MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE DE DRESSER LE BILAN DE LA DECENTRALISATION ET DE PROPOSER LES AMELIORATIONS DE NATURE A FACILITER L'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES

Table des matières


Mardi 18 janvier 2000

- Présidence de M. Jean-Paul Delevoye, président -

Sécurité juridique de l'action publique locale et conditions d'exercice des mandats locaux - Rapport d'étape

La mission d'information a procédé à l'examen du rapport d'étape présenté parM. Michel Mercier, rapporteur, sur la sécurité juridique de l'action publique locale et sur les conditions d'exercice des mandats locaux.

M. Michel Mercier, rapporteur, a indiqué que ses propositions en matière de sécurité juridique reprendraient les orientations qu'il avait déjà présentées devant la mission en novembre 1999, affinées de manière à tenir compte des remarques des membres de la mission, des informations recueillies lors d'auditions et des travaux de la commission des lois relatifs à la proposition de loi déposée par M. Pierre Fauchon.

Il a rappelé que ces propositions s'articulaient autour de deux idées, en premier lieu une meilleure définition des règles applicables afin que la responsabilité des élus puisse s'exercer clairement, et en second lieu les moyens de concilier l'exercice d'un mandat local avec la pénalisation croissante de la société.

S'agissant des conditions de rénovation de l'environnement juridique des collectivités locales, M. Michel Mercier, rapporteur, a tout d'abord estimé qu'il convenait d'assurer la sécurité juridique en établissant un " corpus " de règles claires. A ce titre, il a préconisé l'achèvement de la codification des textes applicables aux collectivités locales, la clarification des règles et la simplification des textes, notamment en matière financière, ainsi que la promotion d'une nouvelle approche des normes techniques par une meilleure évaluation de leur coût financier, et par une meilleure association des collectivités locales à leur élaboration. Le rapporteur a également jugé nécessaire de codifier les incriminations relevant du droit pénal spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur, a préconisé une clarification des responsabilités des différents acteurs dans la conduite des actions publiques locales. Il a constaté que le développement du recours au contrat contribuait à diluer les responsabilités.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a illustré le propos du rapporteur en indiquant que, lorsque le ministère de l'éducation nationale mettait des emplois-jeunes à la disposition des collectivités locales, les conventions ne comportaient pas de clauses relatives au transfert de responsabilité.

M. Jacques Bellanger a estimé qu'il ne fallait pas s'engager dans la voie d'une définition législative du partage des responsabilités entre les contractants. Il a considéré que ce partage devait résulter du contrat et de l'accord entre les parties.

M. Michel Mercier, rapporteur, a jugé important d'approfondir la réforme de l'Etat et de clarifier les missions des services déconcentrés. Après avoir rappelé qu'une transformation du contrôle de légalité en certification de légalité ouvrirait la voie à une nouvelle tutelle, il a insisté sur la nécessité de développer le conseil et les pôles juridiques dans les préfectures.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a considéré que si le contrôle de légalité ne devait en aucun cas devenir synonyme de sécurité juridique totale, l'Etat devrait examiner de manière plus approfondie les risques encourus par les collectivités locales, d'autant plus que celles-ci ne disposent pas nécessairement de services juridiques dotés des capacités d'expertise nécessaires. Toutefois, le président a mis en avant le risque de paralysie administrative qui pourrait résulter d'un renforcement du rôle du contrôle de légalité. Il a évoqué le précédent des commissions de sécurité, dont les avis sont généralement défavorables.

M. Jacques Bellanger a considéré qu'un renforcement du statut du contrôle de légalité aboutirait à des contrôles plus rigides par des fonctionnaires qui ne sont pas dotés des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions.

M. Michel Mercier, rapporteur, a indiqué que sa proposition visait simplement à mieux former les agents de l'Etat et à organiser de véritables pôles de compétences au sein des services déconcentrés. Il a observé que la jurisprudence du Conseil d'Etat avait mis en cause la responsabilité de l'Etat lorsqu'il apparaissait que le contrôle de légalité avait été particulièrement négligent. Par conséquent, il a jugé qu'il était dans l'intérêt de l'Etat d'améliorer la qualité de ce contrôle.

En outre, le rapporteur a considéré qu'il convenait d'inciter les collectivités locales à développer leur contrôle de gestion interne et il a souscrit aux orientations du groupe de travail sénatorial sur les chambres régionales des comptes, dont il a estimé que la mission pourrait reprendre les orientations.

Abordant ses propositions relatives au moyen de concilier les exigences du mandat local et la pénalisation accrue de la société, M. Michel Mercier, rapporteur, a tout d'abord affirmé qu'il ne saurait être question de mettre en place un régime dérogatoire spécifique aux élus.

En premier lieu, il a considéré que, comme celle des fonctionnaires, la protection juridique de l'élu devrait être prise en charge par sa collectivité. Il a ajouté que l'intervention des associations départementales de maires dans les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, de menaces ou d'agression en raison de leurs fonctions, était nécessaire tant pour des raisons d'appui juridique que de soutien psychologique.

En deuxième lieu, le rapporteur a jugé nécessaire de revaloriser la voie civile comme instrument de réparation des préjudices, et notamment la procédure d'élévation de conflit.

En troisième lieu, M. Michel Mercier, rapporteur, a souligné qu'il convenait de rendre à la sanction pénale sa finalité, qui est de réprimer une faute morale, en limitant le nombre d'incriminations pénales et en clarifiant la définition de certaines infractions. Il a observé que le groupe de travail sur la responsabilité pénale des décideurs publics, présidé par M. Jean Massot, était parvenu à des conclusions de même nature.

En quatrième lieu, le rapporteur a proposé de caractériser la faute d'imprudence ou de négligence susceptible d'engager la responsabilité personnelle, en privilégiant une causalité adéquate qui impliquerait un lien direct entre la faute et le dommage et, à défaut, subordonnerait la responsabilité à l'existence d'une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité imposée par la loi ou les règlements.

En cinquième lieu, le rapporteur a proposé d'éviter les mises en examen inutiles par un recours plus systématique à la formule de témoin assisté, et par une modification des conditions de la mise en examen qui ne pourrait intervenir qu'en présence d'indices graves ou concordants. Il a par ailleurs jugé nécessaire de clarifier les conditions de la garde à vue.

En sixième lieu, M. Michel Mercier, rapporteur, a suggéré de mieux sanctionner les recours abusifs afin de tenter de remédier à " l'atomisation " actuelle de l'action publique.

Enfin, le rapporteur a souhaité connaître l'avis des membres de la mission sur l'opportunité de poursuivre la réflexion sur les voies et moyens d'utiliser la responsabilité de la collectivité locale pour tous les cas où des faits non volontaires reprochés à un élu local ne sont pas détachables des fonctions, en s'inspirant le cas échéant du système des infractions administratives prévues en droit allemand.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a insisté sur la nécessité de rappeler que la voie civile, et non la voie pénale, constitue la voie normale de réparation des préjudices

M. Michel Mercier, rapporteur, a estimé que l'une des raisons du recours à la voie pénale résidait dans le caractère " vengeur " de celle-ci. Il a constaté que, dans les faits, les indemnités accordées par le juge administratif étaient de plus en plus élevées et que, pour que celui-ci puisse à nouveau pleinement jouer son rôle, il convenait d'améliorer les délais d'indemnisation.

M. Philippe Marini a félicité le rapporteur pour le caractère précis et judicieux de ses orientations. Il s'est déclaré favorable à la poursuite de la réflexion sur la mise en place en France d'un système inspiré des infractions administratives existant en Allemagne.

M. Daniel Hoeffel s'est étonné de l'absence de référence explicite à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction, qui sont pourtant des sujets sensibles pour les élus locaux. Il s'est déclaré favorable à l'élargissement de la responsabilité pénale des collectivités locales, mais s'est demandé si une telle évolution ne serait pas assimilée par l'opinion à un régime dérogatoire en faveur des élus.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a indiqué qu'il ne s'agirait en aucun cas d'un régime dérogatoire, puisque les juges conserveraient la possibilité de mettre en cause à titre personnel les élus qui auraient réalisé une faute lourde.

M. Jacques Bellanger a insisté sur la nécessité de ne pas creuser le fossé entre les élus et leurs mandants.

M. Michel Mercier, rapporteur, a indiqué que le texte de son rapport replaçait ces propositions dans le cadre des débats sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence. Il a ajouté que la mise en cause pénale des élus constituait un phénomène spécifiquement français, et a relevé que, en Grande-Bretagne, une loi l'interdisait.

Abordant le volet relatif à l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux, M. Michel Mercier, rapporteur, a tout d'abord souligné que si en matière de responsabilité pénale ou civile, il était indispensable que les élus locaux soient traités de la même manière que l'ensemble des citoyens, il était également important de clarifier certains points dans le domaine du statut de l'élu qui posent aujourd'hui problème. Il a souligné l'importance de l'accès de tous les citoyens aux fonctions électives locales et de la diversité sociologique des élus.

Afin de rendre plus aisé l'exercice conjoint d'une activité professionnelle et d'un mandat local, il a proposé que la durée des autorisations d'absence et des crédits d'heures utilisés par un élu local salarié donne lieu à validation des cotisations sociales pour le régime général de la sécurité sociale et l'assurance chômage.

Par ailleurs, il a estimé souhaitable que le code du travail autorise explicitement la création d'un emploi à durée déterminée (CDD) ou le recours au travail temporaire pendant toute la durée du mandat électif d'un salarié élu local, afin de faciliter la gestion des effectifs par l'entreprise.

Pour faciliter l'exercice à plein temps du mandat électif local, M. Michel Mercier, rapporteur, a proposé tout d'abord que le mécanisme d'affiliation automatique au régime général de sécurité sociale, ainsi que le droit à suspension du contrat de travail et à réintégration à l'issue du mandat soient étendus à tous les élus locaux qui souhaitent exercer leur mandat à part entière, quelle que soit la taille de la collectivité locale. De plus, il a demandé la création d'un dispositif, financé par des cotisations à la charge des collectivités, permettant la poursuite du versement des indemnités de fonction dans les six mois qui suivent l'expiration du mandat en cas de chômage ou d'insuffisance de revenus.

Par ailleurs, M. Michel Mercier, rapporteur, a souhaité que les élus, qui renoncent en cours de mandat à une activité professionnelle, puissent continuer à cotiser au régime de retraite par rente lorsqu'ils avaient adhéré à celui-ci en début du mandat.

Enfin, il s'est prononcé en faveur d'une amélioration de la retraite des élus locaux, soit en revalorisant le niveau des retraites complémentaires versées par l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), soit en généralisant le dispositif de la retraite par rente à l'ensemble des élus locaux bénéficiant d'indemnités, qu'ils poursuivent leur activité professionnelle ou qu'ils exercent leur mandat à temps plein.

S'agissant de la revalorisation des indemnités de fonction, M. Michel Mercier, rapporteur, a souhaité une augmentation des tranches du barème légal tout en estimant que les dispositions prévues à cet effet dans le projet de loi ordinaire relatif à la limitation du cumul des mandats constituaient une avancée importante.

Il a proposé que les barèmes d'indemnités de fonction soient considérés comme des références, non seulement maximales, mais également minimales, par les assemblées délibérantes. Il a souhaité que la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux soit étendue à toutes les communes de métropole de moins de 3.500 habitants, dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne. Enfin, il a approuvé les mesures de clarification du statut juridique de l'indemnité de fonction introduites, à l'initiative du Sénat, dans le projet de loi ordinaire relatif au cumul des mandats, toujours en discussion.

En matière de formation, M. Michel Mercier, rapporteur, a demandé que le conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) soit habilité à dresser un schéma pluriannuel des objectifs prioritaires de formation qui devrait être respecté par les organismes de formation demandant un agrément. Enfin, il a souhaité que le droit à la formation soit complété en précisant que chaque responsable d'une collectivité territoriale devait suivre au moins une formation au cours de l'exercice de son mandat.

M. Daniel Hoeffel a rappelé que la réflexion sur la revalorisation de l'élu n'était pas indépendante de celle sur l'évolution des structures territoriales décentralisées dans notre pays en faisant état du nécessaire développement de l'intercommunalité.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a indiqué que la mission réfléchirait ultérieurement sur le développement des structures intercommunales. Il s'est interrogé sur le risque de limiter le champ de compétences des assemblées délibérantes dans l'hypothèse où les barèmes d'indemnités deviendraient des références à respecter impérativement sans possibilité de diminution.

M. Bernard Seillier a rappelé qu'il était important de maintenir le principe selon lequel les indemnités des élus soumis à plafonnement pouvaient être réparties auprès des adjoints. Il a souligné qu'il était parfois difficile à un nouveau maire élu de revenir sur la position adoptée par son prédécesseur lorsque celui-ci avait renoncé au versement complet de son indemnité.

M. Daniel Hoeffel a estimé que le conseil municipal devait toujours conserver la faculté de réduire le montant des indemnités de fonction en cas de besoin.

M. Michel Mercier, rapporteur, a regretté la contradiction entre les demandes récurrentes transmises par les élus aux associations en vue d'obtenir des revalorisations du barème indemnitaire, et le fait que, par ailleurs, sur le terrain, le montant maximal des indemnités n'était pas toujours soumis au vote des assemblées délibérantes.

Il a souligné qu'en tout état de cause, le conseil municipal serait, en toute transparence, informé du montant des indemnités versées aux élus d'une commune.

Après les interventions de MM. Jean-Paul Delevoye, président, Daniel Hoeffel et Bernard Seillier, M. Michel Mercier, rapporteur, a proposé que l'indemnité soit fixée de plein droit au taux maximal lors de l'examen du projet de délibération, afin que l'assemblée délibérante prenne elle-même en toute clarté, à la majorité, la décision de réduire le montant de l'indemnité pour des raisons relatives à l'intérêt de la collectivité ou au respect des règles de plafonnement prévues par la loi.

A l'issue de cette discussion, la mission commune d'information a approuvé les orientations du rapport d'étape et en a décidé la publication.