Table des matières




Mardi 4 mars 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Création d'un chèque-emploi associatif - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport deMme Sylvie Desmarescaux sur la proposition de loi n° 19 (2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un chèque-emploi associatif.

Mme Sylvie Desmarescaux
, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi, dont l'initiative revient à M. Jean-Pierre Decool, député du Nord, vise à satisfaire une revendication ancienne des associations, et notamment des plus petites d'entre elles, à savoir la simplification des formalités sociales liées à l'embauche de leurs salariés.

Elle a rappelé l'importance des associations dans la vie économique et sociale de notre pays. Elle a notamment souligné la diversité de l'emploi associatif qui représentait, en 1999, près de 5 % de l'emploi salarié total. Elle a également relevé que plus de la moitié des associations employeurs n'ont qu'un à deux salariés et que, dans la majorité des cas, il s'agit d'emplois à temps partiel. Elle a précisé, en outre, que l'emploi associatif joue un rôle essentiel dans le dynamisme de certains dispositifs de la politique de l'emploi, le milieu associatif représentant ainsi, par exemple, 35 % des contrats emplois solidarité (CES).

Compte tenu de l'importance de la contribution de l'emploi associatif à la vie sociale de notre pays, Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a donc estimé indispensable de définir une politique plus favorable à l'embauche au profit des associations. Elle a souligné les difficultés auxquelles étaient plus particulièrement confrontées, en ce domaine, les petites associations. Elle a ainsi jugé particulièrement utile et bienvenue la proposition de loi, comme le confirme le large accord que cette dernière a rencontré, en première lecture, à l'Assemblée nationale, notamment de la part du Gouvernement.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a ensuite présenté le dispositif proposé, qui s'inspire directement de celui du chèque-emploi services, déjà utilisé par les particuliers employant une aide domestique. Elle a souligné que le but du chèque-emploi associatif n'était pas de définir, au détriment des salariés des petites associations, un statut social « au rabais », mais de décharger, dans toute la mesure du possible, les bénévoles gérant les associations des tâches matérielles liées à l'accomplissement des formalités sociales. Elle a également justifié la limitation du chèque-emploi associatif aux associations à but non lucratif employant, au plus, un équivalent temps plein. Elle a, en outre, écarté l'éventualité d'élargir le chèque-emploi associatif à d'autres secteurs d'activité, compte tenu, notamment, de l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement au projet de loi pour l'initiative économique visant à créer un « chèque-emploi entreprises » pour les petites entreprises du secteur concurrentiel et artisanal.

Tout en réaffirmant son plein accord de principe avec les objectifs définis dans la proposition de loi, Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a toutefois jugé nécessaire, dans un souci d'efficacité, d'en préciser la rédaction sur quatre points :

- l'élargissement du champ du chèque-emploi associatif à l'ensemble des formalités sociales qui incombent aux associations, formalités qui, à l'instar des autres employeurs de droit commun, sont plus nombreuses que celles imparties à un particulier utilisant un chèque-emploi services pour rémunérer une aide domestique ;

- la désignation des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque-emploi associatif . Ces associations pourront ainsi bénéficier directement, et gratuitement, de l'outil informatique développé par les URSSAF afin de simplifier les démarches administratives des associations (« Impact emploi associations), dont Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a indiqué qu'elle avait pu vérifier « in situ » la pertinence et l'efficacité ;

- la suppression de l'abattement de charges sociales prévu dans la rédaction initiale de la proposition de loi en faveur des associations utilisant le chèque-emploi associatif, qui n'aurait qu'une portée symbolique, compte tenu des abattements de droit commun dont bénéficient déjà les associations ;

- la détermination d'une date d'entrée en vigueur pour la proposition de loi, fixée au 1er janvier 2004.

Tout en soulignant l'intérêt, pour les associations, du chèque-emploi associatif, et illustrant leurs propos d'exemples tirés de leur expérience locale ou personnelle, MM. Paul Blanc, Michel Esneu, Mmes Françoise Henneron, Nelly Ollin et Valérie Létard ont souligné l'inconvénient que représente, selon eux, la limitation de son utilisation aux seules associations employant, au plus, un équivalent temps plein.

M. Jean Chérioux a souhaité connaître le nombre d'emplois que pourrait permettre de créer le chèque-emploi associatif, avant de suggérer au rapporteur de resituer, à l'occasion de son rapport écrit, ce dispositif particulier dans le contexte plus général de l'emploi associatif, dont une part non négligeable est financée, directement ou indirectement, par des fonds publics.

Mme Gisèle Printz a estimé que la création du chèque-emploi associatif n'était, en fait, qu'une mesure symbolique, destinée à faire oublier les graves conséquences, pour les associations, de la suppression des emplois-jeunes décidée par le Gouvernement. Elle s'est également interrogée sur la convention collective et l'organisme de retraite complémentaire dont relèveront les salariés rémunérés à l'aide d'un chèque-emploi associatif, ainsi que sur les raisons pour lesquelles l'accord préalable desdits salariés sera obligatoire pour pouvoir utiliser ce chèque. En outre, elle a demandé si les associations avaient été consultées sur ce projet.

M. Guy Fisher a, notamment, souhaité savoir si l'utilisation du chèque-emploi associatif sera limitée aux seules associations décidant d'embaucher à l'aide de ce nouveau dispositif, comme pourraient le laisser penser les déclarations de l'auteur de la proposition de loi, ou si le chèque-emploi associatif pourra également être utilisé par des associations employant, déjà, des salariés dans la limite d'un équivalent temps plein. Il s'est également interrogé sur la coordination de ce dispositif avec le « chèque-emploi entreprises » adopté, par l'Assemblée nationale, dans le projet de loi pour l'initiative économique.

Sur ce dernier point, M. Paul Blanc a souhaité connaître dans quelle mesure le bénéfice du « chèque-emploi entreprises» pourrait être étendu aux associations à but lucratif.

En réponse, Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a notamment fourni les précisions ou appréciations suivantes :

- sur un total d'environ 900.000 associations, seulement 145.000 employaient, en 1999, des salariés. Le potentiel de création d'emplois que pourrait révéler  le chèque-emploi associatif est donc important ;

- par souci d'efficacité, il paraît indispensable de « cibler » ce dispositif sur les très petites associations, étant rappelé que 54 % des associations employeurs n'ont qu'un ou deux salariés souvent à temps partiel. Les associations plus importantes pourront toujours recourir, par l'intermédiaire d'un tiers de confiance, aux facilités offertes par la solution « Impact emploi associations », même si cette dernière est, effectivement, encore trop peu connue ;

- la condition exigée d'un équivalent temps plein signifie, dans les faits, que l'association utilisant le chèque-emploi associatif pourra employer cinq à dix salariés environ ;

- la détermination de la convention collective et de l'organisme de retraite complémentaire applicables aux salariés rémunérés à l'aide d'un chèque-emploi associatif pourra être effectuée dans le cadre de procédures simplifiées, comparables à celles qui existent, par exemple, dans le cadre du « titre emploi simplifié agricole » ;

- l'accord préalable du salarié est déjà une condition prévue pour l'utilisation du chèque-emploi services ;

- la rédaction de l'article du projet de loi pour l'initiative économique visant à créer un « chèque-emploi entreprises » a été modifiée, à l'Assemblée nationale, afin d'en exclure les associations ;

- une association employant déjà des salariés dans la limite d'un équivalent temps plein pourra utiliser le chèque-emploi associatif ;

- les représentants du monde associatif ont, bien entendu, été consultés sur le chèque-emploi associatif, et s'y sont déclarés favorables.

Puis la commission est passée à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article premier (création d'un chèque-emploi associatif), elle a adopté un amendement précisant le champ d'application du chèque-emploi associatif, désignant les URSSAF comme interlocuteur direct et unique des associations utilisatrices, et supprimant l'abattement de charges initialement défini en leur faveur.

A l'article 2 (gage de la perte de recettes résultant, pour la sécurité sociale, de l'abattement de charges), elle a adopté un amendement de coordination qui fixe au 1er janvier 2004 la date d'entrée en vigueur de la proposition de loi et se substitue au gage dont était initialement assortie la proposition de loi, devenu sans objet du fait de l'amendement précédent.

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée.

Nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a désigné M. Georges Mouly comme rapporteur sur sa proposition de loi n° 156 (2002-2003) visant à simplifier les procédures d'agrément délivré aux entreprises et associations de services aux particuliers.

Mercredi 5 mars 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Adolescence en crise

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission, conjointement avec le groupe d'études sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence, a procédé à des auditions sur le thème de l'adolescence en crise.

M. Nicolas About, président
, a rappelé que M. Jean-Louis Lorrain avait grandement contribué à la création du groupe d'études sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence qu'il présidait aujourd'hui et qui constituait en quelque sorte la préfiguration de ce que pourrait être une éventuelle délégation aux droits des enfants. Il s'est félicité de la qualité des intervenants, rappelant notamment que cette journée débuterait par l'audition de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, et serait close par M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

Il a précisé que ces auditions feraient l'objet d'un compte rendu intégral qui serait publié dans le rapport d'information que M. Jean-Louis Lorrain, président du groupe d'études, présenterait début avril.

M. Jean-Louis Lorrain, président du groupe d'études sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence, a souligné que le thème de l'adolescence en crise avait été choisi en raison de la diversité des aspects du sujet, notamment médicaux, sociaux et familiaux. Il a rappelé que cette journée avait pour objet de mieux faire comprendre les différentes manifestations de l'adolescence en crise pour développer les meilleurs moyens d'y faire face.

Audition de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants

La commission et le groupe d'études ont procédé à l'audition de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants
, a estimé que l'adolescence avait des frontières mouvantes en termes d'âge et concernait environ 5 millions de personnes dont 15 % pouvaient être considérées en grand mal-être. Rappelant que l'adolescence était une période normale de maturation physique et psychique de l'individu, elle a indiqué qu'elle se caractérisait par une vision immédiate du temps, une projection difficile dans l'avenir, une hypersensibilité aux conflits et un besoin structurel et structurant de s'opposer. S'appuyant sur son expérience de défenseure des enfants dont l'adolescence constituait une part importante de l'activité, Mme Claire Brisset a estimé que cette crise était souvent aussi bien le fait des transformations inhérentes à cet âge que de problèmes familiaux, sociaux ou scolaires.

Après ce constat, Mme Claire Brisset a fait part à la commission et au groupe d'études de trois actions qu'il serait nécessaire de mener en faveur de l'adolescence : la mise en oeuvre d'une politique nationale rassemblant les différents acteurs pour faire face aux comportements auto et hétéro-agressifs des adolescents, l'accès à des réponses variées et adaptées au niveau décentralisé, et le développement de structures en réseau auprès des familles, à l'instar des maisons de l'adolescent.

Répondant aux questions de M. Jean-Louis Lorrain président du groupe d'études, MM. Jean-Pierre Fourcade, Guy Fischer, Mme Sophie Desmarescaux, MM. Francis Giraud et Gilbert Chabroux, Mme Claire Brisset a rappelé l'importance des structures en réseaux pour aborder les adolescents les plus en difficulté. Elle a estimé que le décloisonnement des structures devait s'accompagner d'une formation croisée des professionnels de l'adolescence, notamment dans le domaine de la pédopsychiatrie. Elle a enfin souligné que si l'adolescence était le luxe d'une société développée, cette dernière devait en assumer le coût.

Audition de M. Philippe Jeammet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Paris VI, chef du service de psychiatrie des adolescents et des jeunes adultes à l'Institut mutualiste Montsouris

La commission et le groupe d'études ont ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Jeammet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Paris VI, chef du service de psychiatrie des adolescents et des jeunes adultes à l'Institut mutualiste Montsouris.

M. Philippe Jeammet
a observé que l'adolescence se caractérisait par un phénomène physiologique et des changements psychosociaux qui entraînaient une modification de la relation aux parents et un besoin d'indépendance. Rappelant qu'une récente étude du Centre de recherche et de documentation sur la consommation (CREDOC) montrait que la famille restait le premier référent pour cinq adolescents sur six, M. Philippe Jeammet a souligné que l'adolescent vivait dans le paradoxe d'un fort besoin des parents par peur de se sentir abandonné dans un monde extérieur menaçant, et du refus d'être sous influence, qui menait à une relation conflictuelle. Il a indiqué que cette prise d'indépendance était aujourd'hui synonyme d'exigence de réussite, qui aboutissait à ce que de nombreux adolescents doutent de leurs capacités et s'enferment dans l'échec, seul moyen maîtrisable d'affirmation, et les conduites à risque. Il a toutefois rappelé que 20 % des adolescents étaient réellement touchés par ce mal-être, beaucoup moins qu'autrefois.

Il a appelé de ses voeux le développement de structures en réseau pour aller au-devant de ceux qui en avaient réellement besoin, rappelant que 20.000 structures existaient en Ile-de-France sans aucune coordination, et estimé que le suivi indispensable des adolescents en difficulté nécessitait une grande disponibilité.

Répondant aux questions de MM. Jean-Louis Lorrain, président du groupe d'études, Francis Giraud, Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean-Claude Etienne, Michel Esneu et Mme Nelly Olin, M. Philippe Jeammet a estimé qu'il était indispensable de développer la pédopsychiatrie et de renforcer la médecine scolaire et notamment ses liens avec la protection maternelle infantile, car beaucoup de problèmes étaient détectables dès la petite enfance. Concernant le suicide, il a rappelé que le taux en était élevé en France, notamment chez les jeunes adultes, signe de la difficulté du passage à la vie adulte. Il a indiqué que, si le rôle de l'école devait être renforcé et l'urbanisation maîtrisée, 10 à 15 % des jeunes auraient toujours des difficultés malgré tout, pour des raisons propres aux mutations qui caractérisent cet âge de la vie.

Audition de M. Jean-Pierre Chartier, psychologue, psychanalyste, directeur de l'école de psychologues praticiens

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Chartier, psychologue, psychanalyste, directeur de l'école de psychologues praticiens.

M. Jean-Pierre Chartier
a indiqué que le mot « adolescence » apparaissait au XIIIe siècle dans la langue française, mais qu'il n'avait eu un début de réalité sociale qu'à partir du romantisme allemand aux XVIIe-XVIIIe siècles. Il a estimé que les récents changements de société avaient rendu ce passage vers le monde des adultes plus difficile car il n'était plus sacralisé par les rites d'initiation. De fait, il a considéré que les adolescents, pour lesquels l'auto-affirmation de soi et la reconnaissance des autres étaient nécessaires, avaient recréé d'autres rites, non intégratifs mais ségrégatifs.

Concernant les solutions à apporter à l'augmentation des problèmes liés à l'adolescence, il a indiqué qu'il fallait former les professionnels au bon sens, développer l'apprentissage pour sortir de la spirale de l'échec, aménager des espaces de transgressions raisonnables pour permettre aux adolescents de s'affirmer, aller au devant de ceux qui en avaient le plus besoin et sortir d'une société qu'il a qualifiée d'« adulescente ».

Répondant aux questions de MM. Jean-Louis Lorrain, président du groupe d'études, Gilbert Barbier et Mme Nelly Olin, M. Jean-Pierre Chartier a déploré la pénurie et la formation insuffisante de psychologues scolaires. Il a rappelé l'importance des rituels et des repères pour les adolescents et estimé que permettre une transgression raisonnable pouvait éviter les comportements radicaux.

Audition de M. Jean-Marie Petitclerc, directeur de l'Association du Valdocco, chargé de mission au Conseil général des Yvelines

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Petitclerc, directeur de l'Association du Valdocco, chargé de mission au Conseil général des Yvelines.

M. Jean-Marie Petitclec
a estimé qu'un des principaux problèmes pour l'adolescent était que ses adultes référents, dans sa famille, à l'école et dans la rue se portaient un discrédit mutuel. Il a indiqué que la médiation des éducateurs était alors indispensable pour rétablir une cohérence pour l'adolescent.

Considérant que l'adolescent était physiologiquement adulte mais socialement dépendant, il a rappelé qu'il devait mener un double travail de deuil, d'une image idéale de l'adulte et de sa propre image. Il a ajouté que l'adulte devait aider l'adolescent à être attentif au regard des autres sans en être dépendant et lui permettre de passer du rêve au projet de vie.

Répondant aux questions de MM. Jean-Louis Lorrain, président du groupe d'études, Gilbert Barbier, Michel Esneu et Mme Gisèle Printz, M. Jean-Marie Petitclerc a indiqué que trois types de violence coexistaient chez l'adolescent : la violence mode d'expression contre laquelle il fallait développer l'accès à la culture et au langage, la violence mode de provocation à laquelle il fallait opposer une médiation, en particulier masculine, et la violence mode d'action qu'il fallait sanctionner. Il a estimé qu'il fallait donc des éducateurs de prévention en amont de l'action de la prévention spécialisée, afin de réaliser une action d'approche, d'accroche et d'accompagnement. Il a déploré la fin des emplois-jeunes, qu'il aurait fallu évaluer pour professionnaliser les expériences réussies, et la trop grande féminisation de la profession d'éducateurs, ces derniers hésitant de surcroît à s'investir dans les quartiers. Concernant les centres fermés, il s'est montré dubitatif sur leur réussite du fait de la crise du secteur éducatif et a considéré que peu de moyens avaient été alloués à la prévention, même si la sanction était indispensable.

Audition de M. Jean-Pierre Rosenczweig, président du tribunal pour enfants de Bobigny

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Rosenczweig, président du tribunal pour enfants de Bobigny.

M. Jean-Pierre
Rosenczweig a considéré que deux formes de crises pouvaient toucher une minorité d'adolescents : la maltraitance et la délinquance, et qu'un lien certain existait entre les deux comme le prouvait l'esprit de l'ordonnance de 1958. Il a estimé que les adolescents étaient aujourd'hui plus violents et que la société voulait une réponse plus rapide, ce qui posait le problème du temps d'action de la justice. Il a déploré les insuffisances de la pédopsychiatrie, alors que de plus en plus d'adolescents souffraient de maladies mentales, et de la prévention, souhaitant le développement d'un volet social à l'école.

Abordant la question des structures, il a déploré leur verticalité et les difficultés à recruter des éducateurs plus âgés et des hommes. Il a estimé que l'autorité et l'image de la loi comme une protection et un bien commun devaient être restaurées.

Répondant aux questions de M. Michel Esneu, Mme Anne-Marie Payet et M. Gilbert Barbier, M. Jean-Pierre Rosenczweig a indiqué que si la justice et les élus locaux devaient travailler ensemble, il ne devait pas y avoir de collusion. Il a rappelé l'intérêt des sanctions réparatrices et des enquêtes d'investigation sociales pour les adolescents délinquants. Il a indiqué que la justice souffrait souvent d'une mauvaise réputation auprès des policiers, souhaitant que soient développés le dialogue et une formation commune, et rappelé qu'il fallait lutter contre le trafic de drogues en s'attaquant également aux causes familiales et sociales.

Audition de M. Jean-Pierre Carbuccia-Berland, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Carbuccia-Berland, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice.

M. Jean-Pierre Carbuccia-Berland
a rappelé que la protection judiciaire de la jeunesse devait mener une action tant envers la jeunesse délinquante que la jeunesse en danger. Il a indiqué que 190.000 mineurs étaient pris en charge chaque année par l'Etat, les départements et les associations dont 70.000 au titre de la délinquance, en milieu ouvert ou en hébergement.

Il a considéré que les adolescents les plus difficiles se caractérisaient par leurs comportements violents et atypiques, une « intolérance à la frustration » et une difficulté d'accès au « langage émotif » du fait de la prédominance des images. Il a indiqué qu'il fallait amener ces adolescents vers une démarche d'insertion sociale par la continuité de la prise en charge de manière individualisée, grâce à des actions de socialisation fortes, la coordination des différents acteurs et le respect des limites fixées.

Répondant aux questions de MM. Jean-Louis Lorrrain, président du groupe d'études, Michel Esneu, Serge Franchis et Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Pierre Carbuccia-Berland a rappelé la similitude existant entre les mineurs en danger et les mineurs délinquants même si le lien de causalité n'était pas automatique. Il a toutefois indiqué que la prise en charge devait être différente et nécessitait donc des formations distinctes pour les éducateurs. Il a admis que les règles statutaires de la fonction publique en matière de recrutement et de mutation du personnel ne facilitaient pas les missions de la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'est enfin félicité des nouveaux moyens donnés à la protection judiciaire de la jeunesse par la loi quinquennale du 9 septembre 2002.

Audition de Mme Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Paris XIII, chef du service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital Avicenne à Bobigny (AP-HP)

La commission a procédé à l'audition de Mme Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Paris XIII, chef du service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital Avicenne à Bobigny (AP-HP).

Mme Marie-Rose Moro
a indiqué que les techniques de soins avaient beaucoup évolué, ce qui permettait de prévenir les difficultés dès l'enfance, tout en déplorant que les moyens n'aient pas suivi cette évolution. Citant le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) paru en février 2003, elle a indiqué que 20 % des adolescents présentaient des indices de souffrances pathologiques qu'ils exprimaient par des conduites à risques. Elle a toutefois rappelé que l'adolescence était une période transitoire où tout pouvait se reconstruire à condition d'être attentif à la souffrance de l'adolescent.

Elle a déploré le mauvais accès aux soins des adolescents, notamment ceux qui en avaient le plus besoin, du fait de l'inadaptation des structures de droit commun. Pour remédier à ce problème, elle a proposé de développer la psychiatrie précoce de l'enfant et les structures spécifiques comme les maisons de l'adolescent, de s'adapter aux caractéristiques culturelles et linguistiques des catégories les plus vulnérables et d'articuler ces actions avec l'école.

Audition de M. Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et de Mme Monique Sassier, directeur général

La commission a procédé à l'audition de M. Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et de Mme Monique Sassier, directeur général.

M. Hubert Brin
a estimé que les comportements pathologiques ou pré-pathologiques chez les adolescents, qui témoignaient d'un mal-être, étaient en augmentation. Il a considéré que cette évolution était le signe de la difficulté du passage dans le monde adulte et de l'absence de balises claires et de projets autres que ceux que proposaient la télévision et les stars d'un jour. Il a indiqué que les adolescents en crise étaient les plus malchanceux d'une adolescence en crise générale sur laquelle il était urgent de s'interroger. Il a proposé deux causes à cette crise : le recul de l'entrée dans le monde du travail et l'incohérence des adultes qui ne constituaient plus des repères.

Mme Brigitte Sassier a indiqué que la tendance des jeunes à être dépendants des structures familiales et sociales devait être contrebalancée par l'accès à la culture et à une prise de risques contrôlée, que les adultes devaient accepter.

Répondant aux questions de M. Jean-Louis Lorrain, M. Hubert Brin a rappelé la souffrance des parents d'adolescents en difficulté et la nécessité de développer les médiateurs et les réseaux d'écoute pour les familles. Il a insisté sur l'importance des actions à mener en faveur des jeunes adultes, notamment dans les domaines du logement, de l'emploi, de la formation et des revenus, indiquant qu'il ne fallait pas opposer les droits économiques et sociaux et la solidarité familiale.

Audition de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille

La commission a procédé à l'audition de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille
, a rappelé que l'adolescence était une période de découvertes mais aussi de risques, qui se traduisait par des difficultés particulières dans les domaines de la santé, de la dépendance aux produits psychotropes, du suicide et de la délinquance. Il a indiqué à cet égard que les traitements sanitaires et éducatifs devaient être développés, à l'instar des maisons de l'adolescence dont dix étaient déjà en projet, avec l'objectif à terme d'une par département. Il a également considéré que les parents devaient être responsabilisés et accompagnés.

Soulignant que l'adolescence avait été trop longtemps délaissée par les politiques familiales, le ministre a annoncé que la Conférence de la famille du printemps 2004 sera consacrée à cette question déterminante pour l'intégration des jeunes dans la vie adulte.

Dans cette perspective, il a fait part de son intention de mettre en place, dès l'automne prochain, des « rencontres de l'adolescence » réunissant l'ensemble des acteurs concernés. Il a souhaité, à cet égard, que les analyses et les propositions du groupe d'études sénatorial puissent constituer le « socle de départ » de ces travaux.

Répondant aux questions de MM. Jean-Louis Lorrain, président du groupe d'études, Nicolas About, président, et Michel Esneu, M. Christian Jacob, ministre de la famille, a indiqué que le rôle des pouvoirs publics, tout en respectant la sphère privée des familles, était d'apporter un large éventail d'outils pour aider les adolescents, en collaborant avec d'autres acteurs comme les associations ou les maisons de l'adolescence. Il a estimé qu'il fallait favoriser une certaine parité dans les professions en contact avec les adolescents et réfléchir sur la question du recrutement des éducateurs dans les quartiers. Il s'est enfin dit favorable au développement de l'apprentissage pour éviter l'échec scolaire.