Table des matières


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Mercredi 16 juillet 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Santé publique - Consommation de tabac chez les jeunes - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Dominique Larifla sur la proposition de loi n° 394 (2002-2003) visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes.

M. Dominique Larifla, rapporteur,
a rappelé que la proposition de loi de M. Bernard Joly, adoptée par le Sénat le 11 février dernier, visait principalement à interdire la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans, dans l'objectif de diminuer la consommation tabagique des jeunes et d'éviter, dans toute la mesure du possible, l'expérimentation même du tabac, à un âge où la dépendance s'acquiert de manière durable.

Il a souligné qu'une telle proposition n'était pas nouvelle dans notre pays : en 1990 déjà, lors de l'examen de la « loi Evin » relative à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, le Sénat avait adopté, sur proposition de sa commission des affaires sociales, un amendement interdisant la vente de tabac aux jeunes de moins de seize ans, mais cette disposition avait été finalement écartée en commission mixte paritaire. Durant la dernière décennie, la lutte contre le tabagisme des jeunes s'était donc inscrite dans le cadre plus général de la « loi Evin » qui prévoyait notamment l'interdiction de la publicité en faveur du tabac et de toute opération de promotion en direction de la jeunesse.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a précisé que la proposition d'une interdiction spécifique de la vente de tabac aux mineurs était toutefois récemment redevenue d'actualité, à l'initiative de la veuve d'un fumeur, avant d'être relayée par diverses associations de lutte contre le tabagisme.

Il a indiqué qu'au cours de ces dernières années, plusieurs propositions de loi et rapports officiels s'étaient prononcés à ce sujet, parmi lesquels le récent rapport de la commission d'orientation contre le cancer, qui préconise l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans.

Il a communiqué les résultats d'une enquête réalisée en milieu scolaire dans une trentaine de pays européens, suivant laquelle la consommation de tabac des jeunes Français s'établissait, en 1999, au-dessus de la moyenne de leurs homologues européens : si deux jeunes européens sur trois âgés de seize ans, soit 69 %, admettaient avoir fumé au moins une cigarette au cours de leur vie, et un sur trois, soit 37 %, au cours des trente jours précédant l'entretien, ces proportions étaient, en France, respectivement de 72 % et de 44 %.

Il a également rappelé que l'enquête réalisée en 2000 par le Comité français d'éducation pour la santé faisait apparaître que le tabagisme concernait, aujourd'hui, autant les filles que les garçons et qu'en moyenne, les fumeurs de douze à vingt-cinq ans déclaraient avoir fumé leur première cigarette à quatorze ans et demi, et avoir commencé à fumer régulièrement un peu après seize ans.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a souligné que, dans ce contexte, la proposition de loi de M. Bernard Joly s'inspirait, d'une part, des législations étrangères et, d'autre part, des mesures déjà prises, en France, pour la protection des mineurs contre l'alcoolisme.

Il a toutefois observé qu'en dépit de ces exemples, le principe même de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs était loin de faire l'unanimité, tant en France qu'à l'étranger et que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce débat dépassait les clivages habituels : certains experts et associations de lutte contre le tabagisme s'y déclaraient opposés, alors que la plupart des grandes marques de tabac y étaient, pour leur part, favorables.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a indiqué qu'il n'ignorait pas ces objections ou ces interrogations, parfois légitimes. Il restait néanmoins favorable à l'interdiction de vente de tabac aux mineurs estimant que cette interdiction permettait, même imparfaitement, de dissuader les jeunes de se mettre à fumer à un âge particulièrement vulnérable où se détermine leur futur comportement d'adulte à l'égard du tabac, afin de lutter « à la racine » contre le tabagisme.

Il a considéré qu'une telle mesure confortait également la légitimité des interdits formulés par les parents et renforçait la cohérence de la règle sociale aux yeux des jeunes : le tabac, publiquement dénoncé comme étant une substance toxique, ne serait plus, désormais, en vente libre pour les mineurs, à l'instar de l'alcool et des drogues illicites.

Il a enfin observé que les difficultés d'application de cette interdiction n'étaient guère différentes de celles que l'on rencontrait déjà pour faire respecter l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs, dont personne ne remettait pourtant en cause le principe et la nécessité. Il a, au contraire, estimé que les modalités particulières de la commercialisation du tabac dans notre pays, par l'intermédiaire exclusif d'un réseau de débitants, qui sont des préposés de l'administration des douanes, pouvaient garantir une application relativement stricte de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs.

Pour toutes ces raisons, M. Dominique Larifla, rapporteur, a indiqué avoir souscrit aux objectifs de la proposition de loi de M. Bernard Joly.

Il a concédé que cette mesure ne pouvait pas résoudre, à elle seule, le problème du tabagisme des jeunes. Son succès dépendrait de beaucoup d'autres facteurs et, en premier lieu, du comportement des adultes : à cet égard, l'exemple fourni par les enseignants, et le strict respect des dispositions de la « loi Evin » dans le cadre scolaire, seraient des éléments déterminants.

Il a rappelé que d'autres aménagements avaient été envisagés par le Sénat, en première lecture, puisque l'interdiction de vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans avait été assortie d'un régime de sanctions susceptible d'en garantir l'effectivité et d'éviter que cette interdiction ne soit qu'une mesure purement symbolique dont la jeunesse pouvait à bon droit dénoncer « l'hypocrisie ». Toutefois, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale avait rejeté le texte adopté par le Sénat, lors de sa réunion du 6 mai 2003, considérant que les sanctions prévues contre les débitants de tabac étaient d'une sévérité disproportionnée.

Il a fait valoir que, malgré ce vote, et parce que ce rejet ne remettait pas en cause les aspects sanitaires du texte, la proposition de loi avait été inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire et que l'Assemblée nationale l'avait finalement adoptée lors de sa séance du jeudi 10 juillet 2003.

M. Dominique Larifla, rapporteur, est ensuite revenu sur les modifications introduites par l'Assemblée nationale, le plus souvent avec l'accord du Gouvernement, motivées par le retard pris pour l'examen de la loi relative à la politique de santé publique. Il a estimé que ces modifications ne portaient pas atteinte à l'économie générale des dispositions adoptées en première lecture par le Sénat, puisque le principe de l'interdiction de la vente du tabac aux mineurs accompagnée de sanctions était maintenu.

Toutefois, ces sanctions ayant été jugées excessivement rigoureuses, notamment lorsqu'elles s'appliquaient à un débitant de tabac récidiviste et entraînaient une forte amende, la résiliation du contrat de gérance et une peine de prison, l'Assemblée nationale avait souhaité les alléger, en proposant que la vente de tabac aux mineurs de seize ans soit punie d'une simple contravention de 2ème classe, l'amende correspondant alors à un montant maximum de 150 euros.

Il a rappelé que la démarche retenue par les députés et le Gouvernement visait à associer les débitants de tabac à la mise en oeuvre de cette réglementation et s'inscrivait dans un souci plus général d'éviter que la guerre au tabac soit perçue comme une guerre contre les débitants.

Il a indiqué que l'aménagement de la sanction constituait un geste en direction de ces derniers, tout comme l'engagement d'établir, en 2004, un rapport étudiant la situation des buralistes au regard de la taxe professionnelle.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a indiqué qu'au-delà de cette disposition centrale, l'Assemblée nationale avait amplifié la portée du texte en adoptant des mesures qui dépassaient le cadre de la protection des mineurs et qui constituaient un dispositif plus complet pour lutter contre le tabac.

Il a précisé que ces évolutions répondaient à la volonté du Gouvernement de mettre en place, sans tarder, les éléments législatifs indispensables à la lutte contre le tabac annoncés par le « plan Cancer » et le projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Il a donc présenté les mesures nouvelles introduites par l'Assemblée nationale, qui s'articulent autour de trois thèmes principaux : l'interdiction de la commercialisation des « paquets enfants », l'alignement du statut du papier à rouler sur la législation relative aux cigarettes et la hausse de la fiscalité applicable.

Ainsi, sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel visant à interdire la commercialisation des paquets de moins de dix-neuf cigarettes, mesure qui figurait initialement à l'article 16 du projet de loi relatif à la politique de santé publique. Il a estimé que cette mesure s'inscrivait totalement dans la démarche initiée par le Sénat puisque ces paquets, aussi appelés « paquets enfants », visent une clientèle jeune, qui trouve, dans ces produits à coût moindre, un moyen d'approvisionnement plus accessible.

Il a, par ailleurs, observé que cette mesure était conforme à la convention-cadre internationale de lutte contre le tabac, adoptée par l'Organisation mondiale de la santé le 21 mai dernier, en ce qu'elle conduisait à un renchérissement de l'accès au tabac pour les plus jeunes, à un âge considéré comme critique pour la formation des comportements futurs.

Il a précisé que cette disposition était assortie d'une période transitoire de trois mois, comparable à celle mise en oeuvre à l'occasion de l'adoption de la « loi Evin », au cours de laquelle les fabricants de tabac devraient prendre les mesures nécessaires à l'arrêt de la commercialisation de ces paquets, et qu'il importait surtout que cette période soit brève afin de ne pas retarder l'application du texte.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a ensuite indiqué qu'à l'initiative de MM. Bur et Vannson, l'Assemblée nationale avait amendé l'article premier et adopté trois articles additionnels afin d'aligner la réglementation relative au papier à rouler sur celle régissant les cigarettes.

Il a rappelé que cette harmonisation était motivée par deux observations principales : d'une part, l'augmentation du prix des cigarettes se traduit par un transfert de consommation vers le tabac à rouler, dont le prix relatif par rapport aux cigarettes a diminué depuis une dizaine d'années ; d'autre part, pour accroître ce transfert, et plus particulièrement pour attirer les jeunes fumeurs qui fument traditionnellement moins de tabac à rouler, les services marketing des fabricants ont développé des campagnes publicitaires très axées sur leur univers et leurs valeurs.

Il a estimé que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale pouvaient se justifier à double titre puisqu'elles participent à la mise en oeuvre d'une politique de santé publique, en proposant une égalité de traitement entre les paquets de cigarettes et les cigarettes roulées, et qu'elles complètent le dispositif de protection des mineurs. En conséquence, il est proposé d'inclure le papier à rouler dans la liste des produits dont la vente est interdite aux mineurs de moins de seize ans, d'interdire la publicité du papier à rouler, d'aligner la fiscalité du papier à rouler sur celle des cigarettes et de rendre obligatoire l'inscription des messages sanitaires sur les unités de conditionnement, conformément aux dispositions de la loi Evin.

Il a donc estimé que ce dispositif se rattachait au souci de protection des adolescents, objet de la proposition de loi déposée par M. Bernard Joly, et contribuait à la cohérence globale du dispositif de lutte contre le tabac.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a poursuivi son exposé en indiquant que le dispositif avait également été complété par des dispositions fiscales, présentées par le Gouvernement et plusieurs députés.

Il a admis que la présence d'une mesure fiscale relative au tabac dans un texte autre que la loi de financement de la sécurité sociale pouvait paraître étonnante mais que cette situation s'expliquait par l'écart constaté entre les prévisions de recettes liées au tabac, faites à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, et les résultats connus à la fin du premier semestre 2003.

Il a ainsi indiqué que si l'augmentation du minimum de perception initiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 devait, selon les estimations présentées par le Gouvernement, se traduire par une hausse de 17 % du prix des cigarettes et par un milliard d'euros de recettes supplémentaires, les informations disponibles aujourd'hui faisaient apparaître une hausse des prix d'environ 11 % seulement et des recettes fiscales de l'ordre de 500 millions d'euros, les fabricants de tabac ayant choisi de réduire leur marge bénéficiaire pour ralentir l'augmentation du prix des cigarettes.

M. Dominique Larifla, rapporteur, a souligné que la mesure proposée visait à modifier le taux dit « normal » qui n'avait pas été augmenté depuis le 1er avril 2000, le Gouvernement souhaitant porter ce taux de 58,99 % à 62 %.

Il a indiqué que les députés avaient complété cette mesure en augmentant simultanément les minima de perception applicables pour les droits de consommation sur les tabacs, les faisant passer de 106 à 108. Ces mesures fiscales avaient pour objectif d'inciter les producteurs qui, depuis 1994, déterminent librement les prix, à augmenter leurs prix de vente, afin de réduire le nombre de fumeurs, conformément à la volonté exprimée dans le cadre du « plan Cancer ».

En conclusion, M. Dominique Larifla, rapporteur, a rappelé que si la plupart des modifications adoptées par l'Assemblée nationale avaient conduit à élargir l'objet de la proposition de M. Bernard Joly, le texte transmis par l'Assemblée nationale conservait, comme objectif principal, la protection des mineurs à travers plusieurs dispositions dont la plus importante restait le dispositif relatif à l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans.

Il a donc proposé à la commission d'adopter la proposition de loi sans modification.

M. Louis Souvet s'est indigné de l'appellation « paquets enfants » attribuée aux paquets de moins de dix-neuf cigarettes. Il s'est interrogé sur la possibilité de développer les produits de substitution pour les fumeurs dépendants. Il a enfin insisté sur la nécessité, pour les enseignants, de donner l'exemple en matière de tabagisme et donc de faire respecter la « loi Evin » dans les établissements scolaires, y compris par les professeurs.

M. Francis Giraud a déploré l'absence de vision globale en matière de comportements à risques pendant l'enfance et l'adolescence et a souligné l'importance d'une éducation sanitaire dès le plus jeune âge.

M. Paul Blanc s'est dit choqué de la concentration des débats à l'Assemblée nationale sur la question du papier à rouler, estimant que ce mode de consommation du tabac était sans doute le moins toxique et que, pour aller au bout de leur logique, les députés auraient dû inclure le cigare dans les produits plus lourdement taxés.

Rappelant les cinq priorités de l'organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de lutte contre le tabagisme que sont l'interdiction de la publicité, l'augmentation du prix du tabac, la lutte contre le tabagisme passif, l'aide au sevrage et l'éducation et l'information sur les risques liés au tabac, M. Gilbert Chabroux a observé que la proposition de loi ignorait trois de ces cinq priorités et qu'en conséquence, elle relevait d'un simple affichage politique.

Mme Nelly Olin a insisté sur la nécessité d'instaurer de véritables programmes de prévention dans les établissements scolaires et a estimé que cette prévention commençait par une application réelle de la « loi Evin » dans ces établissements.

M. Nicolas About, président, a tenu à rappeler que la proposition de loi de M. Bernard Joly avait, dès l'origine, un objet limité et qu'elle serait complétée par deux textes à venir : le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi relatif à la santé publique.

M. André Lardeux a dénoncé l'absence d'application de la « loi Evin » par l'éducation nationale et a soutenu une plus grande implication de la médecine scolaire dans la prévention du tabagisme. Il a rappelé les risques liés aux phénomènes de prohibition et estimé que la proposition de loi constituait un signal qui devrait nécessairement être complété.

M. Serge Franchis a rappelé que tout interdit constituait pour les adolescents un attrait. Il a insisté sur la nécessité d'améliorer l'aide au sevrage pour les fumeurs dépendants.

M. Jean-Louis Lorrain a regretté l'approche trop partielle de la proposition de loi et a plaidé pour un texte général sur les conduites à risques des adolescents. Il a estimé que les travaux de la commission d'évaluation de la « loi Evin » avaient été trop peu exploités.

M. Alain Vasselle a estimé que les interventions des différents commissaires préfiguraient le débat qui aurait lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la santé publique et il a regretté que la prévention du tabagisme chez les jeunes soit séparée du reste de la politique de santé publique. Il a insisté pour qu'un accent plus important soit mis sur la prévention du tabagisme. Il a également souligné la nécessité de mieux évaluer le coût du tabagisme pour la sécurité sociale et de ne pas se concentrer uniquement sur les recettes issues des droits sur le tabac.

S'agissant de la prévention, M. Michel Esneu a plaidé pour la nécessaire réhabilitation de la visite médicale dans les collèges, estimant qu'une confrontation individuelle avec un médecin avait plus d'impact sur les adolescents que les réunions d'information collectives.

M. Jean Chérioux a souligné l'importance de l'exemplarité et du témoignage de la part des adultes en matière de lutte contre le tabagisme. Il s'est notamment inquiété de l'influence négative du cinéma et de la télévision. Il a estimé que l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs ne pouvait être qu'une mesure secondaire.

Mme Annick Bocandé a tenu à distinguer les motivations des enfants et des adolescents face au tabac : alors que, dans l'enfance, la cigarette est un moyen d'imiter les adultes, elle s'inscrit, pendant l'adolescence, dans un ensemble de conduites à risques qui doivent être considérées de manière globale. Elle a également insisté sur la nécessité d'une prévention spécifique en direction des femmes qui tienne compte de l'impact du tabagisme sur leurs futurs enfants.

M. Alain Gournac a observé que les buralistes avaient d'ores et déjà annoncé qu'ils refuseraient de contrôler l'âge de leurs jeunes clients et que, par conséquent, l'interdiction de vente de tabac aux mineurs de seize ans ne serait efficace que complétée par des mesures de prévention appropriées.

M. Guy Fischer a souligné l'incapacité de la France à mettre en oeuvre une véritable politique de prévention. S'agissant de la hausse des prix du tabac, il a noté que celle-ci nourrissait la contrebande et que les principaux distributeurs avaient détourné cette mesure de son objet et préféré réduire leur marge.

Mme Sylvie Desmarescaux a estimé que la priorité en matière de lutte contre le tabac devait être de faire respecter la « loi Evin » et de mettre en place une prévention spécifique vis-à-vis des jeunes.

M. Louis Souvet a rappelé qu'il existait toute une filière économique autour du tabac et qu'il convenait d'évaluer l'impact des différentes mesures de lutte contre le tabagisme sur les producteurs primaires.

M. Nicolas About, président, a observé que la consommation de tabac avait longtemps été encouragée, notamment dans le cadre du service militaire où le tabac était distribué gratuitement aux appelés, et que l'on était passé d'une consommation de tabac de type initiatique à une véritable drogue. Il a également rappelé qu'aucune étude scientifique, à ce jour, n'avait pu réellement démontrer les effets nocifs du tabagisme passif, même s'il fallait faire preuve de prudence dans l'analyse de ce phénomène. C'est la raison pour laquelle il a estimé que, dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à la santé publique, un effort de recherche et de clarification devrait être mené afin que le débat puisse s'appuyer sur des données incontestables partagées par tous. A cet égard, il a insisté pour qu'une comparaison soit faite entre les coûts et les recettes liés au tabac dans les comptes de la sécurité sociale.

S'agissant de la hausse des prix du tabac, il a estimé que la réduction des marges des distributeurs était prévisible. Il a enfin observé que l'interdiction de la vente du tabac aux mineurs aurait au moins pour effet de faire prendre conscience aux parents de la nécessité d'éviter de mettre leurs enfants en contact avec le tabac.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Dominique Larifla, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi de M. Bernard Joly avait d'emblée affiché une ambition limitée : celle d'un signal qui devrait nécessairement être complété par le projet de loi relatif à la santé publique. Il a enfin estimé que ce futur projet de loi devrait mieux prendre en compte les enseignements de la commission d'évaluation de la « loi Evin ».

La commission a alors adopté la proposition de loi.

Orientation et programmation pour la ville - Rénovation urbaine - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Nelly Olin sur le projet de loi n° 398 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Estimant que l'aggravation des inégalités urbaines et la dégradation sociale de certains quartiers imposait une action résolue des pouvoirs publics, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a recommandé une politique de la ville plus harmonieuse en faveur des habitants de ces territoires.

Rappelant le discours prononcé à Troyes, le 14 octobre 2002, par lequel le Président de la République avait appelé à une rénovation urbaine de grande ampleur et à un développement des zones franches urbaines, qui avaient fait la preuve de leur efficacité, elle a considéré que le présent projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine traduisait cette volonté politique, en particulier dans ses articles entrant plus directement dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales.

Affirmant tout d'abord que le présent projet de loi constituait une réponse innovante aux lacunes de la politique de la ville, dénoncées notamment par le rapport public de la Cour des comptes paru en février 2002, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, en a relevé les mesures-phares : concentration des outils de rénovation urbaine sur les 751 zones urbaines sensibles (ZUS), remise en oeuvre concertée, par l'Etat et les collectivités locales, de programmes d'action quinquennaux dans chaque ZUS à compter du 1er janvier 2004, création d'un Observatoire national des ZUS, chargé d'évaluer l'évolution de la situation dans ces zones, au regard des politiques menées et des moyens mis en oeuvre.

Ensuite, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a mis en exergue les mesures du projet de loi d'orientation en faveur du logement, après avoir constaté, en la matière, que les besoins demeuraient considérables.

En premier lieu, un programme national de rénovation urbaine de cinq ans 2004-2008 englobera l'ensemble des aspects de la rénovation urbaine (espaces communs et commerciaux, espaces verts, voirie) et comportera un important volet « logement » permettant de construire 200.000 nouveaux logements locatifs sociaux, de démolir 200.000 logements sociaux parmi les plus dégradés et d'en réhabiliter 200.000 autres dans les quartiers sensibles.

En deuxième lieu, une Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) sera chargée de recueillir l'ensemble des participations de l'Etat et des financeurs du logement social, afin d'engager les projets de rénovation urbaine du nouveau programme national selon des procédures simplifiées et d'en accélérer la mise en oeuvre.

En dernier lieu, de nouveaux dispositifs pourront être utilisés par les maires et les tribunaux pour faire face, en urgence, aux cas de danger ou de dysfonctionnement des équipements communs dans les copropriétés.

Enfin, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a mis l'accent sur l'élargissement du dispositif des zones franches urbaines (ZFU).

Soulignant le succès du dispositif par le passé, elle a rappelé que les régimes dérogatoires d'exonérations fiscales et sociales mis en place par la loi du 14 novembre 1996 dans ces zones y avaient effectivement favorisé l'implantation de petites entreprises. Elle s'est félicitée de la prolongation de la période d'exonération autorisée par la loi de finances rectificative pour 2002.

De ce fait, elle a approuvé l'extension proposée de ce même dispositif à 41 nouveaux quartiers actuellement classés en zones de redynamisation urbaine (ZRU) et dont la situation sociale est particulièrement dégradée. Cette extension a pour objectif de :

- permettre le maintien et le développement d'activités, dans le but d'y doubler, en cinq ans, le nombre d'entreprises implantées ;

- contribuer à la lutte contre le chômage dans ces quartiers, à hauteur de 60.000 créations d'emplois d'ici à 2008 ;

- étendre cet effet positif sur l'emploi aux habitants des ZUS, grâce à l'élargissement de la clause d'embauche locale, qui pourrait réduire d'un tiers le nombre de chômeurs dans l'ensemble de ces zones sur la période ;

- favoriser la rénovation durable de ces quartiers.

Convaincue de l'efficacité du dispositif, elle a considéré la création de nouvelles ZFU comme l'une des avancées majeures du présent projet de loi en termes de développement économique et d'intégration des zones défavorisées.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a néanmoins reconnu que les différences d'interprétation et les réticences à appliquer la loi de 1996 émises par certaines unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) avaient constitué un frein à la bonne marche des ZFU, notamment en raison du manque de précision des conditions d'exonération des charges sociales. Dans le cadre de la relance et de l'élargissement du dispositif, il lui apparaissait donc indispensable que le Gouvernement prenne l'engagement de clarifier rapidement cette question avec les URSSAF.

Au total, elle a jugé ambitieux et innovant le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, par l'élan sans précédent qu'il donnait à la politique de la ville, en englobant les différents objectifs poursuivis et en mobilisant l'ensemble des acteurs de cette politique.

Elle a alors proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption des articles dont la commission s'est saisie sur ce texte.

Mme Annick Bocandé a, à son tour, salué le caractère ambitieux du projet de loi mais elle a relayé les inquiétudes des organismes de HLM de son département au sujet de la concentration des crédits au sein de l'ANRU, se demandant si les moyens techniques suffiraient et si l'efficacité des procédures serait encore assurée.

Tout en souscrivant aux objectifs du projet de loi, notamment en termes de niveaux d'emploi, de santé, d'éducation et de sécurité dans les quartiers sensibles, M. Alain Vasselle a d'abord mis l'accent sur la nécessité d'assurer, au préalable, la destruction des immeubles dégradés. Il a affirmé que les nouvelles constructions devaient aller de pair avec la démolition des logements devenus inhabitables. Il en a appelé à la responsabilité de l'Etat pour garantir, parallèlement au rôle des organismes sociaux, la sécurité et la qualité du logement social. Enfin, rappelant les difficultés d'interprétation de la loi de 1996 rencontrées par les URSSAF, il a souligné la nécessité pour le Gouvernement d'assurer, dans le cadre de la relance et de l'élargissement du dispositif des ZFU, une application uniforme par ces organismes sur l'ensemble du territoire national.

M. Alain Gournac a exhorté tous les acteurs de la politique de la ville à se mobiliser en faveur de la réhabilitation des logements sociaux. Toutefois, il a souhaité que les pouvoirs publics fixent à chacun d'entre eux des objectifs précis à atteindre.

M. Paul Blanc a souligné les résultats très satisfaisants des zones franches, prenant l'exemple de Nîmes où la vie de certains quartiers en difficulté avait été sensiblement améliorée. Toutefois, il s'est interrogé sur l'applicabilité des textes relatifs à la politique de la ville estimant qu'en la matière, une meilleure lisibilité était nécessaire pour faciliter l'action des URSSAF.

Mme Valérie Létard s'est félicitée de la création d'une agence nationale de rénovation urbaine. Celle-ci permettrait, selon elle, de mutualiser l'ensemble des outils financiers et de mettre ces derniers au service de projets globaux et d'un objectif de redynamisation du tissu économique des zones sensibles. Considérant que les zones franches urbaines assuraient un peuplement des territoires, à travers le rééquilibrage de la sociologie urbaine, elle a approuvé l'extension de ce dispositif.

M. Guy Fischer s'est montré sceptique vis-à-vis de l'optimisme du rapporteur. Il a douté de la capacité du Gouvernement à financer des objectifs de rénovation urbaine particulièrement ambitieux. En outre, il a exprimé ses craintes s'agissant de l'avenir des sociétés HLM confrontées à la concurrence des sociétés privées de logement social auxquelles le présent projet de loi donnait une importance considérable dans le cadre du nouveau programme national de rénovation urbaine.

M. Serge Franchis a évoqué les obstacles au repeuplement des quartiers sensibles, mettant en garde contre la ghettoïsation de certains ensembles, qui parfois conservaient de fortes concentrations géographiques.

S'agissant de la réglementation applicable aux ZFU, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a répété qu'elle interpellerait le Gouvernement sur la nécessité de clarifier les textes en vigueur.

Pour ce qui concerne le financement du programme de rénovation urbaine, elle a expliqué que l'agence, véritable « guichet unique » du financement et de la mise en oeuvre des actions de rénovation urbaine, permettrait une allocation efficace des crédits en faveur de la politique de la ville.

Concernant le repeuplement des zones urbaines, elle s'est réjouie du nouveau partenariat public/privé envisagé dans les opérations de démolition-reconstruction. Elle a ensuite déclaré que la mixité sociale était liée à celle de l'offre de logement et s'est attachée à démontrer que la qualité de la vie urbaine serait améliorée par la construction de quartiers à dimension humaine, ainsi que par la multiplication des lieux de vie communs et d'espaces de convivialité. Quant aux copropriétés dégradées, elles feraient l'objet d'aides spécifiques susceptibles de permettre de rattraper le retard accumulé depuis de nombreuses années.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis.

Elle a tout d'abord adopté deux amendements à l'article 3 (création d'un Observatoire national des zones urbaines sensibles), l'un demandant le rattachement de cet Observatoire à la délégation interministérielle à la ville, l'autre tendant à préciser que les établissements publics concernés par cet article sont ceux attachés non seulement aux collectivités locales, mais aussi à l'Etat.

Puis elle a adopté un amendement à l'article 6 (programme national de rénovation urbaine), visant à confier aux organismes HLM un nouveau type d'enquête sociale relative à la situation familiale et aux revenus des occupants du parc social.

M. Alain Vasselle, convaincu que les caisses d'allocations familiales (CAF) ont une connaissance précise de la situation sociale de leur public, a souhaité qu'elles soient associées à la conduite de l'enquête.

M. Nicolas About, président, a expliqué que les résultats de l'enquête serviraient de base de données pour permettre un peuplement mixte des nouveaux quartiers.

Mme Valérie Létard a approuvé le principe de cette enquête comme une réponse pertinente à la mixité sociale. Mais elle a souhaité qu'elle soit anonyme, de telle sorte que seuls les revenus et la situation familiale des personnes concernées soient connus, ajoutant que, de toute façon, les CAF étaient tenues, sur ce point, à un devoir de confidentialité.

M. Guy Fischer a cependant considéré que la mixité sociale ne saurait être effective qu'à moyen ou à long terme.

M. Jean-Louis Lorrain a, pour sa part, souligné les limites de cette enquête, sachant que les situations familiales étaient évolutives, préférant, par conséquent, que l'accent soit mis sur l'environnement et la vie des quartiers.

Enfin, la commission a adopté un amendement à l'article 15 (procédure d'urgence pour les immeubles collectifs à usage d'habitation), tendant à subordonner le recours à la procédure d'urgence à une constatation formelle du conseil municipal, sur demande expresse du maire, des risques sérieux pesant sur la sécurité des occupants.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a estimé que la procédure d'urgence ne devait pas être une obligation, les maires étant déjà fortement sollicités dans le domaine de la sécurité des logements.

A l'issue de cette discussion, la commission a décidé de proposer au Sénat d'émettre un avis favorable à l'adoption des articles ainsi modifiés du présent projet de loi entrant dans son champ de compétence.