AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mercredi 9 décembre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Nomination de rapporteur

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de M. Louis Souvet, rapporteur de la proposition de résolution n° 98 (1998-1999), présentée, en application de l'article 73 bis du règlement, par M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues, sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E-1171).

Résolutions européennes - Emploi - Proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé sur le rapport de M. Louis Souvet à l'examen de la proposition de résolution n° 87 (1998-1999), présentée par M. Michel Barnier, et de la proposition de résolution n° 98 (1998-1999), présentée par M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la communication de la Commission européenne : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E-1171).

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que le rapporteur et lui-même avaient accepté l'examen conjoint de la proposition de résolution déposée par M. Michel Barnier et de la proposition de résolution déposée par M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues, bien que cette dernière n'ait été déposée que la veille de la réunion de la commission.

M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que la commission était saisie de deux propositions de résolution sur la proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999, formulée par la Commission européenne : la première, étant présentée, à titre personnel, par M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, et la seconde par M. Guy Fischer et certains de ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen.

Il a observé que les lignes directrices pour l'emploi étaient un élément important des dispositions relatives aux politiques de l'emploi comprises dans le Traité d'Amsterdam et qu'elles avaient été mises en oeuvre par anticipation depuis 1997. Il a souligné que la proposition élaborée par la Commission européenne devait être examinée lors du Conseil européen de Vienne des 12 et 13 décembre prochains. Il a estimé urgent que la commission examine ce texte de manière à ce que le Parlement puisse utilement mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 88-4 de la Constitution.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les conclusions qu'il proposerait à la commission d'adopter reprenaient et complétaient, sur cinq points, les réserves formulées par le président Michel Barnier.

Il a observé que la proposition de résolution présentée par M. Guy Fischer et certains de ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen lui était en revanche apparue trop éloignée des positions, tant de la Commission européenne et du Gouvernement français, que du Sénat pour constituer le point de départ du débat en commission.

Il a néanmoins souhaité reprendre une préoccupation soulevée par cette proposition de résolution relative à la lutte contre les discriminations au travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que les lignes directrices pour l'emploi traduisaient la prise de conscience par les Etats membres de la nécessité de progresser dans la voie d'une Europe sociale. Il a observé que leur caractère peu contraignant illustrait l'étendue du chemin à parcourir avant d'aboutir à un véritable espace social européen, comme il existe un espace économique et monétaire.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le Conseil européen de Cardiff qui s'était tenu les 15 et 16 juin dernier avait examiné les efforts entrepris dans les plans nationaux pour l'emploi et que la Commission européenne avait rendu public, le 14 octobre dernier, sur la base des rapports transmis par les Etats membres, un rapport conjoint en vue du Conseil européen de Vienne des 12 et 13 décembre prochains. Il a déclaré que ce rapport comportait des propositions d'adaptation des lignes directrices adoptées pour 1998.

M. Louis Souvet, rapporteur, a précisé que la Commission européenne avait considéré que les discussions entreprises au début de l'année avec les Etats membres lors de la préparation des plans d'action nationaux avaient fait apparaître un certain nombre de lacunes dans la portée et le champ d'application des lignes directrices pour 1998, ainsi que la nécessité d'apporter un certain nombre d'éclaircissements.

Ce faisant, il a observé qu'elle avait décidé de proposer un nombre restreint d'adaptations aux lignes directrices pour 1998 à travers cinq séries de modifications.

Concernant l'accentuation des mesures actives, M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la Commission européenne avait souhaité prendre acte des efforts des pays membres pour revoir leurs systèmes fiscaux et leurs régimes d'allocation dans un sens favorable à la participation active au monde du travail et à la lutte contre l'exclusion sociale.

Il a observé qu'elle avait proposé de créer une nouvelle ligne directrice portant le numéro 4 invitant les Etats membres à examiner et à modifier les systèmes d'indemnisation et de fiscalité de manière à inciter réellement les chômeurs ou les inactifs à chercher et à saisir les possibilités d'emploi ou de formation. Il a déclaré que la Commission européenne avait également préconisé une réévaluation critique des prestations existantes, comme les préretraites, qui incitent les travailleurs à anticiper leur départ du monde du travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la Commission européenne avait souhaité introduire une référence spécifique dans la ligne directrice n° 6 aux besoins en compétences dans les technologies de l'information et de la communication, ainsi qu'à la nécessité de faciliter l'accès des travailleurs plus âgés à ces technologies.

Il a indiqué qu'elle avait souhaité instituer, dans la ligne directrice n° 9, la nécessité d'apporter une attention particulière aux besoins des minorités ethniques.

Evoquant le potentiel de créations d'emplois que recèle le secteur des services, M. Louis Souvet, rapporteur, a précisé que la Commission européenne avait estimé qu'une ligne directrice spécifique devait être définie, la ligne directrice n° 13, pour encourager une création d'emplois plus dynamique dans ce secteur où l'Union européenne était en retard par rapport aux Etats-Unis.

Evoquant les moyens de concilier la vie professionnelle et la vie familiale, il a observé que la Commission européenne avait proposé de renforcer la ligne directrice n° 19 demandant qu'une attention particulière soit accordée au développement de services de prise en charge abordables, accessibles et de haute qualité.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que la Commission européenne avait, par ailleurs, proposé des modifications de certaines lignes directrices de manière à en clarifier la portée ou l'interprétation.

M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que l'examen conjoint des deux propositions de résolution avait le mérite de mettre en lumière deux conceptions, diamétralement opposées, de la construction européenne.

Il a observé que la première proposition de résolution, déposée à titre personnel par M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, considérait que " le contenu des lignes directrices proposées par la Commission européenne paraissait, dans l'ensemble, bien adapté à la problématique de l'emploi telle qu'elle se présente dans la communauté et singulièrement en France " et qu'il convenait " sous réserve de certaines précisions et de certains compléments " de les approuver.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé les dix réserves que comporte la proposition de résolution présentée par M. Michel Barnier : les incitations à la recherche d'emploi doivent concerner prioritairement les chômeurs (ligne directrice n° 4) ; les aides à la sortie du marché du travail doivent faire l'objet d'un rapport au Parlement français afin de déterminer leur coût et leurs effets (ligne directrice n° 4) ; les obstacles à la mobilité géographique doivent être réduits (ligne directrice n° 4) ; la ligne directrice n° 8 doit mentionner également le réexamen des dispositifs d'orientation scolaire et universitaire ; la référence aux " minorités ethniques ", dans la ligne directrice n° 9, doit être supprimée ; la ligne directrice n° 10 doit mentionner également la réduction des obstacles à la transmission des entreprises ; l'instauration d'une écotaxe prévue par la ligne directrice n° 11 n'apporte pas la réponse attendue pour assurer le financement des systèmes de sécurité sociale ; la ligne directrice n° 14 doit être complétée pour mentionner une réduction de TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre et peu exposés à la concurrence transfrontalière ; la ligne directrice n° 15 doit souligner plus explicitement que l'intervention des Etats dans l'organisation des relations du travail devait respecter le principe de subsidiarité ; la ligne directrice n° 16 pourrait prévoir la définition, à l'échelon communautaire, de formules de référence pour les nouveaux types de contrat, afin d'encourager les évolutions et de favoriser un rapprochement spontané des législations.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la proposition de résolution présentée par M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen participait d'une tout autre logique.

Il a observé que les auteurs de la proposition de résolution " demandaient au Gouvernement de faire état d'orientations allant dans le sens d'une croissance durable, accompagnées d'un développement de l'emploi, en rupture avec la logique libérale de l'actuelle construction européenne et en proposant une réorientation progressiste de cette dernière ".

Il a déclaré que cette proposition concluait à l'adoption des lignes directrices sous la réserve d'adoption de modifications substantielles. Il a estimé que les propositions de modifications étaient incompatibles avec la politique d'inspiration libérale et sociale menée par les gouvernements européens et les instances européennes. Il a cité la première réserve, qui propose de revenir sur le Pacte de stabilité et de relancer la dépense publique, la deuxième, qui propose de revenir sur le principe de l'indépendance de la Banque centrale européenne, et la quatrième, qui se prononce en faveur de taux d'intérêt administrés.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que cette proposition constituait, sur plusieurs points fondamentaux, l'antithèse des lignes directrices pour l'emploi proposées par la Commission européenne et acceptées par le président Barnier sous réserve de modifications. Il a déclaré qu'elle était également en contradiction avec la politique économique suivie par le Gouvernement français depuis dix-huit mois.

Il a observé que deux dispositions rejoignaient néanmoins les propositions de la Commission européenne : la disposition n° 8 tendant à demander le renforcement de la formation professionnelle tout au long de la vie et la disposition n° 10 demandant le respect de l'égalité entre hommes et femmes dans les relations du travail et la lutte contre les discriminations.

Evoquant le caractère essentiellement déclaratif de la proposition de résolution déposée par les membres du groupe communiste républicain et citoyen et le contenu même des propositions formulées, il a déclaré qu'il avait décidé de prendre la proposition de M. Michel Barnier comme base de travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré comme extrêmement pertinentes les réserves formulées par le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Il a cependant considéré que le rapport, demandé sur les aides au retrait d'activité, dont il a jugé le principe excellent, mériterait d'être inscrit dans le futur projet de loi sur les retraites que présentera le Gouvernement à l'issue de la mission de diagnostic confiée au Commissariat général du Plan, de préférence au texte examiné présentement dont il convenait de préserver la dimension communautaire.

M. Louis Souvet, rapporteur, a approuvé le retrait de la clause relative aux " minorités ethniques ", qu'il a jugée contraire à la tradition républicaine ; il a souligné tout l'intérêt de la référence au principe de subsidiarité dans la définition des rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux dans les relations du travail, et le souhait que soient définies, à l'échelon européen, des formules de référence pour les nouveaux types de contrat, afin d'encourager les évolutions et de favoriser un rapprochement spontané des législations.

Il a souhaité compléter les réserves formulées par la proposition de résolution sur plusieurs points.

Concernant l'amélioration de la capacité d'insertion professionnelle, il a considéré que la ligne directrice n° 6 devait préciser que les aides à la formation professionnelle s'appliquaient à l'ensemble des salariés, quel que soit leur niveau de formation ou de diplôme.

A propos de l'égalité des droits, il a considéré qu'il serait souhaitable que la ligne directrice n° 9 précise que les Etats membres s'attacheront à interdire toutes les formes de discrimination dans l'accès au marché du travail.

Soulignant l'intérêt d'exploiter les opportunités de nouvelles créations d'emplois, il a considéré que la ligne directrice n° 12 gagnerait à rappeler que les emplois créés grâce à des aides publiques devaient à terme être pérennisés et solvabilisés par une demande privée.

Evoquant la nécessité de rendre le système fiscal plus favorable à l'emploi, il a souhaité que la ligne directrice n° 14 fasse plus explicitement référence à la nécessité de poursuivre les politiques d'allégement de charges sur les bas salaires.

Afin de concilier vie professionnelle et vie familiale, il a estimé nécessaire que la ligne directrice n° 19 précise que la promotion des politiques favorables à la famille repose à la fois sur le développement des structures d'accueil collectif et le renforcement des aides aux modes de garde individuelle.

Enfin, M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé à la commission de bien vouloir adopter les conclusions qu'il lui avait présentées et qui reprenaient, en les modifiant, les termes de la proposition de résolution de M. Michel Barnier.

M. Guy Fischer, après avoir observé que le Gouvernement français avait obtenu une inflexion sensible dans la conduite de la politique économique au niveau européen, a estimé que le texte de la proposition de la Commission européenne était encore trop libéral. Il a justifié sa proposition de résolution par la nécessité de mieux prendre en compte les aspects sociaux dans la construction européenne. Il a déclaré que sa proposition de résolution concluait à l'adoption des lignes directrices pour l'emploi, sous réserve de l'acceptation de modifications substantielles.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est félicitée du contenu et de la rapidité de la mise en oeuvre des plans d'action nationale pour l'emploi. Elle a estimé qu'ils constituaient le pendant du pacte de stabilité et qu'ils préparaient une nouvelle étape de la construction de l'Europe sociale. Elle a considéré que la proposition de résolution de M. Michel Barnier n'était pas très éloignée du plan d'action nationale français, à l'exception des remarques ayant trait au rôle de l'Etat dans la mise en place de la réduction du temps de travail. Ce dernier point lui a semblé justifier un avis défavorable du groupe socialiste à l'adoption des conclusions de la commission.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que les sénateurs avaient la possibilité de présenter des amendements aux conclusions de la commission.

Mme Gisèle Printz a souligné l'intérêt des dispositions relatives à la promotion des handicapés sur le lieu de travail dans les lignes directrices pour l'emploi.

M. Claude Huriet a observé que la commission pourrait être amenée à examiner un nombre toujours plus grand de résolutions ; il s'est interrogé sur les moyens de renforcer le dialogue institutionnel entre la commission des affaires sociales du Sénat, les commissions du Parlement européen et la Commission européenne.

M. Jean Delaneau, président, a considéré que l'approfondissement du dialogue institutionnel reposait notamment sur l'amélioration de la circulation de l'information et le renforcement de la réactivité du Parlement aux initiatives de la Commission européenne. Il a cité l'exemple du Parlement britannique qui est étroitement associé à la définition et à la conduite de la politique européenne du Royaume-Uni.

M. Claude Domeizel s'est interrogé sur la signification de la proposition du rapporteur de modifier la ligne directrice n° 12 afin qu'il soit rappelé que les emplois créés grâce à des aides publiques devaient être, à terme, pérennisés et solvabilisés par la demande privée. Il a désapprouvé cette proposition dans la mesure où elle pourrait concerner le plan emploi-jeunes.

M. André Jourdain a souhaité savoir si la ligne directrice n° 16 relative au développement de contrats de travail adaptables pouvait concerner le multisalariat et les groupements d'employeurs.

M. Louis Souvet, rapporteur, a confirmé que ces deux types d'activité étaient bien concernés par cette ligne directrice n° 16.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur le fait que la proposition de résolution adoptée par la commission puisse devenir résolution du Sénat sans nécessairement avoir été examinée en séance publique.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que cette procédure avait été conçue pour des raisons d'efficacité compte tenu du délai souvent très bref existant entre la communication au Parlement des propositions d'actes communautaires et la date prévue pour leur adoption. Il a observé que le droit d'amendement de la proposition de résolution de la commission n'était pas limité aux seuls membres de la commission des affaires sociales.

La commission a adopté la proposition de résolution résultant des conclusions du rapporteur. Conformément à l'article 73 bis, alinéa 7 du règlement, elle a fixé le délai-limite pour le dépôt des amendements au mardi 15 décembre à 17 heures, ces amendements devant être examinés lors de la réunion de la commission du mercredi 16 décembre.

Nomination de rapporteur

Puis la commission a nommé M. Marcel Lesbros rapporteur sur la proposition de loi n° 82 (1998-1999) de M. Rémi Herment tendant à prendre en compte pour l'octroi d'une retraite anticipée aux anciens combattants d'Afrique du Nord la durée du temps passé au-delà de la durée légale du service militaire entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Puis, la commission a nommé M. Louis Boyer comme candidat titulaire et MM. Roger Lagorsse et Jacques Machet comme candidats suppléants proposés à la désignation du Sénat pour siéger au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles et M. Roger Lagorsse pour siéger en tant que suppléant au sein de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.