AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 15 juin 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Affaires sociales - Proposition de loi relative à la famille - Examen d'une motion

La commission a procédé à l'examen de la motion n° 1 présentée par M. Claude Estier, Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Gilbert Chabroux, tendant à opposer la question préalable aux conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 396 (1998-1999), de MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Josselin de Rohan et Henri de Raincourt, relative à la famille.

Sur la proposition de M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, et après intervention de M. Jean Delaneau, président, la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.

Mercredi 16 juin 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Emploi - Limitation des licenciements des salariés de plus de cinquante ans - Examen du rapport en nouvelle lecture

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur la proposition de loi n° 390 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.

En remplacement de M. Louis Souvet, rapporteur, M. André Jourdain
a rappelé que la commission mixte paritaire, réunie le 12 mai 1999 au Sénat, n'avait pas été en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion de ce texte.

Il a souligné que cela n'avait rien de surprenant tant étaient fortes les divergences de fond qui séparaient les deux assemblées et qui avaient conduit le Sénat à rejeter à deux reprises - le 9 février et le 11 mai 1999 - le texte adopté par l'Assemblée nationale.

M. André Jourdain a constaté que l'Assemblée nationale avait rétabli en nouvelle lecture, le 27 mai 1999, le texte qu'elle avait adopté en première et en deuxième lecture. Il a estimé qu'aucun élément n'avait été apporté à cette occasion permettant de justifier le bien-fondé de cette proposition de loi et susceptible de faire évoluer la position adoptée par le Sénat.

M. André Jourdain a souhaité rappeler brièvement quelles étaient les raisons qui avaient conduit le Sénat à rejeter ce texte.

Il a observé que la Haute Assemblée avait tout d'abord jugé que cette proposition de loi reposait sur des fondements fragiles et contestables : les prétendus contournements de la " contribution Delalande " par les conventions de conversion ou par les refus de conventions de préretraite n'apparaissaient en effet pas prouvés. La simple constatation d'une augmentation de la part des salariés de plus de 50 ans dans les entrées en convention de conversion semblait très insuffisante à démontrer un contournement massif et un abus généralisé justifiant une intervention du législateur.

M. André Jourdain a considéré qu'il était en outre contradictoire de faire porter la " contribution Delalande ", qui procédait d'une logique de sanction, sur les conventions de conversion qui avaient précisément pour objectif de faciliter le reclassement du salarié dont le licenciement n'avait pu être évité.

S'agissant des refus de préretraites du Fonds national de l'emploi (FNE), M. André Jourdain a jugé que les affirmations concernant d'éventuels abus ne reposaient pas davantage sur des éléments précis. Après avoir observé que, sur une moyenne de 20.000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus était extrêmement faible et portait sur une soixantaine de salariés par an seulement, il s'est interrogé sur le bien-fondé, dans ces conditions, d'une intervention du législateur destinée à réprimer un nombre effectif d'abus probablement infinitésimal.

M. André Jourdain a rappelé que le Sénat avait jugé inacceptable le procès d'intention fait aux entreprises, globalement considérées par les initiateurs de cette proposition de loi comme ayant un comportement frauduleux, et que la Haute Assemblée avait dénoncé la logique de sanction et d'accroissement des charges des entreprises qui animait cette proposition de loi.

Il a souligné que le Sénat avait exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui entendait préserver l'emploi, ne constituât en définitive un véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés âgés de 45 à 50 ans.

Après avoir rappelé que le Sénat s'était dès lors interrogé sur la cohérence de la politique que menait le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés, M. André Jourdain a jugé qu'il était paradoxal d'augmenter la " contribution Delalande ", afin de sanctionner les entreprises qui licenciaient des salariés âgés de plus de 50 ans, tout en encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des âges par des départs massifs et anticipés de salariés " âgés ".

Il a fait valoir que le Sénat s'était également inquiété de l'affectation des recettes supplémentaires obtenues de la majoration et de l'extension de la " contribution Delalande ". Après avoir rappelé que l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) était, en application de l'article L. 321-13 du code du travail, le seul bénéficiaire des sommes prélevées au titre de la " contribution Delalande ", M. André Jourdain a souligné que le Gouvernement avait indiqué, par la voix de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, que ces recettes supplémentaires iraient à l'Etat si les partenaires sociaux se refusaient à améliorer l'indemnisation du chômage des salariés précaires.

Il a constaté que les craintes du Sénat avaient été malheureusement confirmées par un arrêté du 1er avril 1999 qui privait de facto l'UNEDIC du produit du doublement de la " contribution Delalande ". Cet arrêté augmentait en effet la participation de l'UNEDIC au financement des préretraites FNE d'un montant équivalent au produit attendu du doublement de la " contribution Delalande ", soit 1,15 milliard de francs en 1999. La participation de l'Etat au financement de ces préretraites en était réduite d'autant.

M. André Jourdain a indiqué que cet arrêté avait été très vivement critiqué par l'UNEDIC qui avait dénoncé " une remise en cause unilatérale des engagements de l'Etat " et souligné que les dispositions de l'accord de 1987 ne pouvaient être modifiées par un arrêté ministériel mais par les seuls signataires de l'accord. Il a signalé que l'ensemble des organisations syndicales et patronales avaient d'ailleurs décidé, lors d'une réunion du bureau de l'UNEDIC, le 3 juin 1999, de déposer un recours contre l'Etat.

M. André Jourdain a enfin regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas souhaité, en nouvelle lecture, modifier l'article 3, qui prévoit une entrée en vigueur rétroactive de cette proposition de loi au 1er janvier 1999.

Observant que la proposition de loi ne serait vraisemblablement promulguée qu'au début du mois de juillet prochain, M. André Jourdain s'est dit convaincu que cette rétroactivité soulèverait de redoutables problèmes pratiques et des risques de contentieux.

Il a remarqué que la suppression de l'article 3, qu'il proposerait à la commission, revêtait, dans ces conditions, une double signification : elle constituait, d'une part, une disposition de coordination avec la suppression des articles premier et deux ; elle permettait, d'autre part, à l'Assemblée nationale, comme l'article 45, alinéa 4, de la Constitution lui en laissait la possibilité, de reprendre, en lecture définitive, cet amendement voté par le Sénat et de supprimer par conséquent cet article. Il a expliqué que la suppression de cet article se traduirait par une entrée en vigueur de la loi selon les règles de droit commun, c'est-à-dire à compter de sa promulgation.

M. André Jourdain a proposé de maintenir la position adoptée par le Sénat en première et en deuxième lecture et de supprimer par conséquent les trois articles de ce texte, ce qui aboutirait au rejet de la proposition de loi.

M. Guy Fischer a constaté que les positions respectives des deux assemblées n'avaient pas évolué et a confirmé le soutien de son groupe à cette proposition de loi.

La commission a ensuite examiné les amendements proposés par le rapporteur.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article premier qui assujettit à la " contribution Delalande " les ruptures de contrat de travail des salariés ayant adhéré à des conventions de conversion.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 2 qui soumet à la " contribution Delalande " les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de la préretraite dans le cadre du FNE.

Elle a enfin adopté un amendement de suppression de l'article 3 qui rend applicables les dispositions de la présente proposition de loi à toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999.

Affaires sociales - Chèques-vacances - Examen du rapport en nouvelle lecture

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport en nouvelle lecture de M. Paul Blanc sur le projet de loi n° 402 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.

M. Paul Blanc, rapporteur, a observé que le texte examiné par la commission était celui adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, celle-ci ayant été saisie, après l'échec de la commission mixte paritaire, en nouvelle lecture du texte qu'elle venait d'adopter en deuxième lecture et l'ayant repris intégralement.

Il a estimé que l'échec de la commission mixte paritaire était prévisible dans la mesure où l'Assemblée nationale avait rétabli presque à l'identique en deuxième lecture le texte qu'elle avait adopté en première lecture et où elle avait ainsi opposé une fin de non recevoir aux propositions du Sénat malgré les inflexions apportées par la Haute Assemblée en deuxième lecture dans le souci de permettre la reprise du débat entre les deux chambres. Il a à cet égard regretté que la démarche d'ouverture du Sénat n'ait pas permis la reprise de ce dialogue, observant qu'un tel texte aurait mérité une approche plus consensuelle.

Il a souhaité rappeler les principales divergences existant entre les deux chambres, observant que, si les objectifs du projet de loi étaient partagés, les modalités de mise en oeuvre étaient différentes.

M. Paul Blanc, rapporteur, a exprimé la crainte que le projet de loi du Gouvernement ne soit pas à la hauteur des enjeux et ne permette pas de réaliser les deux objectifs affichés : permettre à 7,5 millions de salariés supplémentaires et à leur famille de bénéficier du chèque-vacances et constituer un nouvel atout pour l'industrie touristique.

Il a rappelé que le Sénat avait choisi de s'inscrire dans une démarche pragmatique, afin d'assurer une portée réelle au projet de loi, cette démarche était fondée sur trois séries de mesures.

Il a d'abord estimé qu'il était nécessaire de favoriser l'accès au chèque-vacances pour les personnes qui, soit n'en bénéficient pas, soit n'en bénéficient pas assez. A cet égard, il a rappelé que le Sénat avait proposé de limiter à 2 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) le montant minimum du versement du salarié pour permettre aux familles les plus modestes de se constituer progressivement une épargne vacances. Il a également rappelé que le Sénat avait cherché à mieux prendre en compte les familles en relevant la majoration du critère de ressources par demi-part supplémentaire et en modulant la contribution de l'employeur en fonction des charges de famille. Il a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas repris ces propositions favorables aux familles alors même que le secrétaire d'Etat chargé du tourisme faisait le constat des difficultés d'accès des familles aux vacances en mettant en place un groupe de travail interministériel sur ce sujet.

Il a précisé que le Sénat avait également cherché à rendre les chèques-vacances plus attractifs en étendant l'exonération de charges à la contribution sociale généralisée (CSG) et en facilitant la mise en place du chèque-vacances dans les petites et moyennes entreprises (PME) grâce à une simplification et à un élargissement des procédures.

Il a enfin souligné la nécessité d'améliorer le système actuel de distribution des chèques-vacances. Il a ainsi rappelé que le Sénat avait proposé d'autoriser l'Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) à sous-traiter leur distribution par des organismes bien implantés dans le réseau des PME.

Constatant que le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne retenait aucune des améliorations proposées par le Sénat, M. Paul Blanc, rapporteur, a proposé à la commission de rétablir le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture, à une exception rédactionnelle près.

M. Guy Fischer a constaté que la navette n'avait pas permis aux deux chambres de rapprocher leurs positions.

M. Gilbert Chabroux a déclaré partager cette analyse.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article premier, la commission, sur proposition de M. Paul Blanc, rapporteur, a adopté un amendement supprimant le paragraphe III de cet article qui visait à permettre l'utilisation du chèque-vacances dans l'ensemble des pays de la Communauté européenne.

A l'article 2, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, deux amendements visant à rétablir le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture, le premier revalorisant le plafond de ressources et le second actualisant le texte de l'ordonnance de 1982 en matière d'exonération des taxes et participations assises sur les salaires.

A l'article 3, la commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le dispositif d'exonération adopté par le Sénat en deuxième lecture.

A l'article 4, elle a adopté un amendement présenté par le rapporteur rétablissant le dispositif de mise en place des chèques-vacances dans les entreprises, adopté par le Sénat en deuxième lecture.

A l'article 4 ter, elle a, sur proposition du rapporteur, adopté un amendement rétablissant la disposition votée en deuxième lecture, supprimant la référence au salarié titulaire du chèque-vacances dès lors que le dispositif pouvait être étendu à des non-salariés.

A l'article 4 quater, la commission a adopté un amendement du rapporteur visant à rétablir la cotutelle du ministre chargé du tourisme et du ministre des finances sur l'ANCV.

A l'article 7, elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture, autorisant l'ANCV à conclure des conventions et partenariats avec des entreprises ou des organismes dans le but d'assurer la plus large distribution du chèque-vacances.

La commission a enfin approuvé le projet de loi ainsi amendé.

Contrôle social - Groupe de travail - Lois de financement de la sécurité sociale - Communication

Enfin, la commission a entendu une communication de M. Charles Descours sur les lois de financement de la sécurité sociale.

M. Charles Descours a observé de manière préliminaire que le Sénat jouait pleinement son rôle de chambre de réflexion en procédant à un " audit " des lois de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que la commission des affaires sociales avait décidé du principe d'un groupe de travail sur les lois de financement de la sécurité sociale dès le mois de novembre 1998. Il a souligné combien le programme complet d'auditions avait nourri les analyses et les propositions du groupe de travail, arrêtées le 9 juin dernier.

M. Charles Descours a tout d'abord constaté que les lois de financement représentaient désormais un acquis incontestable. Il a rappelé que l'intervention du Parlement était légitime, à partir du moment où les dépenses de la sécurité sociale dépassaient celles de l'Etat, où la fiscalisation croissante des recettes de la sécurité sociale s'accompagnait d'une déconnexion entre l'exercice d'une activité professionnelle et le droit à prestations et où le déficit continu du régime général depuis 1989 montrait que les partenaires sociaux n'avaient pas pu jouer le rôle que leur assignaient les ordonnances de 1967.

Il a fait valoir que les finances sociales étaient devenues des finances publiques à part entière. Observant qu'elles n'étaient pas pour autant assimilables aux finances de l'Etat, il a estimé qu'elles nécessitaient un instrument spécifique et original, celui des lois de financement de la sécurité sociale, permettant au Parlement de fixer les objectifs de dépenses par branche des régimes de plus de 20.000 cotisants, les prévisions de recettes par catégorie, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et les plafonds d'avances de trésorerie aux régimes dont la situation justifie le recours à l'emprunt.

Se réjouissant que les lois de financement constituent un moment fort du calendrier parlementaire, il a précisé que ce rendez-vous majeur conduisait chaque année le Gouvernement à devoir présenter devant le Parlement les mesures tendant à assurer l'équilibre des comptes sociaux.

Il a observé que les lois de financement de la sécurité sociale faisaient désormais l'objet d'un large consensus, tant des forces politiques que des partenaires sociaux.

Il a estimé qu'elles avaient su éviter trois écueils : le risque d'étatisation de la sécurité sociale, l'éventualité d'un conflit avec les lois de finances et la crainte d'un calendrier parlementaire impossible à tenir.

M. Charles Descours a considéré que l'instrument apparaissait cependant perfectible.

Il a regretté que le " volet qualitatif " soit décevant, le " rapport annexé " à l'article premier -amendable par les parlementaires- ne remplissant pas sa mission " d'éclairage des dispositions financières ". Il a rappelé que ce rapport était à la fois un exposé des motifs des dispositions du projet de loi, un rappel général des priorités de santé publique, une succession de déclarations d'intention et une expression d'engagements de la part du Gouvernement. Il a précisé qu'un arrêt du Conseil d'Etat du 5 mars 1999 était venu définitivement conclure que ces dispositions n'avaient aucune portée normative.

Il a considéré que les orientations de santé publique n'avaient pas trouvé leur place dans les lois de financement.

Il a observé que de grands débats extérieurs aux lois de financement (Etats généraux de la santé, conférence nationale de la famille, mission confiée au commissariat général du Plan) s'étaient multipliés et que la représentation nationale en était la grande absente.

Il a constaté que la jurisprudence souple du Conseil constitutionnel et l'absence d'inscription à l'ordre du jour d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) pouvaient faire craindre une dérive des lois de financement vers de tels types de projets de loi.

M. Charles Descours a indiqué que les lois de financement n'étaient pas pour autant devenues des lois de finances sociales, en raison notamment des délais de production des comptes des organismes de sécurité sociale. Il a regretté que ce retard handicape à tous les niveaux le pilotage des finances sociales et que l'analyse des comptes manque de substance, faute de suffisamment d'éléments fournis en temps utile.

Il a observé que la fiabilité de ces comptes demeurait incertaine, en raison de l'absence de plan comptable unique des organismes de sécurité sociale.

Il a noté que les lois de financement étaient des textes financiers peu lisibles, du fait de l'existence de transferts entre régimes, liés notamment à la compensation, de transferts entre branches et de l'affectation de recettes à plusieurs organismes bénéficiaires. Il a mentionné ainsi le mécanisme de répartition infiniment complexe de la contribution sociale généralisée (CSG) entre les différents régimes d'assurance maladie.

Il a déploré le manque de lisibilité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

Il a observé que -compte tenu des incertitudes pesant sur les comptes- il n'était guère étonnant que le suivi de l'application des lois de financement reste embryonnaire. Il a constaté que les commissions des comptes de la sécurité sociale n'avaient pas tiré les conséquences des lois de financement, en ne présentant aucune estimation des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes adoptés par le Parlement.

Il a souligné que les travaux de la Cour des comptes étaient également affectés par l'incertitude pesant sur les comptes sociaux et que le contrôle de l'application des lois de financement restait insuffisant.

Abordant la question de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), il a rappelé que le Parlement votait un objectif global, sans être formellement informé de la répartition entre les différentes enveloppes de dépenses. Il a considéré que la comparaison avec les crédits budgétaires inscrits en loi de finances ne se justifiait pas, en raison des responsabilités des partenaires sociaux dans la gestion de l'assurance maladie et de la nécessité de développer une politique conventionnelle. Il a noté que la fixation législative de la répartition de l'ONDAM entre prescripteurs était incompatible avec deux autres préoccupations : une certaine fongibilité des enveloppes, notamment à partir d'un coût par pathologie, et le souci d'aller vers une forme de régionalisation de la politique d'assurance maladie.

Il a souligné que la véritable question était celle du contenu de l'ONDAM en termes de santé publique. Il a considéré qu'une fois passée la constitution de l'agrégat comptable initial dans la loi de financement pour 1997, il importait de donner un sens à l'approbation par le Parlement de son évolution ultérieure ; il a observé que la fixation par les deux dernières lois de financement d'un taux de progression de l'ONDAM reposait davantage sur la reconduction de moyens calculée de façon plus ou moins réaliste que sur l'analyse des besoins de santé publique.

Il a constaté en outre que le Parlement assistait impuissant au dépassement du montant de l'ONDAM fixé en loi de financement et que le Gouvernement ne tirait pas les conséquences d'un tel dépassement.

M. Charles Descours a rappelé que la loi organique du 22 juillet 1996 avait organisé, en quelque sorte, une absence d'équilibre de la loi de financement, afin de respecter la marge de manoeuvre des partenaires sociaux, chargés de gérer au quotidien la sécurité sociale. Il a remarqué toutefois que -faute de pouvoir se prononcer sur un équilibre des lois de financement- le Parlement entérinait un " équilibre " du seul régime général, annoncé dans la presse et explicité par une annexe du projet de loi de financement, situation que voulait justement éviter la loi organique.

Rappelant que le plafond d'avances de trésorerie était originellement un moyen pour le Parlement de contrôler en exécution le déficit des régimes sociaux, il a constaté que du fait de relations de trésorerie complexes entre l'Etat et la sécurité sociale et de l'utilisation à deux reprises de la procédure réglementaire d'urgence pour relever le plafond de ces avances, cet instrument avait perdu beaucoup de sa signification.

M. Charles Descours a reconnu que le groupe de travail ne prétendait pas avoir trouvé une solution à toutes les questions complexes évoquées, mais qu'un certain nombre de propositions pouvaient être formulées.

M. Charles Descours a considéré que trois préalables étaient nécessaires pour permettre aux lois de financement de jouer pleinement leur rôle.

Il a estimé que le premier préalable était de disposer des comptes à temps. Il a proposé qu'un objectif soit clairement fixé, pour une clôture des comptes des organismes de sécurité sociale de l'année n au 31 mars de l'année n+1. Il a indiqué qu'un " plan de marche " devait être établi, prenant en compte la nécessaire formation des personnels et l'adaptation des systèmes d'information pour que cet objectif puisse être atteint dans un délai de trois ans.

Il a précisé que le deuxième préalable était de redéployer les moyens administratifs, la Direction de la sécurité sociale devant à l'évidence disposer de moyens quantitatifs et qualitatifs supplémentaires, au prix d'un redéploiement des effectifs.

Il a considéré que le troisième préalable consistait à clarifier le contexte constitutionnel, le Gouvernement étant retombé dans les travers d'une tutelle pesante, intervenant dans la gestion courante de l'assurance maladie et signant des accords disparates avec les professions médicales.

M. Charles Descours a présenté ensuite deux orientations pour rendre le débat plus transparent et plus efficace.

Il a estimé que la première orientation consistait à redistribuer les débats, en instituant des lois d'orientation de santé publique et de sécurité sociale quinquennales, dont les lois de financement seraient -d'un point de vue financier- la traduction annuelle. Il a observé que la mise en place de ces lois d'orientation permettrait de faire l'économie du rapport annexé à chaque projet de loi de financement.

M. Charles Descours a insisté sur la nécessité de prévoir régulièrement des lois portant DMOS, afin d'alléger les lois de financement de dispositions n'ayant qu'un rapport parfois lointain avec le financement de la sécurité sociale.

Il a considéré qu'il était nécessaire de réaffirmer le rôle du Parlement dans le débat public, en prévoyant -en fonction de l'actualité sociale- la tenue au printemps d'un débat d'orientation sur un thème spécifique de la protection sociale.

Il a estimé qu'il serait alors possible de recentrer les lois de financement sur les enjeux des finances sociales, le Parlement étant en mesure de réfléchir davantage au contenu des objectifs de dépenses, plutôt qu'à leur seule évolution.

M. Charles Descours a expliqué que la deuxième orientation consistait à clarifier les enjeux des finances sociales en simplifiant les mécanismes de financement et en progressant dans la notion d'un équilibre des lois de financement, par la définition d'un équilibre par branche. Il a rappelé que le contexte des lois de financement était fondamentalement différent des règles applicables en matière de loi de finances -privilégiant l'unité du budget de l'Etat- puisque la loi du 25 juillet 1994 posait le principe de l'autonomie des différentes branches du régime général.

Il a estimé qu'il était également nécessaire de mieux apprécier la cohérence des finances publiques. Il a considéré qu'il était nécessaire d'instituer un véritable débat d'orientation sur les finances publiques, le débat d'orientation budgétaire actuel restant trop allusif sur les finances sociales. Il a précisé qu'il était nécessaire de mieux distinguer les finances de l'Etat des finances sociales, en établissant un bilan exact de leurs relations financières et en supprimant les affectations de recettes communes au budget de l'Etat et à la sécurité sociale.

Evoquant le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, il a indiqué qu'il était nécessaire d'établir une relation régulière entre les commissions et la Cour des comptes, ce qui signifiait une prise de connaissance en amont du programme de travail de la Cour et un véritable dialogue à l'occasion de la remise du rapport annuel sur la sécurité sociale.

Il a constaté qu'il était également souhaitable de définir une pratique de lois de financement rectificatives, lorsqu'une dérive majeure des comptes sociaux était constatée, notamment lorsqu'il était nécessaire de relever les plafonds d'avances de trésorerie. Il a observé que le respect de la neutralité des opérations de trésorerie entre l'Etat et la sécurité sociale était d'autant plus nécessaire, afin que ces plafonds correspondent à un déficit comptable et non à un besoin de trésorerie.

M. Charles Descours a conclu son propos en observant qu'il ne proposait pas de bouleverser les lois de financement, mais d'opérer un certain nombre de " réglages fins ".

Il a souhaité que les analyses et les propositions du groupe de travail permettent d'améliorer la connaissance des lois de financement de la sécurité sociale et d'accélérer la prise de conscience, à tous les niveaux, des implications que comporte la mise en place de telles lois.

M. Jean Delaneau, président, après avoir remercié M. Charles Descours de la clarté de son exposé sur des sujets pourtant complexes, a estimé que les analyses et les orientations présentées permettraient d'éclairer la discussion des prochaines lois de financement.

M. Jean Chérioux, après avoir salué le travail difficile effectué par M. Charles Descours, a noté le souhait de développer une coopération régulière entre la commission et la Cour des comptes. Citant l'exemple de la loi famille du 25 juillet 1994, il a considéré toutefois que la Cour des comptes n'était plus dans son rôle lorsqu'elle en venait à critiquer les orientations retenues par le législateur.

M. Francis Giraud a constaté qu'il était difficile de percevoir la cohérence de l'action des différents organismes et groupes d'experts dans le domaine de la santé publique. Il s'est félicité de la proposition faite par le rapporteur d'une loi d'orientation de santé publique, exercice certes délicat, mais indispensable. Il a remarqué que l'examen du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) avait été l'occasion d'une discussion d'un panier de soins pour les titulaires de la CMU, alors qu'il était aujourd'hui impossible de le connaître pour l'ensemble des assurés.

M. François Autain a reconnu que la matière était particulièrement complexe. Il a déclaré souscrire à un certain nombre de propositions faites par M. Charles Descours.

Il a ainsi noté que des lois d'orientation de santé publique, sur une période de cinq ans, permettraient de mieux coordonner les travaux du Haut comité de la santé publique et de la conférence nationale de santé. Il a regretté l'impression de redondance laissée par les rapports de la conférence nationale de santé. Il a observé que les crédits budgétaires du ministère de la santé devaient également faire partie d'une programmation pluriannuelle.

Abordant le contexte institutionnel, il a observé que les professionnels de santé avaient naturellement tendance à s'adresser au Gouvernement. Il a estimé que la principale question posée était celle de la légitimité des conseils d'administration des caisses.

Il a souscrit à la proposition d'un véritable débat sur les finances publiques.

Enfin, il a fait part de son scepticisme quant aux perspectives de simplification du financement de la protection sociale.

M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur la crédibilité du Parlement à voter un ONDAM chaque année, alors que la politique de santé restait aussi difficilement lisible. Il a souscrit à la proposition de lois d'orientation de santé publique, instituant un cadre pluriannuel. Evoquant les travaux du Parlement européen en matière de lutte contre le saturnisme, il a observé que le cadre national n'était plus forcément le seul adapté pour définir une politique de santé.

Dénonçant le manque de transparence des comptes, il s'est élevé contre leur construction actuelle. Il s'est étonné du montant encore important des exonérations de cotisations de sécurité sociale non compensées par l'Etat. Il a regretté que seule la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dispose des statistiques des dépenses d'assurance maladie.

M. Guy Fischer a souligné le caractère prioritaire d'une définition d'une politique de santé publique, en matière de soins et de prévention. Il a observé que les lois de financement avaient défini un ONDAM qui n'était pas maîtrisé. Il a souscrit à la proposition de lois d'orientation de santé publique, à condition que celles-ci permettent de définir les véritables besoins, par exemple des hôpitaux. Evoquant les conventions signées entre le Gouvernement et les professions médicales, il a reconnu qu'elles montraient une certaine confusion.

Il a souligné l'incertitude affectant les comptes de la sécurité sociale et rappelé que la contribution sociale généralisée (CSG) était devenue la première imposition directe en France.

M. Bernard Seillier a rendu hommage à la volonté de procéder à un rapport d'évaluation et de méthodologie. Il s'est interrogé sur la possibilité d'étendre ce type d'évaluations à des instruments très concrets, comme le mécanisme de régulation affectant les cliniques privées.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur l'existence d'instruments permettant de mesurer l'efficacité de la politique de santé.

M. Claude Huriet a marqué son inquiétude devant la multiplication de grands débats extérieurs aux lois de financement. S'interrogeant sur la conception exacte d'une démocratisation des choix de santé, il a souscrit à la proposition d'une loi pluriannuelle.

Il a estimé que les ajustements de recettes effectués par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) laissaient perplexe sur la réalité des déficits et des équilibres présentés alors même que ces données financières sont avancées pour justifier des mesures correctrices.

Abordant les relations entre le Gouvernement et la CNAMTS, il s'est interrogé sur le pouvoir exact de l'Etat et des partenaires sociaux. Il a rappelé que les conseils de surveillance, institution toute récente, avaient pour mission d'effectuer un contrôle de la mise en oeuvre des conventions d'objectifs et de gestion. Il a observé que leurs avis rendus au Parlement devraient permettre d'y voir plus clair.

Répondant aux différents intervenants, M. Charles Descours a constaté qu'effectivement les orientations et propositions qu'il présentait avaient un fort contenu " méthodologique " qui dépassait les clivages politiques.

Il a reconnu, en réponse aux interrogations de M. Jean Chérioux, que la Cour des comptes n'avait pas pour mission de donner son avis sur les décisions politiques prises, mais de contrôler efficacement les comptes de la sécurité sociale.

Il a estimé que la détermination du panier de soins, évoqué par M. Francis Giraud, était une compétence revendiquée par tous les acteurs : Gouvernement, professionnels de santé, conseils d'administrations des caisses d'assurance maladie et Parlement.

Revenant sur les observations formulées par M. François Autain, il a observé que l'institution de lois pluriannuelles permettrait justement de traiter à la fois des moyens de prévention dépendant du budget des régimes d'assurance maladie et des crédits ministériels de la santé.

Répondant à M. Dominique Leclerc, il a rappelé qu'il était nécessaire de faire la distinction entre les exonérations de cotisations décidées avant 1994 -restées non compensées- et celles décidées après 1994, intégralement compensées. Il a expliqué que l'Etat n'estimait pas toutefois nécessaire de rembourser les dispositifs d'exonération qui font l'objet d'une prorogation ainsi que d'une majoration de taux.

Il a indiqué que les données chiffrées étaient normalement à la disposition des professions de santé, à travers leurs unions régionales.

Répondant à M. Alain Vasselle, et après avoir indiqué que l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) n'avait pas atteint son objectif, il a précisé que les instruments de mesure de la politique de santé ne faisaient pas partie du sujet abordé par le groupe de travail.

Revenant sur la multiplication des débats extérieurs aux lois de financement, il a considéré que la loi d'orientation était justement un moyen d'éviter que le Parlement n'en soit exclu.

Il a souscrit à la remarque de M. Claude Huriet visant à rappeler le rôle joué par les conseils de surveillance.

La commission a alors approuvé la communication de M. Charles Descours et décidé de sa publication sous la forme d'un rapport d'information.