MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, rapporteurs spéciaux

II. UNE LÉGÈRE AUGMENTATION DES CRÉDITS, QUI DEVRAIENT « STAGNER » DANS LES ANNÉES À VENIR

1. Un maintien des crédits au-dessus des 2 milliards d'euros

À périmètre courant, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une légère baisse, de 0,94 % en AE et de 0,07 % en CP par rapport à 2017.

Évolution des crédits de la mission à périmètre courant

(en millions d'euros)

AE

CP

Programme

Ouverts en LFI pour 2017

Demandées pour 2018

Évolution par rapport à 2017 (%)

Ouverts en LFI pour 2017

Demandés pour 2018

Évolution par rapport à 2017 (%)

Conditions de vie outre-mer

848,80

775,77

- 8,60 %

787,69

734,71

- 6,73 %

Emploi outre-mer

1 275,88

1 329,01

4,16 %

1 279,22

1 333,59

4,25 %

Total mission

2 124,68

2 104,78

- 0,94 %

2 066,91

2 068,30

0,07 %

Source : commission des finances

Après avoir significativement augmenté entre 2008 et 2010 (+ 17,7 %), l'effort budgétaire en faveur de la mission « Outre-mer » s'est stabilisé à partir de 2011 autour de 2 milliards d'euros. Cette stabilisation acte, en début de quinquennat, le maintien des crédits au-dessus de ce seuil.

Évolution des crédits de la mission à périmètre courant

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances

Les évolutions des crédits de la mission à périmètre courant masquent toutefois une évolution positive. En effet, le programme 123 a fait l'objet, au cours de l'exercice 2017, de diverses opérations de transfert au bénéfice de la mission « Enseignement scolaire ». Ces mesures concernent les transferts :

- au programme 214 « Soutien de la politique de l'Éducation nationale », à hauteur de 2,5 millions d'euros en AE/CP de crédits positionnés en loi de finances initiale pour 2017 sur l'action 06 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». Il s'agit d'une dotation en faveur des établissements scolaires du second degré en Polynésie française ;

- au programme 141 « Enseignement public du second degré » à hauteur de 5,54 millions d'euros en AE/CP positionnés en loi de finances initiale pour 2017 sur l'action 06 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». Il s'agit de subventions pédagogiques dédiées à la Polynésie française ;

- au programme 214 « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » à hauteur de 78,9 millions d'euros en AE et 50 millions d'euros en CP positionnés en projet de loi de finances pour 2017 sur l'action 06 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». Il s'agit d'une dotation en faveur des établissements scolaires du second degré à Mayotte ;

- au programme 214 « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » à hauteur de 6,7 millions d'euros en AE et 26,9 millions d'euros en CP positionnés en projet de loi de finances pour 2017 sur l'action 06 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». Il s'agit d'une dotation en faveur des opérations de construction des lycées de Nouvelle-Calédonie établie par la loi organique du 3 août 2009.

Ainsi, hors mesures de périmètres, le budget de la mission est en hausse de 72,6 millions d'euros en AE et de 85,1 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, soit une augmentation de 3,42 % en AE et 3,72 % en CP. En neutralisant les hausses artificielles du précédent budget il est en hausse de 3,6 % en AE et de 4,3 % en CP par rapport aux crédits ouverts en 2017 à périmètre constant. On ne peut que s'en réjouir.

Évolution des crédits de la mission à périmètre constant

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Le programme 123 qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer concentre 775,77 millions d'euros en AE et à 735 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits du programme n° 123
« Conditions de vie outre-mer »

(en millions d'euros)

AE

CP

Action

Ouverts en LFI pour 2017

Demandées pour 2018

Évolution par rapport à 2017 (%)

Ouverts en LFI pour 2017

Demandés pour 2018

Évolution par rapport à 2017 (%)

1 - Logement

246,00

226,00

- 8,13 %

231,75

228,12

- 1,57 %

2 -Aménagement du territoire

144,23

161,24

11,79 %

163,73

166,01

1,39 %

3 - Continuité territoriale

41,67

41,12

- 1,32 %

41,67

41,12

-1,31 %

4 - Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

29,98

19,60

- 34,62 %

21,73

19,60

-9,80 %

6 - Collectivités territoriales

300,35

261,90

- 12,80 %

279,86

225,63

-19,38 %

7 - Insertion économiques et coopérations régionales

0,95

0,91

- 4,21 %

0,95

0,91

-4,66 %

8 - Fonds exceptionnel d'investissement

40,00

40,00

0,00 %

34,77

36,00

3,55 %

9 - Appui à l'accès aux financements bancaires

45,62

25,00

- 45,20 %

13,23

17,33

31,00 %

Total

848,80

775,77

- 8,60 %

787,69

734,71

- 6,73 %

Source : commission des finances

À périmètre constant, il connaît une progression de 2,6 % en AE et de 4,5 % en CP , qui varie néanmoins selon les actions du programme :

- la ligne budgétaire unique (LBU) dont la finalité est de répondre aux besoins de logement social finance non seulement l'agrandissement du parc de logements, sa rénovation, mais aussi l'aménagement du foncier ou l'accession à la propriété et voit ses crédits diminuer de 1,57 % en CP. Le produit de la cession des participations de l'État au sein des sociétés immobilières des outre-mer (SIDOM) devrait venir abonder la ligne budgétaire unique d'environ 20 millions d'euros en 2018 ;

- le soutien de l'État aux collectivités d'outre-mer, financé par l'action 06 « Collectivités territoriales », voit sa dotation augmenter de 16,8 millions d'euros à périmètre constant. Cette action comprend également des dotations visant à financer des constructions scolaires (principalement en Guyane, qui bénéficie d'une dotation spéciale d'équipement scolaire et d'une dotation spéciale de construction et d'équipement des équipements scolaires), qui connaissent une augmentation de 12 millions d'euros, en AE et en CP ;

- la dotation du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) est reconduite en 2018 en AE et enregistre une hausse de 3,5 % en CP ;

- le financement des prêts bonifiés accordés par l'Agence française pour le développement (AFD) connaît une baisse importante en AE (-45,2 %), qui devrait se traduire, à terme, par une baisse des projets financés outre-mer dans le domaine du développement des énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique.

Le programme 138 « Emploi Outre-mer » vise quant à lui à assurer le développement économique et la création d'emplois outre-mer. En 2018, le montant des crédits de ce programme s'élève à 1 329,01 millions d'euros en AE et 1 333,6 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits du programme 138
« Emploi outre-mer »

(en millions d'euros)

AE

CP

Action

Ouverts en LFI pour 2017

Demandées pour 2018

Évolution par rapport à 2017 (%)

Ouverts en LFI pour 2017

Demandés pour 2018

Évolution par rapport à 2017 (%)

1 - Soutien aux entreprises

1 027,62

1 079,04

5,00 %

1 030,39

1 078,54

4,67 %

2 - Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle

246,16

247,45

0,52 %

246,70

252,53

2,36 %

3 - Pilotage des politiques outre-mer

2,10

2,52

20,00 %

2,13

2,52

18,20 %

Total

1 275,88

1 329,01

4,16 %

1 279,22

1 333,59

4,25 %

Source : commission des finances

Le budget de ce programme connaît une progression de 4,25 % en CP et de 4,16 % en AE.

81 % des crédits du programme (et près de 92 % des crédits hors dépenses de personnel) sont consacrés à l'amélioration de la compétitivité des entreprises ultramarines tout en encourageant la création d'emplois pérennes dans les entreprises du secteur marchand par un allégement des charges d'exploitation.

Ce programme contient en outre le financement du service militaire adapté (SMA), du fonctionnement de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'outre-mer.

En tout état de cause, il convient d'insister sur le fait que ce budget, le premier du quinquennat, constitue un « budget de transition » ne présageant qu'en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s'est en effet engagé à s'appuyer sur le livre bleu Outre-mer, qui résultera des Assises des outre-mer actuellement en cours.

Les Assises des outre-mer

Le Gouvernement a lancé les Assises, mercredi 4 octobre 2017, afin d'ouvrir un temps d'échange et de réflexion avec l'ensemble des ultra-marins , et pour que chaque territoire et chaque citoyen puisse faire entendre sa parole.

Une consultation numérique des citoyens, des ateliers locaux et nationaux ainsi qu'un concours d'innovation des Assises serviront à rédiger un livre bleu Outre-mer au printemps 2018 . Chaque sujet quotidien des ultramarins seront traités comme, par exemple, la jeunesse, l'emploi, la santé, la sécurité, l'environnement, la création d'entreprise, la culture, etc. Les contributions numériques ou issues des ateliers organisés par chaque territoire seront reçues d'octobre 2017 à mars 2018.

Le livre bleu Outre-mer contiendra une liste de projets concrets qui trouve sa source dans les travaux réalisés lors des Assises et, donc, dans les spécificités territoriales ainsi que les attentes de chaque ultra-marin. L'objectif étant que les propositions des Outre-mer soient entendues et prises en compte dans les choix que le Gouvernement aura à faire demain .

Source : ministère des outre-mer

2. Une baisse des crédits en volume sur le triennal 2018-2020

Sur le triennal 2018-2020, les crédits augmentent de 0,5 % en valeur, contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général. En volume, les crédits devraient connaître une baisse de 2 %

Évolution des crédits de la mission
d'après le projet de budget triennal 2018-2020

(en milliards d'euros et en %)

2018 vs. 2017

2020 vs. 2018

LFI 2017*

2018

2019

2020

En Md€

En %

En Md€

En %

Outre-mer

Valeur

2,02

2,02

2,03

2,03

0,00

0,0 %

0,01

0,5 %

Volume

2,02

2,00

1,99

1,96

- 0,02

- 1,0 %

- 0,04

- 2,0 %

Total

Valeur

236,05

241,53

242,83

248,81

5,48

2,3 %

7,28

3,0 %

Volume

236,05

239,14

237,81

240,30

3,09

1,3 %

1,16

0,5 %

Note de lecture : les montants indiqués pour 2017 correspondent à la LFI 2017 retraitée au format 2018. Les montants en volume sont exprimés en euros constants de 2017 à partir des hypothèses d'inflation du Gouvernement.

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet de loi de programmation des finances publiques (2018-2022)

Cette programmation pourrait être insuffisante pour donner les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires pour renforcer certains aspects fondamentaux de la mission. Ainsi, certaines promesses présidentielles, comme celle relative au renforcement de l'aide à la continuité territoriale 7 ( * ) , pourraient être difficiles à honorer dans ce cadre.

Par ailleurs, il serait justifié que la pertinence de cette programmation puisse être réévaluée après la tenue des « Assises de l'outre-mer », lancée le 4 octobre 2017, qui définiront la stratégie ultramarine du quinquennat et, en conséquence, le niveau réel des besoins de la mission « Outre-mer ».

3. Une diminution toujours insuffisante des restes et des charges à payer

Malgré une exécution inférieure aux prévisions en AE comme en CP, la mission « Outre-mer » continue à supporter de restes à payer (RAP), principalement concentrés sur le programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Exécution des crédits de la mission en 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

On observe ainsi une hausse de près de 13 % des restes à payer au sein de ce programme depuis fin 2008. Cette hausse pèse particulièrement sur le logement et sur les politiques contractuelles, dont les montants étaient respectivement de 842 millions d'euros et de 332 millions d'euros à fin 2014.

On observe une baisse significative des charges à payer 8 ( * ) en fin de gestion 2016 par rapport à 2017 (- 37,9 %). Ces dépenses obligatoires sont concentrées pour l'essentiel sur cinq territoires :

- La Réunion et la Guadeloupe, pour la ligne budgétaire unique ;

- la Guyane, pour la ligne budgétaire unique, et le contrat de projet ;

- la Polynésie, pour le contrat de développement ;

- la Nouvelle-Calédonie, au titre de son contrat de développement.

Toutefois, leur maintien à un niveau particulièrement élevé fin 2016 (44,2 millions d'euros pour l'ensemble de la mission) constitue un sujet de préoccupation. Ces dépenses constituent en effet des dépenses exigibles immédiatement, et le retard du paiement fait reporter les difficultés financières sur les personnes créditrices, principalement des collectivités territoriales d'outre-mer ou des organismes de logements sociaux.

Évolution des charges à payer

(en millions d'euro, au 31 décembre de l'année)

Source : commission des finances

Le niveau de restes à payer 9 ( * ) , également élevé (1584,4 millions d'euros fin 2016), est moins préoccupant car il ne porte pas sur des dépenses exigibles immédiatement. Il constitue toutefois une donnée devant appeler à une grande vigilance, car ce dernier constitue une « dette » pesant sur la mission, et en réduit les marges de manoeuvre futures.

Montant des charges à payer (CAP) et des restes à payer (RAP)

(en millions d'euros)

RAP

CAP

RAP

CAP

RAP

CAP

RAP

CAP

RAP

CAP

RAP

CAP

RAP

CAP

au 31 décembre 2010

au 31 décembre 2011

au 31 décembre 2012

au 31 décembre 2013

au 31 décembre 2014

au 31 décembre 2015

au 31 décembre 2016

Programme 123

1 314,9

n.c

1 358,3

53,5

1 510,6

50,4

1 580,8

80,3

1 579,3

67,5

1 540,1

65,7

1 523,6

40,8

Programme 138

33,3

n.c

63,7

5,0

44,2

2,2

50,0

6,8

63,2

9,3

50,5

1,9

60,9

3,4

Total mission

1 348,2

n.c

1 422,0

58,5

1 554,8

52,6

1 630,8

87,1

1 642,5

76,8

1 590,6

67,6

1 584,4

44,2

Source : réponse aux questionnaires budgétaire

Afin de réduire le montant des restes à charge et des restes à payer, les crédits de paiement affectés à la ligne budgétaire unique, qui en est la principale cause, ont globalement augmenté sur la période 2011-2016, passant de 195,3 millions d'euros en loi de finances initiale 2011 à 232,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017 , soit une hausse d'environ 20 %. Si le montant total des restes à payer baisse de 3 % (passant de 1 642 à 1 590 millions d'euros), leur niveau élevé justifierait néanmoins une hausse plus significative des crédits de paiement attribués à la ligne budgétaire unique dans le cadre du présent projet de loi de finances (- 1,57 % en CP) .

4. Une répartition des crédits stable, principalement dédiée aux dépenses d'intervention

Répartition des crédits de paiement de la mission « Outre-mer »
par nature de dépenses dans le projet de loi de finances pour 2018

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances

Principalement destinés à réduire les écarts et favoriser le rattrapage entre l'outre-mer et l'hexagone, les crédits de la mission sont majoritairement composés de dépenses de titre 6 (intervention). Ces dernières s'élèvent ainsi à 90 % du total dans le projet de loi de finances pour 2018.

Les crédits d'investissement de la mission sont, historiquement, consacrés au financement des infrastructures et des équipements du SMA. Ils connaissent cette année une forte baisse, en raison des mesures de périmètre (dotations pour l'établissement scolaires) qui portent notamment sur des dépenses d'investissement.

L'ensemble des dépenses de personnel (titre 2) de la présente mission est porté par l'action 02 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ces dépenses correspondent essentiellement aux rémunérations des militaires et des volontaires participant au service militaire adapté (SMA). Pour conforter le plan « SMA 6 000 », le schéma d'emplois du SMA augmente de 20 ETPT en 2018 pour atteindre + 127 en 2022. Sa masse salariale enregistre de fait une majoration de 3,5 %. De même, l'affectation de ces effectifs supplémentaires explique une augmentation des crédits de fonctionnement du SMA (+ 7 %).

Les dépenses de fonctionnement (2 % des CP) financent la formation professionnelle des volontaires dans le cadre du SMA et, depuis 2013, les dépenses courantes de fonctionnement des services du cabinet du ministre, de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la délégation interministérielle à l'égalité des chances des français d'outre-mer (DIECFOM).

Répartition des crédits de paiement de la mission « Outre-mer »
par nature de dépenses

(en millions d'euros)

2017

2018

Variation

Titre 2 (personnel)

148,97

154,160

3,48 %

Titre 3 (fonctionnement)

41,63

45,891

10,23 %

Titre 5 (investissement)

102,70

17,206

- 83,25 %

Titre 6 (intervention)

1 831,41

1 887,549

3,07 %

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances


* 7 « Les outre-mer : un potentiel à libérer », programme d'Emmanuel Macron, 2017.

* 8 Opérations pour lesquelles la dette est constituée mais qui n'ont pas encore donné lieu à paiement.

* 9 Engagements juridiques non couverts par des paiements.