AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mercredi 11 octobre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Groupe de travail sur le bilan des emplois-jeunes - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Alain Gournac sur les conclusions du groupe de travail sur le bilan des emplois-jeunes à mi-parcours.

Rappelant que la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes était entrée en application voilà maintenant trois ans, M. Alain Gournac a souligné que les quelque 230.000 jeunes titulaires d'un contrat emploi-jeune s'interrogeaient sur leur avenir professionnel.

Il a rappelé que la commission avait procédé, le 6 avril dernier, à la constitution d'un groupe de travail chargé de réaliser un bilan, à mi-parcours, du programme " Nouveaux services-Emplois-jeunes ", dont il avait été chargé d'animer les travaux. Il a indiqué que le groupe de travail s'était réuni à sept reprises, avait procédé à une trentaine d'auditions et avait mis en place un forum électronique, sur le site internet, du Sénat afin de permettre aux emplois-jeunes de s'exprimer.

Il a ensuite tenu à rappeler l'état d'esprit dans lequel le groupe avait travaillé, insistant sur le souci constant de dresser un bilan objectif de ce programme, en indiquant ses limites, mais aussi en soulignant ses aspects positifs.

Il a toutefois estimé que le groupe de travail avait jugé impossible de s'en tenir à un simple constat et avait souhaité, en conséquence, alimenter le débat public en proposant quelques pistes de réflexions principalement sur la sortie du dispositif.

Abordant le bilan du programme, il a considéré que le programme produisait des effets significatifs, à la hauteur des moyens importants qui lui étaient consacrés.

Il a d'abord souligné l'impact quantitatif certain du dispositif, indiquant qu'au 30 septembre 2000, 276.600 emplois-jeunes avaient été recrutés, pour un total de 258.000 postes créés. Il a cependant observé que le nombre de jeunes en poste était inférieur à ce chiffre, compte tenu du nombre non négligeable de jeunes ayant déjà quitté le dispositif, évaluant à 230.000 le nombre de jeunes actuellement en poste.

M. Alain Gournac a également indiqué que les employeurs des emplois-jeunes étaient multiples : les associations représentent 30 % des postes créés, les collectivités locales 21 %, les établissements publics 10 %, l'éducation nationale 30 % et la police nationale 8 %.

Il a également observé que quatre secteurs d'activité représentaient, à eux seuls, plus de la moitié des embauches : solidarité, environnement, sport et culture.

Il a indiqué que le coût du programme restait toutefois très élevé pour les finances publiques. A cet égard, il a estimé qu'il devait atteindre 23 milliards de francs en 2000 pour le seul budget de l'Etat, montant auquel il convenait en outre d'ajouter au moins 400 millions de francs issus de divers cofinancements, notamment en provenance des collectivités locales.

Il a regretté que le coût global du programme reste difficilement évaluable, déplorant en particulier l'opacité du traitement budgétaire des crédits prévus en faveur des emplois-jeunes.

Observant que les emplois-jeunes avaient eu des répercussions immédiates indéniables, il a précisé que les intéressés apparaissaient pour une majorité satisfaits de leur emploi, que le dispositif avait permis de structurer certains jeunes très éloignés de l'emploi, et en cela avait constitué un " sas " vers un emploi durable, et que le programme avait parfois facilité le développement de nouvelles activités en garantissant, du moins de manière transitoire, leur solvabilisation.

M. Alain Gournac a cependant estimé que les ambiguïtés initiales de la politique des emplois-jeunes se trouvaient confirmées à l'usage. Il a alors souligné les cinq principales insuffisances du programme.

Il a tout d'abord regretté les difficultés d'accès des jeunes à la formation, jugeant ces difficultés d'autant plus regrettables que la formation apparaît comme un enjeu majeur du dispositif dans la mesure où elle conditionne l'insertion professionnelle des jeunes. Il a observé que le dispositif se caractérisait aujourd'hui encore par l'absence fréquente ou la mise en place tardive de financements spécifiques des programmes de formation, en dépit de l'effort des conseils régionaux. Il a également indiqué que les formations proposées restaient loin de correspondre toujours au projet professionnel du jeune et aux besoins de l'employeur.

Il a ensuite insisté sur le flou persistant du cadre juridique, relevant que le principe d'un contrat à durée déterminée de cinq ans, pour le moins inhabituel en droit du travail, avait créé des ambiguïtés. Il a observé que la mise en oeuvre de ces contrats de droit privé par des employeurs le plus souvent de droit public avait soulevé des difficultés, notamment à l'éducation nationale.

Il a également fait référence à l'existence d'effets pervers pour l'économie. Il a ainsi constaté que de nombreux jeunes qui pourraient pourtant obtenir un emploi dans le secteur marchand, privilégiaient les postes d'emploi-jeune, et a alors jugé cette situation d'autant plus paradoxale que l'économie se porte mieux et que certains secteurs d'activités sont confrontés à des pénuries de main d'oeuvre. Il a également observé l'existence parfois avérée d'une concurrence déloyale vis-à-vis du secteur marchand, indiquant que des emplois-jeunes avaient pu avoir pour conséquence la suppression d'un certain nombre d'emplois marchands, notamment dans le secteur des services à la personne.

M. Alain Gournac a ensuite souligné l'ambiguïté des missions effectivement exercées par les jeunes. A cet égard, il a indiqué que ces missions ne répondaient pas forcément à des besoins émergents ou non satisfaits. Il a jugé que, sous des appellations nouvelles, certains emplois étaient en réalité des emplois déjà existants et que certains jeunes n'exerçaient finalement aucune réelle activité, leur emploi se résumant alors à une simple coquille vide. Il a estimé que ces ambiguïtés étaient favorisées par le laxisme du contrôle a priori et par la quasi-absence de contrôles a posteriori.

Il a enfin souligné l'incertitude grandissante pesant sur l'avenir du dispositif. Il s'est interrogé sur l'avenir professionnel des jeunes à l'issue de leur contrat, et sur les moyens de pérennisation des postes créés. Il a regretté que le Gouvernement n'ait pour l'instant apporté aucune réponse concrète à ces deux questions fondamentales.

M. Alain Gournac s'est alors enquis des moyens de préparer la sortie du dispositif, considérant que, plus que pour toute autre politique publique, le bilan des emplois-jeunes ne pourra être définitivement établi qu'à la fin du programme et que ce seront en définitive les conditions de sortie du dispositif qui permettront de conclure au succès ou à l'échec de celui-ci.

Il a toutefois considéré que la voie était étroite pour réussir cette sortie du dispositif rappelant qu'il fallait en effet respecter trois conditions : maîtriser la charge budgétaire du programme en évitant de créer massivement de nouveaux emplois publics, soutenir les activités émergentes ayant fait la preuve de leur utilité sociale alors que les possibilités de solvabilisation spontanée apparaissent bien faibles et assurer la poursuite du parcours professionnel des emplois-jeunes arrivés en fin de contrat sans pour autant défavoriser les nouvelles générations entrant sur le marché du travail.

Il a alors proposé six pistes de réflexions pour une sortie en bon ordre du dispositif.

Il a d'abord estimé indispensable une évaluation au plus près du terrain, en liaison avec les partenaires sociaux, permettant d'effectuer un bilan de compétences des emplois-jeunes et d'analyser les perspectives réalistes de solvabilisation des postes.

Il a également jugé nécessaire d'instaurer des passerelles pour un retour des emplois-jeunes vers les entreprises pour les emplois qui n'ont guère de perspectives de pérennisation. Il a indiqué que ces passerelles devraient notamment résulter de la conclusion d'accords-cadres avec les fédérations professionnelles ou les entreprises susceptibles d'embaucher ces jeunes, du développement du multisalariat en temps partagé et de l'incitation à la création ou à la reprise d'entreprises par les jeunes. Il a également insisté sur la nécessité d'étudier la mise en place d'un système de prime dégressive à l'embauche des titulaires de contrats emplois-jeunes par les entreprises, cette prime ayant alors vocation à se substituer à l'aide dont bénéficiait le contrat.

Il a suggéré des solutions adaptées à chaque catégorie d'emplois-jeunes, jugeant que la diversité des situations appelait des réponses particulières. A cet égard, il a estimé nécessaire de geler les flux de recrutement des adjoints de sécurité, en l'absence d'une véritable définition de leurs missions, de mettre un terme à l'expérience décevante des aides éducateurs dans le second degré et d'engager une réflexion sur les conditions d'une éventuelle intégration de certains emplois-jeunes des collectivités locales dans la fonction publique territoriale à partir d'une redéfinition de la grille des emplois. Il a toutefois observé que les collectivités locales ne seraient pas à elles-seules en mesure d'assumer le coût de ces emplois.

Il a jugé souhaitable de favoriser l'insertion des jeunes dans le monde du travail par le développement du tutorat, en particulier pour les jeunes souhaitant quitter leur emploi-jeune pour un poste en entreprise.

Il a estimé nécessaire de mieux prendre en compte l'esprit de la décentralisation et a fait sur ce point trois propositions : la tenue de conférences annuelles ou semestrielles entre les services de l'Etat compétents et les régions, la possibilité, pour les régions qui le souhaitent, d'être associées au processus d'instruction des conventions d'emplois-jeunes, et le rapprochement, voire le transfert des plate-formes régionales de professionnalisation en direction des régions.

Il a enfin jugé urgent d'organiser un véritable débat public sur la solvabilisation des emplois-jeunes dans le cadre d'Assises de la solvabilisation.

M. Alain Gournac s'est enfin demandé si, compte tenu de l'amélioration de la conjoncture en matière d'emploi des jeunes, il n'était pas nécessaire de prévoir un butoir légal à la signature des conventions d'emplois-jeunes. Il a rappelé qu'il était juridiquement possible actuellement, sans condition de durée, de créer des postes d'emplois-jeunes et de bénéficier en conséquence de l'aide de l'Etat, indiquant par exemple qu'une association pouvait signer une convention d'emplois-jeunes en 2010 et bénéficier de l'aide jusqu'en 2015. Il a alors jugé plus pertinent de préciser que le mécanisme des conventions ne serait pas reconduit sous la même forme après 2002.

Estimant que les emplois-jeunes avaient pu être justifiés par l'existence de certaines dérives ayant abouti à faire supporter aux jeunes générations le poids du chômage, il a jugé utile de réfléchir à une réorganisation de la structure administrative, voire de la structure gouvernementale, autour de la notion de premier emploi, pouvant même déboucher sur la création d'un secrétariat d'Etat. Il a en effet jugé nécessaire qu'un responsable politique soit chargé de faire la liaison entre l'éducation nationale, l'emploi, la formation professionnelle, les établissements publics et les entreprises pour jouer un rôle d'alerte et veiller à assurer une bonne régulation des flux de recrutement.

M. Jean Delaneau, président, a souligné qu'il serait souhaitable d'améliorer la présentation des documents budgétaires afin de disposer de statistiques homogènes sur le coût des emplois-jeunes. Il a souhaité que le Gouvernement soit interrogé sur les conséquences qu'il entendait tirer du rapport de M. Alain Gournac. Il a regretté les insuffisances de la formation des emplois-jeunes. Il a souhaité, pour faciliter la " sortie " des emplois-jeunes, que soit ouverte une possibilité de prendre un emploi dans une entreprise privée, tout en conservant un droit à retour dans l'emploi-jeune en cas d'échec durant la période d'essai. Il a estimé que le terme de " référent professionnel " serait peut-être plus approprié que celui de " tuteur ", afin de montrer que le soutien au jeune s'inscrit dans la durée.

M. Louis Souvet a souligné l'importance de la question de la prise en charge des indemnités de chômage qui devraient être versées aux emplois-jeunes, embauchés par des collectivités locales n'ayant pas affilié leur personnel non titulaire à l'UNEDIC et sans emploi à l'issue de leur contrat. Il a rappelé que l'intégration des emplois-jeunes des collectivités locales dans la fonction publique territoriale par un concours spécifique nécessiterait une concertation préalable avec les syndicats de la fonction publique.

M. Gilbert Chabroux a estimé que le rapport de M. Alain Gournac faisait preuve d'objectivité, que le ton était constructif et que ce document pourrait constituer une base de discussion utile. Il a rappelé que le dossier des emplois-jeunes devait prochainement faire l'objet de mesures par le Gouvernement, qui ne pouvait se désintéresser de l'avenir des titulaires d'emplois-jeunes. Il s'est félicité que le Gouvernement ait atteint ses objectifs et que le dispositif des emplois-jeunes ait permis de redonner confiance à de nombreux jeunes en difficulté. Il a rappelé que les emplois-jeunes employés dans les collectivités locales rendaient des services très appréciés par la population, mais que le Gouvernement ne pouvait pas demander aux collectivités locales d'assumer seules la charge financière de la pérennisation de ces emplois. Il n'a pas exclu, néanmoins, que les collectivités locales décident d'elles-mêmes de participer à l'effort compte tenu de l'intérêt des services rendus et des possibilités de résorption de la précarité dans les emplois publics locaux consécutive à la mise en oeuvre des 35 heures.

M. André Jourdain, après avoir rappelé qu'il avait assisté à la plupart des auditions du groupe de travail, a indiqué que le rapport reflétait bien les observations et l'état d'esprit des interlocuteurs rencontrés. S'agissant des effets d'éviction des emplois-jeunes sur le secteur marchand, il a évoqué le cas d'un jeune embauché par une entreprise qui avait présenté sa démission dans les huit jours de sa période d'essai parce qu'il avait préféré, à salaire égal, accéder à un emploi-jeune de la SNCF. Il a fait état également de jeunes qui préféraient être embauchés, en tant qu'emplois-jeunes, dans des organismes publics d'habitation à loyer modéré (OPHLM), plutôt que de rejoindre des entreprises artisanales de maçonnerie ou de bâtiment. Il s'est félicité que M. Alain Gournac ait mis en avant l'importance du multisalariat, en rappelant que la mise en oeuvre de cette mesure nécessiterait sans doute des aménagements de statut afin de permettre aux emplois-jeunes embauchés dans les collectivités publiques de travailler en même temps dans des entreprises de droit privé. Il s'est prononcé également en faveur des aides à la transmission d'entreprise, en proposant que le titulaire de l'emploi-jeune puisse être " mis à disposition " auprès d'une entreprise artisanale. Il a souligné l'importance de la notion de première insertion professionnelle. Il a rappelé que nombre des inconvénients constatés aujourd'hui avaient en fait été évoqués par le Sénat lors du débat sur la loi d'octobre 1997 relative aux emplois-jeunes.

M. Jacques Bimbenet a cité le cas d'emplois-jeunes, recrutés par un service départemental d'incendie et de secours (SDIS) en tant qu'agents d'entretien du patrimoine, qui avaient suivi une formation en vue de préparer le concours de sapeur-pompier et qui avaient obtenu d'excellents résultats. Il a souligné ainsi qu'un mécanisme de formation adapté permettait de donner toute son utilité à la période sous contrat d'emploi-jeune dès lors que l'objectif étant bien de permettre l'accès à un emploi durable. Il a mis l'accent sur l'utilité d'un suivi et d'un soutien par un " référent professionnel " chevronné pendant les premiers mois d'exercice d'un premier emploi au sein d'une entreprise privée.

M. Serge Franchis a souligné que les propositions du rapporteur destinées à faciliter la sortie des emplois-jeunes devraient être transposées pour les titulaires de contrats emploi-solidarité ou de contrats emploi-consolidé. Il a rappelé les contraintes juridiques qui empêchaient aujourd'hui le recours au multisalariat dans les collectivités publiques tout en souhaitant un allégement de celles-ci.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a estimé que le rapport de M. Alain Gournac permettait d'ouvrir un débat constructif dans un esprit d'objectivité. Elle a souligné que les emplois-jeunes avaient permis de redonner confiance en l'avenir, non seulement aux titulaires de ces emplois, mais également à leurs proches et à leur famille, ce qui avait eu des effets positifs pour favoriser la reprise de la consommation. Elle a rappelé que, dans certains départements, les directions départementales du travail avaient examiné de manière très " pointilleuse " si les emplois-jeunes proposés correspondaient bien à des besoins émergents et s'ils ne faisaient pas concurrence avec ceux du secteur privé. Elle a estimé que le Gouvernement ne saurait faire preuve d'" un comportement inconséquent " quant à l'avenir des emplois-jeunes, et que des mesures seraient sans doute prochainement annoncées.

M. Philippe Nogrix a tout d'abord souhaité obtenir des précisions sur la date à laquelle les premiers emplois-jeunes commenceraient à sortir du dispositif, sur les motifs de départ des emplois-jeunes et sur leur niveau de diplôme. Il a proposé qu'il soit fait obligation aux employeurs de former les emplois-jeunes qu'ils ont recrutés sur des métiers dans lesquels des besoins de main-d'oeuvre existent sur le marché. Il s'est demandé si les services préfectoraux n'avaient pas été tentés de privilégier les résultats quantitatifs au moment de la mise en place du dispositif. Il a estimé important de veiller à ce que les emplois-jeunes aient une activité à plein temps.

M. Alain Vasselle s'est demandé s'il existait des statistiques qui permettraient de faire apparaître le taux des emplois-jeunes qui ne correspondait pas à des activités émergentes ou des besoins non satisfaits mais à des métiers déjà existants. Il a estimé que, de même que les travaux d'utilité collective ou les contrats emploi-solidarité, les emplois-jeunes constituaient une " bombe à retardement " pour les futurs gouvernements. Il a rappelé le caractère excessif des charges sociales qui constituaient un frein à l'embauche dans les entreprises privées.

En réponse, M. Alain Gournac, rapporteur, a estimé que devraient être pérennisés seulement les emplois-jeunes qui pouvaient être solvabilisés sans aide publique complémentaire.

Concernant les emplois-jeunes des collectivités territoriales, dont il a estimé que 50 % n'étaient pas affiliés à l'assurance chômage, il a souhaité que l'Etat " prenne ses responsabilités " pour assurer le financement des indemnités de chômage.

S'agissant des mesures envisageables, il a exprimé de fortes réticences à l'égard d'une solution qui semblait envisagée par le Gouvernement, à savoir ouvrir la possibilité aux emplois-jeunes d'accéder à des contrats à durée déterminée de trois à cinq ans. Il a estimé que cette voie serait extrêmement décourageante pour les jeunes qui se sentiraient condamnés à des contrats précaires dans le secteur public.

Concernant les effets positifs du dispositif, il a rappelé que celui-ci représentait un investissement budgétaire de 23 milliards de francs en année pleine, ce qui justifiait pour le moins des résultats indéniables.

Il a souhaité que la confiance retrouvée par les jeunes ne se transforme pas en angoisse sur l'avenir, à mesure que l'on se rapprocherait du terme des contrats.

Il a rappelé qu'en moyenne 7 % des dossiers de création d'emplois-jeunes avaient été rejetés par les services déconcentrés de la direction du travail. Il s'est interrogé sur l'absence de contrôle a posteriori des services déconcertés sur le contenu effectif des fonctions exercées par les emplois-jeunes.

Il a estimé que l'exemple cité par M. Jacques Bimbenet montrait bien qu'un effort de formation pouvait avoir des effets très positifs pour assurer l'insertion durable des emplois-jeunes dans un emploi.

Concernant le niveau d'études des emplois-jeunes, il a indiqué que 60 % d'entre eux avaient au moins le niveau du baccalauréat, dont 33 % ayant suivi des études supérieures, mais que 23 % étaient sans qualification. Il a rappelé que, selon le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), parmi les 40.000 sorties d'emplois-jeunes, on pouvait considérer que 28 % des départs étaient justifiés par l'accès à un autre emploi, tout en indiquant que ces statistiques, dans plus de 40 % des cas, ne fournissaient pas de motif d'interruption des contrats.

Il a précisé que les premiers emplois-jeunes quitteraient le dispositif en octobre 2002.

La commission a décidé d'autoriser la publication des conclusions du groupe de travail sous la forme d'un rapport d'information.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (Famille) - Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a nommé M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (famille), en remplacement de M. Jacques Machet qui a souhaité être déchargé de son rapport.

Projet de loi de finances pour 2001 - Nomination d'un rapporteur pour avis

M. Jean-Louis Lorrain, ayant informé la commission qu'il souhaitait dans ces conditions, renoncer à son rapport pour avis sur les crédits de l'outre-mer (aspects sociaux), la commission a nommé, pour le remplacer, M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 2001 (outre-mer : aspects sociaux).

Jeudi 12 octobre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

La commission a procédé à des auditions sur le projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que les auditions feraient l'objet d'un compte rendu intégral annexé au rapport pour avis de la commission sur le projet de loi.

Union européenne - Habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires - Audition de MM. Jean-Pierre Davant, président, Jean-Louis Bancel, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), Marc Zamichiei, membre du comité exécutif de la Fédération des Mutuelles de France (FMF), Philippe Delemarre, vice-président, et Gilles Marchandon, délégué général de la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles (FNIM)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Jean-Pierre Davant, président et Jean-Louis Bancel, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), Marc Zamichiei, membre du comité exécutif de la Fédération des Mutuelles de France (FMF), Philippe Delemarre, vice-président, et Gilles Marchandon, délégué général de la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles (FNIM).

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que le Sénat était saisi d'un projet de loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnances à une réforme du code de la mutualité. Il a précisé que, parallèlement, avait été communiqué au président et au rapporteur de la commission un " projet de loi portant réforme du code de la mutualité ", projet qui, en définitive, n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres du 1er août dernier.

Il a souhaité que les intervenants précisent les enjeux de cette réforme et donnent leur appréciation sur la procédure retenue.

M. Jean-Pierre Davant a rappelé que la question de la transposition des directives assurances aux mutuelles avait fait l'objet d'un " dialogue " avec les gouvernements successifs de MM. Edouard Balladur, Alain Juppé et Lionel Jospin. Il a observé que le Président de la République et le Premier ministre avaient déclaré, à l'occasion du congrès de la Mutualité du mois de juin 2000, qu'il était temps " de sortir de l'incertitude ". Il a considéré que le texte transmis au secteur mutualiste constituait un " point d'équilibre ". Il a ajouté que le recours aux ordonnances lui paraissait le meilleur moyen d'aboutir rapidement.

M. Marc Zamichiei a indiqué que sa Fédération avait été consultée sur le choix du recours à la procédure d'ordonnances et qu'elle avait donné son accord. Il a estimé que deux raisons essentielles plaidaient pour l'adoption de cette loi d'habilitation : le contentieux en cours devant la Cour de justice des communautés européennes et la nécessité de sécuriser le cadre juridique de la Mutualité. En effet, dans le cas de directives suffisamment précises, leur texte peut être utilement invoqué devant les tribunaux français même en l'absence de transposition. Il a fait part d'un " consensus " sur le fond de la réforme envisagée.

M. Philippe Delemarre a déclaré que, ni le recours à la procédure des ordonnances, ni le contenu même du projet de réforme du code de la mutualité ne faisaient l'objet d'un " consensus ". Il a observé que le texte du futur code était défavorable aux petites et moyennes mutuelles. Il s'est étonné de l'absence du volet fiscalité.

M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a estimé qu'il existait deux projets de loi : un projet de loi d'habilitation pour la transposition des directives assurances et un projet de loi d'habilitation relatif à la réforme du code de la mutualité. Il a observé que le titre actuel du projet de loi était incomplet. Il a indiqué que, tout en partageant le constat d'urgence dressé par la Fédération nationale de la mutualité française, il était dommage que le Parlement ne se prononce pas sur des questions importantes comme, par exemple, le statut de l'élu mutualiste.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois, a constaté une différence entre la transposition d'une cinquantaine de directives communautaires " techniques " et l'habilitation proposée aux articles 3 et 4 du projet de loi, qui concerne des débats de portée nationale.

M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des finances, a estimé que la transposition de directives communautaires par ordonnances était un mauvais service rendu à la construction européenne. Il a rappelé que les débats parlementaires avaient pour vocation d'enrichir l'examen des textes législatifs.

M. Charles Descours a rappelé que la transposition des directives assurances était une question déjà fort ancienne. Evoquant la position exprimée en mai dernier par M. Jean-Pierre Davant, il s'est interrogé sur les modifications intervenues dans le texte préparé par le Gouvernement, expliquant le " ralliement " de la Fédération nationale de la mutualité française au nouveau projet.

M. Jean-Pierre Davant a confirmé l'existence d'une différence entre " des éléments de transposition stricte " et " des éléments de modernisation du code de la mutualité ", demandés depuis longtemps par la mutualité. Il a estimé cependant qu'il était extrêmement difficile de les dissocier. Il a indiqué qu'un dialogue continu avait été engagé avec le ministère de l'emploi et de la solidarité. Il a précisé que le rapport de M. Alain Bacquet avait été demandé en 1994 par le gouvernement de M. Edouard Balladur et que le gouvernement de M. Alain Juppé avait consacré ses efforts à la réforme de l'assurance maladie. Observant que le gouvernement de M. Lionel Jospin disposait désormais d'une durée supérieure aux deux gouvernements précédents, il a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'entretenir une quelconque polémique pour déterminer les responsabilités de tel ou tel gouvernement dans l'absence de transposition des directives assurances.

M. Marc Zamichiei a rappelé que l'organisation et le financement de la sécurité sociale avaient été modifiés de manière considérable par la voie des ordonnances en 1995-1996. Il a expliqué que le lien entre la transposition des directives et la modernisation du code de la mutualité était le moyen de rendre possible et acceptable, par le mouvement mutualiste, la transposition des directives assurances. Il a estimé que les contraintes imposées par le principe de spécialité rendaient nécessaire d'affirmer la spécificité des mutuelles.

M. Philippe Delemarre a constaté que les grandes fédérations de mutuelles avaient été visiblement davantage associées à la rédaction du projet de code de la mutualité. Il a indiqué que la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles avait des critiques sur le chapitre consacré aux principes mutualistes. Il a considéré que les principes de non-sélection, de non-discrimination et l'absence de questionnaire médical posaient de graves problèmes pour les fédérations interprofessionnelles.

M. Gilles Marchandon a rappelé que le texte transmis au Conseil supérieur de la mutualité et au Conseil national des assurances ne disposait d'aucun statut juridique et que, tant que le texte de l'ordonnance ne serait pas publié au Journal officiel, il était loisible au Gouvernement de le modifier. Il s'est interrogé sur la nécessité d'adopter ce projet de loi au regard d'une " urgence communautaire ", alors qu'il n'était pas évident que les solutions de transposition retenues soient conformes aux directives assurances. Il a observé que les règles prudentielles désormais imposées allaient aboutir fatalement à une concertation mutualiste du secteur. Il a regretté que le texte projeté n'utilise pas à l'inverse une disposition prévue par les directives assurances consistant à exonérer les petites mutuelles des règles prudentielles.

M. Jean-Pierre Bancel a rappelé que le Conseil d'Etat avait examiné le projet de loi et n'avait pas émis visiblement d'objection aux solutions de transposition retenues. Il a précisé que des lettres échangées entre la mission conduite par M. Michel Rocard et la commission européenne avaient permis de valider ces solutions en amont. Il a considéré que la distinction entre la transposition " sèche " des directives et la transposition " élargie " à la refonte du code de la mutualité était quasiment impossible, tant la transposition nécessitait de " corollaires ".

M. André Jourdain, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur le temps nécessaire à l'adoption du projet de loi d'habilitation et au dépôt du projet de loi de ratification. Il a demandé quelles seraient les conséquences, pour les mutuelles, de l'introduction du principe de spécialité et s'il était nécessaire de prévoir un réagrément des mutuelles pratiquant des opérations d'assurances. Il s'est interrogé sur l'application du principe des " mutuelles soeurs ", les conditions de réassurance et la distinction entre Unions et Fédérations de mutuelles. Il a demandé si la réaffirmation des principes mutualistes permettait d'éviter une évolution du statut fiscal.

Evoquant le calendrier électoral chargé pour 2001 et 2002, M. Jean-Pierre Davant a considéré que le recours aux ordonnances était la formule la plus rapide. Il a indiqué que la Fédération nationale de la mutualité française avait souhaité que le code de la mutualité définisse ce que l'on entend par " Fédération mutualiste ", mais que cette proposition n'avait pas été retenue. Il a rappelé que les règles de représentation au Conseil supérieur de la mutualité étaient très démocratiques, puisqu'elles s'appuyaient sur la proportionnelle intégrale.

M. Jean-Pierre Bancel a confirmé que, tant que l'ordonnance ne serait pas parue au Journal officiel, le texte pourrait être modifié. Il a estimé que la concentration du mouvement mutualiste était d'ores et déjà une réalité et que l'introduction du principe de spécialité ne ferait que renforcer ce processus.

Répondant à M. André Jourdain, rapporteur pour avis, il a confirmé qu'un nouvel agrément serait nécessaire. Il a souhaité une large déconcentration des procédures d'agrément. Il a rappelé que la proposition des " mutuelles soeurs " trouvait son origine à la fois dans le rapport Bacquet et le rapport Rocard. Concernant la réassurance, il a précisé que la Fédération nationale de la mutualité française avait espéré une réassurance interne au mode de la mutualité, mais que le Gouvernement en avait jugé autrement. Il a indiqué que les propositions de " groupes mutualistes " et d'un " système fédéral de garanties " avaient été retenues.

M. Philippe Delemarre s'est étonné que l'on envisage une nouvelle procédure d'agrément pour des structures qui ont un siècle d'existence.

M. Gilles Marchandon s'est interrogé sur l'articulation des compétences entre les systèmes fédéraux de garanties et le fonds national de garantie. Il a observé que les systèmes fédéraux de garanties, entités de droit privé, se substituaient à la commission de contrôle des mutuelles des institutions de prévoyance.

Audition de MM. Jean-Pierre Moreau, délégué général et André Renaudin, délégué général adjoint de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA)

Puis la commission a entendu M. Jean-Pierre Moreau, délégué général et André Renaudin, délégué général adjoint de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA).

M. Jean-Pierre Moreau a observé que le projet de loi d'habilitation comportait un volet de transposition des directives assurances et un volet portant refonte du code de la mutualité. Il a précisé que le texte soumis au Conseil national des assurances comprenait deux dispositions concernant directement les sociétés d'assurances. Il s'est demandé si l'habilitation prévue à l'article 3 du projet de loi ne permettait pas de modifier un certain nombre de dispositions du code des assurances. Sur le recours à la procédure des ordonnances, il a déclaré ne pas avoir d'opposition de principe. Sur le fond, il a rappelé que la Fédération française des sociétés d'assurances n'avait pas demandé l'application des directives assurances aux mutuelles, mais que ces dernières avaient souhaité être incluses afin d'avoir accès au marché européen. Il a observé que la Fédération française des sociétés d'assurances ne s'opposait pas à cette demande des mutuelles, mais demandait une véritable égalité de concurrence entre les différents acteurs de la protection complémentaire maladie. Il a précisé que les sociétés d'assurances, elles-mêmes partagées entre sociétés anonymes et sociétés d'assurance mutuelle, étaient soumises à une taxe de 7 % sur les conventions d'assurances, taxe à laquelle n'étaient pas soumises les mutuelles. Il a considéré que si l'ordonnance se révélait différente du texte présenté au Conseil national des assurances, la saisine de ce Conseil serait à nouveau nécessaire.

M. André Renaudin a observé qu'il existait déjà des lois transversales s'appliquant à tous les opérateurs, comme la loi du 31 décembre 1989, dite " loi Evin ". Il a regretté que la loi du 13 juillet 1930 relative au droit du contrat, qui visait également tous les opérateurs, ne s'applique depuis 1976 qu'aux compagnies d'assurances.

Concernant le projet de code de la mutualité, il a estimé qu'une novation était introduite par la définition imprécise des " opérations accessoires ". Il a considéré que cette notion n'existait pas dans le corps des directives communautaires et qu'elle devrait avoir pour conséquence d'autoriser toutes les entreprises communautaires d'assurances à effectuer des " opérations accessoires ". Il a observé que le projet de code reproduisait de manière superfétatoire des dispositions du code de la sécurité sociale dans le code de la mutualité, concernant les mutuelles délégataires de la sécurité sociale. En conséquence, il devrait être nécessaire de transcrire les dispositions du code de la sécurité sociale dans le code des assurances, puisqu'il existe des compagnies d'assurances délégataires d'un régime obligatoire de sécurité sociale en tant qu'organismes conventionnés (régimes des non-salariés non agricoles).

M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a demandé si la transposition des directives assurances, réalisée en 1994 pour les compagnies d'assurances, avait été complète. Il s'est interrogé sur le lien entre les " spécificités mutualistes " et l'existence d'une fiscalité dérogatoire.

M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des finances, a demandé aux intervenants si les travaux de la commission des finances sur le secteur des assurances leur semblaient de nature à susciter le dépôt d'un projet de loi.

M. Jean-Pierre Moreau a confirmé que la transposition opérée en 1994 avait été complète. Il a estimé que la question de la non-discrimination et de la sélection était présentée de manière excessive. Il a observé qu'en matière d'assurance maladie complémentaire le remboursement effectué par la mutuelle, l'institution de prévoyance ou la compagnie d'assurance, intervenait en complément du régime de base de sécurité sociale. Il a précisé que la Fédération française des sociétés d'assurances plaidait pour une exonération complète de la taxe sur les conventions d'assurances, en raison de la nécessité d'une couverture complémentaire maladie.

M. André Renaudin a estimé que si " la santé n'était pas un commerce ", elle n'en demeurait pas moins un marché. Il a constaté qu'il existait partout en Europe des mutuelles d'assurances. Il a indiqué que la seule véritable différence objective entre les acteurs de la protection complémentaire résidait entre les mutuelles " définies a priori " (mutuelles professionnelles), où la sélection s'opère en amont, et les mutuelles " définies a posteriori " (mutuelles interprofessionnelles), où le gestionnaire est obligé d'opérer une sélection.

M. Jacques Bimbenet a fait part de son grand étonnement devant les disparités entre mutuelles et compagnies d'assurances. Il s'est déclaré favorable à l'habilitation concernant la transposition, mais opposé à l'habilitation relative à une refonte globale du code de la mutualité.

M. Alain Vasselle a demandé s'il était possible d'envisager une taxation des contrats maladie qui tiendrait compte des revenus des personnes assujetties.

M. Jean-Pierre Moreau a estimé que ce dispositif pourrait bien évidemment être expertisé.