M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial

II. UNE DIMINUTION DU FINANCEMENT PUBLIC QUI NE DISPENSERA PAS D'UNE RÉFLEXION D'ENSEMBLE SUR L'AUDIOVISUEL PUBLIC

A. LA RÉFORME DE LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC À NOUVEAU REPORTÉE

La nécessité d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public a été mise en évidence à de multiples reprises, notamment par nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux dans leur rapport sur le financement de l'audiovisuel public 18 ( * ) .

Cette réforme devra à la fois permettre de prévenir l'érosion attendue de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, mais également de garantir l'égalité de traitement des contribuables qui peuvent désormais visionner les services de télévision sur des terminaux mobiles ou des ordinateurs.

Deux pistes principales de réforme de la contribution à l'audiovisuel public ont été notamment envisagées jusqu'à présent :

- la mise en place d'une contribution forfaitaire universelle , due par l'ensemble des foyers, sans prendre en compte la détention effective d'un équipement permettant de recevoir la télévision, qui pourrait s'accompagner d'une diminution du montant de la contribution ;

- l' élargissement de l'assiette actuelle de la CAP à tous les supports qui permettent la réception de la télévision, incluant les smartphones , les tablettes et les ordinateurs.

Dans tous les cas, cette réforme devrait s'accompagner d'une évolution du régime des dégrèvements et des exonérations de la CAP.

La ministre de la culture a indiqué que « pour ce qui est de la contribution à l'audiovisuel public, aucun impératif financier ne justifiait une réforme à court terme. (...) Néanmoins, à moyen terme, l'évolution des usages pose la question du rendement de cette contribution et de l'équité entre contribuables. Ainsi, comme je l'ai déjà dit, je souhaite qu'un débat soit ouvert, autour notamment d'un élargissement de l'assiette ».

Cette réforme est indispensable au regard de l'évolution des pratiques et des supports , elle n'est cependant pas dissociable d'une réflexion d'ensemble sur l'avenir de l'audiovisuel public. Votre rapporteur spécial n'est absolument pas favorable à l'universalité de la redevance ni à son augmentation . Il préfère attendre une véritable réforme globale du secteur avant d'imaginer un accroissement des charges sur les contribuables.

B. DES EFFORTS DEMANDÉS EN DEHORS D'UNE RÉFLEXION SUR L'AVENIR DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

La réflexion sur l'avenir de l'audiovisuel public doit mettre en évidence les conditions dans lesquelles les sociétés de l'audiovisuel public peuvent remplir leurs missions de service public sans que la santé financière de celles-ci dépende de l'augmentation constante des ressources publiques . Cette réflexion ne doit donc exclure aucun questionnement , ni sur le mode de fonctionnement de ces organismes, ni sur les missions qu'ils assument.

Il convient, pour commencer, de s'interroger sur le périmètre du service public audiovisuel , ainsi que sur son identité et sa spécificité par rapport à l'audiovisuel privé.

Les difficultés de France télévisions à trouver les sources d'économies permettant de répondre à la demande du Gouvernement de participer à l'effort de redressement des comptes publics dès 2018 démontrent que les contraintes posées par les cahiers des charges de ces sociétés sont probablement trop importantes , notamment en matière de financement de la création. Le développement des séries et l'évolution de l'usage des plateformes de vidéos à la demande incitent par ailleurs à repenser les conditions du soutien à la création audiovisuelle et cinématographique.

La réponse à l'impératif de limitation des dépenses de l'audiovisuel public passe également par une rationalisation et une plus grande mutualisation des moyens et des rédactions . Il est regrettable que la seule véritable expérience de mutualisation entre les sociétés de l'audiovisuel public menée à terme à ce jour soit la création de franceinfo , alors qu'il existe déjà une chaîne d'information en continu publique, France 24, et que plusieurs chaînes d'information en continu privées sont dès à présent très implantées dans le paysage audiovisuel français. En outre, la mutualisation des antennes régionales de France Bleu et de France 3 évoquée lors des débats 19 ( * ) à l'Assemblée nationale par Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, semble davantage poser des difficultés que présenter une source de réduction des charges de Radio France et de France télévisions, au vu des différences de statuts et des modes de fonctionnement.

Bilan de la première année de franceinfo

Lancée le 1 er septembre 2016, à la fois sur la TNT (canal 27) et sur les supports numériques, la chaîne d'information en continu franceinfo associe France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.

La responsabilité éditoriale est assurée par France Télévisions et associe l'antenne radio de France Info éditée par Radio France, l'INA et France Médias Monde. Un site internet et de services numériques associés (applications, réseaux sociaux) complète l'offre. Chacune des sociétés de l'audiovisuel public partenaires contribue à franceinfo :

- Radio France met à disposition de la chaîne des contenus, réalisés depuis la Maison de la Radio et diffusés simultanément sur l'antenne radio (des rappels de titres en direct ; une émission quotidienne de 30 minutes en direct, à 8h30, diffusée simultanément sur l'antenne Radio ; une tranche quotidienne de 2h en direct, à 20h00, diffusée simultanément sur l'antenne Radio ; un fil de dépêches et d'éléments pour les journaux ; des bandeaux d'actualité reprenant ces informations en continu) ;

- France Médias Monde met à disposition de la chaîne son signal de minuit à 6h30 du matin et produit des modules spécifiquement conçus pour la chaîne nationale et divers programmes courts. France 24 contribue à hauteur de 30% du volume horaire de diffusion.

- l'INA élabore chaque jour trois modules (dont « Retour vers l'info » qui revient en images sur les événements d'actualité et « Flashback » qui utilise des messages d'archives).

La chaîne s'appuie également très largement sur les contenus des autres chaînes de France Télévisions, notamment les contenus produits en régions et en outre-mer.

Le coût de l'offre d'information est appréhendé sous l'angle des coûts additionnels, qui correspondent aux moyens supplémentaires mobilisés par les organismes pour répondre aux besoins de franceinfo .

Lors de son lancement, le coût additionnel prévu était :

- 13,5 millions d'euros en 2016 dont 11,1 millions d'euros pour France Télévisions, 2,4 millions d'euros pour Radio France et 0,2 millions d'euros pour l'INA ;

- 20,1 millions d'euros en 2017 dont 15,8 millions d'euros pour France Télévisions, 3,5 millions d'euros pour Radio France et 0,5 millions d'euros pour l'INA.

Les informations communiquées par le ministère de la Culture montrent que :

- pour l'année 2016, le coût prévu a été respecté, avec une économie de l'ordre de 1 million d'euro ;

- pour l'année 2017, un dépassement est prévu dans les budgets de France Télévisions (16,1 millions d'euros, c'est-à-dire 0,3 million d'euros de plus que la prévision) et de Radio France (4,2 millions d'euros, qui représentent 0,7 million d'euros de plus que la prévision).

France Télévisions n'avait pas souscrit de mesure quotidienne des audiences pour la première année, mais des mesures d'audiences ponctuelles ont mis en évidence une part d'audience de 0,4% en mai 2017 et une couverture de 19 millions de Français.

Depuis le 2 octobre 2017, franceinfo a souscrit à une mesure d'audience quotidienne. Les résultats de Médiamétrie pour le mois d'octobre 2017 indiquent que la part d'audience de la chaîne est de 0,3 %, derrière ses concurrentes Cnews (0,5 %), LCI (0,6 %) et BFM TV (2,2 %).

Source : d'après les réponses au questionnaire budgétaire et l'enquête Médiamétrie d'octobre 2017

Cette réflexion sur la rationalisation des moyens conduit également à s'interroger sur les coûts de production de programmes en interne de France Télévisions , qui semblent nettement supérieurs à ceux des productions déléguées à l'extérieur.

Enfin, dans un contexte de diminution des ressources publiques, la question de la levée partielle de l'interdiction de la publicité après 20 heures sur France Télévisions, avec par exemple une autorisation accordée entre 20 heures et 21 heures, ne peut pas être éludée .

Le Gouvernement a indiqué avoir engagé la réflexion sur l'avenir de l'audiovisuel public avec les partenaires concernés. Françoise Nyssen, ministre de la culture, précisait devant la commission de la culture du Sénat : « (...) pour préparer l'avenir, je souhaite que l'audiovisuel public s'engage dans une dynamique de transformation plus structurelle. Cette dynamique s'appuie sur trois leviers : la réflexion sur le périmètre des missions, le financement et la gouvernance. La réflexion sur le périmètre des missions et sur l'efficacité de leur mise en oeuvre fait actuellement l'objet d'un travail interministériel, associant mon ministère à ceux de l'Économie et des Comptes publics. Les sociétés de l'audiovisuel public sont étroitement associées à ce travail et devraient nous faire part de leurs premières pistes de réforme d'ici la mi-novembre. La réflexion se poursuivra jusqu'au début de l'année 2018. »

En résumé, votre rapporteur spécial considère que le secteur de l'audiovisuel public a besoin de retrouver davantage de souplesse de fonctionnement , que ce soit dans le niveau des investissements , dans l' accomplissement des missions des chaînes ou encore dans les possibilités de recourir à la publicité sur les antennes .


* 18 Rapport n° 79 (2014-2015) « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de France Médias en 2020 ».

* 19 Assemblée nationale, séance du samedi 21 octobre 2017 sur le projet de loi de finances pour 2018.