AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 27 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président

Santé publique - soins palliatifs : auditions



Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions publiques sur les soins palliatifs.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que ces auditions constituaient le prolongement des travaux engagés, depuis 1994, par le groupe d'études des problèmes posés, en France, par le traitement de la douleur, présidé par M. Lucien Neuwirth et rattaché à la commission des affaires sociales. Il a précisé que ces auditions ouvertes à l'ensemble des sénateurs et à la presse donneraient lieu à un compte rendu intégral qui serait prochainement disponible.

M. Lucien Neuwirth a d'abord rappelé l'importance du chemin parcouru depuis la publication, en 1994, du rapport d'information consacré à la prise en charge de la douleur et l'adoption, à l'unanimité, d'une disposition législative établissant l'obligation pour les acteurs du système de santé de prendre en charge la douleur des patients.

Rappelant que, pour faire avancer le traitement de la douleur, il avait fallu se défendre contre ceux qui associaient prise en charge de la douleur et toxicomanie, il a affirmé qu'il convenait de séparer les débats sur les soins palliatifs et l'euthanasie. Il a estimé que les soins palliatifs comblaient le vide entre l'acharnement thérapeutique et la démarche euthanasique. Il a indiqué que les blocages qui freinaient le développement des soins palliatifs étaient d'ordre réglementaire, culturel et budgétaire.

Il a remercié le service de législation comparée du Sénat d'avoir réalisé, à la demande de la commission, deux documents de grande qualité sur la douleur et les soins palliatifs en Europe et il a affirmé l'intention du groupe d'études d'engager une réflexion sur les soins palliatifs avec les différents acteurs concernés et en liaison avec le secrétariat d'Etat à la santé.

Il a déclaré qu'assurer la qualité de la fin de la vie était une façon de respecter l'être humain, d'admettre sa condition mortelle et d'ouvrir les coeurs à un sentiment qui grandit l'homme : celui d'une authentique compassion.

M. Gilbert Desfosses, président de la Société française d'accompagnement et des soins palliatifs, a d'abord dressé un état des lieux des soins palliatifs et rappelé que les soins palliatifs représentaient " tout ce qu'il reste à faire quand il n'y a plus rien à faire ". Il a estimé que, dans un contexte où la mort est devenue rarement naturelle, les soins palliatifs devaient être délivrés dès le début et en complément du traitement des maladies graves. Il a jugé utile que chaque centre hospitalier universitaire (CHU) dispose d'une structure de soins palliatifs, que la formation des médecins et des infirmières soit améliorée, que les services accueillant des malades en fin de vie disposent d'un personnel suffisant et que le Programme de médicalisation du système d'information (PMSI) soit réformé.

Après une intervention de MM. Jean Chérioux, Alain Gournac et Guy Fischer, la commission a procédé à l'audition de M. André Rotenberg, Conseiller de l'Ordre du Grand Orient de France, M. Philippe Hamon, Pasteur de l'Eglise réformée de France, Aumônier des hôpitaux, secrétaire de l'association des soins palliatifs, M. Patrick Verspieren, Directeur du département d'éthique biomédicale du centre Sèvres, M. Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris et du Docteur Gilbert Schulsinger, Grand maître honoris causa de la Grande Loge de France.

M. Jean Delaneau, président, a regretté l'absence de M. Alain Senior, Rabbin attaché au Grand Rabbin de France, empêché.

Après que M. André Rotenberg eut insisté sur l'importance de la liberté de conscience qui devait être reconnue aux personnes en fin de vie et que M. Philippe Hamon eut notamment posé la question de la détermination du bon moment pour commencer l'accompagnement, M. Patrick Verspieren a affirmé que l'Eglise catholique approuvait fermement et sans réticence aucune les soins palliatifs. Il a indiqué que cette position, qui était enracinée dans des siècles de pratique, s'était notamment traduite, dès 1957, par la recommandation de Pie XII d'utiliser, en tant que de besoin, les produits morphiniques. Il a reconnu l'existence, dans le passé, de discours d'acceptation de la souffrance, mais il a observé qu'ils s'adressaient à ceux qui souffraient alors que les médecins étaient démunis. Il a toutefois estimé que, plutôt que de dire que la souffrance avait un sens, il eut mieux valu proclamer que c'était le malade qui avait un sens aux yeux de Dieu.

M. Dalil Boubakeur a affirmé que les soins palliatifs entraient pleinement dans la conception de la médecine des musulmans. Pour eux, c'est Dieu qui donne la vie et qui la retire : il y a donc obligation de soigner et de soulager, dans la dignité et sans acharnement. Il a affirmé que la souffrance n'avait pas de caractère rédempteur.

M. Gilbert Schulsinger a estimé que si notre système de santé pratiquait suffisamment les soins palliatifs, la question de l'euthanasie serait moins souvent posée. Il a donc estimé souhaitable de mettre en oeuvre une véritable politique en faveur des soins palliatifs et rappelé qu'elle ne pouvait se résumer à la création de structures hospitalières : elle doit avant tout se traduire par une prise en compte de l'homme dans sa globalité.

La commission a ensuite entendu M. Herbert Geschwind, Coordinateur du département d'enseignement et de recherche en éthique médicale à la Faculté de médecine de Créteil.

M. Herbert Geschwind a estimé que les soins palliatifs réconciliaient une médecine humaniste et une médecine technicienne. Il a affirmé qu'il convenait de ne pas séparer le curatif et le palliatif et qu'il convenait d'intégrer, tout au long du traitement, ces deux dimensions de la médecine.

Après les interventions de MM. Lucien Neuwirth, Jean Chérioux, Alain Gournac, Guy Fischer et Francis Giraud, la commission a entendu M. Jacques Roland, Président de la conférence des doyens des facultés de médecine.

M. Jacques Roland a affirmé que les études de médecine devaient être, plus qu'une simple formation, une véritable éducation qui apprendrait aux médecins la modestie et le travail en équipe. Rappelant qu'il était difficile de motiver de très jeunes étudiants à s'intéresser à l'approche de la mort, il a toutefois estimé qu'environ la moitié des universités avait mis en place des séminaires consacrés aux soins palliatifs rendus obligatoires par un arrêté publié en 1997. Il s'est également félicité de l'introduction d'une formation aux sciences humaines en première année de médecine et estimé que les facultés de médecine devraient s'ouvrir aux autres écoles de formation, notamment à celles des infirmières.

Après les interventions de MM. Lucien Neuwirth et Alain Gournac, la commission a entendu M. Benoît Burucoa, chef de service de soins palliatifs et d'accompagnement au Centre hospitalier universitaire de Bordeaux.

M. Benoît Burucoa a notamment exposé le contenu d'un projet d'enseignement qu'il s'apprêtait à remettre au président de la conférence des doyens. Selon lui, un enseignement de soins palliatifs devrait prendre en considération l'accompagnement, la prise en charge de la douleur, la communication avec la personne malade et son entourage, le deuil et le travail en équipe. Il a jugé souhaitable de désigner des professeurs associés de médecine palliative et indispensable que des questions sur les soins palliatifs soient posées au concours de l'internat.

La commission a ensuite entendu Mme Michelle Salamagne, médecin responsable de l'unité de soins palliatifs à l'hôpital Paul Brousse.

Mme Michelle Salamagne
a notamment évoqué la question de la prise en charge de la douleur physique, qui ne peut se résumer à la prescription d'un traitement antalgique. Elle a insisté sur la spécificité de chaque malade, sur l'existence d'une pluralité de douleurs différentes et dénoncé avec force les peurs associées à la prescription des morphiniques.

La commission a ensuite entendu Mme Martine Nectoux, infirmière clinicienne au sein de l'unité mobile de soins palliatifs à l'hôpital Cochin.

Mme Martine Nectoux
a affirmé que des soins palliatifs à domicile ne pouvaient être délivrés aux malades que si leur entourage avait non seulement la volonté, mais aussi la capacité, à faire face. Elle s'est demandé quels pouvaient être les soins à entreprendre lorsque les thérapeutiques curatives devenaient inefficaces et observé une tendance à renvoyer le patient chez lui, peut-être pour éviter de s'interroger à ce sujet.

Après l'intervention de M. Alain Gournac, la commission a entendu M. Jean-Marie Gomas, médecin généraliste, responsable du centre de la douleur de l'hôpital Sainte-Périne.

M. Jean-Marie Gomas a affirmé que l'enseignement délivré aux futurs médecins généralistes était inadapté à la réalité de leur pratique ultérieure. Il a estimé nécessaire de préparer les étudiants aux situations qu'ils rencontreraient réellement, qui ne sont pas toujours identiques à celles qui prévalent à l'hôpital. Il a particulièrement insisté sur la qualité humaine et l'attention qui devaient caractériser la relation du médecin tant avec l'infirmière qu'avec le malade.

Après une intervention de M. Jean Chérioux, la commission a entendu M. Antoine Durrleman, directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

M. Antoine Durrleman, rappelant qu'aux termes de l'article L. 711-4 du code de la santé publique, la délivrance de soins palliatifs entrait dans les missions de l'hôpital, a indiqué qu'un groupe de travail avait amorcé une réflexion à l'Hôtel Dieu dès les années 1983-1984. Il a estimé que le bilan de l'action entreprise à l'Assistance publique appelait un constat positif mais nuancé. Si des lits de soins palliatifs ont été créés, si la prescription de produits morphiniques a été multipliée par 10 en dix ans, si des réseaux ville/hôpital sont en cours de constitution, il convient de favoriser une culture de soins palliatifs encore émergente, notamment grâce au mouvement bénévole qui irrigue l'hôpital en venant s'y ressourcer. Il s'est interrogé sur les modalités d'assurer la pérennité des équipes de soins palliatifs et a estimé que ces soins devaient progressivement évoluer d'un engagement militant à une professionnalisation reconnue.

Elle a ensuite entendu le Dr Henri Delbecque, vice-président de la Société française d'accompagnement et des soins palliatifs.

M. Henri Delbecque a mis l'accent sur les difficultés qui restaient à résoudre afin d'améliorer les soins palliatifs dans notre pays. Il a notamment cité le statut précaire de certains médecins exerçant dans des unités de soins palliatifs, les listes d'attente auxquelles sont confrontés les malades avant leur admission dans ces unités, l'insuffisante planification régionale et le caractère inégalitaire de la prise en charge par l'assurance maladie selon, par exemple, que le malade a été admis dans un centre de court ou de long séjour.

Présidence de M. Jean Delaneau, président - Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a poursuivi les auditions publiques sur les soins palliatifs.

Elle a tout d'abord entendu M. Bernard Glorion, président du Conseil de l'Ordre des médecins.

M. Bernard Glorion a commenté les nombreuses dispositions du code de déontologie des médecins qui les encouragent à mieux prendre en charge les malades en fin de vie. Il a notamment insisté sur les articles 37 et 38 de ce code qui disposent que le médecin doit, en toutes circonstances, s'efforcer de soulager les souffrances, assister moralement le malade et éviter toute obstination déraisonnable. Il a affirmé que, si ces principes étaient bien mis en oeuvre, la règle selon laquelle le médecin ne devait pas donner délibérément la mort n'aurait plus besoin d'être écrite. Il a regretté que le carnet à souches, dont la suppression avait été demandée par l'Ordre national des médecins depuis plusieurs années, soit maintenu jusqu'au printemps prochain, les ordonnances sécurisées appelées à le remplacer n'étant pas encore disponibles.

Après les interventions de MM. Lucien Neuwirth et Alain Gournac, la commission a entendu Mme Martine Rusznievski, psychologue-psychanalyste au sein de l'unité mobile de soins palliatifs de l'hôpital La Pitié Salpêtrière.

Mme Martine Rusznievski a affirmé que le recours à un psychologue ou à un psychanalyste était utile dans un contexte de soins palliatifs, car son approche laissait place à la subjectivité et permettait une écoute délivrée de toute intention de jugement.

La commission a entendu le Professeur Robert Zitoun, professeur de l'Université Paris VI, Mme Annie Gauvin-Picard, chef de l'unité de psychiatrie et d'oncopsychologie à l'Institut Gustave Roussy, Mme Renée Sébag-Lanoë, chef du service de gériatrie et de soins palliatifs à l'hôpital Paul Brousse.

Le Professeur Robert Zitoun a fait part de son expérience passée de chef du service d'hématologie à l'Hôtel Dieu, qui accueillait des malades atteints de pathologies très graves et a été confronté à la question de la mort dès leur diagnostic. Il a estimé que le développement des soins palliatifs avait été favorisé pour éviter les demandes d'euthanasie et affirmé que ces derniers constituaient un élément subversif pour une médecine parfois très technicienne.

Mme Annie Gauvin-Picard a évoqué les besoins des enfants en soins palliatifs. Elle a regretté que, trop souvent, les enfants soient tenus à l'écart et n'apprennent que très tard le décès pourtant attendu d'un père ou d'une mère. Elle a aussi évoqué la situation des enfants qui décèdent d'une maladie telle que le cancer ou le SIDA, au cours de laquelle une longue période de traitement dans un service pédiatrique appelait aussi la constitution de réseaux ville/hôpital solides. Elle a enfin regretté que, pour des maladies dégénératives actuellement incurables, le milieu pédiatrique organise souvent une séparation prématurée de l'enfant et de sa famille.

Mme Renée Sébag-Lanoë a rappelé que les trois quarts des décès de personnes âgées intervenant à l'hôpital étaient progressifs et donc prévisibles et a estimé qu'il convenait de généraliser la pratique clinique des soins palliatifs en direction des personnes âgées. Elle a affirmé sa crainte que toutes les mesures prises en faveur du développement des soins palliatifs soient inutiles si les hôpitaux et les maisons de retraite ne disposaient pas d'un personnel en nombre suffisant.

La commission a enfin entendu Mmes Chantal Catant, membre de l'association Jalmav, Hélène Kerurien, coordinatrice des bénévoles de l'équipe mobile des soins palliatifs de l'hôpital Saint-Joseph, Chantal Grimaud, directrice de la Fraternité pour l'accompagnement des malades, membre de l'association Les petits frères des pauvres.

Mme Chantal Catant a rappelé que 2.500 bénévoles, regroupés en 150 associations et d'une moyenne d'âge de 44 ans, intervenaient dans la délivrance de soins palliatifs. Elle a estimé qu'ils étaient les témoins d'une société qui réfléchit et qui s'engage. Elle a affirmé que les bénévoles, parce qu'ils ne sont ni des membres de la famille, ni des soignants, apportent une qualité d'écoute très particulière. Indiquant qu'une formation initiale des bénévoles était indispensable, elle a observé que cette dernière avait un coût.

Après l'intervention de M. Lucien Neuwirth, Mme Hélène Kerurien a cité deux expériences difficiles qu'elle avait vécues à la maison Jeanne Garnier et elle a fait part de la difficulté de s'engager auprès du malade sans aller trop loin, sans se perdre.

Mme Chantal Grimaud a estimé que le bénévolat apportait une réponse à des situations d'exclusion vécues par des malades dont le réseau relationnel était menacé de rupture. Elle a rappelé que, si l'engagement bénévole était libre et gratuit, il nécessitait des moyens matériels, un cadre institutionnel, des repères éthiques et une formation adaptée.

Projet de loi de finances pour 1999 - Examen des rapports pour avis : Politique de la ville

Mercredi 28 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président - La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc, sur le projet de loi de finances pour 1999 (crédits de la ville).

M. Paul Blanc a tout d'abord rappelé que l'attentisme du Gouvernement avait pu sembler préjudiciable à la politique de la ville lors de l'examen du budget de l'année dernière et il a constaté que trois éléments nouveaux étaient intervenus depuis.

Tout d'abord, M. Jean-Pierre Sueur a remis en février dernier à Mme Martine Aubry un rapport sur la politique de la ville qui préconise diverses réformes institutionnelles et qui porte un jugement souvent sévère sur la discrimination territoriale positive à l'oeuvre dans le cadre de la politique de zonage.

Par ailleurs, M. Claude Bartolone a été nommé ministre délégué à la ville le 31 mars dernier.

Enfin, un comité interministériel des villes s'est tenu le 30 juin 1998 afin d'articuler l'action gouvernementale autour de quatre objectifs : garantir le pacte républicain, renforcer la cohésion sociale dans les villes, mobiliser autour d'un projet collectif, construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.

M. Paul Blanc a déclaré que l'on ne pouvait que souscrire à ces principes tout en remarquant qu'ils étaient valables pour l'ensemble des politiques ministérielles. Insistant sur les acquis de la géographie prioritaire de la politique de la ville, il a rappelé les différentes catégories de zones prévues dans le cadre du pacte de relance pour la ville ainsi que les caractéristiques des populations habitant dans les quartiers.

Puis il a présenté les crédits budgétaires du " bleu " budgétaire relatif à la ville en soulignant que ces crédits étaient en hausse de 32 %, au montant excédant le cap symbolique du milliard de francs. Toutefois, il s'est interrogé sur l'augmentation des dépenses de communication et de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville (DIV), ainsi que des crédits d'études prévus en ce domaine.

S'agissant des opérations " Ville, Vie, Vacances ", il s'est félicité que les dispositifs de surveillance et d'encadrement mis en place dans certaines stations du littoral aient été maintenus en 1998 tout en soulignant les coûts induits pour les communes d'accueil concernées.

Evoquant l'ensemble de l'effort public consacré à la ville, récapitulé dans le " jaune " budgétaire, il a regretté que l'effort supplémentaire de l'Etat repose essentiellement sur les engagements de ses partenaires ou sur des déclarations d'objectifs.

Concernant les dépenses des collectivités territoriales, il s'est interrogé sur le caractère volontariste de l'objectif de hausse de leur participation aux contrats de plan et aux contrats de ville dans la période actuelle.

S'agissant des emplois jeunes, il a souligné le caractère prévisionnel des engagements et il a considéré qu'un bilan devrait être dressé pour connaître la proportion exacte des emplois jeunes qui jouent un rôle du point de vue de la politique de la ville.

Enfin, s'agissant de l'intervention accrue de la Caisse des dépôts et consignations, il a souligné qu'en tout état de cause les emprunts seraient contractés et remboursés par les collectivités locales.

Abordant la politique générale du Gouvernement, il a fait part de sa déception sur les augmentations retenues, en soulignant que la nouvelle ambition pour la ville s'appuyait sur des objectifs contradictoires, et qu'elle ne donnait une place suffisante, ni au rétablissement de la sécurité dans les quartiers, ni au développement de l'outil économique.

Rappelant, tout d'abord, que les contrats de ville essuyaient déjà des critiques du fait de leur lourdeur, de la multiplicité des partenaires engagés et de la juxtaposition de financements croisés, il s'est déclaré sceptique sur la démarche du Gouvernement qui tend à utiliser la négociation des prochains contrats comme un levier en vue de faire avancer la coopération intercommunale et la participation des habitants.

Concernant le rétablissement de la sécurité dans le quartier, il a constaté que la violence urbaine était aggravée par son extension aux zones périurbaines et par la montée de la délinquance des mineurs.

Il a fait part de ses réserves quant au souci du Gouvernement de s'appuyer trop exclusivement sur une politique de prévention fondée sur le partenariat avec les collectivités locales dans le cadre des contrats locaux de sécurité et de la mise en place d'emplois de proximité financés par des emplois-jeunes.

Concernant la relance de l'outil économique, il a évoqué les résultats des études conduites par l'Association nationale des villes zones franches urbaines qui mettent l'accent sur le renversement de tendance observé, sur la part importante des emplois créés par rapport aux emplois transférés ainsi que sur le recours important à l'embauche locale.

Dans ce contexte, il a regretté que le Gouvernement ne se soit pas attaché à accompagner le mouvement de relance dans les zones franches urbaines ainsi que le retard pris par la mise en place de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

En conclusion, il a invité la commission à émettre un avis défavorable à l'adoption du projet de budget pour la ville.

M. Louis Souvet, après avoir félicité le rapporteur pour avis, a souligné que les personnels embauchés comme adjoints de sécurité n'étaient pas toujours utilisés dans le cadre des missions de pilotage ou de patrouille initialement prévues. Il s'est inquiété du fait que les contrats " emplois-jeunes " ne servaient pas toujours à prendre en charge les besoins émergents non satisfaits comme le Gouvernement l'avait annoncé. Evoquant le cas de Montbéliard, il a regretté les résultats insuffisants de certaines zones de redynamisation urbaine (ZRU).

M. Jean Delaneau, président, a souligné que certains maires de grandes villes, en province, s'inquiétaient des conditions de mise au travail des personnes embauchées dans le cadre d'emplois-jeunes.

M. Gilbert Chabroux a regretté le jugement très sévère rendu par le rapporteur pour avis sur les orientations du ministre délégué à la ville. Déclarant comprendre que soient portés des jugements divergents sur les orientations du ministère, il a souligné que le ministre délégué faisait preuve d'enthousiasme et d'ambition et qu'il ne saurait être taxé d'immobilisme.

Il a souligné que le budget du ministère de la ville augmentait de 32 % pour atteindre le cap symbolique du milliard de francs et que l'ensemble de l'effort public en direction de la ville s'élevait à 31 milliards de francs, soit un chiffre très proche de celui souhaité par M. Jean-Pierre Sueur dans son rapport qui était de 35 milliards de francs par an sur 10 ans.

Il a estimé que ce budget de la ville répondait à ses attentes tout en permettant à l'Etat de recourir aux partenariats nécessaires à travers, notamment, les contrats locaux de sécurité, qui rencontrent un grand succès.

M. Guy Fischer a souligné qu'en matière de politique de la ville, il convenait de faire preuve d'humilité ; il a souligné l'importance de l'action régalienne de l'Etat et il a estimé qu'une action conjointe de tous les partenaires impliqués sur le terrain était nécessaire pour réussir.

Concernant les zones franches urbaines, il a jugé intéressants les résultats obtenus à Garges ou à Roubaix, tout en soulignant qu'il ne fallait pas perdre de vue l'intégration des jeunes des quartiers par l'accès à l'emploi et la nécessité de création nette d'emplois.

S'agissant des grands projets urbains, il s'est inquiété de la sous-consommation des crédits relatifs aux prêts locatifs aidés (PLA), tout en s'inquiétant de la montée des phénomènes de ségrégation dans le secteur des habitations à loyer modéré (HLM) ou en milieu scolaire.

Il a souligné que le retour à la " tranquillité " dans les quartiers passait d'abord par l'emploi et par l'éducation.

Estimant que la politique de la ville était à un tournant, il a souhaité une politique forte appuyée sur des engagements de crédits importants.

M. Claude Domeizel a d'abord constaté que les phénomènes de violence urbaine se propageaient dans des départements très ruraux, notamment dans les communes de 20.000 à 30.000 habitants. Il s'est déclaré surpris par le choix du rejet du budget formulé par le rapporteur, en soulignant que l'augmentation de 32 % des crédits de la ville démontrait la volonté du Gouvernement de traiter au fond le problème.

M. Jean Delaneau, président, s'est inquiété du mouvement récemment apparu qui tendait à limiter la construction de logements sociaux dans des communes urbaines où la demande est forte et dans lesquelles le parc social est considéré comme saturé, ce qui entraîne un transfert de la construction de logements sociaux vers les petites communes. Il a souligné par ailleurs l'importance de la demande d'accession à la propriété.

M. Guy Fischer a approuvé le président et il a souligné les effets de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les terrains à bâtir.

M. Jacques Machet a précisé qu'il convenait de faire preuve d'humilité en matière de politique de la ville tout en affirmant que " l'on ne remettrait pas les villes à la campagne ". Il s'est interrogé sur le souhait du rapporteur pour avis d'une responsabilisation accrue des familles en matière de prestations familiales.

M. Philippe Nogrix a souligné, en parallélisme avec la démarche des contrats d'insertion, que certaines prestations devraient être versées sous réserve de l'engagement des bénéficiaires de respecter certains devoirs.

En réponse, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que si les résultats des zones franches urbaines pouvaient être contrastés, la tendance d'ensemble demeurait néanmoins positive en termes de création d'emplois.

Il a souligné que la faiblesse des résultats dans certaines zones devait conduire à s'interroger sur des mesures d'accompagnement sous la forme d'investissement en faveur de la restructuration des espaces commerciaux ou d'offres de locaux.

S'agissant du budget, il a reconnu l'effort du Gouvernement, tout en se demandant s'il ne laissait pas une place trop importante aux dépenses de fonctionnement, au détriment des aides à l'investissement pour la restructuration.

Concernant l'effort public total, il a estimé indéniable que l'objectif annoncé était obtenu en faisant largement appel aux efforts des partenaires de l'Etat.

S'agissant de la sécurité dans les quartiers, il a reconnu le rôle utile joué par les contrats locaux de sécurité, tout en soulignant que l'Etat ne pouvait pas négliger d'assurer l'exercice, sur tout le territoire, de ses fonctions régaliennes en matière de protection des personnes et des biens.

Il a approuvé les déclarations de M. Guy Fischer concernant l'importance d'une convergence de volonté de tous les acteurs sur le terrain pour réussir la politique de la ville.

D'une manière générale, il a regretté que le Gouvernement n'accorde plus autant d'importance à la réinsertion par l'économie qui doit demeurer une priorité.

S'agissant des prestations familiales, il a souligné qu'il ne s'agissait pas, dans son esprit, d'interrompre leur versement mais simplement d'instaurer les conditions d'un dialogue dans la dignité pour les familles qui n'assument pas leurs responsabilités parentales dans des conditions normales.

A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de son rapporteur, a émis un avis défavorable sur les crédits de la ville.

Projet de loi de finances pour 1999 - Examen des rapports pour avis : Outre-mer, aspects sociaux

Puis, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Louis Lorrain, sur le projet de loi de finances pour 1999 (outre-mer : aspects sociaux).

Avant d'aborder les aspects sociaux du budget de l'outre-mer, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a tenu à rendre hommage à M. Pierre Lagourgue. Il a également précisé qu'il avait consulté l'ensemble des sénateurs d'outre-mer dans le cadre de la préparation du rapport pour avis.

Il a rappelé qu'il était difficile d'examiner ce budget sans insister sur le contexte social très préoccupant de l'outre-mer.

Il a estimé que la situation sociale de l'outre-mer s'était encore dégradée depuis l'année passée. Il a indiqué que le chômage avait augmenté pour atteindre en moyenne 32 % de la population active des départements d'outre-mer en août 1998, alors que la situation de l'emploi s'améliorait légèrement en métropole.

Il a précisé que le nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) avait également progressé, constatant que 16 % de la population des DOM vivaient du RMI contre 3 % seulement environ en métropole.

Il a aussi remarqué que le retard de l'outre-mer en matière de logement restait considérable, estimant qu'il faudrait près de 20 ans pour rapprocher l'habitat de l'outre-mer des standards métropolitains.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a déclaré que c'était à l'aune de l'impact prévisible du budget sur cette situation sociale qu'il importait d'évaluer les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Il a d'abord observé que les dotations du secrétariat d'Etat ne représentaient qu'entre 10 et 11 % de l'ensemble des crédits budgétaires affectés à l'outre-mer. Il a ensuite précisé que les crédits du secrétariat d'Etat ne recouvraient que les dispositifs relatifs à la politique de l'emploi et au logement social, les autres dépenses sociales étant en effet inscrites au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.

M. Jean-Louis Lorrain a souligné que le budget pour l'outre-mer était en progression de 7 % par rapport à l'année dernière. Il a estimé que cette évolution des crédits ne devait pas être en soi un motif de satisfaction, affirmant que ce n'est pas tant le volume des crédits qui compte que leur affectation.

Il a jugé qu'à cet égard le budget était contrasté.

Il a reconnu que certaines évolutions allaient incontestablement dans le bon sens. Il a ainsi souligné que le secrétariat d'Etat poursuivait sa politique d'assainissement des investissements en améliorant la couverture des autorisations de programme par des crédits de paiement. Il a également remarqué que le budget se recentrait sur le développement social et économique de l'outre-mer, les crédits correspondants représentant 79 % de l'ensemble des crédits, en hausse de 8 %. Il a insisté sur le fait que les crédits qui augmentaient le plus rapidement étaient ceux relatifs à l'emploi et au logement.

Il a indiqué que le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) était porté à 1,808 milliard de francs, soit une augmentation de 6,4 %. Il a aussi souligné que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) progressaient de 58 % pour atteindre 897 millions de francs en crédits de paiement.

Il a estimé que cette réorientation de l'effort budgétaire vers les difficultés sociales majeures lui paraissait positive, constatant que les crédits affectés à l'emploi et au logement représentaient désormais 63 % du total des crédits.

Il a cependant considéré que ces améliorations ne devaient pas faire illusion. Il a d'abord jugé que la sous-consommation récurrente des crédits du FEDOM ou de la LBU risquait de rendre l'effort budgétaire affiché en partie factice.

Il a également regretté l'absence de mesure nouvelle forte. A ce propos, il a rappelé que M. Jean-Jack Queyranne avait annoncé à l'Assemblée nationale que le Parlement aurait à débattre, à l'automne prochain, d'un projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer qui devrait comporter un important volet social.

Abordant la politique de l'emploi, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a insisté sur l'aggravation continue de la situation de l'emploi, constatant qu'en un an le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) avait augmenté de près de 5 % dans les départements d'outre-mer, passant de 200.000 à 210.000.

Il a souligné que le taux de chômage atteignait partout des niveaux très préoccupants : 23 % en Guyane, 26,6 % en Martinique, 28,8 % en Guadeloupe, 37,3 % à la Réunion et 41 % à Mayotte.

Il a également constaté que le chômage frappait tout particulièrement les jeunes, 55 % d'entre eux étant au chômage, et que la proportion de chômeurs de longue durée dépassait désormais les 50 %.

Il a insisté sur deux éléments d'explication fondamentaux : la forte croissance démographique et la faiblesse du niveau général de formation.

Il a déclaré que les crédits budgétaires consacrés à la politique de l'emploi et de la formation augmentaient de 6,4 %, permettant ainsi au FEDOM de financer en 1999 56.500 solutions d'insertion contre 48.500 en 1998. Il a également observé que 445 millions de francs seraient affectés aux emplois-jeunes, permettant de créer 3.500 nouveaux emplois en 1999.

Estimant que l'effort en faveur de l'emploi était certes important, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a cependant émis un certain nombre de réserves.

Il a d'abord observé que le développement des emplois-jeunes se faisait très largement au détriment des autres mesures en faveur de l'emploi, précisant que les crédits destinés aux emplois-jeunes augmentaient de 48 % alors que la dotation budgétaire affectée aux autres dispositifs du FEDOM diminuait de 2,2 %.

Il a également déploré une réorientation de la politique de l'emploi vers le secteur non marchand. Il a constaté que les aides à la création d'emplois dans le secteur marchand ne représentaient que 12 % des solutions d'insertion.

Il a exprimé la crainte que le nombre de solutions d'insertion proposées n'augmente pas autant que ne le suggère le budget. Et il a rappelé que l'augmentation du nombre de solutions s'accompagnait bien souvent d'une réduction de la durée effective des contrats qui risquait d'accentuer la précarité.

Il s'est aussi déclaré préoccupé par le déséquilibre de la répartition géographique des crédits de l'emploi, observant que ces crédits stagnaient pour Mayotte et les territoires d'outre-mer.

Enfin, il a exprimé la crainte que la diminution des dotations du fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et du fonds d'investissement et de développement économique et social (FIDES) ne se traduise par un impact négatif sur l'emploi.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a en revanche estimé plus positives pour l'emploi d'autres mesures du budget. Il a d'abord souligné que les actions de formation professionnelle et d'insertion dans les DOM étaient renforcées en observant que le nombre d'actions de formation de l'agence nationale pour l'insertion à la formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) et le nombre de places affectées à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) au titre de la commande publique concerneraient 5.000 personnes en 1999.

Il a aussi souligné que le budget pour 1999 assurait la pérennité du service militaire adapté (SMA) en créant 500 postes de volontaires en contrepartie de la suppression de 1.000 postes d'appelés.

Il a néanmoins estimé que la révision prochaine de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte (dite loi Perben) devrait être l'occasion d'apporter certaines améliorations à la politique de l'emploi outre-mer. A cet égard, il a présenté plusieurs pistes de réformes qui pourraient être étudiées : l'extension éventuelle du FEDOM à Mayotte, le repositionnement de l'ensemble du dispositif vers le secteur marchand et la possibilité de créer un statut " d'entreprise franche " qui pourrait bénéficier d'exonérations fiscales et sociales.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a ensuite abordé la politique du logement, en soulignant que la situation du logement était particulièrement dégradée outre-mer. Il a estimé que le parc de logements restait très insuffisant, évaluant à 170.000 le nombre de logements qu'il faudrait construire pour parvenir à une situation équivalant à celle de la métropole.

Il s'est également déclaré préoccupé par l'insalubrité, estimant à près de 60.000 le nombre de logements insalubres à Mayotte et dans les DOM, soit 12 % du parc total.

Il a reconnu que le projet de budget pour 1999 constituait un effort important en faveur du logement, les crédits de la LBU augmentant de 58 % pour passer de 568 à 897 millions de francs en crédits de paiement.

Il a précisé que l'effort budgétaire total en faveur du logement atteindrait 1,507 milliard de francs après abondement d'une partie de la créance de proratisation du RMI, ces crédits étant entièrement affectés à l'aide à la pierre.

Il a remarqué que cet effort budgétaire devrait permettre le financement de 19.100 logements répartis entre 11.800 constructions neuves aidées et 7.300 opérations de réhabilitation et de résorption de l'habitat insalubre.

Il a également souligné que cet effort budgétaire important s'accompagnait d'un souci de simplification et d'accélération des procédures d'attribution des subventions de la LBU afin d'améliorer sensiblement le taux de consommation des crédits. Il a estimé que cette meilleure consommation des crédits devrait se vérifier dès cette année.

En dépit de ces aspects positifs, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a jugé que ce budget restait insuffisant. Il a d'abord regretté que les objectifs quantitatifs restent trop peu ambitieux par rapport aux besoins, en observant que les objectifs affichés pour 1999 devraient déjà être réalisés en 1998 en matière de construction.

Il a également souligné que l'augmentation de la LBU ne pouvait à elle seule résoudre la question du logement outre-mer, en rappelant que les logements construits étaient trop chers et difficilement accessibles à la population. Il a alors estimé que la politique du logement outre-mer devrait s'attacher à proposer des produits plus adaptés plutôt que de subventionner la construction de logements inadaptés à la demande.

A ce propos, il a annoncé que le Gouvernement étudiait actuellement deux nouveaux produits : le logement en accession différée, qui pourrait être acquis après dix ans de location par des ménages sociaux ou très sociaux, et le logement locatif social de transition, qui serait réservé aux ménages aux ressources supérieures au plafond du logement locatif social, mais ne pouvant pas accéder au logement intermédiaire.

Il a rappelé que le coût du foncier équipé constituait un obstacle majeur à une plus forte construction de logements sociaux. Observant que le Gouvernement proposait la création d'un fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) dans chaque département d'outre-mer et à Mayotte, il a estimé que ce projet de réforme de la politique foncière allait dans le bon sens, mais que l'expérience de la Réunion montrait toutefois les limites de ces FRAFU.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a ensuite estimé que la politique d'égalité sociale devait être poursuivie. Constatant que cette politique, qui visait à aligner progressivement les prestations sociales et les différents minima sociaux des départements d'outre-mer sur ceux de la métropole, était au point mort depuis 1996, il s'est déclaré favorable à un relèvement de l'allocation de parent isolé (API).

Il a jugé que cette amélioration des revenus sociaux relevait plus de l'équité que de l'assistanat. Il a d'ailleurs rappelé que la population d'outre-mer ne pouvait être considérée comme assistée, observant que la part des revenus sociaux dans le revenu total des ménages est plus forte en métropole (29,6 %) que dans les départements d'outre-mer (27,2 %).

En conclusion, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a estimé que les priorités du budget pour 1999 lui paraissaient aller dans la bonne direction, mais il a regretté que ces objectifs ne se traduisent pas par l'adoption des mesures nouvelles fortes dont a besoin l'outre-mer. Il a donc proposé à la commission d'émettre un avis de sagesse sur le budget de l'outre-mer pour 1999.

M. Philippe Nogrix a alors interrogé le rapporteur pour avis sur la faible proportion des revenus sociaux dans le revenu total des ménages des départements d'outre-mer. Il s'est également interrogé sur l'opportunité d'aligner l'API sur le niveau de la métropole. Il a enfin demandé au rapporteur d'apporter des précisions sur l'efficacité du volet insertion du RMI.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a indiqué que la faiblesse relative des revenus sociaux s'expliquait avant tout par la structure démographique des départements d'outre-mer, la population y étant plus jeune qu'en métropole. Il a observé que cette situation démographique avait pour effet de diminuer très sensiblement la part des retraites, même si la part des revenus liés aux prestations familiales et au RMI restait proportionnellement plus élevée qu'en métropole.

Concernant la poursuite de la politique d'égalité sociale, il a rappelé que le niveau de l'API était inférieur de moitié dans les DOM à celui de la métropole. Il a estimé qu'un alignement de l'API était une mesure de solidarité nécessaire, en rappelant que les allocataires de l'API étaient très souvent des jeunes femmes en situation très difficile et en voie d'exclusion. Il a indiqué que 14.000 personnes bénéficiaient de l'API, pour un montant global de 212 millions de francs à la fin de 1996.

S'agissant du RMI, il a rappelé que les agences départementales d'insertion (ADI), mises en place par la loi Perben, étaient chargées de mettre en oeuvre le volet insertion du RMI. Il a également précisé que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions avait transformé les ADI en établissements publics locaux, dans le souci d'alléger des procédures jugées trop lourdes et trop complexes.

Constatant que le nombre de bénéficiaires du RMI entrés dans les mesures de la politique de l'emploi était passé de 15.000 en 1995 à plus de 28.000 en 1997, il a estimé que l'action d'insertion des ADI était satisfaisante. Il a ainsi observé qu'un quart des allocataires du RMI bénéficiait d'une action d'insertion, soit une proportion plus élevée qu'en métropole.

M. Jacques Machet s'est ensuite interrogé sur les spécificités du logement en outre-mer.

M. Philippe Nogrix s'est demandé si le logement social dans les DOM répondait aux mêmes normes techniques qu'en métropole.

M. Jean Delaneau, président, a exprimé la crainte que le logement construit outre-mer ne soit pas réellement adapté aux besoins des populations.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a rappelé que la spécificité majeure du logement outre-mer consistait dans la trop forte insalubrité. Il a indiqué que les logements construits devaient répondre aux mêmes normes techniques qu'en métropole, et il a souligné que cette contrainte technique pouvait contribuer à augmenter les coûts de construction des logements.

Il a cependant précisé que l'outre-mer bénéficiait de produits spécifiques en matière de logement, ces produits étant très souvent bien adaptés aux particularités de l'outre-mer et aux besoins et moyens des populations.

Il a, à ce propos, cité l'exemple du logement évolutif social (LES), en précisant qu'il s'agissait de maisons individuelles en accession très sociale à la propriété, dont les aménagements intérieurs et les finitions étaient progressivement réalisés par l'accédant.

La commission a alors, sur proposition de M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, décidé d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de l'outre-mer (aspects sociaux) pour 1999.

Contrôle de l'application des lois (année parlementaire 1997-1998) : Communication du président

Puis la commission a entendu une communication de M. Jean Delaneau, président, sur le contrôle de l'application des lois.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que le bilan des mesures réglementaires publiées entre le 1er octobre 1997 et le 30 septembre 1998 appelait de sa part un certain nombre d'observations traduisant une appréciation contrastée selon les différents secteurs de compétence de notre commission.

S'agissant des textes relatifs à la santé, il a constaté que les lois, souvent prises à l'initiative du Sénat, rencontraient des retards importants d'application.

Rappelant que la loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, faisait l'objet actuellement d'une évaluation dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, il a estimé qu'un tel travail d'évaluation entrepris par M. Claude Huriet était rendu difficile dès lors que, faute de textes d'application ou en raison de leur retard de publication, la loi n'a été appliquée que partiellement ou tardivement.

Il a constaté que le volet santé de la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social connaissait d'inexplicables retards d'application. Il en est ainsi des conditions de réalisation d'examens génétiques, des conditions d'exercice de la profession de préparateur en pharmacie, alors même qu'il s'agit de la transposition d'une directive européenne, des conditions du contrôle des installations de radiothérapie externe, alors même que le Gouvernement avait invoqué, à l'appui de ces mesures, de graves problèmes de sécurité sanitaire.

Il a observé, en outre, que plus de deux ans après l'adoption de la loi du 6 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, d'importantes dispositions n'étaient toujours pas applicables : il en est notamment ainsi de l'ensemble du volet du texte consacré aux thérapies génique et cellulaire adopté sur l'initiative du Sénat.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que cette carence manifeste avait justifié que la commission mandate M. Claude Huriet, rapporteur de cette loi, pour qu'il interpelle le secrétaire d'Etat chargé de la santé, mais il a constaté que, malgré les promesses du ministre en février dernier, ce dossier n'avait pas avancé.

Il a souligné que cette situation contrastait avec celle prévalant dans le domaine de l'emploi. La loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes a ainsi vu ses premiers décrets d'application publiés dès les 17 et 30 octobre 1997. Une diligence du même ordre a caractérisé la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, dont les premiers décrets d'application ont été publiés le 22 juin 1998.

Même si la commission, suivie sur ce point par le Sénat, n'avait pas approuvé ces textes, M. Jean Delaneau a estimé qu'elle ne pouvait que se réjouir, d'un point de vue institutionnel, que les lois votées par le Parlement soient appliquées sans délai.

Mais il a formulé le voeu qu'une telle diligence puisse s'appliquer aux lois d'initiative parlementaire. Il a indiqué que la commission serait particulièrement vigilante quant à l'application de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

Il a précisé que, compte tenu de la date récente de promulgation de cette loi, dont MM. Charles Descours et Claude Huriet étaient à l'origine, aucune mesure d'application n'avait encore été publiée ; les premières mesures d'application devraient toutefois être prises avant la fin de l'année pour les organismes créés par la loi dès lors que les crédits correspondants avaient été ouverts en loi de finances pour 1998.

Abordant la loi du 24 janvier 1997 instituant une prestation spécifique dépendance, issue d'une initiative de la commission, M. Jean Delaneau a constaté qu'elle rencontrait des difficultés d'application sur le terrain du fait que ne sont pas parus les textes d'application essentiels permettant la mise en place de la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.

Le retard pris dans la publication de ces textes a conduit le législateur à repousser, par l'article 139 de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, la date limite de conclusion des conventions pluriannuelles tripartites, prévue initialement le 31 décembre 1998.

Désormais, ces conventions devront être conclues, au plus tard, deux ans après la date de publication du décret tarifaire prévu par la loi du 24 janvier 1997.

En outre, toujours en application de l'article 139 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, un décret pourra fixer, compte tenu des nouvelles règles de tarification des établissements, des seuils minima, pour chaque niveau de dépendance, pour les montants de la prestation spécifique dépendance (PSD) versée aux personnes hébergées. La fixation par décret de montants minima de PSD n'est toutefois qu'une simple possibilité offerte au pouvoir réglementaire.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que restait également à paraître un décret, définissant les modalités selon lesquelles les salariés rémunérés pour assurer un service d'aide à domicile auprès d'une personne allocataire de la PSD bénéficient d'une formation. Ce décret particulièrement important semble se heurter à l'hostilité de l'administration du ministère de l'emploi et de la solidarité qui fait peu d'efforts pour hâter sa publication. La non-publication de ce décret prive de facto les intervenants à domicile du droit à la formation institué par la loi du 24 janvier 1997.

M. Alain Vasselle s'est inquiété également de la non-parution des décrets nécessaires à une mise en oeuvre dans de bonnes conditions de la prestation spécifique dépendance.

Il a souhaité également insister sur une autre forme de non-application des lois que serait la remise en cause de la loi du 25 juillet 1994 qui avait posé le principe d'une compensation intégrale des exonérations de charges sociales.

Enfin, M. Jean Delaneau, président, a souhaité informé la commission de la méthode adoptée par la commission des finances, le 22 octobre dernier, pour l'examen des différents fascicules du projet de loi de finances pour 1999.

Il a ainsi rappelé que M. Philippe Marini, rapporteur général, avait proposé l'adoption d'amendements forfaitaires de réduction du train de vie de l'Etat, complétés, le cas échéant, par des amendements ciblés d'économies.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que la commission des affaires sociales, saisie pour avis du projet de loi de finances, ne saurait naturellement émettre un avis sur les amendements de la commission saisie au fond et qu'elle ne pouvait examiner les fascicules que tels qu'ils figurent dans le projet de budget.

Il a considéré, en revanche, qu'il appartiendrait aux commissaires, et en premier lieu aux rapporteurs, d'apprécier, en séance publique, si les amendements adoptés par le Sénat allaient dans le sens des observations fondant les avis de la commission des affaires sociales et s'ils pouvaient conduire, par exemple, à voter un budget amendé sur lequel la commission aurait initialement émis un avis défavorable.