en 2017 aucun des crédits de paiement sur lesquels une telle norme pourrait s'appliquer.

En outre, la gestion des crédits demeurera extrabudgétaire , les modalités de gouvernance des précédents programmes étant, pour l'essentiel, reconduites : les fonds seront mis à disposition d'organismes gestionnaires du programme d'investissements d'avenir qui auront la charge d'effectuer les décaissements au fur et à mesure de l'avancement des projets. Il faut donc distinguer le décaissement prévisionnel, par l'État, de 2 milliards d'euros chaque année, des dépenses versées par les opérateurs aux projets sélectionnés. En d'autres termes, les mouvements retracés par le budget général ne correspondront aucunement à la réalité des dépenses effectuées par les organismes gestionnaires .

Enfin, la mise en réserve ne s'appliquera pas aux crédits du troisième programme d'investissements d'avenir .

Au total, aucune des règles budgétaires de droit commun ne s'appliquera à la mission : la « normalisation » mise en avant par le Gouvernement comme une réponse aux critiques formulées par le Parlement et par la Cour des comptes est inexistante.

C. UNE NOUVELLE MISSION QUI N'INDIQUE PAS CLAIREMENT À QUELLES POLITIQUES PUBLIQUES CONCOURENT LES PROJETS MIS EN oeUVRE

En outre, la question du respect de la loi organique relative aux lois de finances doit être posée . Celle-ci prévoit en effet à son article 7 qu'une mission « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ». La seule exception à ce principe, définie dans le même article, est celle des crédits des pouvoirs publics : bien qu'ils ne forment pas à proprement parler une politique publique définie, la loi organique relative aux lois de finances prévoit leur regroupement dans une mission budgétaire.

Or il est clair que les crédits du troisième programme d'investissements d'avenir ne constituent pas une « politique publique définie » , à moins de considérer que l'investissement en faveur de projets innovants suffit à définir une politique publique - une conception iconoclaste qui entraînerait, à n'en pas douter, d'importantes réorganisations de la maquette budgétaire de l'État.

Au contraire, ces crédits concourent à un ensemble divers de politiques publiques , en particulier celles portées par les missions « Recherche et enseignement supérieur » et « Économie » - comme en témoigne d'ailleurs la convergence des dispositifs de performance entre les programmes et les missions précitées. À titre d'exemple, l'objectif 2 « Intégrer et soutenir l'excellence de la recherche et de l'enseignement supérieur » du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » est extrêmement proche de l'objectif 3 « Produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international » du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La reprise d'indicateurs identiques n'est pas forcément choquante si elle traduit la similitude des buts poursuivis par les deux programmes. C'est d'ailleurs cette convergence - qui n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'additionnalité - qui explique le choix fait en 2010, lors du lancement du premier programme d'investissements d'avenir, de constituer des programmes PIA à l'intérieur des missions auxquelles concouraient les crédits.

En revanche, le caractère identique des mesures de performance entre les programmes de la mission PIA et d'autres programmes budgétaires est plus surprenant au regard du choix fait de présenter les crédits dans une mission autonome qui est censée regrouper les moyens en faveur d'une « politique publique définie ».

Le choix de réunir les crédits au sein d'une nouvelle mission, sous couvert d'une réponse aux critiques formulées par la Cour des comptes, présente en réalité un avantage plus subtil : celui de ne pas avoir à indiquer clairement les politiques publiques auxquelles se rattachent les projets prévus . Cette indétermination permet au Gouvernement d'afficher un montant de 60 % des crédits en faveur du développement durable, alors qu'une présentation plus claire aurait fait apparaître que les montants réellement consacrés aux enjeux écologiques sont nettement plus faibles (cf. infra) .

II. UN PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR QUI N'ÉVITERA PAS LES ÉCUEILS RENCONTRÉS PAR LE PASSÉ

La création d'une mission budgétaire dédiée n'évitera aucun des problèmes déjà constatés sur les deux premiers programmes d'investissements d'avenir : plusieurs cas de débudgétisations sont d'ores et déjà identifiés et le décaissement artificiel de 2 milliards d'euros chaque année, sans lien réel avec les dépenses des opérateurs, complexifiera encore davantage le travail de suivi des crédits du PIA.

Il semble en réalité que le Gouvernement se soit arrêté au milieu du gué : une mission pérenne est créée, mais sans crédits de paiement et sans adéquation entre les dépenses portées par les programmes et les décaissements réels des opérateurs des investissements d'avenir.

A. DES DÉBUDGÉTISATIONS DÉJÀ PRÉVUES

La spécificité du programme d'investissements d'avenir tient, en principe, aux dépenses qu'il finance et qui diffèrent des actions menées par ailleurs sur le budget général de l'État : sans cela, l'existence et le maintien de règles budgétaires dérogatoires du droit commun seraient difficiles à justifier.

Ainsi, comme le formulait déjà le rapport Juppé-Rocard de 2009, en vertu du principe d'additionnalité, les crédits du programme d'investissements d'avenir ne sont pas censés se substituer à des crédits budgétaires mais doivent permettre de financer des projets innovants que ne portent pas les missions budgétaires préexistantes. En outre, une étanchéité stricte doit être maintenue entre le budget de l'État et les fonds alloués dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir. Autrement dit, il ne doit pas être possible d'utiliser ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de l'État.

Or le troisième programme d'investissements d'avenir prévoit déjà des dépenses qui ne respectent ni le principe d'additionnalité, ni celui d'étanchéité .

Ainsi, le « Plan numérique à l'école », doté de 158 millions d'euros financés par le deuxième programme d'investissements d'avenir est prolongé par le troisième programme , au sein de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » dotée de 500 millions d'euros (en autorisations d'engagement) et qui vise à « soutenir, dans le système scolaire, des initiatives de terrain d'éducation au numérique par le numérique ».

Sur le fond, la pertinence de ces plans successifs peut être interrogée au regard des conclusions pour le moins circonspectes de l'OCDE sur l'impact de tels projets. Ainsi, l'organisation rappelle qu'« au cours des dix dernières années, les pays qui ont consenti d'importants investissements dans les TIC dans le domaine de l'éducation n'ont, en moyenne, enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences » .

Du point de vue des règles de gestion du PIA, la conformité de ces dépenses est douteuse. À titre de rappel, la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 qui a mis en place le premier programme d'investissements d'avenir prévoyait que les crédits ouverts financent des investissements « visant à augmenter le potentiel de croissance de la France », dans des projets « à haut potentiel pour l'économie » .

L'impact sur la croissance économique et le potentiel de production de la France résultant de la distribution de tablettes à des collégiens est, au mieux, très incertain.

De même, le réacteur de recherche Jules Horowitz continue d'être financé sur des crédits du programme d'investissements d'avenir alors même que le Parlement comme la Cour des comptes ont indiqué à plusieurs reprises que le coût de construction de ce réacteur relevait clairement des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .

De façon générale, la rédaction de nombre d'intitulés est si large qu'il est difficile de concevoir un projet qui ne puisse pas, de gré ou de force, y être inséré.

De façon générale, dans la mesure où les crédits d'intervention du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » sont en baisse continue depuis plusieurs années (- 6,4 % en 2017, soit 16,2 millions d'euros), il y a lieu de se demander si une partie des aides du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »ne pourrait pas correspondre à des débudgétisations .

Doit en particulier être signalée l'action « Grands défis » du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », qui pourra financer le secteur de la culture. Il serait envisagé que la rénovation du Grand Palais soit pour partie financée par des crédits issus du PIA , alors même que la contribution de la restauration de ce monument à la croissance potentielle de la France reste à démontrer.

L'action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » laisse aussi songeur : un de ses volets intègre des financements dédiés à la rénovation urbaine. Pourtant, le programme « Habiter mieux », financé par le deuxième programme d'investissements d'avenir, avait été signalé par le Parlement et la Cour des comptes comme relevant d'une débudgétisation manifeste.

B. UN OBJECTIF DE 60 % DES CRÉDITS DU PIA DÉDIÉ À LA « CROISSANCE VERTE » LARGEMENT SURESTIMÉ : UN MODE DE CALCUL PEU CONVAINCANT

Dans l'esprit du rapport précité de MM. Michel Rocard et Alain Juppé, qui invitait à ce que le « Grand emprunt » soit principalement dirigé, non seulement vers « l'économie de la connaissance », mais également vers « l'économie "verte" », le Gouvernement prévoit que 60 % des actions du PIA 3, soit 6 milliards d'euros, contribuent au développement durable et à la croissance verte.

Le projet annuel de performances indique les trois modalités qui devraient permettre d'atteindre ces trois objectifs :

- « financer des technologies nouvelles relatives à la transition énergétique, l'économie circulaire, la chimie verte, la préservation de la biodiversité, la maîtrise de la mobilité, l'amélioration du fonctionnement urbain ».

Bien entendu, des actions directement portées par l'Adème devraient entrer dans cette catégorie mais ne représentent que 1 des 10 milliards d'euros du PIA 3. Il s'agit du volet « démonstrateurs » de l'action 03 « démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » et action 05 « Accélération des écosystèmes d'innovation performants » du programme 422, pour un total de 850 millions d'euros, et de l'action 05 « Concours d'innovation » du programme 423 pour 150 millions d'euros.

Le projet annuel de performances cite également l'exemple de la première commercialisation de technologies dans le solaire ou l'aérien ou encore l'expérimentation d'un nouveau mode de livraison en milieu urbain.

Si d'autres actions pourraient également répondre à cet objectif de financement de technologies « vertes », par exemple dans le cadre de la valorisation de la recherche, il est difficile de s'en assurer a priori, la sélection des projets devant surtout retenir les projets les plus innovants et à fort potentiel :

- « imposer une éco-conditionnalité au soutien apporté aux projets, notamment dans l'industrie ». Le développement durable et la croissance verte seront susceptibles, lorsque les appels à projets le permettent, de figurer parmi les critères de sélection pour les jurys. Le Gouvernement espère ainsi que les candidats seront incités à « privilégier un processus de production qui a un impact plus significatif sur la réduction de consommation énergétique ».

- « privilégier des projets qui contribuent indirectement aux économies d'énergie et au développement durable, lorsqu'il n'est pas pour autant possible d'en faire un déterminant objectif dans la sélection » .

Cette dernière modalité est particulièrement large et permettrait ainsi de répondre à l'exigence de « croissance verte » ou de participation de développement durable dès lors qu'un projet aurait pour conséquence, même indirecte, de réduire la production de papier ! Ainsi, le développement de ressources numériques à l'école pourrait entrer dans cette catégorie. De même, le projet annuel de performances cite le cas d'un supercalculateur ou d'un nouveau procédé de miniaturisation des puces électroniques qui entreraient dans la catégorie des dépenses contribuant à la « croissance verte » et au développement durable.

L'atteinte de l'objectif de 60 % d'actions destinées au développement durable et à la croissance verte apparaît totalement irréaliste compte tenu des caractéristiques du PIA 3.

Déjà, le PIA 2 prévoyait l'application d'un critère d'éco-conditionnalité pour l'attribution d'au moins 50 % des 12 milliards d'euros qui lui étaient affectés . Étaient ainsi retenues les actions ayant un lien direct ou indirect avec le développement durable.

Certes, l'éco-conditionnalité est effectivement prévue parmi les critères de sélection de certains projets et le Commissariat général au développement durable est membre de plusieurs comités de pilotage relatifs à des actions du PIA 2.

Pour autant, il semble peu vraisemblable que cet objectif de 50 % soit atteint , alors qu'un nombre important de projets ne peuvent être retenus , à l'instar, par exemple, des deux milliards d'euros consacrés à la défense et des 248 millions d'euros alloués au projet de réacteur nucléaire « Jules Horowitz »...

Interrogé sur ce critère en juillet 2016, le Commissariat général à l'investissement a indiqué qu'il n'y avait pas, à ce stade de « révision de l'objectif de 50 % d'éco-conditionnalité du PIA 2 » et qu'il « était encore un peu tôt pour [l'] évaluer dans la mesure où les engagements ont débuté en 2015 . » Il convient d'ailleurs de noter qu'il n'est aucunement fait mention du respect de ce critère dans le « jaune » budgétaire consacré à la mise en oeuvre des PIA et annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Votre rapporteur spécial ne peut que regretter l'affichage d'un tel objectif qui est, dès l'origine, soit inatteignable, soit respecté uniquement grâce à un mode de calcul reposant sur des interprétations extensives et contestables.

C. UN SUIVI PARLEMENTAIRE QUI DEMEURERA COMPLEXE

La très faible lisibilité pour le Parlement des dépenses financées par les investissements d'avenir a déjà été relevée par votre rapporteur spécial à plusieurs reprises , notamment à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

L'abondance et la qualité des données produites par le Gouvernement et par le Commissariat général à l'investissement sont contrebalancées par l'extrême dispersion des crédits et la fréquence des redéploiements opérés entre différentes actions, voire la création de nouvelles actions en cours d'exercice .

Le rôle de suivi du Parlement sera encore complexifié par l'abondement progressif des programmes en crédits de paiement décidé par le Gouvernement puisqu'il sera dédoublé.

En effet, il s'agira de suivre non seulement les flux de dépenses - et les nombreux redéploiements opérés à la faveur de réorientations des priorités en cours d'exercice - entre les organismes gestionnaires du PIA et les responsables des projets financés, mais aussi la conformité des décaissements du budget général aux prévisions actées dans les conventions passées entre l'État et les organismes gestionnaires de crédits.

Il paraîtrait donc opportun, a minima, que le Parlement puisse rendre un avis sur les redéploiements de crédits entre différentes actions du programme d'investissements d'avenir .

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 56
(Art. 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010)

Gouvernance du troisième programme d'investissements d'avenir

Commentaire : cet article a pour objet d'étendre au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) institué par le projet de loi de finances pour 2017 les règles de gouvernance déjà applicables pour le premier et le deuxième programme (PIA 1 et PIA 2) à l'article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, tout en lui apportant quelques compléments.

I. LE DROIT EXISTANT

Dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2010 40 ( * ) , 35 milliards d'euros avaient été inscrits dans le budget de l'année, pour constituer les crédits consacrés au grand « emprunt national » décidé pour relancer l'investissement. Ce dispositif est directement issu des travaux menés par MM. Alain Juppé et Michel Rocard , co-présidents de la commission chargée de mener une réflexion sur les investissements porteurs d'avenir, et qui ont remis leur rapport 41 ( * ) le 19 novembre 2009.

Il a été complété d'un deuxième programme , dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014, pour un montant de 12 milliards d'euros 42 ( * ) .

La création du PIA a été guidée par la volonté de préserver l'investissement de long terme , qui risquait d'être sacrifié sous le coup de la crise économique. Il a été construit afin de lui donner une existence extrabudgétaire, à l'abri de tout arbitrage négatif en cours d'année.

Outre ces règles budgétaires dérogatoires du droit commun , le PIA repose également sur des modalités de gouvernance spécifiques, notamment fixées à l'article 8 de la loi précitée du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Les dispositions concernent à la fois les conditions de gestion et d'utilisation des fonds et les modalités d'information et de contrôle du Parlement.

1. La gestion des fonds du PIA

La gestion des fonds est confiée par l'État à des opérateurs , qui peuvent être l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou d'autres établissements publics de l'État voire des sociétés dans lesquelles ce dernier détient, directement ou indirectement, une majorité du capital ou des droits de vote. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) gère également certains fonds du PIA, pour le compte de l'État ou des opérateurs qu'il a désignés. Leur liste est fixée par décret 43 ( * ) .

Les conditions de gestion et d'utilisation des fonds du PIA font l'objet, pour chaque action engagée et préalablement à tout versement, d'une convention conclue entre l'État et l'opérateur désigné, qui comprend nécessairement :

- les objectifs à atteindre et les indicateurs retenus pour mesurer les résultats obtenus ;

- les modalités d'instruction des dossiers et les « dispositions prises pour assurer la transparence du processus de sélection » ;

- les modalités d'utilisation des fonds et les conditions de contrôle et, le cas échéant, de décision en dernier ressort par l'État ;

- les modalités de suivi et d'évaluation de la rentabilité des projets d'investissement présentés, avec les conditions d'organisation, le cas échéant, d'un intéressement pour l'État ;

- l'organisation comptable, les modalités de suivi comptable et d'information préalable de l'État ;

- les conditions de placement des fonds en vue de la production d'intérêts.

Les fonds ne peuvent être déposés qu' auprès d'un comptable du Trésor .

Dans le cadre des dotations non consomptibles, la gestion et l'utilisation des fonds conservés par l'ANR pour produire des intérêts font également l'objet d'une convention conclue entre l'agence et les bénéficiaires des sommes obtenues, avec l'approbation de l'État.

La rémunération à laquelle ouvrent droit les dotations non consomptibles est assurée selon des modalités et des taux fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.

2. Le suivi des programmes d'investissements d'avenir

L'article 8 précité de la première loi de finances rectificative pour 2010 a également prévu la création d'un comité de surveillance des investissements d'avenir. Initialement présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, co-auteurs du rapport préfigurateur, et désormais par MM. Jean-Pierre Raffarin et Jean-Paul Huchon, il comprend quatre députés 44 ( * ) , quatre sénateurs 45 ( * ) et huit personnalités qualifiées, issues de la société civile, nommées par arrêté du Premier ministre pour une durée de deux ans renouvelable 46 ( * ) .

Le comité de surveillance est notamment chargé d'évaluer le programme d'investissements et de « dresser un bilan annuel de son exécution ». Il établit ainsi un rapport annuel remis au Premier ministre et aux deux assemblées parlementaires.

Il s'appuie notamment sur les informations transmises par le Commissariat général à l'investissement, organe spécifiquement institué pour mettre en oeuvre ces investissements d'avenir. Ainsi, en vertu du décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010, le Commissaire général à l'investissement « veille sous l'autorité du Premier ministre, à la cohérence de la politique d'investissement de l'État ».

Ainsi, selon l'article 1 er du décret précité, le commissaire :

- prépare les décisions du Gouvernement relatives aux contrats passés entre l'État et les organismes chargés de la gestion des fonds consacrés aux investissements d'avenir ;

- coordonne la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets et vérifie leur cohérence avec l'action du Gouvernement en matière d'investissements d'avenir et de réforme des politiques publiques ;

- coordonne l'instruction des projets d'investissement et formule des avis et propositions ;

- veille à l'évaluation, a priori et a posteriori , des investissements, et notamment de leur rentabilité ;

- dresse un bilan annuel de l'exécution du programme.

Enfin, afin d'informer de l'exécution des programmes d'investissements d'avenir, le Gouvernement doit produire deux rapports , qui figurent en annexe du projet de loi de finances de l'année .

L'un décrit, pour les années passées, présente ou à venir, les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts. Ces éléments figurent dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances initiale.

L'autre, « déposé sur le bureau des assemblées et distribué au moins cinq jours francs avant l'examen par l'Assemblée nationale, en première lecture, des crédits de la première des missions concernées », présente pour chaque mission concernée :

- les investissements prévus et en cours de réalisation, en justifiant le choix des projets et en présentant l'état d'avancement des investissements ;

- les montants dépensés , les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement mises en oeuvre et, le cas échéant, les modifications apportées à la répartition initiale des fonds ;

- les cofinancements publics et privés attendus et obtenus ;

- les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, avec la justification des indicateurs utilisés à cet effet ;

- les retours sur investissements attendus et obtenus, y compris également les méthodes d'évaluation utilisés ;

- le rôle des opérateurs , les résultats du contrôle par l'État de la qualité de leur gestion ainsi que le contenu et la mise en oeuvre des conventions.

Ce rapport correspond ainsi, chaque année, à un « jaune » budgétaire.

3. Le contrôle du Parlement

Le Parlement suit, tout d'abord, l'exécution des programmes d'investissements d'avenir à partir des documents annexés annuellement au projet de loi de finances et présentés ci-dessus.

En outre, comme indiqué précédemment, quatre députés et quatre sénateurs, appartenant aux commissions des finances ou aux autres commissions permanentes compétentes, sont membres du comité de surveillance des investissements d'avenir .

Ensuite, ces mêmes commissions reçoivent les projets de conventions , en amont de leur signature entre l'État et les opérateurs, ainsi que leurs éventuels avenants.

Le cas échéant, les commissions peuvent alors adresser au Premier ministre « toutes observations qui leur paraissent utiles ».

Elles sont également informées des projets de redéploiements de crédits qui modifient la répartition initiale des fonds entre les différentes actions des programmes, avant d'être approuvés par le Premier ministre.

Enfin, chaque trimestre, les commissions concernées doivent connaître la situation et les mouvements des comptes au trésor sur lesquels sont déposés les fonds des organismes gestionnaires.

En réalité, le Commissariat général à l'investissement adresse, trimestriellement, un bilan des financements des PIA, en présentant à la fois les engagements et les décaissements, par nature de financement, par opérateur et par action, ainsi que le taux de cofinancement.

4. Les modifications apportées dans la loi de finances pour 2014

Outre quelques corrections techniques, l'article 59 de la loi précitée de finances initiale pour 2014 avait modifié à la marge les modalités de gouvernance applicables aux programmes d'investissements d'avenir lors de leur extension au PIA 2 pour :

- porter de 10 ans à 15 ans la durée maximale des conventions devant être conclues entre l'État et l'opérateur, avant tout versement des fonds ;

- prévoir que le « jaune budgétaire » relatif au suivi des investissements d'avenir doive être annexé au projet de loi de finances initiale tant que des conventions continuent de produire des effets, et non plus uniquement jusqu'en 2020 puisque des actions ne seront pas achevées à cette date.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à prévoir les modalités de gouvernance du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) lancé par le projet de loi de finances pour 2017, en complétant l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010.

Du point de vue budgétaire, la particularité de ce PIA 3 est qu'il constitue une mission budgétaire propre au sein du projet de loi de finances pour 2017, avec seulement 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement inscrits, les crédits de paiement devant être ouverts progressivement, entre 2018 et 2022, à raison de 2 milliards d'euros (prévisions du projet annuel de performances).

Le 1° de l'article, prévoit l'extension au PIA 3 des règles de gouvernance déjà applicables pour le PIA 1 et le PIA 2 .

Ainsi, les conditions de gestion et d'utilisation des fonds précédemment présentées, ainsi que les modalités d'information et de contrôle prévues pour le Parlement resteraient applicables pour le nouveau PIA.

Deux compléments sont, par ailleurs, apportés, dans le but d'améliorer l'information dont dispose le Parlement. Ils tirent les conséquences du fait que, pour ce nouveau PIA, le Gouvernement propose que les crédits de paiement soient versés par l'État sur plusieurs années, et non plus en une seule fois. Les versements des fonds sont donc susceptibles d'évoluer au cours des exercices budgétaires.

En premier lieu, en complétant d'un 7° le A du II de l'article 8, le du présent article propose que la convention conclue entre l'État et l'opérateur retenu pour mener à bien l'action financée par le PIA précise notamment le « rythme prévisionnel d'abondement des fonds des programmes de la mission "Investissements d'avenir" [...] ».

En second lieu, le prévoit que le rapport annexé à la loi de finances initiale (« jaune budgétaire ») relatif au suivi des investissements d'avenir présente les abondements réellement opérés pour chaque programme, comparés aux prévisions initialement établies dans la convention entre l'État et l'opérateur.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement tendant :

- pour l'un, à prévoir que le rapport relatif au suivi et à la mise en oeuvre des programmes d'investissements d'avenir , annexé chaque année au projet de loi de finances initiale, présente également pour chaque mission concernée « le financement effectif de la contribution au développement durable » ;

- pour l'autre, à permettre aux commissions des deux assemblées ayant été informées de projets de redéploiements de crédits , d'adresser au Premier ministre toutes observations qui leur paraissent utiles .

IV. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les modalités de gouvernance telles que mises en place pour le PIA 1 et prolongées pour le PIA 2 semblent avoir fait leurs preuves même si certaines améliorations restent possibles.

En particulier, il est apparu qu'en pratique, les délais de mise en oeuvre des actions et de sélection des projets pouvaient s'avérer trop longs.

La gouvernance pilotée par le Commissariat général à l'investissement, sous l'autorité du Premier ministre, paraît utile mais ne saurait, toutefois, avoir pour effet de tenir à l'écart les ministères en charge des politiques publiques concernées. Il faut veiller à ce que l'ensemble des crédits alloués (par la voie des budgets « classiques » et des investissements d'avenir) participent d'une stratégie globale réfléchie et concertée , ce qui ne semble pas toujours être parfaitement le cas.

S'agissant du contrôle exercé par le Parlement, votre rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur les difficultés à suivre et prendre position dans le cadre de l'exécution des PIA , ce que ne devrait pas vraiment arranger le choix de créer une mission budgétaire. Au contraire, l'ouverture des crédits de paiement sur plusieurs années constituera une « strate » budgétaire supplémentaire qu'il conviendra de distinguer, dans l'analyse du Parlement, de l'exécution des fonds versés aux opérateurs des actions, laquelle restera extrabudgétaire.

La commission des finances s'efforce de suivre attentivement l'exécution des précédents PIA , notamment en entendant chaque année le Commissariat général à l'investissement, ce qui est l'occasion pour les rapporteurs spéciaux de l'interroger sur l'avancée des différentes actions qui concernent leurs missions. Cette audition s'est également accompagnée, au cours des dernières années, d'un questionnaire complémentaire auquel le Commissariat général à l'investissement n'a pas manqué d'adresser ses réponses.

En outre, lorsque des projets de conventions ou d'avenants sont adressés à la commission des finances, il n'est pas rare que celle-ci envoie des questions voire des remarques.

Votre rapporteur spécial est en désaccord avec les modalités budgétaires retenues par le Gouvernement pour la création du présent programme, en particulier le fait de ne prévoir aucun crédit de paiement en 2017. En revanche, il n'est pas opposé par principe au lancement d'un troisième PIA et considère que les règles de gouvernance retenues sont satisfaisantes .

Proposition de votre rapporteur spécial : votre rapporteur spécial vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Rapport du Commissariat général à l'investissement sur le 3 eme programme d'investissements d'avenir « Préparer la France aux défis de demain ».

* 2 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 3 Rapport du 19 novembre 2009 au Président de la République, « Investir pour l'avenir, Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national ».

* 4 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.

* 5 Rapport n° 278 (2009-2010) de M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

* 6 Cf. le B du présent I.

* 7 Les dotations non consommables représentent un capital dont seuls les intérêts qui le rémunèrent sont rendus disponibles année après année.

* 8 Cf . le rapport à mi-parcours du comité d'examen de France Stratégie, présidé par Philippe Maystadt, mars 2016.

* 9 Cf . rapport public thématique de la Cour des comptes, « Le programme d'investissements d'avenir, une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger », décembre 2015.

* 10 Cf . le I de la seconde partie du présent rapport.

* 11 Rapport précité du Commissariat général à l'investissement, de juin 2016.

* 12 Cf. en particulier les rapports précités de la Cour des comptes de décembre 2015 et du comité d'examen de France Stratégie, présidé par Philippe Maystadt, mars 2016.

* 13 Loi n°2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 14 Le principe retenu consiste à ce que, pour un euro dépensé par les conseils départementaux pour équiper les collégiens d'un outil numérique, l'État contribue également à hauteur d'un euro.

* 15 Cf le A du II de la seconde partie.

* 16 Cf. la seconde partie du présent rapport.

* 17 Rapport précité supra.

* 18 Décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010.

* 19 Pour le détail des dispositions devant figurer dans la convention, voir le commentaire de l'article 56 rattaché à la présente mission.

* 20 Pour le détail des éléments devant figurer dans ce rapport, voir le commentaire de l'article 56 rattaché à la présente mission.

* 21 Cf. la seconde partie du présent rapport.

* 22 Cf. le 2 du A du I de la présente partie.

* 23 Cf. le A du II de la seconde partie du présent rapport.

* 24 Il s'agit d'évaluer les volumes de production, les cadences et les modes industriels.

* 25 Le fonds French tech accélération intervient en tant qu'investisseur minoritaire aux côtés d'investisseurs privés et dans les mêmes conditions. Le financement public ne pourra pas représenter plus de 50 % du tour de table.

Le fonds investit prioritairement des tickets à partir de 1 million d'euros et n'a pas vocation à racheter les participations des actionnaires existants.

* 26 Les « fonds de fonds » sont des fonds d'investissements qui prennent des participations (minoritaires dans le cas de Bpifrance) dans d'autres fonds, ces derniers ayant la responsabilité de réaliser les investissements directs dans les entreprises.

* 27 Source : Bpifrance.

* 28 Par exemple, Andreessen Horowitz, fonds de capital-risque de la Silicon Valley, consacre seulement la moitié de ses 120 salariés à l'investissement stricto sensu : les autres apportent un soutien opérationnel et durable aux start-up (Source : mission d'une délégation de la commission des finances aux États-Unis, avril 2016).

* 29 Inspirés du modèle américain, des accélérateurs tels que le Numa , The Family et bientôt la Halle Freyssinet proposent le même type d'accompagnement, via des « promotions » annuelles de start-up.

* 30 Note du CAE n° 33, « Renforcer le capital-risque français », rédigée par Jean Tirole, Augustin Landier et Marie Ekeland, juillet 2016.

* 31 Dans une étude de 2012 menée par des universitaires de Berkeley et de Stanford, il est estimé que sur 100 start-up du secteur des nouvelles technologies, 92 échouent (Sta rt-up Genome Report: Premature Scaling , mars 2012).

* 32 On relèvera à cet égard que l'indicateur 1.2 du programme 134 de la mission « Économie » mesure le même taux de survie à trois ans, mais pour l'ensemble des interventions de Bpifrance : il affiche dont un taux de survie de 81,2 % après trois ans, contre 71,3 % pour les entreprises non aidées.

* 33 L'ensemble des fonds « les plus importants » en France représentent une capacité de 300 millions d'euros, contre 650 millions d'euros au Royaume-Uni.

* 34 Source : projet annuel de performances.

* 35 Cela n'a pas non plus échappé au Conseil d'analyse économique (CAE), dans sa note de juillet 2016 précitée : « de nombreux acteurs [...] ont souligné la compétence et l'indépendance des équipes actuelles de Bpifrance, tout en s'interrogeant sur la pérennité d'un équilibre vertueux qui semble fortement reposer sur l'équipe dirigeante en place et non pas sur les institutions elles-mêmes. L'institution ne nous semble pas à l'abri de pressions politiques futures ».

* 36 En revanche, aucun crédit n'est prévu sous la forme de dotations décennales sur le programme 423.

* 37 Cf. tome I du rapport général relatif au projet de loi de finances pour 2017.

* 38 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 39 Pp.102 et 103 du rapport : « Mais l'existence d'un PIA2 et l'annonce d'un PIA3 changent la nature même du programme qui était censé être exceptionnel, bénéficiant donc de moyens et de procédures également exceptionnels. La prolongation du PIA, ainsi que les débudgétisations de plus en plus importantes auxquelles il donne lieu, rendent désormais injustifiées certaines de ses spécificités, en particulier la gestion extrabudgétaire de ses crédits et son exclusion de la norme de dépense du budget général, qui en est une des conséquences. [...] Rien n'empêcherait que le PIA3 prenne la forme, au sein du budget de l'État, d'un nouveau programme budgétaire, placé sous la responsabilité du Premier ministre, pour lui conserver sa dimension interministérielle, et non soumis aux pratiques de régulation infra-annuelle des crédits ».

* 40 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 41 Rapport au Président de la République, « Investir pour l'avenir, Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national ».

* 42 Pour une présentation des deux précédents programmes d'investissements d'avenir, voir ci-dessus la présentation de la mission.

* 43 Voir la liste dans le B du I de la première partie du présent rapport.

* 44 Olivier CARRÉ, député du Loiret ; Dominique LEFEBVRE, député du Val-d'Oise ; Christine PIRES-BEAUNE, députée du Puy-de-Dôme ; Éva SAS, députée de l'Essonne.

* 45 Alain CHATILLON, sénateur de la Haute-Garonne ; Jacques CHIRON, sénateur de l'Isère, Jean-Léonce DUPONT, sénateur du Calvados ; Fabienne KELLER, Sénatrice du Bas-Rhin.

* 46 Louis GALLOIS, président du conseil de surveillance de PSA Peugeot Citroën ; Marion GUILLOU, Présidente du conseil d'administration de l'IAVFF - Agreenium ; Laurent KOTT, président du directoire d'IT Translation ; Fatine LAYT, présidente et associée gérante d'Oddo Corporate Finance ; Christian LERMINIAUX, directeur de Chimie ParisTech ; Nicole NOTAT, Présidente de Vigeo ; Jean-Marc RAPP, président des jury IDEX, professeur à l'université de Lausanne ; Françoise SOUSSALINE, Fondatrice, présidente-directrice générale de la société Imstar.