AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mercredi 10 février 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Santé publique - Les soins palliatifs et l'accompagnement - Examen du rapport d'information

La commission a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Lucien Neuwirth sur les soins palliatifs et l'accompagnement.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que, quatre ans après la publication de son rapport d'information consacré à la douleur et la mise en oeuvre de la plupart des propositions qu'il formulait, la commission devait prendre une initiative pour favoriser, au-delà des effets d'annonce, le développement des soins palliatifs et de l'accompagnement.

Il a en effet affirmé que les soins palliatifs, qui comprennent, aux termes de la circulaire du 26 août 1986, un ensemble de techniques de prévention et de lutte contre la douleur, de prise en charge psychologique du malade et de sa famille, de prise en considération de leurs problèmes individuels, sociaux et spirituels, doivent être délivrés à tout malade dont le pronostic vital est en jeu, quelle que soit l'issue de la maladie.

Après avoir évoqué les rôles respectifs des équipes soignantes et des bénévoles, à l'hôpital ou en ville, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que, malgré les timides progrès enregistrés depuis dix ans, notre pays accusait un très fort retard et que l'offre de soins palliatifs demeurait démesurément faible par rapport aux besoins.

Analysant les raisons de cette carence majeure de notre système de soins, il a affirmé que la formation des futurs médecins était lacunaire et il a rappelé que la moitié des facultés de médecine n'appliquait pas les textes en vigueur qui prévoient l'organisation de séminaires consacrés à la douleur et aux soins palliatifs.

Citant une enquête réalisée à la demande de la Fondation de France et de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a indiqué que les projets de recherche en soins palliatifs étaient difficiles à mettre en oeuvre, notamment en raison de l'insuffisance des moyens financiers et humains dont disposent les équipes de soins palliatifs. Il a ainsi précisé que 97 % des unités mobiles de soins palliatifs ne bénéficiaient pas de la présence d'internes.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a également estimé que les obstacles réglementaires et budgétaires au développement des soins palliatifs étaient nombreux. La planification hospitalière, d'abord, ne favorise pas le développement de l'hospitalisation à domicile indispensable à la diffusion des soins palliatifs. Le programme de médicalisation du système d'information (PMSI), ensuite, n'est pas adapté pour décrire l'activité de soins palliatifs. Enfin, le paiement à l'acte n'est adapté ni à la rémunération d'actes qui prennent beaucoup de temps, ni à la coopération entre professionnels de santé exerçant en ville et à l'hôpital.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a affirmé qu'en l'absence de loi spécifique, la volonté politique de développer les soins palliatifs et l'accompagnement se réduisait trop souvent à des effets d'annonce. Il a estimé nécessaire d'adopter une loi qui supprimerait les principaux obstacles à la diffusion des soins palliatifs sur l'ensemble du territoire.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a enfin exposé les termes d'une proposition de loi qu'il comptait déposer, reprenant les conclusions de son rapport et à laquelle il a proposé aux membres de la commission de bien vouloir s'associer.

L'article premier de la proposition de loi procède à la reconnaissance officielle des soins palliatifs. Il souligne bien que les malades doivent y avoir accès dès qu'ils sont atteints d'une affection mettant en jeu le pronostic vital, et pas seulement en fin de vie.

L'article 2 modifie la législation hospitalière afin d'intégrer les soins palliatifs dans la planification hospitalière : il n'est pas normal, en effet, qu'existe encore un tel décalage entre les besoins et l'offre hospitalière en soins palliatifs, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les cliniques privées. Cette prise en compte systématique des soins palliatifs dans la planification hospitalière permettra leur développement dans l'ensemble des structures hospitalières, et notamment dans les hôpitaux généraux.

L'article 3 vise à mettre en place, dans chaque centre hospitalier et universitaire (CHU), un pôle de référence qui permettra de développer la formation et la recherche en soins palliatifs. Ce pôle pourra être constitué autour soit d'une unité avec lits, soit d'une équipe mobile.

L'article 4 vise à aider les associations de bénévoles à mieux former les accompagnants grâce à une prise en charge forfaitaire des dépenses de formation par l'assurance maladie.

Actuellement, la création de structures d'hospitalisation à domicile (HAD) est freinée par la législation hospitalière qui prévoit que les créations de structures d'HAD doivent donner lieu, parallèlement, à la fermeture de lits hospitaliers. La modification du code de la santé publique réalisée par l'article 5 supprime ce système de " troc " : les autorisations de création de structures d'HAD dans le domaine des soins palliatifs seront donc automatiques tant que les besoins en soins palliatifs ne seront pas complètement satisfaits par l'offre, assurant ainsi une meilleure coordination entre la ville et l'hôpital.

L'article 6 vise à favoriser le développement des soins palliatifs et de l'accompagnement à domicile en définissant un mode optionnel de rémunération des professionnels autre que le paiement à l'acte, peu adapté à la rémunération d'un travail en équipe et pluridisciplinaire.

Le développement des soins palliatifs est aujourd'hui freiné par l'insuffisante prise en compte des soins palliatifs dans le PMSI. Il importe, le plus rapidement possible, de lever cet obstacle. C'est pourquoi l'article 7 prévoit le dépôt d'un rapport sur ce sujet par le Gouvernement.

M. Jean Delaneau, président, a remercié M. Lucien Neuwirth, rapporteur, pour la qualité de son travail. Il a souligné la richesse des points de vue exprimés lors des auditions publiques organisées par la commission le 27 octobre 1998.

M. Jean Chérioux s'est associé aux remerciements formulés par le président. Il a indiqué que, si dans une première approche il était préférable que les établissements de santé s'orientent vers la création d'équipes mobiles de soins palliatifs plutôt que vers l'institution d'unités avec lits, l'intérêt de certaines institutions, comme la maison médicale Jeanne Garnier, reposait précisément sur l'atmosphère peu " hospitalière " qui y régnait. Il a souligné l'intérêt des soins palliatifs pour les personnes très âgées qui meurent de vieillesse sans être atteintes par une maladie particulière.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souscrit aux propos de M. Jean Chérioux. Il a affirmé que le développement de la recherche en soins palliatifs permettrait de mieux adapter ces soins aux personnes qui en bénéficient en fonction de l'âge ou des pathologies dont elles souffrent.

M. Louis Souvet a estimé que le contenu du rapport de M. Lucien Neuwirth confirmait que ce dernier était un homme de coeur et d'action. Il a souligné la nécessité de prendre en charge à la fois le malade et sa famille.

M. Jean Delaneau, président, a affirmé que cette nécessité expliquait la présence de psychologues au sein des équipes de soins palliatifs.

M. Claude Huriet a souligné la cohérence des travaux engagés par la commission sur la douleur et les soins palliatifs. Il a constaté que l'expérience avait malheureusement prouvé l'utilité de légiférer pour que les médecins prennent mieux en charge la douleur de leurs patients. Il a estimé en revanche qu'une législation sur les soins palliatifs ne pourrait supprimer la perception tragique, par les médecins, de la mort de leurs malades, qui est toujours le signe d'un échec.

Il a déclaré préférer l'émergence d'une culture de soins palliatifs à la création de pôles de référence dans les centres hospitaliers et universitaires. Il a souscrit aux propos tenus par M. Lucien Neuwirth sur l'inadaptation du programme de médicalisation du système d'information (PMSI) pour prendre en compte des activités telles que les soins palliatifs ou la gérontologie.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé qu'une législation sur les soins palliatifs contribuerait à faire évoluer tant les structures hospitalières que les mentalités. Il a estimé indispensable de créer des pôles de référence dans les centres hospitaliers universitaires pour assurer la formation de tous les futurs médecins et le développement de la recherche.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a affirmé son intérêt pour la question des soins palliatifs et ne s'est pas déclarée étonnée que M. Lucien Neuwirth ait souhaité " prendre ce problème à bras le corps ". Elle a estimé que l'adoption d'une loi sur les soins palliatifs était aujourd'hui nécessaire. Elle a indiqué qu'elle souhaitait étudier de manière approfondie les dispositions contenues dans la proposition de loi et émis le voeu qu'elle prenne en considération le soutien apporté aux familles. Elle a souscrit aux propos du rapporteur sur l'inadaptation du PMSI et a indiqué que les soins palliatifs étaient pris en compte dans certaines régions pour la planification hospitalière.

M. André Vézhinet a estimé très intéressantes les propositions formulées par le rapporteur et a fait part de son expérience personnelle au Centre hospitalier universitaire de Montpellier qui dispose d'une unité de soins palliatifs. Il a souligné le dynamisme des associations de bénévoles. Estimant qu'il fallait légiférer pour lever les dernières réticences au développement des soins palliatifs, il a insisté sur l'importance de la notion " de pronostic vital ".

M. Guy Vissac a souligné l'importance de la diffusion des soins palliatifs dans les hôpitaux locaux.

M. Martial Taugourdeau a rappelé qu'il n'y a pas si longtemps, les étudiants en médecine étaient incités à ne pas supprimer la douleur de leurs patients compte tenu de son utilité pour le diagnostic. Il a estimé indispensable l'adoption d'une loi sur les soins palliatifs, ces derniers offrant une alternative à l'acharnement thérapeutique, à l'euthanasie et au " laisser-faire ". Il a constaté que désormais de plus en plus de malades étaient transférés du domicile à l'hôpital juste avant leur mort et a appelé l'attention sur les conséquences psychologiques sur les malades de leur accueil dans des unités de soins palliatifs séparées des services curatifs.

Mme Nicole Borvo a fait part de son admiration pour l'action entreprise par M. Lucien Neuwirth, rapporteur, et a estimé que l'adoption d'une loi pouvait être utile pour favoriser la formation des médecins et la recherche. Elle a déclaré réserver sa position sur la création d'unités de soins palliatifs.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souscrit aux propos tenus par Mme Marie-Madeleine Dieulangard sur l'importance du soutien apporté aux familles. Il a affirmé que la création de pôles de référence dans les centres hospitaliers universitaires ne signifiait pas que ces derniers soient le lieu unique pour dispenser les soins palliatifs, mais qu'elle était indispensable au développement de la formation et de la recherche. Il a estimé que l'inclusion des soins palliatifs dans la planification hospitalière devait être généralisée et rendue permanente. Il a rappelé que la notion de " pronostic vital " était intégrée dans l'article premier de la proposition de loi.

La commission a adopté, à l'unanimité, le rapport d'information présenté par M. Lucien Neuwirth, rapporteur.

Jeudi 11 février 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Libertés publiques - Droit de grève - Service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen des amendements aux conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 491 (1997-1998) de M. Philippe Arnaud et plusieurs de ses collègues tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics.

Examinant la motion n° 1 présentée par Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable à ses conclusions, la commission, sur proposition de M. Claude Huriet, rapporteur, a décidé d'en demander le retrait, estimant que cette motion était sans fondement dès lors que les conclusions de la commission ne portaient en rien atteinte au droit de grève mais au contraire, pour reprendre les termes mêmes de l'objet de la motion, " privilégiaient le dialogue social et redonnaient toute leur effectivité aux négociations ".

Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption de l'amendement n° 2 présenté par M. Jean Chérioux après les interventions de MM. Jean Chérioux, Jean Delaneau, président, Guy Fischer, Mme Gisèle Printz et M. Claude Huriet, rapporteur.