Table des matières




Mercredi 17 décembre 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Accueil et protection de l'enfance - Examen des amendements

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements en deuxième lecture sur le projet de loi n° 97 (2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur).

A l'article 6 bis (sanctions pénales pour les faits de mendicité), la commission a émis un avis favorable à l'amendement n° 2 présenté par le Gouvernement tendant à supprimer cet article dans le souci d'éviter les redondances dans les dispositions du code pénal relatives à la mendicité.

A l'article 8 bis (signalement des actes de maltraitance), elle a émis un avis favorable à l'amendement n° 3 présenté par le Gouvernement tendant à remédier à une erreur rédactionnelle.

A l'article 11 (extension des mesures à certains territoires ultra-marins), elle a émis un avis favorable à l'amendement n° 1 de MM. Gaston Flosse, Simon Loueckhote, Robert Laufoaulu et Charles Guené visant à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et dans les îles Wallis-et-Futuna les dispositions de l'article 13 déchargeant, de droit, les enfants maltraités de leur obligation alimentaire vis-à-vis de leurs parents.

Enfin, après l'article 13, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 4 présenté par le Gouvernement, introduisant un article additionnel visant à reporter de six mois la date d'application des mesures de sécurisation des piscines situées près d'une habitation faisant l'objet d'une location saisonnière, prévues par la loi du 3 janvier 2003 relative à la sécurité des piscines.

Auditions - Politique de santé publique

Puis la commission a poursuivi les auditions se rapportant au projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Audition de Mme Nicole Questiaux, vice-présidente du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)

La commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Questiaux, vice-présidente du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE).

Mme Nicole Questiaux a souligné que le projet de loi relatif à la politique de santé publique comportait de nombreuses dispositions et qu'elle avait fait le choix de limiter son intervention aux mesures relatives aux recherches biomédicales.

Elle a rappelé que le Gouvernement avait mis à profit le projet de loi relatif à la politique de santé publique pour transposer la directive n° 2001-20 du 4 avril 2001 portant sur les essais cliniques de médicaments. Elle a précisé que l'avis n° 79, rendu par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) à l'occasion de l'examen de cette directive, s'était concentré sur trois points : la suppression de la distinction entre recherches apportant un bénéfice individuel direct (BID) et celles dénuées de bénéfice individuel direct (SBID), les questions du consentement aux essais, notamment celui des personnes fragiles, et enfin le passage d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation des recherches, délivrée par les comités de protection des personnes.

Le premier de ces trois points soulève la question des risques encourus par les personnes participant à une recherche biomédicale.

La loi « Huriet-Sérusclat » de 1988 a mis en place un système de protection précis, fondé sur la notion de bénéfice individuel direct pour le malade soumis aux essais cliniques. Le présent projet de loi substituera à cette notion de bénéfice individuel direct à celle de balance bénéfice/risque qui s'apparente au principe de proportionnalité.

Cette méthode d'évaluation a cours dans de nombreux autres pays et le CCNE a considéré, dans son avis, que cette nouvelle approche constituait une novation positive par rapport à la situation antérieure. Mme Nicole Questiaux a estimé, en effet, qu'elle constituait un élément central du projet de loi et qu'elle devait faire l'objet d'une gestion intelligente, afin de protéger la personne sans faire obstacle à la recherche.

Elle a ensuite abordé le deuxième point relatif au recueil du consentement. Elle a souligné que le texte du projet de loi était ici plus protecteur que la directive. A ce sujet, les réflexions du CCNE avaient principalement porté sur le problème du consentement en cas d'urgence, ce qui exclut d'avoir le temps de recourir au juge. Sur cette question délicate, Mme Nicole Questiaux a évoqué la possibilité de rechercher une solution dans le champ de la médiation, et plus particulièrement de recourir à un médiateur extérieur à l'institution investigatrice, sans pour autant qu'il ait établi des liens personnels avec la personne concernée.

Le dernier point étudié par Mme Nicole Questiaux se rapporte à l'autorisation de réalisation des recherches biomédicales délivrée par les comités de protection des personnes, dont l'avis devient fondamental. Elle a considéré que cette évolution rendait nécessaire la consolidation des comités, qui se caractérisent aujourd'hui par une grande hétérogénéité, sans qu'elle se traduise par un remplacement de ces comités par des sociétés savantes.

M. Francis Giraud, rapporteur, a rappelé que les prédécesseurs des comités de protection des personnes, les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPRB), se caractérisaient, et c'était leur force, par leur pluralisme plutôt que par leurs qualités scientifiques. Il a souligné combien la nouvelle procédure de délivrance de l'autorisation de réaliser les recherches par les comités constituait un changement fondamental.

Mme Nicole Questiaux a indiqué que le renforcement de la mission confiée aux comités impliquait éventuellement le recours à des experts scientifiques, mais qu'il fallait exclure l'hypothèse d'une composition uniquement scientifique. Elle a souligné qu'il revenait aux pouvoirs publics de placer les membres des comités dans les meilleures conditions pour l'accomplissement de leurs missions et qu'il convenait aussi d'organiser un renouvellement régulier des effectifs qui les composent. Elle a souligné, par ailleurs, la difficulté de définir qui devait être la « personne de confiance » susceptible de défendre la volonté et les intérêts du malade impliqué dans le processus de recherche, qui soit tout à la fois indépendante des structures hospitalières et de liens affectifs trop forts avec le sujet.

M. Gilbert Chabroux a souligné la grande complexité des questions évoquées et a souhaité que l'avis susmentionné du CCNE puisse être joint, en annexe, au rapport de la commission.

Audition de Mme Pascale Briand, déléguée à la mission interministérielle pour la lutte contre le cancer

La commission a entendu Mme Pascale Briand, déléguée à la mission interministérielle pour la lutte contre le cancer.

Mme Pascale Briand
a indiqué que le plan Cancer, voulu par le Président de la République, était un programme stratégique qui traduisait en mesures concrètes les objectifs fixés par la commission d'orientation sur le cancer. Elle a souligné qu'il constituait un véritable enjeu de santé publique, une expérimentation « grandeur nature » du dispositif prévu par le projet de loi relatif à la politique de santé publique, ne serait-ce que par sa dimension pluri-annuelle.

Elle a rappelé que le plan Cancer avait pour objectif de changer l'image de cette maladie dans l'opinion publique et que l'Institut national du cancer en serait l'outil de pilotage.

Elle a estimé qu'après 9 mois de mise en oeuvre, les résultats étaient encourageants et le calendrier respecté. Cette observation apporte la preuve du bien-fondé d'une approche intégrée qui prend en compte la prévention, le dépistage, la recherche de la qualité, la formation et la recherche.

Elle a précisé que le plan Cancer était centré sur le patient et sur le décloisonnement entre les différents opérateurs impliqués, qu'il prévoyait un rééquilibrage des financements destinés à la prévention et au dépistage par rapport à ceux consacrés aux soins, mais également des financements supplémentaires pour la formation.

Le plan Cancer s'appuie sur l'amélioration de l'accès aux soins et notamment une nouvelle articulation entre médecine de ville et hôpital, sans omettre des liens renforcés avec la médecine du travail et une meilleure information à destination des patients et des professionnels.

Enfin, Mme Pascale Briand a rappelé que le projet de loi relatif à la politique de santé publique prévoyait la création de l'Institut national du cancer qui a vocation à devenir le pôle de référence, d'impulsion et de suivi des actions menées dans le cadre du plan Cancer, auquel il offrira une meilleure visibilité et une dimension internationale.

M. Francis Giraud, rapporteur, a souhaité connaître les conditions dans lesquelles s'organisera la collaboration entre l'Institut national du cancer (INCa) et les associations, qu'il s'agisse des associations de malades ou de celles qui font appel à la générosité publique. Il a également souhaité avoir des précisions sur les relations que l'INCa entretiendra avec les organismes de recherche.

Mme Pascale Briand a insisté sur le rôle fédérateur de l'INCa qui a vocation à organiser l'interaction et la coordination entre les différents acteurs (INSERM, CNRS, universités...), à favoriser l'émergence des canceropôles et à dynamiser l'innovation. Elle a indiqué que les associations, notamment celles représentant les patients, étaient impliquées dans la création de l'INCa et associées à la rédaction de la convention constitutive.

M. Paul Blanc a voulu connaître les conditions dans lesquelles sera évaluée la politique de lutte contre le cancer.

M. Nicolas About, président, a interrogé Mme Pascale Briand sur la répartition des crédits entre les actions de prévention et de dépistage du cancer.

M. Gilbert Chabroux a demandé des précisions sur la mise en oeuvre d'actions à destination des cancers d'origine professionnelle. Il a également voulu savoir comment la lutte contre le tabagisme, notamment celui des jeunes, était prise en compte par le plan Cancer.

M. Jean-Pierre Godefroy a demandé si un plan de prévoyance à destination des travailleurs de l'industrie nucléaire était envisagé.

M. Alain Gournac s'est interrogé sur les difficultés rencontrées par les départements pour la mise en oeuvre du plan de dépistage des cancers du sein et du cancer colorectal, sur les mesures prises en faveur du soutien, notamment psychologique, des familles des malades, et sur le rôle de l'INCa dans la diffusion, chez les jeunes, d'informations relatives aux pratiques addictives.

En réponse aux différents intervenants, Mme Pascale Briand a indiqué :

- que la diminution du nombre de fumeurs se confirmait, notamment à la suite des hausses de prix du tabac, et que ce mouvement de fond constituait un indicateur positif à prendre en compte dans la lutte contre le cancer ; que, par ailleurs, l'Institut national de veille sanitaire assurait un suivi particulier du cancer de la thyroïde, en liaison avec le risque d'exposition nucléaire ;

- que, sur les 35 millions d'euros destinés aux mesures de prévention, 18 millions d'euros étaient consacrés au dépistage généralisé du cancer du sein et 17 millions à la prévention et à l'information de nos concitoyens ;

- que les professionnels s'étaient engagés, de manière remarquable, dans le dépistage du cancer du sein et que les engagements pris au niveau départemental seraient respectés en 2003. Toutefois, si l'ensemble des départements est désormais couvert par ce dispositif, il faut encore améliorer le taux de participation des femmes aux opérations de dépistage ;

- que des expériences étaient engagées dans 22 départements pour le dépistage du cancer colorectal et qu'elles seraient généralisées avant 2007 ;

- qu'un ensemble de mesures de soutien aux familles serait mis en oeuvre, notamment pour l'accès aux prêts et aux assurances, dans la ligne de la convention Belorgey ;

- que la lutte contre le tabagisme, notamment chez les jeunes, nécessitait des mesures d'interdiction et d'information et rendait nécessaire un changement d'image du tabac dans l'opinion publique.

Audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées

La commission a entendu M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées,
a rappelé que la politique de santé publique trouvait son fondement dans la Constitution elle-même qui consacre le droit, pour chaque citoyen, à la protection de la santé et le devoir, pour les pouvoirs publics, de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour protéger collectivement les populations contre les risques qui pourraient menacer leur santé.

Il a observé que les progrès scientifiques donnaient un sens nouveau à la prévention : elle suppose désormais de développer les moyens de traiter, très en amont, les déterminants des maladies, grâce à un dépistage précoce et à des thérapeutiques performantes, et de développer l'éducation sanitaire des citoyens. Elle pourrait, compte tenu des progrès scientifiques, conduire au développement d'une médecine prédictive qui, pour peu qu'on encadre ses dérives éventuelles, constitue une vraie chance pour la santé publique.

Il a ensuite remarqué que la politique de santé publique faisait l'objet d'une demande nouvelle, qui tranchait avec le soupçon moralisateur qui lui était autrefois attaché. Il a souligné le fait que la légitimité de l'Etat à intervenir dans ce domaine était désormais reconnue, celui-ci étant le seul à même d'intervenir efficacement en matière de lutte contre les épidémies.

Il a enfin noté qu'une urgence nouvelle s'attachait à la politique de santé publique, du fait d'une sous-exploitation des possibilités anciennes et nouvelles de prévention. Parmi les domaines dans lesquels l'action de l'Etat restait insuffisante, il a cité la prévention de la mortalité prématurée à l'âge adulte, malgré un effort important - mais récent - pour réduire la consommation de tabac à l'origine de nombreux cancers, et la réduction des risques chez les toxicomanes. Il a également évoqué le développement encore insuffisant du dépistage du cancer du sein, malgré les annonces répétées de la généralisation de ce dispositif.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a ensuite passé en revue les principales faiblesses du dispositif français de prévention sanitaire.

Il a observé que la politique de santé avait basculé en un demi-siècle d'une politique d'hygiène publique vers une politique axée essentiellement sur la médecine curative. Il a notamment souligné que seuls 2,3 % des 150 milliards d'euros consacrés chaque année aux dépenses de santé correspondaient à des dépenses de prévention.

Il a ensuite insisté sur le fait que la responsabilité de l'Etat dans le domaine de la santé publique était mal définie et insuffisamment organisée, les dispositifs existants ayant été créés, sans stratégie globale, en réaction à des catastrophes écologiques, à des scandales sanitaires, à des phénomènes irrationnels de panique ou encore à la multiplication d'accidents hospitaliers.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a expliqué que le projet de loi donnait à la France les moyens de rompre avec l'empirisme qui caractérisait, depuis des décennies, sa politique de santé publique. Il a rappelé qu'un premier ensemble d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire avaient été mis en place en 1998 et que la création des agences sanitaires correspondait alors à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique.

Il a estimé que le projet de loi constituait une deuxième étape, plus structurante et aboutie, dans la mesure où il affirmait la responsabilité de l'Etat en matière de santé publique et visait à tirer le meilleur parti de l'extraordinaire diversité des acteurs et des efforts qui caractérisent le domaine de la prévention. Il a considéré que le rôle d'organisation, d'impulsion et d'évaluation qui lui était confié était la marque d'un état moderne.

Il a indiqué que ce rôle de garant devait se traduire de deux façons : une responsabilité de l'Etat dans la définition des priorités de santé publique et l'organisation d'un partenariat entre les nombreux acteurs de ce secteur.

Il a expliqué que la définition des priorités par l'État se traduirait désormais par la fixation d'objectifs de santé publique évalués et actualisés tous les cinq ans, et non plus seulement par le niveau des dépenses d'assurance maladie, l'approche actuelle étant réductrice et ne permettant pas de savoir si l'emploi des ressources consacrées au système de santé était efficace.

Il a ensuite énuméré les cinq axes de la politique de santé publique pour les cinq années à venir : la lutte contre le cancer, la santé environnementale, qui inclut la santé au travail, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques. Il a précisé que le projet de loi recensait déjà, dans son rapport annexé, cent objectifs qui constituaient un tableau de bord, non exhaustif, pour améliorer le pilotage du système et mieux évaluer sa performance.

Rappelant que l'Etat n'avait pas le monopole des actions en matière de santé publique, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, est revenu sur les conditions du partenariat qu'il souhaitait mettre en place avec les différents acteurs publics et privés de ce secteur. Tirant les leçons de la crise sanitaire de l'été 2003, il a indiqué que son objectif était de permettre un rapprochement des professionnels du soin, en ville comme à l'hôpital, et de l'action sociale.

Il a estimé que l'augmentation des dépenses de santé n'était pas une solution satisfaisante et qu'il convenait surtout d'éviter les gaspillages d'énergie et de moyens, pour mettre en place une véritable synergie entre les acteurs.

Rappelant la multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine de la santé publique aux côtés de l'Etat, de l'assurance maladie et des collectivités territoriales, il a indiqué que le projet de loi visait à simplifier le paysage institutionnel. Au niveau national, seules, trois instances subsisteraient, avec des rôles mieux définis : une instance de concertation, la conférence nationale de santé publique, une instance d'expertise, le Haut conseil de santé publique et une instance de coordination des actions, le comité national de santé publique. Au niveau régional, une architecture proche serait mise en place, avec les conférences régionales de santé et les groupements régionaux de santé publique.

S'agissant de cette dernière instance, il a expliqué qu'il avait fait le choix d'un mécanisme souple d'association, au sein d'un groupement d'intérêt public, plutôt que de créer une institution supplémentaire ou d'étatiser complètement la santé publique. Il a indiqué que ce groupement devrait permettre de mutualiser les financements et de coordonner les actions sur la base des priorités établies par son conseil d'administration où siégeront l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités territoriales volontaires et l'agence régionale d'hospitalisation (ARH). Il a toutefois concédé que cette architecture pouvait encore être améliorée et il a ajouté qu'il comptait sur les propositions de la Haute assemblée dans ce domaine.

Avant d'en venir à la présentation des quatre titres du projet de loi, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a tenu à souligner l'action qu'il avait engagée pour faire passer au niveau international le message du caractère primordial de la santé publique. Il a évoqué trois domaines où cette action internationale avait pu progresser significativement, notamment grâce à l'engagement de la France : l'adoption d'une directive interdisant la publicité transfrontalière du tabac, la définition de recommandations pour contrôler l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la création d'un centre européen de contrôle des maladies transmissibles, sur le modèle du CDC d'Atlanta.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a ensuite présenté rapidement les quatre titres du projet de loi : le titre premier est relatif à la définition de la politique de santé publique et aux instruments de coordination des acteurs. Le titre II s'attache aux outils d'intervention de l'Etat : il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ; il modernise la politique vaccinale et les mesures à mettre en oeuvre en cas de menaces sanitaires graves ; il renforce les contrôles sur la production et l'utilisation des microorganismes et de leurs toxines, en particulier dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme ; il améliore le système d'information sanitaire.

Il a indiqué qu'un titre II bis avait été introduit à l'Assemblée nationale, afin de tirer les leçons de la crise sanitaire de l'été 2003 : le système de veille sanitaire a été renforcé, grâce à un développement des missions de l'institut national de veille sanitaire (INVS) et à la mise en place d'une procédure d'alerte en liaison avec les professionnels du soin et de l'action sociale ; les moyens de gestion de crise ont été accrus, grâce à l'élargissement des pouvoirs du préfet en cas de crise sanitaire, à la consécration législative des « plans blancs » hospitaliers, élargis à la médecine de ville et aux établissements privés, et à la modernisation du système de remontée des certificats de décès.

Il a rappelé que le titre III comportait les dispositions législatives relatives aux cinq plans de santé publique nationaux. Il a évoqué en particulier la création de l'institut national du cancer, chargé de coordonner l'ensemble des aspects du plan Cancer et le plan national « santé - environnement » qui comportera notamment un volet sur les situations météorologiques extrêmes et un volet sur la santé au travail.

Evoquant ensuite le titre IV relatif à la recherche et à la formation en santé publique, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a insisté sur la création de la nouvelle école des hautes études en santé publique (EHESP), chargée d'animer un réseau national de formation en santé publique et de mettre à niveau le système français de formation, dans l'ensemble des spécialités relatives à la santé publique, qu'il s'agisse de la lutte contre le bruit, de protection de la qualité de l'eau ou encore de sécurité sanitaire. Il a garanti que l'actuelle école de Rennes ne serait atteinte ni dans sa mission, ni dans sa localisation et qu'elle gagnerait en notoriété car elle pourrait désormais délivrer des diplômes nationaux.

Il a indiqué que le titre IV du projet de loi actualisait également le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales, afin de transposer une directive européenne relative aux essais cliniques de médicaments et de répondre aux nouveaux besoins des acteurs de la recherche et des patients : l'actuel régime déclaratif sera remplacé par un régime d'autorisation, la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, très difficile à manier, sera remplacée par une appréciation fondée sur un bilan « bénéfice - risque », plus opératoire, la participation des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement sera organisée, afin qu'elles puissent elles aussi bénéficier des progrès de la recherche.

Il a enfin souligné le fait que le projet de loi rendait obligatoire la formation médicale continue et que cette obligation serait liée à des mécanismes d'incitation et de valorisation professionnelle, mis en place dans le cadre des conventions médicales. Il a ainsi précisé que l'accès à certaines fonctions de responsabilité ou de représentation professionnelle pourrait être conditionné par le respect de cette obligation de formation continue.

En conclusion, il a affirmé qu'il comptait sur les améliorations qu'apporterait le Sénat au projet de loi, en insistant notamment sur la question de la réglementation de la profession de psychothérapeute, celle de l'agrément des associations de malades ou encore celle de la modernisation des ordres professionnels.

M. Francis Giraud, rapporteur, s'est félicité de la responsabilité confiée par le projet de loi à l'Etat en matière de santé publique, ainsi que du choix de l'échelon régional pour la mise en oeuvre de cette politique. Il s'est toutefois étonné de la faible place laissée aux collectivités territoriales dans les instances de décision, et notamment dans les groupements régionaux de santé publique. Il a souhaité que le rôle des élus locaux soit davantage affirmé.

Il a ensuite évoqué l'amendement adopté à l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Bernard Accoyer, qui vise à mieux encadrer la profession de psychothérapeute. Après avoir admis que l'organisation de cette profession n'était pas toujours cohérente et souligné la nécessité de protéger les personnes les plus fragiles contre des charlatans, il a estimé qu'une des solutions à la question soulevée par les députés pouvait être non pas de définir ce qu'est une psychothérapie, mais de réglementer l'usage professionnel du titre de psychothérapeute. Il a souhaité connaître l'avis du ministre sur une telle solution.

Il a enfin voulu savoir si la formation médicale continue serait obligatoire ou facultative.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a insisté sur la nécessité de rendre obligatoire la formation médicale continue, rappelant qu'en cinq ans, la moitié des connaissances acquises par un médecin devenait obsolète. Il a toutefois précisé qu'il ne souhaitait pas, dans un premier temps, pénaliser les médecins qui ne se conformeraient pas à cette obligation et il a affiché sa préférence pour des mesures d'incitation, dans le cadre de la politique conventionnelle.

Il a déclaré que le préfet n'aurait pas à établir des rapports d'autorité avec les différents membres des groupements régionaux de santé publique, que son rôle se limitait à vérifier que les priorités définies au niveau national étaient bien déclinées dans la région, qu'un acteur avait été désigné pour leur mise en oeuvre et que les collectivités auraient ensuite toute latitude pour définir les modalités de leur action. Il a expliqué que la crise sanitaire de l'été avait montré l'importance d'une meilleure implication des préfets, qui avaient peu à peu été marginalisés en matière de santé publique depuis la création des ARH. Il a par ailleurs précisé que les conseils régionaux pourraient définir des priorités complémentaires en fonction du contexte local.

S'agissant des psychothérapeutes, il a concédé que le souci de protection des patients était légitime mais il a estimé que la réglementation de la profession se heurtait à plusieurs difficultés liées au caractère fluctuant de la frontière entre difficultés psychologiques et affections pathologiques qui devaient continuer à relever de la psychiatrie, à la répartition des compétences entre les différentes disciplines et à la définition de critères de qualité pour la formation des psychothérapeutes. Il a indiqué que les associations de victimes demandaient surtout à pouvoir se retourner contre le professionnel en cas de dommage et qu'il réfléchissait en conséquence à une possibilité de déclaration du psychothérapeute pour matérialiser son engagement à prendre en charge la personne et donner à cette dernière un moyen de preuve en cas de dommage.

M. Nicolas About, président, a insisté sur le fait que le débat sur les psychothérapeutes ne devait pas prendre une importance disproportionnée, car il ne représentait qu'un aspect marginal du projet de loi. Il s'est prononcé pour un encadrement de l'usage du titre de psychothérapeute, à l'image de la solution retenue pour les ostéopathes et les chiropracteurs.

Rappelant les principes posés pour ces deux professions, à savoir l'obtention d'un diplôme délivré par un organisme agréé, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a tenu à souligner la difficulté qu'il y aurait à agréer des établissements de formation en psychothérapie, dans la mesure où ceux-ci ont tous un statut privé et que les critères de qualité de la formation présentaient des difficultés de définition.

M. Gilbert Barbier a regretté que la différence entre dépistage et prévention n'apparaisse pas plus clairement dans le projet de loi. Il a observé que, dans le contexte d'augmentation des charges liées à la décentralisation, les collectivités territoriales risquaient de se désengager de la santé publique, dans laquelle elles n'avaient qu'une simple faculté d'action. Il a insisté sur la nécessité d'associer à la politique de prévention les secteurs économiques concernés, tels que le secteur viticole ou les producteurs de tabac. Il s'est enfin interrogé sur la création de la nouvelle école des hautes études en santé publique.

M. Paul Blanc a rappelé que la prévention et l'accès aux soins se heurtaient à la mauvaise répartition des médecins sur le territoire, surtout dans les zones rurales et il s'est interrogé sur l'opportunité de mettre en place un numerus clausus d'installation.

M. Gilbert Chabroux a estimé que le projet de loi était très loin de satisfaire aux ambitions affichées lors de son annonce et qu'il lui manquait notamment un volet financier. Il a regretté l'absence de débat avec l'ensemble des usagers du système de soin pour la définition des objectifs de la politique de santé publique. Il a déploré la faiblesse du dispositif de prévention en matière de santé au travail et de sécurité sanitaire environnementale. Il a voulu savoir si la lutte contre le tabac serait poursuivie et si elle serait suivie d'une politique de même ampleur en matière d'alcoolisme.

M. Gérard Dériot a concédé que la réglementation de l'usage du titre de psychothérapeute ne permettrait vraisemblablement pas de mettre fin à l'ensemble des dérives observées, mais qu'elle permettrait au moins d'orienter les candidats à cette profession vers des formations de qualité. Il a insisté sur l'importance de la durée en matière de campagnes de prévention et il a plaidé pour que l'impulsion donnée par la loi ne retombe pas en quelques mois, faute de suivi. Il a regretté la marginalisation des préfets en matière de santé et il a voulu s'assurer que ceux-ci pourraient tenir leur rôle sans voir les ARH reprendre le dessus.

M. Serge Franchis a regretté l'absence de dispositions plus précises en matière de santé mentale. Il a insisté pour que les connaissances en la matière soient développées.

M. Alain Gournac a plaidé pour une amélioration des relations entre les élus locaux et les directeurs d'ARH, celles-ci étant jusqu'ici restées embryonnaires.

M. Nicolas About, président, a souhaité obtenir des précisions sur les conditions dans lesquelles seraient organisés les flux financiers entre l'Etat et l'assurance maladie en matière de santé publique. Il s'est interrogé sur l'opportunité de faire figurer ces sommes dans l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

Revenant sur le plan national de prévention des risques sanitaires liés à l'environnement, il a voulu savoir où en étaient les travaux de la commission d'orientation installée en septembre pour le préparer. Il a également souhaité connaître l'articulation des huit objectifs figurant d'ores et déjà dans le projet de loi avec le futur plan et les moyens qui seraient consacrés à leur mise en oeuvre.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a précisé que les financements nécessaires à la politique de santé publique étaient inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004, à hauteur de 190 millions d'euros, hors financement des agences sanitaires, qu'ils seraient complétés par les recettes tirées de l'augmentation des droits sur le tabac, estimées à 1,6 milliard d'euros pour la durée du plan, et que les groupements régionaux de santé publique recevraient une dotation de 150 millions d'euros de la part du fonds national pour l'éducation et l'information en santé (FNPEIS). Il a rappelé que les collectivités territoriales et l'assurance maladie contribueraient également au financement des actions.

Il a expliqué que trois niveaux de prévention pouvaient être distingués : un niveau primaire regroupant les actions visant à prévenir l'apparition des pathologies, un niveau secondaire qui se confondait avec le dépistage et un niveau tertiaire visant à prévenir l'aggravation des maladies évolutives ou chroniques.

S'agissant de l'EHESP, il a souligné que sa mission serait plus large que celle de l'actuelle école nationale de la santé publique car les diplômes qu'elle délivrerait auraient un caractère national et seraient ouverts à des personnels autres que les seuls gestionnaires des hôpitaux.

Il a convenu qu'il fallait davantage associer les industriels à la prévention des risques pour la santé et il a rappelé qu'ils seraient associés à la concertation à travers les conférences nationale et régionales de santé publique.

Il a annoncé que le gouvernement avait l'intention de préciser par amendement les conditions d'installation des praticiens, afin de développer les actions d'incitation à l'installation dans les zones sous-médicalisées. Il a indiqué que le décret définissant ces zones était paru depuis quelques jours et que les médecins souhaitant s'y installer pourraient cumuler l'ensemble des aides incitatives existantes, qu'elles proviennent de l'Etat, des collectivités locales ou de l'application d'un mécanisme conventionnel.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a réfuté la critique selon laquelle le projet de loi n'aurait pas fait l'objet d'une concertation : des journées de concertations sur les objectifs figurant au rapport annexé ont été organisées dans chaque région et plus de 140 spécialistes, français et étrangers, de la santé publique ont été consultés sur les aspects scientifiques de ces objectifs. Il a rappelé que ces objectifs n'étaient pas exhaustifs mais qu'ils correspondaient à des domaines où les connaissances scientifiques étaient suffisamment développées pour permettre la fixation d'objectifs quantitatifs.

S'agissant du plan « santé - environnement », il a annoncé que la commission d'orientation avait rendu le matin même son rapport préliminaire et que ses propositions seraient soumises à l'avis des différents acteurs, en vue de la fixation définitive du plan en juin 2004. Il a indiqué que la commission avait retenu les sujets d'analyse suivants : les décès liés à des infections ou intoxications aiguës, à la pollution atmosphérique urbaine ou aux conditions climatiques extrêmes ; les aspects environnementaux des pathologies cancéreuses ; le développement des maladies allergiques, notamment respiratoires ; la reprotoxicité et la neurotoxicité liées à des facteurs environnementaux ; les risques liés aux milieux, notamment au bruit, à l'eau et à l'habitat.

Il est ensuite revenu sur la question des drogues, précisant que le gouvernement avait choisi de concentrer son action, dans un premier temps, sur la lutte contre le tabac plutôt que sur l'alcool, compte tenu de l'augmentation continue du nombre de fumeurs, la consommation d'alcool étant, en revanche, sur une pente spontanément descendante. Il a toutefois précisé que la lutte contre le tabagisme devrait emprunter d'autres voies que l'augmentation du prix des cigarettes car les taxes avaient connu en neuf mois une hausse plus importante que pendant les cinq années précédentes et qu'il fallait observer une pause pour éviter les effets pervers.

Revenant sur la question des ARH, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que celles-ci étaient constituées sous la forme de groupements d'intérêt public, réunissant les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM). Il a expliqué qu'il était de ce fait difficile de placer les ARH sous la responsabilité directe des préfets, une telle tutelle risquant d'être interprétée comme une volonté d'étatiser la sécurité sociale et que la création des futures agences régionales de santé se heurtait à un problème similaire. Il a donc estimé qu'il convenait, dans un premier temps, d'améliorer la coordination, à travers les ARH, de l'hôpital et de la médecine de ville, avant d'envisager la création d'agences regroupant politique de soin et politique de prévention sanitaire.

S'agissant enfin de la santé mentale, il a précisé qu'un rapport lui avait été remis à ce sujet et qu'il se traduirait, au mois de mai 2004, par la définition d'un plan d'action qui serait mis en oeuvre par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

Enfin la commission a proposé à la nomination du Sénat M. Jean-Pierre Cantegrit pour siéger au sein de la Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger.