AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mercredi 24 mai 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Lois de financement de la sécurité sociale - Communication

La commission a entendu la communication des rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale sur les conclusions de leurs missions de contrôle.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait déjà entendu deux rapports d'étape consacrés respectivement aux difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), et à la gestion des exonérations de cotisations sociales. Il a indiqué que les rapporteurs présenteraient, au cours de la présente réunion, les résultats de la mission sur la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) avant de compléter, en tant que de besoin, leurs conclusions sur les deux missions précédentes et de formuler leurs observations sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

M. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a tout d'abord évoqué la mission de contrôle consacrée à la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU). Il a indiqué que la montée en charge de la CMU était régulière, mais lente, dans les organismes de base, et qu'une grande déception se faisait jour dans les organismes mutualistes et chez les assureurs.

Il a rappelé que le débat sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle s'était organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes n'était véritablement démontré : 6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que, s'il était encore trop tôt pour évoquer sérieusement un bilan financier de la CMU, les chiffres fournis par les caisses comme par les organismes de protection complémentaire semblaient bien en deçà des estimations gouvernementales s'agissant du nombre de bénéficiaires de la CMU. L'entrée en vigueur de la loi instituant une couverture maladie universelle s'était d'abord traduite, au 1er janvier 2000, par le basculement dans le régime CMU des 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide médicale des départements. Ce basculement s'était déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les départements et les caisses.

S'agissant des nouvelles demandes de CMU complémentaire, M. Charles Descours, rapporteur, a relevé que les chiffres fournis par les caisses et les organismes de protection complémentaire montraient que la montée en charge était très lente, et qu'elle n'avait concerné, presque exclusivement, que les organismes de base.

Il a fait observer qu'à la fin du mois d'avril, on était ainsi très loin des 3 millions de personnes qui devaient bénéficier du nouveau dispositif : au 21 avril 2000, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) avaient accordé le bénéfice de cette couverture à 308.761 demandeurs et 75.508 dossiers étant en instance. Ces chiffres, que ne venaient pas modifier sensiblement ceux qui provenaient de l'assurance maladie des indépendants et du régime agricole, montraient -si l'on considère qu'un dossier concerne en moyenne 2 personnes- que l'on comptait aujourd'hui environ 600.000 bénéficiaires de la CMU.

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé qu'il n'y avait donc pas eu, dans les premiers mois de l'entrée en vigueur de la CMU, de " ruée " vers ce nouveau dispositif, malgré l'ampleur des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs publics comme par les organismes de protection sociale, de base ou complémentaire.

Il a souligné que, si le nombre de nouveaux bénéficiaires de la CMU enregistrés dans les organismes de base pouvait être considéré comme faible, celui des bénéficiaires ayant fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire l'était encore plus... Ainsi, la Fédération française des sociétés d'assurance indiquait qu'elle assurait la gestion de 7.000 bénéficiaires de la CMU... Chez les organismes mutualistes, la Mutualité française revendiquait 80 à 100.000 personnes et la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles environ un millier.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que toutes les prévisions réalisées avant l'entrée en vigueur de la CMU par les organismes complémentaires avaient dû être revues à la baisse.

Il a également souligné que le " basculement " dans le régime CMU pour les 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide médicale n'avait pas toujours été synonyme d'amélioration de leur couverture médicale. Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique, les plus " sensibles " en ce qui concerne l'accès aux soins des personnes peu favorisées, certains départements offraient, au titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à celle que procurait la CMU.

Il a fait observer que " l'amélioration " de la couverture complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU allait s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement révocable. Aux termes de la loi, en effet, les bénéficiaires de l'aide médicale avaient été automatiquement basculés dans le régime CMU, sans que le niveau de leurs ressources soit encore contrôlé.

Rappelant que le contrôle des ressources devait être réalisé par les caisses avant le 30 juin 2000, M. Charles Descours, rapporteur, a expliqué que tous les responsables des caisses nationales rencontrés par les rapporteurs avaient considéré qu'ils ne parviendraient pas à effectuer cette tâche d'ici la fin du mois de juin, et plusieurs demeuraient circonspects quant à la possibilité d'y parvenir d'ici la fin du mois d'octobre.

Il a fait valoir que ce contrôle des ressources allait occasionner de mauvaises surprises aux personnes qui avaient été admises à l'aide médicale dans la vingtaine de départements dont les barèmes étaient plus favorables -voire beaucoup plus favorables- que celui de la CMU. Ces personnes perdraient, en effet, le bénéfice de l'aide médicale, et l'institution de la CMU se traduirait, pour elles, par un recul de leurs droits.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les mesures réglementaires d'application de la loi avaient inutilement aggravé la complexité du dispositif, occasionnant ainsi erreurs, perte de temps et incompréhensions.

Il a expliqué que ce n'était pas un, mais deux nouveaux métiers, dont les agents des caisses de sécurité sociale avaient dû faire l'apprentissage pour mettre en oeuvre la CMU : en effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ", ni les ressources prises en compte n'étaient identiques pour la CMU de base et la CMU complémentaire. La très grande complexité des règles avec lesquelles devaient, au quotidien, " jongler " les agents des caisses et qui n'avaient pas toujours de fondement logique était source de beaucoup de perte de temps et d'erreurs.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que l'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls salariés, empêchait toute automatisation des procédures de contrôle des ressources, toute référence aux déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration avec les services des administrations fiscales et sociales, toute réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance maladie. Elle obligeait les agents des caisses à un long travail manuel de reconstitution des ressources, qui serait malheureusement à recommencer chaque année sur les mêmes bases et selon les mêmes méthodes.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que les formulaires étaient impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et parfois erronés ou incomplets et qu'il avait l'intention de publier, dans son rapport écrit, un certain nombre de lettres et documents récoltés à l'occasion de la mission de contrôle qui en témoignaient.

Outre ces dysfonctionnements, il a également tenu à rappeler que la mise en oeuvre de la CMU avait contribué à d'importants retards dans le traitement des feuilles de soins. Devant affronter, malgré le faible nombre de " nouveaux " bénéficiaires de la CMU, une augmentation de la fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées supérieures au plafond, les agents des caisses avaient accompli un travail remarquable et fait preuve de beaucoup de patience.

M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué que 10 millions de feuilles de soins étaient toutefois en souffrance fin janvier dans les CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le courant du seul mois de janvier. Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli en moyenne, chaque semaine, 105.737 personnes venant demander des renseignements ou déposer des dossiers. Les retards importants dans le traitement des dossiers qui avaient résulté de cet accroissement significatif d'activité avaient nécessité des mesures urgentes. Ainsi, la CPAM de Paris avait décidé de fermer ses guichets et de ne plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4, 11 et 18 mai. De même, de nouveaux personnels avaient dû être recrutés : 1.400 embauches en octobre, puis 600 emplois supplémentaires en février -dont 500 emplois-jeunes- et 2.000 mois de CDD.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que les conditions d'application de la CMU avaient également aggravé son caractère " non partenarial ". Il a rappelé que le Sénat avait dénoncé, lors de la discussion du projet de loi, le caractère très insuffisamment partenarial du projet gouvernemental, tant en ce qui concernait la définition du panier de soins qu'au regard des modalités pratiques d'exercice du droit à la CMU.

Il a jugé que cette critique se révélait plus que confirmée dans la mise en oeuvre de la loi : non seulement le contenu du panier de soins avait été insuffisamment négocié, mais, dans sa mise en oeuvre, la CMU s'était éloignée encore un peu plus d'un scénario partenarial.

Evoquant le contenu du " panier de soins ", M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que les conditions de préparation des textes réglementaires n'avaient permis aucun accord véritable, compromettant ainsi l'applicabilité des textes et l'adhésion des professionnels à la réforme : alors que la loi était promulguée depuis la fin du mois de juillet, les négociations n'avaient pu débuter qu'à la fin du mois d'octobre.

Il a jugé que le caractère non négocié des dispositions réglementaires concernant le panier de soins se lisait également dans la définition des actes pris en charge au titre de la CMU. Ainsi, selon un chirurgien-dentiste rencontré par les rapporteurs, la liste des actes remboursables comportait des actes qui ne sont plus pratiqués depuis des dizaines d'années, comme les " couronnes ajustées " ou " façonnées ", ou les " dents à tube "...

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que, si la majorité des professionnels concernés par les tarifs ministériels avait une clientèle variée et ne subirait pas de préjudice économique grave du fait de l'institution de la CMU, il n'en était pas de même de tous ceux qui exerçaient dans des quartiers, villes ou villages défavorisés et dont une proportion importante de la clientèle bénéficierait des " tarifs CMU ", des " prothèses CMU " et des " lunettes CMU ", vendues bien évidemment avec des taux de marge très faible. Il en serait évidemment de même pour beaucoup de centres de santé.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que le caractère" non partenarial " de la mise en oeuvre de la CMU résultait aussi des nombreuses " mauvaises manières " faites aux organismes de protection complémentaire.

Il a rappelé que les 3,1 millions d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale, qui avaient été " basculés " automatiquement, au 1er janvier 2000, dans le régime CMU, n'avaient, à aucun moment, eu le choix de l'organisme gestionnaire de leur protection complémentaire. Il a ajouté que des mutuelles, qui l'auraient pourtant souhaité, avaient beaucoup tardé à être inscrites sur les listes préfectorales, et que le ministère leur avait longtemps refusé de disposer des imprimés administratifs de demande de CMU.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que l'absence de procédure nationale de tiers payant coordonné dégradait considérablement les conditions d'un véritable partenariat entre organismes de base et organismes complémentaires. A ce jour en effet -soit près de six mois après l'entrée en vigueur de la CMU-, les deux arrêtés devant définir les modalités pratiques des deux procédures de tiers payant n'étaient toujours pas publiés. Certains responsables de caisses d'assurance maladie rencontrés par les rapporteurs en tiraient de bonne foi argument pour indiquer aux bénéficiaires de la CMU qu'ils n'avaient, pour l'instant, pas intérêt à confier la gestion de leur couverture complémentaire à une mutuelle ou une assurance...

M. Charles Descours, rapporteur, a conclu qu'il résultait de l'ensemble de ces éléments beaucoup d'incertitudes et de tracasseries inutiles pour les bénéficiaires -en moindre nombre que ce qui était prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi pour les professionnels de santé libéraux, pour les établissements de santé et pour les centres de santé. Il en résultait aussi, pour les organismes de protection complémentaire, une déception à la mesure de leur degré d'implication dans la réussite de cette réforme.

M. Charles Descours, rapporteur, a formulé le souhait que les observations résultant de ce travail de contrôle soient prises en compte par le Gouvernement, dans l'intérêt de tous.

M. Jean Delaneau, président, a observé que les critiques adressées par le rapporteur aux conditions de mise en oeuvre de la CMU étaient dans le prolongement logique de celles qui avaient été formulées par le Sénat lors de la discussion du projet de loi instituant une couverture maladie universelle.

M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse,
a évoqué la situation des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse qui, à ce titre, étaient éligibles à l'aide médicale dans de nombreux départements, comme celui de l'Oise. Il a rappelé que ces personnes bénéficiaient automatiquement de la CMU au cours des premiers mois de cette année, mais qu'elles en seraient exclues dès que serait effectué le contrôle des ressources prévu par la loi. Il a critiqué l'invitation faite aux départements par la ministre de l'emploi et de la solidarité à prendre le relais, sans compensation financière, rappelant que les départements qui avaient été les plus " généreux " en matière d'aide médicale avaient déjà été pénalisés une première fois en devant contribuer plus que les autres au financement de la CMU.

M. François Autain
, constatant que le rapporteur avait principalement évoqué les réactions des professionnels de santé, des agents des caisses de sécurité sociale et des organismes de protection complémentaire, a rappelé que la CMU avait été mise en place pour améliorer la couverture médicale de ses bénéficiaires, et a indiqué qu'il souhaiterait connaître leur appréciation sur le dispositif mis en place.

M. Jean Chérioux a rappelé que le panier de soins remboursables au titre de la CMU était beaucoup moins favorable que celui qui avait été garanti aux titulaires de la carte Paris Santé. Il a considéré que, si les décrets d'application étaient complexes, la loi l'était parfois aussi. Il a interrogé le rapporteur sur les possibilités d'échanges d'informations entre les caisses d'allocations familiales et les caisses primaires d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction des dossiers de demande de CMU.

M. Claude Huriet a demandé au rapporteur s'il avait eu des contacts avec les associations impliquées dans la lutte contre l'exclusion, où en était la procédure engagée au niveau européen par la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles à l'encontre de la CMU, et si les retards constatés dans le traitement des feuilles de soins par les caisses primaires étaient susceptibles d'avoir eu une influence sur les comptes de l'assurance maladie.

M. Alain Gournac a considéré que, telle qu'elle avait été instituée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU constituait une véritable " usine à gaz ". Il s'est insurgé contre la complexité des formulaires de demande de CMU que devaient remplir des personnes en difficulté. Il a estimé qu'il était de la responsabilité des parlementaires d'alerter le Gouvernement sur les dysfonctionnements constatés dans la mise en oeuvre des lois.

M. Michel Esneu a fait siens les propos de M. Jean Chérioux et a indiqué que les conseils généraux étaient actuellement très préoccupés de la situation des ex-bénéficiaires de l'aide médicale qui seraient prochainement radiés de la CMU parce que leurs ressources dépassaient le plafond qui avait été fixé par décret. Il a estimé que l'immigration clandestine était de moins en moins bien maîtrisée et que ce phénomène aurait sans nul doute des conséquences sur le nombre de demandeurs de la CMU.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur l'amélioration de la couverture médicale en France du fait de l'institution de la CMU et sur le degré de satisfaction de ses bénéficiaires. Il a demandé au rapporteur pourquoi les 3,1 millions d'ex-bénéficaires de l'aide médicale n'avaient pas été consultés sur le choix d'un organisme de protection complémentaire, et si la situation des locataires était différente de celle des propriétaires au regard du droit à la CMU.

M. Jean-Louis Lorrain
a indiqué qu'il aurait été bon d'auditionner l'Association des départements de France. Il a évoqué l'immigration clandestine et la situation en Guyane, et a estimé qu'il serait judicieux que le Parlement se dote d'un Observatoire permanent de la protection sociale.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé qu'il était un peu tôt, compte tenu de la lente montée en charge de la CMU, pour enquêter sérieusement sur le degré de satisfaction des bénéficiaires, et qu'il conviendrait, dans les prochains mois, de rencontrer tant les associations que l'Association des départements de France pour évoquer cette question. Il a toutefois estimé que les prochaines radiations d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale susciteraient beaucoup d'incompréhensions. Il a rappelé que l'automatisation des échanges d'informations avec les caisses d'allocations familiales était difficile compte tenu de la règle des " douze mois glissants ". Il a indiqué que le retard de traitement des feuilles de soins correspondait à six jours de stock, et que le recours de la Fédération interprofessionnelle des mutuelles n'avait pas encore été jugé. Il a affirmé que la question de l'immigration avait été évoquée à l'initiative des responsables de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris à l'occasion de la visite d'un centre dans le 20e arrondissement. Il a indiqué que les avantages liés au logement étaient pris en compte pour les occupants à titre gratuit ou pour les propriétaires de leur appartement. Il a rappelé que ce n'est qu'après l'opération de contrôle de leurs ressources que les ex-bénéficiaires de l'aide médicale se verraient proposer de confier la gestion de leur couverture complémentaire à une mutuelle ou une société d'assurances.

M. Jacques Machet, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour la famille, a rappelé qu'il avait déjà présenté, le 1er mars 2000, un bilan d'étape de la mission de contrôle consacrée aux difficultés des caisses d'allocations familiales. Il a indiqué que les rapporteurs avaient, depuis cette date, auditionné la présidente et le directeur de la CAF de Grenoble et obtenu communication du rapport définitif de l'Inspection générale des affaires sociales. Il a souligné que les conclusions auxquelles étaient parvenus les rapporteurs au terme de cette mission de contrôle s'inscrivaient dans la droite ligne des analyses formulées le 1er mars dernier.

M. Jacques Machet, rapporteur, a fait valoir que les caisses d'allocations familiales avaient rencontré de sérieuses difficultés de fonctionnement au cours de l'année 1999. Ces difficultés, qui avaient touché particulièrement la région parisienne, avaient conduit à une nette dégradation du service rendu au public et traduisaient, plus généralement, une incapacité de la branche famille à respecter les engagements de qualité prévus par la convention d'objectifs et de gestion.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que les plans d'action successifs engagés par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et les CAF avaient porté leurs fruits et que la situation s'était nettement améliorée au cours des derniers mois. Les caisses de la région parisienne avaient notamment réussi à diminuer leur stock de dossiers en retard et avaient amélioré les délais d'attente à l'accueil.

Soulignant que cette amélioration restait toutefois fragile, M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé qu'il conviendrait donc d'attendre l'été prochain -et les tensions que générait habituellement cette période de l'année- pour mesurer si les difficultés étaient définitivement résorbées.

Il a considéré que les origines de ces dysfonctionnements étaient multiples : les difficultés tenaient à la conjonction d'un facteur conjoncturel que l'on pouvait espérer transitoire -la mise en place d'un nouveau système informatique en Ile-de-France-, et d'un élément structurel plus préoccupant : l'application d'un droit excessivement complexe à des publics de plus en plus fragilisés.

Il a constaté que la branche famille était aujourd'hui au coeur de la lutte contre l'exclusion et que les missions qu'elle exerçait, à titre gratuit, pour le compte de l'Etat (gestion du revenu minimum d'insertion, de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)) s'avéraient particulièrement lourdes et s'effectuaient souvent au détriment de la mission première de la branche, qui était d'aider et de soutenir les familles.

M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que la décision du Gouvernement d'autoriser la création de 900 postes dans les CAF apparaissait comme un choix éminemment politique, qui résultait plus d'un souci d'apaisement que d'une réelle volonté de renforcer les moyens dont disposait la branche : une part -non définie- de ces emplois constituait en effet un acompte sur les créations d'emplois nécessaires pour compenser la réduction du temps de travail.

Il a fait observer qu'en demandant la création de 1.100 emplois, la branche famille avait, à l'évidence, choisi une solution de facilité qui lui permettait de faire l'économie d'une réflexion sur ses modes de fonctionnement et de rassembler ses personnels autour d'une idée simple et toujours porteuse. La création de ces nouveaux emplois constituait également une solution de facilité pour le Gouvernement qui pouvait ainsi donner satisfaction à la branche tout en refusant de se prononcer sur le bien-fondé de cette demande et en conservant en réalité toute latitude sur les créations nettes d'emplois.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré que la création de ces nouveaux emplois pouvait certes apporter une bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en difficultés. Il a estimé qu'il était cependant douteux que cette solution de facilité permette de faire l'économie d'une simplification du droit et de réels efforts de réorganisation interne.

Il a estimé que cette entreprise de simplification du droit n'était pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet politique et il a formulé le souhait que la prochaine conférence de la famille, qui devait se réunir le 15 juin 2000, soit l'occasion, pour le Gouvernement, d'annoncer des décisions fortes et effectives en ce domaine.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que la négociation sur l'application de la réduction du temps de travail dans la branche famille fournissait une occasion unique de repenser les modalités de l'organisation du travail dans les CAF, d'introduire davantage de souplesse et de flexibilité, et d'améliorer ainsi l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager.

Il a fait valoir que la branche famille semblait avoir pris conscience de cette nécessité, puisqu'elle avait présenté, en mars 2000, un plan d'action dont l'un des axes visait précisément à " agir sur l'organisation, les processus et la relation de service ". Il a souhaité que ce plan d'action ambitieux ne reste pas à l'état de voeu pieux et que les chantiers qui avaient été ainsi ouverts soient menés à bien.

M. Louis Souvet a souligné la charge que représentait pour les CAF la gestion, pour le compte de l'Etat, d'un certain nombre de prestations, dont le revenu minimum d'insertion.

M. Philippe Nogrix a fait observer que les difficultés que rencontraient certaines caisses d'allocations familiales avaient conduit ces organismes à affecter au traitement des dossiers des personnels habituellement en charge de l'action sociale.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que l'Etat devrait rembourser à la branche famille le coût de gestion des prestations que celle-ci versait pour son compte. Il a indiqué que les rapporteurs avaient pu effectivement constater, lors de leurs déplacements sur le terrain, le phénomène évoqué par M. Philippe Nogrix.

Evoquant la mission sur les exonérations de cotisations de sécurité sociale, M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé les principales observations qu'il avait formulées le 21 mars dernier. Il a souligné la complexité des dispositifs d'exonération (36 mécanismes différents, 150 textes d'application) et la lourdeur de leur gestion tant pour les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) que pour les entreprises ; il a conclu à une nécessaire simplification.

Soulignant que les trois missions de contrôle, dont les résultats avaient été présentés à la commission, s'inscrivaient dans un contexte, celui de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué le souhait des rapporteurs de formuler, dans ce cadre, trois observations.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est fait tout d'abord l'écho de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier et au cours de laquelle le Gouvernement a présenté les comptes du régime général pour 1999 et les nouvelles prévisions pour 2000. Se réjouissant que les comptes sociaux soient revenus à l'équilibre, il a toutefois souligné que ce résultat était atteint au prix d'un alourdissement massif, au cours des dernières années, des prélèvements sociaux, amplifié aujourd'hui par une conjoncture exceptionnellement favorable.

Il a observé, en revanche, que le Gouvernement entérinait d'ores et déjà un nouveau dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) venant après les graves dérives observées en 1998-1999, de sorte que le Parlement assiste à l'affectation de recettes supplémentaires à des dépenses supplémentaires.

Il a constaté que la branche famille du régime général était largement à l'origine de l'excédent prévisionnel global affiché par le régime général tandis que la branche maladie restait déficitaire.

Au total, il a considéré qu'en dépit des apparences, les résultats obtenus en 1999-2000 n'étaient pas satisfaisants, car tout retournement, voire tout ralentissement de conjoncture, ferait basculer les comptes sociaux à nouveau dans le déficit en l'absence d'une véritable réflexion sur l'efficacité des dépenses.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite déploré l'absence de collectif social.

Il a rappelé que le Président de la République, en promulguant la loi relative aux trente-cinq heures le 13 janvier 2000, amputée de la taxation des heures supplémentaires annulée par le Conseil constitutionnel, avait souligné que le respect des prérogatives du Parlement devait conduire le Gouvernement à présenter un projet de loi de financement rectificative modifiant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de tenir compte de la disparition de 7 milliards de francs de recettes.

Il a souligné que le ministère de l'emploi et de la solidarité avait réagi par un communiqué passablement polémique et inutilement discourtois, considérant que les lois de financement ne comportant pas d'article d'équilibre, le Gouvernement n'allait pas réunir le Parlement " à la première grippe ".

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que cette conception des lois de financement de la sécurité sociale apparaissait très réductrice : en premier lieu, il était incongru d'assimiler une décision du Conseil constitutionnel à une " première grippe " ; en second lieu, il était inexact d'évacuer toute notion d'équilibre des lois de financement puisque la Constitution les définissait ainsi : " les lois de financement déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ".

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que, fort de cette interprétation a minima de la réforme constitutionnelle de 1996, le Gouvernement avait entrepris -il n'y a que le premier pas qui coûte- de modifier de son propre chef les objectifs de dépenses votés par le Parlement. Certes, ces objectifs de dépenses pouvaient ne pas être atteints en raison de la conjoncture, du comportement des assurés ou des prescripteurs, voire des épidémies de grippe. Quand bien même l'objectif de dépenses serait dépassé, les remboursements par l'assurance maladie par exemple n'en cesseraient pas pour autant. Mais, dans le cas présent, il s'agissait de décisions du Gouvernement annonçant en mars dernier " une nouvelle étape hospitalière " et modifiant, ce faisant, l'objectif de dépenses de la branche maladie de près de 2 milliards de francs et l'ONDAM de plus de 1 milliard de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré, par conséquent, que seule une loi de financement rectificative était à même de modifier, de façon volontariste, les objectifs figurant dans une loi de financement initiale : seul le Parlement pouvait revenir sur ce qu'il avait voté.

Il a jugé grave la démarche du Gouvernement car il ne subsistait plus rien de la loi de financement si, à la fois, son équilibre pouvait être bouleversé et si les objectifs de dépenses pouvaient être modifiés par voie réglementaire.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite évoqué les inquiétudes des rapporteurs quant à l'avenir de la branche famille.

Il a rappelé que, lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999, le Premier ministre avait annoncé la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et le transfert progressif de sa prise en charge du budget de l'Etat vers la branche famille. Parallèlement, l'Etat devait reprendre à sa charge le financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille (FASTIF). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 avait ainsi inscrit dans les dépenses de la branche famille une partie de la majoration de l'ARS à hauteur de 2,5 milliards de francs. L'Etat s'engageait pour sa part à financer le solde, soit 4,5 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que cette somme aurait dû, en toute logique, figurer dans le projet de loi de finances pour 2000. Il a constaté qu'il n'en avait rien été et qu'il n'avait pas davantage été fait mention de la somme -près de 1 milliard de francs- correspondant au remboursement par l'Etat à la branche famille des dépenses relatives au FASTIF, conformément à l'annonce du Premier ministre.

Il a souligné que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, interrogée par la commission sur ce point, avait indiqué que le financement de ces deux mesures figurerait dans le collectif budgétaire de 2000.

M. Charles Descours, rapporteur, a fait observer que le projet de loi de finances rectificative, qui venait d'être adopté par l'Assemblée nationale, restait cependant totalement silencieux sur ces deux points.

Il en a conclu qu'il n'y avait dès lors que deux hypothèses : ou ce collectif budgétaire n'était pas sincère, puisqu'il n'intégrait pas deux dépenses pourtant certaines, ou il traduisait le renoncement aux engagements pris par le Premier ministre et une atteinte d'une exceptionnelle gravité à l'équilibre financier de la branche famille.

Dans le premier cas, outre l'insincérité budgétaire, le Gouvernement faisait supporter une charge de trésorerie considérable à la branche famille, puisque celle-ci versait l'ARS aux familles au mois de septembre 2000 et qu'elle ne serait remboursée par l'Etat que début 2001, après la promulgation du collectif de fin d'année.

M. Charles Descours, rapporteur, a expliqué que, dans le second cas, la non-inscription des dépenses liées à la majoration de l'ARS et au FASTIF dans le collectif de printemps pouvait être le signe d'un refus, par le Gouvernement, de respecter les engagements pris et les mesures annoncées par le Premier ministre. Si le Gouvernement revenait sur ses engagements, la branche famille verrait, dès 2000, ses dépenses au titre de l'ARS augmenter de 7 milliards de francs par an. Elle ne bénéficierait même plus de la très modeste compensation qu'aurait pu constituer la prise en charge du FASTIF par le budget de l'Etat.

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que la débudgétisation deviendrait alors totale : l'Etat se serait ainsi déchargé sur la branche famille d'une dépense annuelle et récurrente de 7 milliards de francs qu'il assumait jusqu'alors et qu'il avait lui-même créée. Une telle décision ne ferait qu'accroître les charges de la branche famille : elle n'apporterait rien de plus aux familles pour qui l'ARS était déjà, de facto, pérennisée au niveau de 1.600 francs depuis 1997.

M. François Autain a souhaité connaître l'impact sur les comptes de la branche maladie de la " nouvelle étape hospitalière " annoncée par le Gouvernement.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que cette " nouvelle étape " était financée environ pour moitié par le budget de l'Etat et pour l'autre moitié par l'assurance maladie. Si le Gouvernement avait bien inscrit les crédits nécessaires dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, actuellement en instance d'examen au Sénat, il avait modifié, de son propre chef, les objectifs de dépenses de la loi de financement pour ce qui concerne les dépenses à la charge de l'assurance maladie.

M. Jean Delaneau, président, a constaté que ces dernières dépenses manquaient, en quelque sorte, de base légale.

La commission a approuvé les conclusions des rapporteurs et a décidé de les présenter sous la forme d'un rapport d'information.

Jeudi 25 mai 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Sécurité sanitaire - Auditions publiques

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions publiques sur la sécurité sanitaire.

M. Jean Delaneau, président, a précisé qu'à cette réunion exceptionnelle de la commission des affaires sociales, avaient été conviés l'ensemble des sénateurs et que M. le Président du Sénat avait bien voulu accepter d'en clôturer les travaux en fin d'après-midi. Il s'est félicité de la qualité des intervenants qui s'étaient mobilisés pour cette journée d'auditions, notamment M. David Byrne, commissaire européen chargé de la protection de la santé et des consommateurs, et a constaté que le public était venu nombreux assister à ces auditions. Il a indiqué qu'elles feraient l'objet d'un compte rendu intégral qui serait publié.

Puis, M. Jean Delaneau, président, a donné la parole, en guise d'introduction du débat, à MM. Charles Descours et Claude Huriet, coauteurs de la proposition de loi dont est issue l'importante loi du 1er juillet 1998 dont M. Claude Huriet a été le rapporteur.

M. Charles Descours a souligné l'intérêt constant porté par la commission des affaires sociales aux questions relatives à la sécurité sanitaire. Il a rappelé que l'Agence du médicament et l'Etablissement français des greffes avaient été institués, en 1993 et 1994, à la suite d'amendements déposés par les rapporteurs de la commission, et que celle-ci avait publié, en 1996, un rapport d'information sur la veille et la sécurité sanitaires dont les conclusions avaient été reprises dans une proposition de loi qui avait été adoptée par le Parlement. Il s'est félicité que les dispositions de la loi du 1er juillet 1998, issue de cette proposition de loi, aient reçu le soutien successif des gouvernements dirigés par MM. Alain Juppé et Lionel Jospin.

M. Claude Huriet a indiqué que la commission des affaires sociales était attentive au suivi de l'application des textes législatifs, estimant que le travail du législateur ne s'arrêtait pas au vote de la loi. Il a déclaré que ce souci se traduisait par une attention constante portée au contenu et aux délais de publication des textes d'application de la loi et, dans la circonstance, aux conditions de fonctionnement des agences de sécurité sanitaire et de l'Institut de veille sanitaire institués par la loi du 1er juillet 1998.

Evoquant le contexte dans lequel intervenait la journée d'auditions, M. Claude Huriet a notamment cité l'adoption par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi instituant une Agence santé-environnement, les projets de la Commission européenne tendant à créer une autorité de sécurité sanitaire des aliments. Il s'est félicité de l'influence positive qu'avait pu avoir la loi du 1er juillet 1998 au niveau européen, tant en ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments que celle des dispositifs médicaux.

Audition de M. Martin Hirsch, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, M. Philippe Duneton, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et M. Jacques Drucker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire

La commission a procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, M. Philippe Duneton, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et M. Jacques Drucker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire.

M. Martin Hirsch
a rappelé que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments avait été créée dans un contexte sensible, la sécurité sanitaire des aliments devenant un objectif prioritaire des pouvoirs publics, et qu'elle s'était vu confier la mission délicate d'éclairer, sans la lier, l'autorité investie du pouvoir de décision. Il a affirmé que l'importance des conséquences sanitaires, économiques, sociales ou diplomatiques des décisions prises en la matière imposait une rigueur toute particulière du travail d'évaluation des risques, qui devait répondre à des critères de transparence, de rapidité, et d'excellence de l'expertise. Il a indiqué qu'il avait entendu mettre en place une organisation permettant de répondre rapidement aux situations de crise et d'anticiper les risques à venir.

M. Philippe Duneton a rappelé que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé devait assumer quatre métiers différents, l'évaluation, les contrôles, l'inspection ainsi que la diffusion et le traitement d'informations relatives à la sécurité sanitaire. Il a ensuite rappelé les travaux menés par l'Agence, tant en ce qui concerne les médicaments génériques que les nouveaux produits de santé que la loi du 1er juillet 1998 avaient fait entrer dans son champ de compétences. Il a fait part de la prochaine publication de deux textes réglementaires d'application de cette loi : le décret concernant les dispositifs à risques particuliers, qui va prochainement être notifié à la Commission européenne, et celui concernant l'assurance de qualité des dispositifs médicaux.

M. Jacques Drucker a défini les deux priorités de l'Institut de veille sanitaire : l'alerte et l'aide aux pouvoirs publics en cas de menaces sanitaires et la construction d'un outil permanent de surveillance épidémiologique. Il a indiqué que l'Institut employait désormais 140 personnes et disposait d'un budget de 115 millions de francs, et qu'il était organisé en départements tels que ceux consacrés aux maladies infectieuses, à la santé et à l'environnement, à la santé au travail, et aux maladies chroniques et traumatismes. Il a également rappelé que l'Institut gérait le système de surveillance des maladies à déclaration obligatoire et mis l'accent sur les difficultés rencontrées cette année dans la remontée de ces déclarations, en raison d'un mouvement social des médecins inspecteurs de la santé.

MM. Martin Hirsch, Philippe Duneton et Jacques Drucker ont ensuite répondu aux questions de MM. Charles Descours, Claude Huriet, François Autain, Serge Franchis, Francis Giraud, Mmes Marie-Claude Beaudeau et Gisèle Printz.

Audition de Mme Marie-José Nicoli, présidente de l'Union fédérale des consommateurs

Puis la commission a entendu Mme Marie-José Nicoli, présidente de l'Union fédérale des consommateurs.

Mme Marie-José Nicoli
a affirmé que l'Union fédérale des consommateurs avait souhaité transformer les chocs émotionnels ressentis par les consommateurs, à l'occasion des nombreuses crises concernant la sécurité sanitaire des aliments, en une réelle détermination à jouer un rôle plus actif, notamment dans les domaines de la sécurité et de la qualité des aliments ainsi que de leur mode de production. Elle a indiqué que, dans un contexte où les consommateurs manifestent de nouvelles exigences et où l'alimentation a profondément évolué, l'Union fédérale des consommateurs procédait à de plus en plus d'analyses et de tests sur les produits, les aliments, l'air, l'eau et le sol. Elle a souligné les nombreuses inquiétudes qui en résultaient, concernant notamment les résidus de pesticides, les polluants environnementaux et les activeurs de croissance. Affirmant que les associations de consommateurs avaient été agréablement surprises par la réactivité de la toute nouvelle Agence française de sécurité sanitaire des aliments, elle a regretté l'absence de publication des décrets d'application de la loi du 1er juillet 1998 concernant les consommateurs et estimé qu'il serait légitime que le législateur s'en inquiète auprès du Gouvernement. Elle a affirmé que son organisation avait fait le choix de ne pas siéger au conseil d'administration de l'Agence car elle ne souhaitait pas être juge et partie.

Mme Marie-José Nicoli a ensuite répondu aux questions posées par MM. Claude Huriet, Charles Descours, Alain Vasselle et Alain Gournac.

Audition de M. Pierre Le Sourd, président de la commission des affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales du syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP), de M. Jacques Dumont, président du syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM), et de M. Victor Scherrer, président de l'Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA)

La commission a alors procédé à l'audition de M. Pierre Le Sourd, président de la commission des affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales du syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP), de M. Jacques Dumont, président du syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM), et de M. Victor Scherrer, président de l'Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA).

M. Pierre Le Sourd
a jugé que l'action menée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Agence européenne du médicament était très positive, et que le dispositif de pharmacovigilance était désormais très performant. Il s'est ainsi félicité que le signalement des effets indésirables des médicaments puisse désormais être immédiatement connu dans tous les pays. Il a estimé que les agences avaient fait des progrès pour raccourcir le délai de mise sur le marché des médicaments.

M. Jacques Dumont a souligné la spécificité de l'industrie des dispositifs médicaux, caractérisée par la grande diversité de ses productions. Il a regretté que le décret d'application de la loi du 1er juillet 1998 concernant la maintenance des dispositifs médicaux ne soit toujours pas publié. Il a souligné que les actions entreprises en vue d'éviter le " bogue " de l'an 2000 avaient mis en évidence la faible connaissance, par les autorités sanitaires, du parc des appareils installés dans les établissements de santé. Il s'est félicité de la promesse faite par Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat chargé de la santé et des handicapés, d'introduire dans le projet de loi de modernisation sociale une disposition, écartée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, prévoyant un environnement et une formation spécifiques pour utiliser certains dispositifs médicaux innovants.

M. Victor Scherrer a rappelé que l'industrie agro-alimentaire française était la première dans le monde, devant les Etats-Unis, et souligné l'enjeu des questions de sécurité sanitaire, cette industrie ayant un chiffre d'affaires de 816 milliards de francs. Evoquant la création de l'AFSSA, il a souligné la nécessité de bien séparer l'évaluation et la gestion du risque et regretté la faiblesse quantitative de l'expertise en France.

Il s'est déclaré disposé à mettre au service de l'Agence les travaux menés par les experts de l'industrie, étant entendu que ces derniers peuvent fournir de l'information mais en aucun cas participer à la rédaction des avis de l'Agence. Il a regretté que les industriels, à la différence des associations de consommateurs, ne soient pas autorisés par la loi à saisir l'Agence.

MM. Pierre Le Sourd, Jacques Dumont et Victor Scherrer ont ensuite répondu aux interventions de MM. Claude Huriet, Alain Gournac, Charles Descours et Mme Marie-Madeleine Dieulangard.

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a poursuivi les auditions publiques sur la sécurité sanitaire.

Audition de Mme Michèle Biétry, journaliste au Figaro, M. Paul Benkimoun, journaliste au Monde, et de Mme Marina Mielczarek, journaliste à Radio France internationale (RFI) et France Culture

La commission a procédé à l'audition de Mme Michèle Biétry, journaliste au Figaro, M. Paul Benkimoun, journaliste au Monde, et de Mme Marina Mielczarek, journaliste à Radio France internationale (RFI) et France Culture.

Mme Michèle Biétry
a estimé que le système institutionnel de gestion de la veille et de la sécurité sanitaires issu de la loi du 1er juillet 1998 s'était alors alourdi et n'était pas encore très satisfaisant. Elle a jugé que l'information concernant les encéphalophaties spongiformes bovines, fournie par l'AFSSA aux journalistes, était très positive et a affirmé que le site internet de l'Agence était de bonne qualité. En revanche, excluant toutefois toute mauvaise volonté de la part des responsables de l'Institut de veille sanitaire ou de l'AFSSAPS, elle a souligné les grandes difficultés rencontrées par les journalistes pour obtenir de l'information auprès de ces institutions. Elle a indiqué que, concernant le médicament, elle devait se connecter sur le site de la Food and Drug Administration (Etats-Unis) pour disposer de l'ensemble des données recherchées. Elle a estimé que le ministère de l'agriculture avait gardé tous ses pouvoirs et sa capacité de rétention de l'information.

M. Paul Benkimoun a rappelé que le site de la Commission à Bruxelles ne constituait pas non plus un modèle de rapidité pour la mise en ligne des rapports. Il a souligné la difficulté rencontrée par les journalistes pour répondre aux attentes des lecteurs qui traduisent à la fois des exigences démocratiques et des craintes souvent irrationnelles. Il a affirmé qu'en matière de sécurité sanitaire, le métier de journaliste exigeait de restituer des connaissances mais aussi des incertitudes. Il a indiqué que le journaliste devait donner toutes les informations relatives à des produits ou des situations menaçant la sécurité sanitaire, mais qu'il se devait également d'évoquer les avancées accomplies. Il a aussi estimé que le journaliste devait manifester une vigilance toute particulière en ce qui concerne la qualité et la hiérarchie de l'information.

Mme Marina Mielczarek a d'abord rappelé la spécificité de l'exercice de son métier de journaliste à la radio où des réponses sont toujours demandées dans l'urgence et où les services de reportage, qui sont sollicités, ne sont évidemment pas composés de journalistes experts dans tous les domaines. Dans ce contexte, elle a souligné l'importance que revêtait la possibilité de trouver des informations précises sur les sites internet des institutions chargées de la sécurité sanitaire. Elle a aussi estimé que les journalistes devaient veiller, dans leur travail, à ne pas toujours s'adresser aux mêmes experts.

A la demande de M. Jean Delaneau, président, M. Martin Hirsch, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et M. Jacques Drucker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire, ont accepté de réagir au point de vue des journalistes ; M. Lucien Neuwirth est également intervenu.

Audition de M. Marc Eloit, membre du comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles, membre du conseil scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), et M. Georges Bories, président du Comité scientifique de l'alimentation animale (Commission européenne - Direction générale, santé et protection des consommateurs)

Puis la commission a entendu M. Marc Eloit, membre du comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles, membre du conseil scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), et M. Georges Bories, président du Comité scientifique de l'alimentation animale (Commission européenne - Direction générale, santé et protection des consommateurs).

M. Marc Eloit a évoqué, à partir du cas de la gestion de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, les contextes d'urgence et d'incertitude dans lesquels s'inscrivent les interventions des experts. Citant l'exemple des avis apparemment divergents rendus par le comité d'experts français placé auprès de l'AFSSA et le comité scientifique directeur européen, il a affirmé que les questions posées à ces deux instances n'étaient pas identiques, ce qui expliquait au moins en partie l'absence de convergence des réponses apportées. Il a aussi mis l'accent sur les difficultés du travail d'expert, en raison notamment de l'insuffisante valorisation de l'expertise en France.

M. Georges Bories a lui aussi évoqué les contraintes spécifiques de l'expertise, qu'il a en partie expliquées par la grande parcellisation de la science. Il a également souligné que l'activité d'expertise était une activité humaine, avec ses faiblesses, et qu'elle était réalisée par des personnes qui, bien qu'elles disposent d'un niveau de connaissances équivalent, étaient toujours un peu marquées par leurs parcours ou les traits de leur personnalité.

MM. Marc Eloit et Georges Bories ont ensuite répondu aux questions de MM. Charles Descours, Lucien Neuwirth, François Autain, Jean Delaneau, président et Claude Huriet.

Audition de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés et Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat chargée des PME, du commerce, de l'artisanat et de la consommation

La commission a alors entendu M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés et Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat chargée des PME, du commerce, de l'artisanat et de la consommation.

M. Jean Glavany
a d'abord évoqué les modifications récentes du dispositif français dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, avec la création de l'AFSSA et du comité national de la sécurité sanitaire, mais aussi les conséquences de plusieurs textes législatifs qui ont permis de renforcer la surveillance et le contrôle des différents maillons de la chaîne alimentaire Il a rappelé que le ministère de l'agriculture avait organisé une plus grande indépendance de ses services de réglementation et de contrôle. Il a ensuite évoqué les évolutions engagées au niveau communautaire et international, avec le livre blanc sur la sécurité alimentaire, publié le 12 janvier dernier par la Commission européenne, et le débat, désormais engagé au sein de l'OCDE, autour de la création d'une autorité alimentaire mondiale, qui demeure cependant un projet dont la réalisation ne peut être envisagée à brève échéance. Enfin, il a rappelé que le Premier ministre avait annoncé, en octobre 1999, le lancement des Etats généraux de l'alimentation.

Mme Dominique Gillot a décrit le dispositif institutionnel réformé à la suite de l'adoption de la loi du 1er juillet 1998. Elle a indiqué que l'AFSSA avait été opérationnelle dès ses premières semaines d'existence, en mars 1999, avec une organisation provisoire, tant en ce qui concerne l'organisation interne que le fonctionnement des comités d'experts, et que son organisation définitive serait mise en place en 2000 et 2001. Elle a rappelé que l'AFSSAPS avait intégré, en 1999, de nouvelles équipes en provenance de la direction des hôpitaux, de l'Agence française du sang ou de la Direction générale de la Santé (DGS) tout en maintenant son activité générale dans le domaine du médicament. Elle a enfin souligné que l'activité de l'IVS, depuis sa mise en place en 1999, avait été marquée par le souci de faire face aux menaces et urgences de santé publique, et que le comité national de sécurité sanitaire se réunissait régulièrement, tous les quatre mois, des groupes de travail ayant de surcroît été constitués en son sein.

Mme Marylise Lebranchu a souligné l'importance de la future modification de la directive européenne sur la sécurité générale des produits, qui imposera aux opérateurs de collaborer avec les autorités publiques, et permettra à tous les pays de disposer de procédures d'alerte identiques, ce qui facilitera grandement la gestion des crises. Elle a estimé qu'il fallait bien comprendre que la sécurité sanitaire des aliments passait par le renforcement général de la sécurité des produits. Elle a rappelé le rôle éminent joué par les organismes consultatifs placés auprès du ministère de l'économie et des finances ainsi que celui du service des douanes. Elle a affirmé que les consommateurs devaient exercer une vigilance constante à l'égard des questions de sécurité, et pas seulement à l'occasion des crises.

Les ministres ont alors répondu aux questions de Mme Marie-Madeleine Dieulangard et de MM. Claude Huriet, Charles Descours et Lucien Neuwirth.

Audition de M. David Byrne, Commissaire européen chargé de la protection de la santé et des consommateurs

La commission a enfin entendu M. David Byrne, Commissaire européen chargé de la protection de la santé et des consommateurs.

M. David Byrne
a consacré son intervention au livre blanc sur la sécurité alimentaire, présenté le 12 janvier 2000, qui constituait un signe tangible de la volonté de la Commission de mettre en place dans l'Union européenne une structure efficace permettant d'améliorer la sécurité sanitaire des aliments. En tant que commissaire responsable de ce secteur, il s'est félicité de l'accueil qui avait été réservé à cette proposition dans les différents pays de l'Union, et notamment de celui du gouvernement français. A cet égard, il a formé le voeu que des progrès significatifs puissent être accomplis dans la mise en oeuvre des différentes propositions contenues dans le livre blanc au cours de la prochaine présidence française.

M. David Byrne a évoqué les 80 propositions contenues dans le livre blanc. Il a indiqué qu'un cadre réglementaire renforcé devrait être adopté, notamment en ce qui concerne l'alimentation animale, la santé et le bien-être des animaux, les contrôles d'hygiène, les résidus, les additifs et l'emballage. Une législation générale sur l'alimentation permettra de mettre en application les principes directeurs de la sécurité sanitaire des aliments, comme un niveau élevé de protection du consommateur, une approche intégrée de la sécurité " de la ferme à la table ", une responsabilité des fabricants et des fournisseurs, une traçabilité des produits tout au long de la chaîne de production, des contrôles effectifs sur tous les segments de la chaîne, y compris en ce qui concerne l'alimentation animale. Il a indiqué que l'autorité alimentaire européenne devrait être mise en place au cours de l'année 2002, et que son fonctionnement reposerait sur les principes d'indépendance, d'excellence scientifique et de transparence. Sa mission principale résidera dans l'évaluation des risques, et la mise à disposition du public d'une information adéquate. M. David Byrne a précisé qu'il n'avait pas proposé que l'autorité européenne dispose d'un pouvoir de réglementation, mais qu'elle devrait gérer le système européen d'alerte sanitaire.

M. David Byrne a répondu aux questions de MM. Claude Huriet, Charles Descours et Lucien Neuwirth.

Clôturant cette journée d'auditions, M. Christian Poncelet, président du Sénat, a rappelé l'attachement du Sénat à traiter de sujets d'actualité, même difficiles, et a indiqué que l'organisation de la journée d'auditions illustrait le rôle de " laboratoires d'idées " de la Haute assemblée. Il a souligné le rôle précurseur joué par la commission des affaires sociales dans le domaine de la sécurité sanitaire et a rappelé les divers rapports d'information et réformes législatives adoptées à son initiative. Après avoir évoqué la question des organismes génétiquement modifiés, le président du Sénat a estimé que, s'il fallait appliquer le principe de précaution, il convenait d'éviter de tomber dans des " psychoses alimentaires ". Il s'est félicité que le livre blanc de la Commission européenne repose sur une conception globale de la sécurité sanitaire des aliments.