Travaux de la commission des affaires sociales



Mardi 22 juin 2004

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Assurance maladie - Audition de MM. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, et Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie

La commission a procédé à l'audition de MM. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, et Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie, sur le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

En préambule, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a annoncé que, conformément au voeu du Président de la République, le Gouvernement engage, un an après la réforme des retraites, la modernisation de l'assurance maladie, montrant ainsi son attachement à un système public et solidaire de protection sociale. Cette réforme attendue rassurera les Français sur l'avenir de leur système d'assurance maladie, ainsi préservé et consolidé.

Il a rappelé que le débat parlementaire qui s'engage fait suite à une phase de concertation intense menée par le Gouvernement avec l'ensemble des acteurs du monde de la santé et de l'assurance maladie. Il a estimé que peu de réformes avaient donné lieu à autant de rencontres, d'échanges et de débats puisque, depuis plus de deux mois, le Gouvernement entretient un contact permanent avec les partenaires sociaux, les représentants des professionnels de santé et des patients, ainsi que les représentants des organismes d'assurance maladie de base et complémentaire. En outre, cette concertation suit l'établissement d'un diagnostic partagé par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et une première phase de concertation menée par M. Jean-François Mattei, alors ministre de la santé.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a constaté que, face à l'accumulation des déficits, il est indispensable de juguler la dérive des comptes, dont la Commission des comptes de la sécurité sociale a rappelé l'ampleur, et d'amorcer un retour vers l'équilibre. En effet, le déficit atteindra près de 12,9 milliards d'euros en 2004, en raison d'abord de la faible augmentation des recettes. La croissance de 1,9 % de la masse salariale nationale en 2003 a été la plus basse depuis 1993 et les prévisions actualisées pour 2004, de 2,9 %, restent faibles. Les signes de reprise demeurent encore trop modestes pour avoir un impact sur les recettes.

Il a souligné que l'atonie conjoncturelle des recettes est conjuguée à un dynamisme persistant des dépenses de l'assurance maladie dont l'ensemble des travaux récents, qu'il s'agisse du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ou du rapport de la commission des comptes, ont fixé l'origine à 1997. Depuis cette date, le déficit structurel de l'assurance maladie a crû continûment, révélant une tendance de fond propre aux dépenses de santé.

Il a constaté qu'une croissance exceptionnelle des recettes en 2000 et 2001, liée à une conjoncture économique internationale très particulière, a masqué cette hausse des dépenses, mais qu'une fois passée l'évolution favorable des recettes, le ralentissement de la croissance a brusquement fait ressortir le déficit cumulé. Une telle vivacité des dépenses fait peser une menace sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.

Il s'est toutefois réjoui de certains signes positifs récents : l'année 2003 montre une décélération de la croissance des dépenses de l'assurance maladie par rapport à 2002 et le dépassement de l'ONDAM, même s'il reste important, se réduit substantiellement par rapport aux années antérieures. Les premiers chiffres pour 2004 confirment cette nouvelle tendance. Si ces évolutions ne permettront pas, à elles seules, de revenir à l'équilibre, elles permettront toutefois d'éviter une plus forte dégradation des comptes.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a ensuite détaillé les principales lignes de force du projet.

Il a tout d'abord rappelé que la réforme de l'organisation du système de soins constitue la priorité du Gouvernement, qui propose, dans cet objectif, l'instauration d'un dossier médical personnel. Chaque assuré doit pouvoir disposer, d'ici 2007, de ce dossier, qu'il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec l'ensemble des professionnels de santé avec qui il est en contact. Ce dossier répond à une demande d'information médicale de la part des patients et à un droit que leur octroie la loi du 4 mars 2002 sur l'accès aux données de santé. Ce dossier sera obligatoire et son accès conditionnera, à terme, le remboursement des soins. L'ensemble des partenaires gagnera à sa mise en place rapide : le médecin, pour un meilleur suivi de son patient, le patient, pour une garantie de qualité de soins et un accès unifié à l'information le concernant, et l'assurance maladie, par la limitation des soins inutiles ou dangereux.

Il a ensuite estimé qu'une organisation efficace de l'offre de soins suppose de construire de véritables parcours au bénéfice du malade afin de limiter les cas d'examens ou de consultations répétés du fait de renseignements erronés ou d'une mauvaise orientation. Cette construction implique la mise en place d'un médecin traitant, spécialiste ou généraliste, librement choisi par le malade, et qui l'oriente et l'aide à construire son parcours de soins. Un certain nombre de spécialistes resteront toutefois en accès direct, notamment les chirurgiens-dentistes, les ophtalmologistes ou les gynécologues. Il a précisé que le cadre relatif au médecin traitant relèvera de la responsabilité des partenaires conventionnels, les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a enfin souligné la nécessité de renforcer le lien entre la médecine de ville et l'hôpital, insistant sur le caractère global d'une réforme de l'organisation des soins visant au décloisonnement, au développement des réseaux et à l'élaboration d'une véritable stratégie d'offre de soins sur un territoire donné. Le projet de loi prévoit, à cette fin, un rapprochement entre les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) et les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) pour travailler sur plusieurs sujets, comme la répartition de l'offre de soins, la permanence des soins et le développement des réseaux. Le rapprochement entre médecin de ville et hôpital passe aussi par le respect des référentiels de bonne pratique, par les professionnels de santé, par leur adhésion aux démarches d'évaluation et par leur engagement en faveur de la qualité des soins.

Il a en outre estimé indispensable d'accompagner cette organisation de l'offre de soins par une meilleure définition des compétences de l'ensemble des acteurs qui participent au pilotage du système. La nouvelle gouvernance de l'assurance maladie s'attache à répondre à ce défi, qui vise avant tout à mettre le système d'assurance maladie au service du malade et d'une offre de soins plus efficace et mieux organisée.

Cette plus grande efficacité passe notamment par la délégation de nouvelles compétences aux caisses d'assurance maladie et par le partenariat entre régimes de base et organismes complémentaires afin de mener une politique globale du risque maladie, sur la base des objectifs de santé publique et des principes généraux dont l'État reste garant.

Il a enfin insisté sur la nécessité de rénover le dialogue conventionnel afin de pacifier les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé, la loi donnant des outils grâce à l'arbitrage pour régler les éventuels différends et consolidant les accords grâce au droit d'opposition donné aux syndicats majoritaires.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a ensuite présenté le deuxième objectif central du projet de loi qui tend à promouvoir la qualité des soins. Il a rappelé que le Haut conseil a préconisé dans son rapport une évaluation de l'utilité médicale fondée sur des critères réellement scientifiques, le système s'épuisant à vouloir tout financer, sans hiérarchie ni lisibilité.

Il a déploré que l'assurance maladie ne dispose pas aujourd'hui des outils lui permettant d'évaluer l'utilité médicale d'un acte lorsqu'une demande d'admission au remboursement est faite, alors que la démarche existe pour le médicament. Le projet de loi comble cette lacune en créant une Haute autorité de santé chargée d'émettre un avis sur l'utilité médicale des produits et des actes avant l'admission au remboursement. Elle pourra également être sollicitée par différents acteurs - l'assurance maladie, l'État, les professionnels de santé, les représentants des usagers - pour réévaluer l'efficacité de certains traitements si cela s'avère nécessaire.

Il a précisé que la Haute autorité assumera, en outre, une deuxième mission centrale dans le nouveau dispositif en veillant à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonne pratique.

Il a enfin indiqué que le projet de loi prévoit plusieurs dispositions relatives à la formation et à l'évaluation des professionnels libéraux et hospitaliers qui visent à insérer cette logique de qualité des soins, notamment à l'hôpital au travers d'accords de bon usage des soins qui pourront être signés au niveau national entre l'État, les fédérations hospitalières et l'assurance maladie, puis déclinés au niveau local.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie, a ensuite présenté le troisième axe du projet de loi qui précise les modalités du redressement financier de l'assurance maladie. Le plan prévoit des mesures financières à hauteur de 15 milliards d'euros, dont 10 milliards d'euros de moindres dépenses.

S'il a estimé que les dépenses de santé continueront de croître sans rationnement des soins, il a plaidé pour que chaque euro investi dans le système de soins le soit à bon escient. Cet objectif implique la mise en oeuvre de mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, notamment le dossier médical personnel, le médecin traitant, la promotion du bon usage du médicament, ainsi que la diffusion effective de référentiels de bonne pratique, dont l'économie attendue est estimée à 3,5 milliards. Ce chiffre ne correspond d'ailleurs qu'à la moitié des dépenses inutiles réalisées chaque année, que la CNAMTS évalue entre 5 et 6 milliards d'euros.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie, a indiqué qu'une politique efficace du médicament, notamment au travers d'un développement rapide du médicament générique, d'une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions, d'une plus grande maîtrise des rétrocessions hospitalières ou encore du relèvement des taxes sur l'industrie pharmaceutique, pourrait permettre de réaliser 2,3 milliards d'euros d'économies tout en valorisant la recherche et l'innovation.

Enfin, il a annoncé un relèvement mesuré des taxes applicables aux industries du médicament, au travers de la reconduction de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et l'augmentation de la taxe sur les dépenses de promotion.

Il a ensuite insisté sur la participation de l'hôpital à la réforme, principalement grâce à une rationalisation de la politique d'achat permettant 1,6 milliard d'euros d'économies. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné une grande hétérogénéité des coûts d'achats à l'hôpital, variant pour certains produits de 1 à 5, et augurant de marges de progrès importantes.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie, a annoncé le renforcement du contrôle des arrêts de travail au travers de procédures plus simples et plus efficaces, dans le respect des droits des professionnels et des patients. Cette mesure permettra d'économiser 800 millions d'euros d'ici à 2007, en s'assurant de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et en décourageant les abus.

Il a complété la présentation du plan de redressement en annonçant 5 milliards d'euros de recettes nouvelles se déclinant entre, d'une part, le milliard d'euros attendu au titre de la participation des usagers, grâce à la contribution d'un euro et à l'augmentation du forfait hospitalier, d'autre part, 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Ces dernières comprennent notamment la contribution d'un milliard de l'État au travers d'une fraction plus importante des droits sur le tabac donnée à l'assurance maladie.

Elles incluent, en outre, une augmentation différenciée de la CSG. L'augmentation de la CSG sur les retraités, qui ne s'applique qu'aux retraités imposables, s'élève à 0,4 point, demeurant ainsi inférieure de 0,9 point au taux de CSG acquittée par les actifs. L'augmentation du taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement s'élèvera par ailleurs à 0,7 point. Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera relevée de deux points et passera à 9,5 %. Pour les entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 point de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés.

En conclusion, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a rappelé qu'en deux ans, le Gouvernement aura engagé la consolidation de deux piliers majeurs de la sécurité sociale à travers la modernisation des systèmes de retraite et d'assurance maladie. Il a souhaité que le débat parlementaire puisse permettre de confirmer cette consolidation.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité reprendre les différentes mesures proposées par le projet de loi.

Concernant le dossier médical personnel, il a rappelé que les expériences étrangères prouvent que le succès de cet outil est conditionné par une mise en oeuvre progressive. Il s'est dès lors interrogé sur la compatibilité des délais nécessaires au déploiement de ce dossier avec le calendrier prévu pour la réforme.

Concernant l'hôpital, il a demandé si le Gouvernement limiterait la réforme de l'assurance maladie relative au secteur hospitalier aux seules dispositions contenues dans le plan hôpital 2007 et s'il maintenait les objectifs et le calendrier de mise en oeuvre de ce plan.

Concernant la répartition des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux, il s'est interrogé sur les pouvoirs permettant de renforcer les responsabilités de ces derniers, en contrepartie des compétences nouvelles dévolues par le projet de loi au directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie. Il s'est également soucié de la volonté des partenaires sociaux d'exercer effectivement ces nouveaux pouvoirs.

Concernant la politique conventionnelle, il a rappelé que le projet de loi prévoit la reconnaissance d'un pouvoir d'opposition aux organisations syndicales représentant les médecins et réunissant la majorité des suffrages exprimés aux élections professionnelles. Il s'est inquiété d'un possible déséquilibre de la vie conventionnelle entraîné par ce pouvoir nouveau, qui pouvait bloquer l'adoption de dispositifs lorsqu'ils figurent dans un accord national, mais reposent sur une adhésion individuelle des professionnels.

Concernant le médecin traitant, il a demandé au ministre de préciser l'équilibre économique de cet aspect de la réforme, qui pouvait s'apparenter plutôt à un investissement destiné à obtenir un meilleur usage des soins.

Concernant la clarification des liens financiers entre l'État et la sécurité sociale, il a rappelé que le projet de loi prévoit l'octroi, par le budget général à cette dernière, d'un milliard d'euros annuels provenant des droits de consommation sur les tabacs. Il s'est demandé si cette mesure n'est que ponctuelle ou si, au contraire, elle constitue la première étape d'un processus de plus long terme destiné à restituer à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui lui ont été distraites pour financer les 35 heures. Il a rappelé que le Gouvernement s'est engagé à plusieurs reprises à déposer un projet de loi organique pour réformer les règles relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. Il a demandé au ministre de préciser les dates de discussion envisagées pour ce texte et les grandes lignes de son contenu.

Enfin, il a rappelé qu'afin d'apurer la dette de la sécurité sociale, le projet de loi prévoit un allongement indéterminé de la perception par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) de la contribution de remboursement de la dette sociale (CRDS), dont le taux demeurait toutefois inchangé. Il a demandé au ministre si un scénario mixte comprenant à la fois un allongement de la durée de perception et une augmentation du taux de la CRDS avait été étudié et les raisons pour lesquelles il aurait été écarté.

M. Guy Fischer a rappelé que, en 2004, pour la première fois depuis dix ans, les quatre branches du régime général seraient en déficit. Il a estimé que le projet de réforme proposé par le Gouvernement pour l'assurance maladie n'est pas à la hauteur des enjeux et qu'il porte à la fois un risque de privatisation et de développement d'une médecine à plusieurs vitesses. Il a déploré que le projet de loi ne s'attache pas à résoudre les difficultés rencontrées par l'hôpital public et que les réformes de ce secteur soient effectuées par touches, sans véritable débat d'ensemble, dans sept textes différents. Il a estimé que les efforts demandés étaient concentrés sur les patients, que les dispositions du projet de loi visent à les stigmatiser et qu'elles encouragent implicitement les dépassements d'honoraires. Il a noté qu'en contrepartie les mesures financières proposées n'imposaient pas aux entreprises pharmaceutiques d'acquitter une contribution à la hauteur de leurs possibilités.

M. Gilbert Chabroux a contesté la campagne de presse du Gouvernement justifiant la réforme de l'assurance maladie par le souci de garantir l'égalité d'accès aux soins entre les assurés. Il a jugé critiquable cette conception de l'égalité, qui conduit, à son sens, à accroître les inégalités déjà existantes dans le système de soins. Il a en outre déploré la dramatisation des annonces sur le déficit de l'assurance maladie, qu'on pourrait aisément relativiser en le comparant aux 36.000 euros d'exonérations de cotisations patronales accordées à chaque minute, ou encore au déficit de l'État. Il a enfin rappelé que la précédente majorité avait laissé les comptes sociaux en situation de quasi-équilibre, cet équilibre ayant été atteint notamment grâce à la politique de l'emploi et à la réduction du temps de travail, qui a permis de créer 350.000 emplois sous la précédente législature.

Il a également jugé que le projet de loi concentre les efforts sur les patients et les assurés et qu'il exonère les professionnels de santé et les industries pharmaceutiques de leurs responsabilités naturelles. Il a dénoncé la mise en place d'un forfait d'un euro par consultation, source, selon lui, de découragement des soins et s'est inquiété de la logique sous-tendant la sur-rémunération des praticiens consultés par les patients sans l'aval de leur médecin traitant, estimant que cette mesure valorise des actes médicaux prétendument effectués dans de mauvaises conditions.

Il a enfin déploré l'absence d'articulation des discussions du projet de loi avec les sujets les plus importants de la santé publique, la santé au travail, la santé environnementale ou encore les politiques de prévention.

M. Dominique Leclerc a approuvé la volonté de combattre les abus existants. Il a rappelé que des moyens techniques, notamment informatiques, permettent d'ores et déjà de contrôler ces abus, mais que la volonté politique et administrative d'y procéder fait encore défaut. Il s'est interrogé sur les mesures permettant d'accroître l'efficacité du contrôle médical, dans le cadre d'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il a affirmé en outre que des économies pouvaient être réalisées par l'amélioration du conditionnement du médicament. Il a enfin insisté sur la nécessité de responsabiliser les patients, notamment ceux souffrant d'affection de longue durée, en s'appuyant dans ce dernier cas sur les protocoles individuels.

M. Jean Chérioux s'est inquiété de l'avenir du paritarisme et s'est interrogé sur les mesures permettant de redonner toute sa force à ce mode de gestion des organismes sociaux. Il a suggéré, pour responsabiliser les patients, que leur soit adressé un récapitulatif annuel de l'ensemble des dépenses de santé engagées à leur bénéfice. Il a enfin rappelé que la mise en place des 35 heures s'est accompagnée d'une modération des rémunérations salariales et que cette modération s'est nécessairement traduite par des pertes de recettes indirectes pour la sécurité sociale.

M. Adrien Gouteyron s'est inquiété du fait que les modalités de prise en charge, par la CADES, des déficits prévisionnels pour 2005 et 2006 soient fixées par décret, et non en loi de financement de la sécurité sociale.

M. Nicolas Fortassin a craint que les informations figurant dans le dossier médical personnel puissent être détournées à des fins lucratives, notamment au profit des secteurs bancaires ou des assurances. Il s'est interrogé sur le devenir de la carte vitale de deuxième génération, et particulièrement sur la possibilité d'y faire figurer d'autres informations utiles à la distribution de soins, comme le groupe sanguin du patient, ses sensibilités allergiques ou son opposition au prélèvement post mortem d'organe.

Il a ensuite regretté l'importance prise par la publicité pharmaceutique, qui détermine selon lui 50 % du prix du médicament, par rapport à la recherche, qui n'en constitue que 10 %. Il a dénoncé les pratiques de laboratoires pharmaceutiques qui modifient à la marge les formules de molécules afin d'éviter que ces dernières ne tombent dans le domaine public et donnent lieu à des spécialités génériques.

M. Bernard Cazeau a estimé que le concept de maîtrise médicalisée des dépenses de santé avait démontré depuis plusieurs années ses limites. Il a rappelé que l'assurance maladie affirme elle-même ne pas disposer des moyens, y compris juridiques, pour lutter efficacement contre les dépenses inutiles qu'elle peut identifier et s'est interrogé sur l'existence, dans le projet de loi, de tels moyens.

Mme Hélène Luc s'est souciée des risques de dérive que pourrait susciter la mise en place d'un médecin traitant. Elle a demandé des précisions sur l'état d'avancement de la négociation des contrats relatifs à la mise en oeuvre des services d'accueil médical initial (SAMI). Elle s'est interrogée en outre sur les renforcements possibles de la formation des médecins et sur les mesures de prévention à prendre dans le cadre de la médecine scolaire. Elle a enfin déploré l'absence de prise en compte des problèmes sociaux dans le projet de réforme de l'assurance maladie, notamment du cas des mères, dont les enfants malades, qui par manque de solution de garde à domicile, doivent recourir à un arrêt maladie pour elles-mêmes.

Concernant le dossier médical personnel, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a constaté que la France accuse un retard certain sur ses voisins européens, mais que ce retard peut constituer paradoxalement une chance de réaliser cet objectif dans des délais compatibles avec le calendrier de la réforme. Il a estimé que la mise en place d'un dossier informatisé ne pose techniquement pas de problème de confidentialité, plus d'un million de personnes établissant déjà leur déclaration de revenus sur Internet, consultant leurs opérations bancaires ou réalisant des achats de manière sécurisée. Il a précisé en outre que ce dossier médical sera soumis à des règles de stricte confidentialité et que le médecin ne pourra y avoir accès qu'avec l'assentiment du patient.

Concernant le médecin traitant, il a insisté sur le caractère bénéfique pour la santé publique d'une telle mesure, en évitant la répétition de soins inutiles ou dangereux. Il s'est engagé à ce que l'institution de cette procédure ne favorise ni la restriction des soins, ni des atteintes à l'égalité devant la santé.

Concernant le secteur hospitalier, il a affirmé que celui-ci se situe au coeur de la réforme de l'assurance-maladie, puisqu'il constitue la moitié de son budget. Des efforts équivalents à ceux exigés du secteur ambulatoire seront demandés à l'hôpital, notamment 1,5 milliard d'euros d'économies réalisées par la rationalisation des politiques d'achat. En outre, la réforme introduite par la tarification à l'activité et la nouvelle gouvernance permettra de sortir ce secteur des limites d'une gestion par budget global, peu susceptible d'améliorer la productivité des services. Toutefois, une part de la dotation hospitalière sera préservée afin de financer un service public de qualité sur certains secteurs de faible technicité, notamment les urgences. La mise en place de pôles médicaux à l'hôpital constituera enfin une source significative d'économies d'échelle.

Concernant le rôle des partenaires sociaux, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a insisté sur la nécessité de définir une meilleure articulation des rôles du directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie et du conseil d'administration, ce dernier devant pouvoir définir les orientations de la gestion de la caisse et disposer d'un pouvoir d'opposition lors de la nomination du directeur. Il a estimé, au regard des entretiens qu'il a conduits avec les partenaires sociaux lors de la phase de concertation préalable à la réforme, que ceux-ci sont prêts à s'investir dans des responsabilités rénovées. Cette rénovation du paritarisme est rendue nécessaire, d'un point de vue philosophique, par la constante évolution de la sécurité sociale depuis 1945. Cette dernière est passée d'une logique purement assurancielle, financée par des cotisations, à une logique universelle financée par l'impôt. Cette évolution justifie notamment que le paritarisme soit élargi pour inclure la participation à la gestion de l'assurance maladie d'autres institutions représentatives, comme la Mutualité.

Concernant la vie conventionnelle, il a estimé que le pouvoir majoritaire d'opposition conférera à ces accords une légitimité accrue, mais que d'éventuels échecs n'empêcheront pas le bon fonctionnement de l'assurance maladie, une procédure d'arbitrage existant d'ailleurs pour résoudre les points sur lesquels les partenaires conventionnels n'auront pu trouver d'accord.

Concernant le médecin traitant, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a insisté sur le caractère médical de cet aspect de la réforme, institution visant avant tout à coordonner efficacement les soins dispensés aux patients et à permettre d'inclure une dose de bon sens dans la distribution de ces soins. L'accès à certains médecins spécialistes, notamment les gynécologues, ne sera pas limité. Il s'est par ailleurs déclaré défavorable à une liberté tarifaire totale des honoraires des médecins, une telle ouverture étant en elle-même contraire au principe de l'égal accès aux soins inscrit dans le projet de loi.

Il a estimé que la rénovation du paritarisme proposé par le projet loi réfute les accusations d'étatisation qui ont pu être formulées. Il a, en revanche, à nouveau insisté sur la nécessité de procéder une réforme d'ampleur, sans laquelle les personnes les plus modestes ne pourront plus, dans l'avenir, assumer le coût de leurs soins. Il a, à ce titre, insisté sur les mesures complémentaires que des amendements parlementaires pourraient ajouter au projet de loi, permettant notamment de donner un contenu juridique à l'engagement pris par le Président de la République pour faciliter l'accès à une couverture complémentaire pour tous.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a considéré que les efforts demandés dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie sont en fait équitablement répartis et visent avant tout à limiter certains abus. Une distribution plus efficace des soins pourra être atteinte en redéfinissant certaines procédures. Par exemple, les malades en affection de longue durée (ALD) devront être pris en charge à 100 % pour les seules pathologies justifiant leur classement en ALD et non pour l'ensemble des soins médicaux dont ils bénéficient. L'instauration d'un forfait d'un euro par consultation n'introduit pas d'inégalité devant la santé, car les personnes relevant de la couverture maladie universelle, et bénéficiant du tiers payant, en seront exonérées. Une convention avec l'industrie pharmaceutique promouvant le développement du médicament générique permettra de réaliser 2,5 milliards d'euros d'économies d'ici 2007. S'il n'est pas question de remettre en cause l'accès aux arrêts maladie, seules 0,5 % des 212 millions de journées d'arrêt donnent lieu à un contrôle. Il est donc nécessaire de développer les moyens permettant de contrôler et réprimer d'éventuels abus.

De même, il a assuré que les médecins conseils sont prêts à investir à nouveau le champ du contrôle médical et qu'il convient de leur en donner les moyens. Il a enfin estimé que les efforts demandés constituent avant tout un défi pédagogique et s'est déclaré ouvert à la mise en oeuvre d'une procédure permettant à chaque assuré de prendre connaissance du coût des soins dont il a bénéficié.

Concernant les professionnels de santé, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a insisté sur le fait que les mesures envisagées devaient être respectueuses des principes d'une médecine libérale. Concernant la démographie médicale, il a souhaité que les mécanismes d'incitation existant puissent à l'avenir donner les résultats attendus, ces résultats étant pour l'instant décevants en raison du caractère restrictif des dispositions du décret les mettant en oeuvre. Il a souligné que les syndicats médicaux acceptent le principe de sanctions individuelles graduées contre les médecins peu responsables, comprenant successivement l'avertissement, l'amende financière et, en dernier ressort, le déconventionnement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie, s'est félicité pour sa part de l'efficacité des SAMI et a insisté sur la nécessité de mettre en place ces services là où ils ne sont pas assurés et de les pérenniser là où ils ont été développés.

Concernant la réforme de la loi organique, il a indiqué qu'un projet de loi pourrait être déposé après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et qu'il proposerait de compléter les lois de financement d'une perspective pluriannuelle, ainsi que de mécanismes permettant un meilleur respect des équilibres financiers des différentes branches de la sécurité sociale.

Concernant la clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, il a indiqué que l'État réalise un effort important d'un milliard d'euros sur son budget, mais que les marges de manoeuvre disponibles ne permettent pas d'aller dès à présent plus avant.

Concernant le financement de la dette contractée par la sécurité sociale, il a rappelé les trois solutions dont dispose le Gouvernement pour l'amortir : l'allongement de la durée de perception de la CRDS en contrepartie d'un maintien du taux de cet impôt, le maintien de l'objectif initial de remboursement d'ici 2014 de l'ensemble de la dette sociale qui aurait toutefois pour corrolaire un relèvement du taux du CRDS ou un système mixte fondé à la fois sur l'allongement de la durée de perception et l'augmentation du taux. Le Gouvernement a choisi la première des solutions, estimant que l'augmentation des prélèvements obligatoires pénaliserait les ménages et la reprise économique et qu'une solution mixte manquerait de visibilité.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie, a enfin jugé que, globalement, les propositions du projet de loi s'inscrivent dans les hypothèses de travail mentionnées par le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Ce rapport souligne qu'en 2020, à réglementation inchangée, soit le remboursement des dépenses d'assurance maladie aura diminué de moitié, soit il nécessitera le doublement de la contribution sociale généralisée (CSG) pour maintenir son niveau actuel. Il a souligné que le plan de modernisation pour l'assurance maladie s'inscrit dans la droite ligne des recommandations du Haut conseil, puisqu'il propose un tiers de mesures de nature conjoncturelle et deux tiers de mesures de nature structurelle.

Il a enfin souhaité apaiser toute crainte de privatisation et s'est félicité de ce que, pour la première fois, un plan de réforme de l'assurance maladie ne prévoit aucun transfert des régimes de base vers les régimes complémentaires, c'est-à-dire un désengagement de la solidarité nationale dans la prise en charge des soins.

Mercredi 23 juin 2004

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Politique de santé publique - Examen du rapport en deuxième lecture

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a d'abord procédé à l'examen, en deuxième lecture,du rapport de MM. Francis Giraud etJean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 278 (2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la politique de santé publique.

M. Francis Giraud, rapporteur, a présenté les dispositions du projet de loi relatif à la politique de santé publique restant en discussion pour la deuxième lecture. Il a rappelé que ce texte participait de la réforme générale conduite sur notre système de santé et que de nombreux articles y avaient été ajoutés au cours de la discussion parlementaire, afin d'y intégrer notamment des dispositions consécutives à la canicule, des précisions sur les compétences de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et diverses mesures relatives aux professions de santé.

En outre, la deuxième lecture à l'Assemblée nationale a été l'occasion d'adopter treize articles supplémentaires relatifs à la représentativité des associations de malades et d'usagers, à l'interdiction des distributeurs automatiques de produits sucrés dans les établissements scolaires, à la lutte contre l'alcoolisme, à la protection de l'environnement, à la cosmétovigilance, à la revente des dispositifs médicaux, au groupement de coopération sanitaire, à la validation législative de trois concours et à l'évaluation de la « convention Belorgey » sur l'accès à l'emprunt et à l'assurance des personnes présentant un risque de santé aggravé.

M. Francis Giraud, rapporteur, a indiqué que les dispositions centrales tenant à la nouvelle architecture de la politique de santé, à la sécurité sanitaire, à la recherche et à la formation n'avaient, en revanche, pas fait l'objet de modifications importantes.

Il a donc choisi d'orienter son propos sur les points essentiels qui demeurent en discussion sur la nutrition et la lutte contre l'obésité, la prévention de l'alcoolisme et l'encadrement de la profession de psychothérapeute.

Concernant la nutrition, il a annoncé qu'il proposerait une nouvelle rédaction du dispositif organisant la publicité télévisée pour les produits alimentaires et un encadrement des modalités d'implantation des distributeurs automatiques dans les établissements d'enseignement.

Abordant la lutte contre l'alcoolisme, il a indiqué qu'il proposerait un amendement aménageant la taxation des boissons alcoolisées aromatisées, dites « premix », afin de la rendre applicable et d'assurer sa compatibilité avec la réglementation européenne. L'objectif de ce dispositif est de taxer spécifiquement les boissons dont le goût alcoolisé ou l'amertume ont été masqués par l'ajout d'autres produits sucrés ou aromatisés destinés à attirer les jeunes consommateurs.

Examinant l'article 18 quater relatif aux psychothérapeutes, il a souhaité l'adoption d'une nouvelle rédaction, plus conforme à l'esprit du texte voté par le Sénat en première lecture.

M. Francis Giraud, rapporteur, a enfin précisé qu'il présenterait par ailleurs à la commission quelques amendements rédactionnels ou de précision et qu'il lui proposerait l'adoption conforme de quarante-huit articles.

Il a ensuite présenté les principales modifications apportées par l'Assemblée nationale au volet « santé et environnement » du présent projet de loi, en remplacement de M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, empêché.

Il a rappelé que ce volet du projet de loi avait pour objectif d'améliorer la planification des actions de recherche et de prévention en matière de sécurité sanitaire environnementale et de moderniser les dispositifs de gestion des risques, dans les domaines où les connaissances scientifiques permettent déjà la mise en oeuvre d'actions concrètes.

Estimant que les modifications apportées par l'Assemblée nationale apportaient d'utiles précisions au texte voté par le Sénat et n'appelaient aucun amendement, M. Francis Giraud, rapporteur, a souhaité s'attarder sur les deux articles additionnels introduits, à juste titre, par les députés, à l'initiative du Gouvernement.

Le premier ouvre la possibilité d'étendre les dispositifs de protection des prélèvements d'eau aux captages détenus par des personnes privées, qui alimentent actuellement trois millions de consommateurs.

Le second attribue aux inspecteurs de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection la compétence de constater et réprimer le non-respect des textes qui concourent à assurer la protection des travailleurs et du public contre les dangers des radiations des rayonnements ionisants. Il a pour but de remédier à la situation de vide juridique survenue après l'annulation, par le Conseil d'État, du décret qui transférait cette compétence aux agents de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de ses services déconcentrés.

M. Louis Souvet a regretté que le Parlement légifère sur les distributeurs automatiques dans les écoles avant que les conclusions du rapport relatif à l'obésité, confié à M. Gérard Dériot au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS), ne soient connues. Il s'est également interrogé sur les conditions de mise en oeuvre du message nutritionnel lié à la publicité pour les aliments, qui risque de susciter des réticences de la part des chaînes de télévision.

M. Guy Fischer a admis que plusieurs sujets abordés par le projet de loi, tels l'alcoolisme, l'obésité ou les psychothérapeutes, étaient d'actualité, mais a jugé l'ensemble du texte insuffisant. Il a souhaité que l'amendement sur les « premix » soit l'occasion d'un examen plus général de l'état de la consommation alcoolique en France et a critiqué la modification apportée à la loi Evin au profit du vin à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Comme il l'avait fait en première lecture, M. Gilbert Chabroux a déploré que le projet de loi définisse un très grand nombre d'objectifs de santé publique, sans hiérarchisation ni cohérence, et sans préciser les moyens financiers attachés à ces actions. Concernant la lutte contre l'alcoolisme, il a invité Mme Anne-Marie Payet à défendre à nouveau, en deuxième lecture, l'amendement qu'elle avait précédemment déposé pour informer les consommateurs du caractère nocif de la consommation d'alcool pour les femmes enceintes. Il s'est interrogé sur l'articulation entre ce projet de loi et d'autres initiatives du Gouvernement, telles que le plan Santé-environnement qui vient d'être présenté ou la réforme de l'assurance maladie.

Mme Sylvie Desmarescaux a souhaité la suppression de l'interdiction systématique des distributeurs automatiques dans les établissements scolaires, estimant qu'il était plus raisonnable de s'en remettre au sens des responsabilités des directeurs d'établissements scolaires.

M. Francis Giraud, rapporteur, a indiqué que l'amendement qu'il proposait prévoyait une solution de compromis plus mesurée que l'interdiction pure et simple en organisant la sélection des produits alimentaires en fonction de leur composition nutritionnelle.

M. Jean Chérioux s'est préoccupé du rétablissement du privilège des « bouilleurs de cru » par l'Assemblée nationale, alors que le Sénat l'avait supprimé en première lecture. Il a considéré que ce dispositif n'était pas cohérent avec les objectifs de santé publique soutenus par le présent texte et a annoncé qu'il était disposé à déposer un nouvel amendement de suppression à titre personnel.

M. Paul Blanc a souhaité avoir des précisions sur la disposition relative à l'extension des dispositifs de protection des prélèvements d'eau aux captages détenus par les personnes privées.

M. Alain Vasselle a demandé quel serait l'impact financier des mesures prévues par ce texte et s'est interrogé sur le rôle des médias en matière de santé publique.

M. Gilbert Barbier a regretté que le projet de loi privilégie les mesures d'interdiction au détriment des politiques d'éducation à la santé et de prévention que l'on pouvait valablement conduire avec de plus grandes chances de succès auprès des enfants.

Abondant dans ce sens, M. Marcel Lesbros a dit croire plus à l'éducation des jeunes qu'aux mesures d'interdiction pour améliorer la santé publique et a souhaité que quelques grands messages de prévention soient diffusés auprès du public.

Mme Brigitte Bout a alors fait part de l'expérience menée depuis douze ans dans sa commune en matière d'éducation des enfants à la nutrition et qui a produit de bons résultats dans la lutte contre l'obésité.

Mme Anne-Marie Payet a confirmé son intention de déposer à nouveau l'amendement qu'elle avait défendu en première lecture, en le ciblant toutefois mieux sur les femmes enceintes. Elle s'est dit préoccupée par le manque d'information des jeunes sur les dangers de l'alcool et a demandé des précisions sur le contenu de l'amendement « premix ».

M. Francis Giraud a souligné que le présent projet de loi s'inscrit dans la réforme d'ensemble du secteur de la santé, dont il constitue le premier élément. Il s'est dit convaincu de l'importance d'une véritable politique d'éducation à la santé, qui doit être prise en charge par l'éducation nationale.

Il a exposé le dispositif de l'amendement relatif à la publicité télévisée, précisant qu'il ne se limitait plus aux seuls programmes destinés à la jeunesse, compte tenu de l'amplitude horaire de consommation télévisée des enfants. Les obligations financières mises à la charge des annonceurs devraient permettre de consacrer dix millions d'euros par an à la diffusion de messages d'information nutritionnelle et elles ne s'appliqueraient pas aux produits naturels dépourvus d'additifs.

Il a enfin rappelé le cheminement législatif du dispositif organisant la disparition, d'ici à cinq ans, de l'actuel privilège des « bouilleurs de cru », moyennant l'instauration d'un nouvel allègement fiscal au bénéfice des producteurs familiaux d'alcool.

M. Nicolas About, président, a considéré qu'il était justifié de mettre en garde les consommateurs, et notamment les enfants, contre les méfaits des aliments et boissons excessivement sucrés. Il a toutefois reconnu que la rédaction de l'amendement relatif à la publicité télévisée pour les produits alimentaires devait être précisément ajustée pour atteindre l'objectif visé.

M. Louis Souvet a souligné que la majorité des produits ne pouvait être conservée sans additifs et qu'une rédaction aussi systématique imposera à leurs annonceurs ces nouvelles obligations, sans qu'elles soient toujours justifiées par leur valeur calorique effective.

M. Francis Giraud, rapporteur, a précisé que le but de l'amendement était bien de réduire la consommation de produits trop gras ou trop sucrés et de favoriser l'information de nos concitoyens sur la qualité nutritionnelle des aliments.

Mme Sylvie Desmarescaux a considéré que l'excès de consommation de certains aliments, même s'ils n'étaient pas excessivement dosés en glucides ou en lipides pouvait être tout aussi préjudiciable à la santé et qu'il fallait en tenir compte au même titre que la composition nutritionnelle de certains produits.

Dans le même esprit, M. Jean-Claude Etienne a estimé que l'essentiel était de promouvoir une consommation équilibrée et non de rejeter a priori certains aliments.

M. Nicolas About, président, a indiqué qu'il lui paraîtrait logique de taxer les annonceurs des produits dont le taux en sucre ou en graisse excède un certain seuil. Il s'est toutefois interrogé sur le bien-fondé de confier aux annonceurs eux-mêmes, qui réalisent les messages publicitaires pour inciter à la consommation des produits incriminés, le soin de réaliser aussi les messages de prévention.

M. Alain Vasselle a considéré qu'il serait plus simple et plus judicieux de définir des normes, par exemple le taux maximal autorisé de sucre ou de graisse dans un aliment, plutôt que ce dispositif complexe s'appliquant aux messages publicitaires.

Mme Françoise Henneron a exprimé des craintes concernant l'avenir des industries agroalimentaires qui pourraient pâtir de ces nouvelles contraintes.

M. Nicolas About, président, a proposé qu'une nouvelle rédaction de ce dispositif soit élaborée en commun lors de l'examen de l'article 14 A.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 2 (politique de santé publique régionale), elle a adopté un amendement corrigeant une erreur matérielle et un amendement tendant à associer les organismes d'assurance maladie complémentaire aux conférences régionales de santé.

A l'article 14 A (publicité télévisée en faveur de produits alimentaires), la commission a adopté un amendement imposant aux annonceurs d'accompagner la publicité de certains produits alimentaires de messages d'information ou d'éducation nutritionnelle ou, à défaut, de verser une contribution à un organisme chargé d'élaborer ces actions.

A l'article 14 BA (interdiction des distributeurs automatiques dans les établissements scolaires), elle a adopté un amendement subordonnant la présence des distributeurs dans les établissements scolaires à la signature d'une charte de bonnes pratiques.

A l'article 14 (approbation du rapport annexé relatif aux objectifs de santé publique 2004-2005), la commission a adopté un amendement améliorant la prise en compte de la lutte contre les pathologies auditives parmi les objectifs de santé publique fixés par le projet de loi.

A l'article 15 bis AA (programme de dépistage du cancer spécifique à certaines populations), elle a adopté un amendement indiquant que le programme spécifique de dépistage concernerait les populations confrontées à l'exclusion.

Après un large débat au cours duquel sont intervenus M. Guy Fischer, Mme Brigitte Bout, M. Francis Giraud, rapporteur, Mme Françoise Henneron, MM. Alain Vasselle, Jean Chérioux, Nicolas About, président et Mme Sylvie Desmarescaux, la commission a adopté, à l'article 17 bis A (taxation de mélanges de boissons alcooliques), un amendement de suppression et a souhaité que cette question soit réexaminée globalement lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Elle a de même adopté, par cohérence, un amendement de suppression de l'article 17 ter A (taxation de boissons alcooliques sucrées).

A l'article 18 (modification de la législation relative aux médicaments), elle a adopté un amendement de coordination et un amendement de cohérence rédactionnelle.

A l'article 18 quater (usage du titre de psychothérapeute), à l'issue d'un large débat au cours duquel sont intervenus Mme Sylvie Desmarescaux et MM. Alain Vasselle, Francis Giraud, rapporteur, et M. Nicolas About, président, la commission a adopté un amendement précisant les conditions exigibles pour utiliser le titre de psychothérapeute.

A l'article 42 (principes généraux de protection des personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale), la commission a adopté un amendement rédactionnel, ainsi qu'un amendement réservant aux seules associations agréées le droit de se voir transmettre des éléments relatifs aux protocoles de recherche.

A l'article 43 (règles de consentement de la personne se prêtant à une recherche biomédicale), elle a adopté un amendement supprimant le droit pour une personne se prêtant à des recherches biomédicales de demander communication des résultats individuels de la recherche.

A l'article 44 (comités de protection des personnes), la commission a adopté un amendement prévoyant qu'un décret fixera les modalités particulières applicables aux recherches lorsque leur promoteur est une institution publique ou associée au service public hospitalier.

A l'article 84 (rapport sur l'application de la convention du 19 septembre 2001 relative à l'accès à l'assurance et au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé), la commission a adopté un amendement élargissant l'objet du rapport devant être présenté au Parlement sur l'application de la convention Belorgey.

Elle a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.

Energie - Service public de l'électricité et du gaz - Auditions

Au cours d'une seconde réunion tenue à l'issue de la séance de l'après-midi, sous la présidence de M. Nicolas About, président, puis de M. Paul Blanc, secrétaire, la commission a ensuite procédé aux auditions sur le projet de loi n° 1613 (AN) relatif auservice public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières dontM. Dominique Leclerc est le rapporteur pour avis.

Audition de Mme Marie-Thérèse Lance, directeur général de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC), et M. Jean-Charles Willard, directeur technique de l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO)

La commission a procédé à l'audition de Mme Marie-Thérèse Lance, directeur général de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC), et M. Jean-Charles Willard, directeur technique de l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO).

A titre liminaire, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur la différence qui existe entre l'intégration d'un régime de retraite dans un autre et le système d'adossement, ainsi qu'il est prévu pour la branche des industries électriques et gazières. Il a voulu connaître la position des conseils d'administration de l'AGIRC et de l'ARRCO sur ce schéma d'adossement inédit. Il a souligné la nécessité d'évaluer de façon précise les soultes à acquitter par les entreprises de la branche auprès des régimes de retraite complémentaire, de façon à éviter la mise à contribution des salariés du secteur privé pour maintenir le régime spécial des industries électriques et gazières.

Mme Marie-Thérèse Lance, directeur général de l'AGIRC, a précisé que les partenaires sociaux gestionnaires de l'AGIRC et de l'ARRCO, qui avaient acquis depuis dix ans une expérience confirmée en matière d'intégration de différents régimes de retraite, feraient preuve d'une grande vigilance sur le mécanisme d'adossement proposé pour les industries gazières et électriques. Elle a indiqué que trois principes ont guidé les intégrations déjà réalisées : la validation immédiate des droits individuels, la définition d'une clause de rendez-vous, afin de vérifier la réalisation des hypothèses initialement retenues lors de l'évaluation des conséquences financières de l'intégration et l'obligation, pour les entreprises adhérentes, d'accepter les règles présentes et futures de fonctionnement des régimes qu'elles intègrent.

Concernant la validation des droits individuels, elle a expliqué que les régimes de retraite complémentaire indiquaient la proportion des droits qu'ils pouvaient reprendre à leur charge, en fonction de l'évaluation des conséquences financières de l'intégration, mais que les entreprises ou les branches adhérentes pouvaient décider de verser une soulte de façon à valider l'intégralité de ces droits.

Elle a observé que le projet de loi ne prévoyait pas de clause de rendez-vous, ce qui préoccupait les partenaires sociaux gestionnaires des régimes complémentaires, compte tenu de l'absence de visibilité sur l'évolution du secteur des industries électriques et gazières. Elle a également souligné que, contrairement à la situation classique de l'intégration, le système de l'adossement, ici proposé, laissait subsister une caisse autonome pour les industries électriques et gazières et que, par conséquent, les régimes AGIRC et ARRCO n'auraient pas de relation directe avec les assurés sociaux de cette branche. Elle a estimé que, compte tenu de l'inquiétude qu'avaient manifestée certains salariés du secteur privé, les régimes de retraite complémentaire veilleraient à faire preuve de rigueur dans l'examen des modalités techniques de l'opération.

M. Jean Chérioux a voulu savoir si le régime des industries électriques et gazières constituerait un compartiment étanche au sein des régimes AGIRC et ARRCO. Il s'est également soucié d'une éventuelle remise en cause, à terme, des retraites déjà liquidées et de celles des salariés les plus âgés.

Mme Marie-Thérèse Lance a confirmé que, dans ce système d'adossement, l'AGIRC et l'ARRCO n'auraient pas de relation individuelle avec les assurés sociaux d'Electricité de France et Gaz de France (EDF et GDF). Elle a expliqué que, sur la base d'une évaluation des droits individuels de chaque salarié, ces régimes complémentaires verseraient à la caisse des industries électriques et gazières une somme globale, à charge pour celle-ci de verser à son tour aux agents une pension unique. Elle a indiqué que, dans la mesure où le régime de retraite des électriciens et des gaziers était plus favorable que celui des salariés du régime général, il appartiendra à la caisse des industries électriques et gazières, et donc aux entreprises de la branche, de prendre en charge le différentiel des prestations servies au titre des « droits de base », par l'AGIRC, l'ARRCO et la CNAVTS.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur l'état d'avancement des négociations engagées par la branche des industries électriques et gazières avec les régimes complémentaires de retraite AGIRC et ARRCO. Il a voulu savoir quelles seraient les conséquences d'un échec éventuel de ces négociations sur le schéma d'adossement prévu par le projet de loi. Il s'est enfin demandé si ce schéma d'adossement pouvait être reproduit à l'avenir pour les autres régimes spéciaux.

Mme Marie-Thérèse Lance a affirmé que la définition exacte des conditions de la convention financière qui seraient définitivement fixées par le projet de loi était indispensable à la poursuite des négociations entre EDF-GDF et les régimes de retraite complémentaire. Elle a donc indiqué que les partenaires sociaux s'étaient concentrés sur les aspects techniques de l'adossement et qu'ils avaient ensuite suspendu leurs travaux dans l'attente du vote de la loi. Elle a précisé que l'examen de ce dossier relevait des commissions paritaires de l'AGIRC/ARRCO.

Elle a insisté sur le fait que le résultat final de la négociation sur le niveau des soultes ne remettrait pas en cause l'adossement du régime des industries électriques et gazières à l'AGIRC et l'ARRCO : dans le cas où les régimes complémentaires jugeraient le montant des droits d'entrée trop faibles, ils valideraient a minima les droits individuels, en s'appuyant sur les hypothèses les plus prudentes possibles concernant l'équilibre présent et futur du régime.

Elle a indiqué que ce schéma de l'adossement était, à titre transitoire, acceptable, sous réserve de l'introduction de deux garanties : l'instauration d'une clause de rendez-vous et l'ouverture d'une possibilité, pour chaque entreprise, d'adhérer pleinement à l'AGIRC et à l'ARRCO à titre individuel, en contrepartie de quoi les droits individuels de leurs salariés seraient intégralement validés.

M. Roland Muzeau a voulu savoir si ces deux modifications avaient été proposées, sous forme d'amendement à l'Assemblée nationale.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a confirmé le fait que la manière d'évaluer la soulte et l'instauration d'une clause de rendez-vous étaient essentielles afin de ne pas reporter la charge des retraites d'EDF et GDF sur les salariés du secteur privé. Il a rappelé que le régime des électriciens et des gaziers était d'autant plus généreux que les futurs entrants dans l'entreprise continueraient d'en bénéficier. Il en a donc conclu que cette solution ne pouvait être que transitoire.

Mme Marie-Thérèse Lance a fait observer que les précédentes intégrations de régimes plus généreux dans le régime général avaient souvent donné lieu, à titre transitoire, à la création de régimes chapeaux, servant un avantage complémentaire amené à s'éteindre sur une vingtaine d'années. Elle a expliqué que l'inquiétude des partenaires sociaux gestionnaires de l'AGIRC et de l'ARRCO venait justement du fait que le projet de loi ne prévoyait pas l'extinction, à terme, de la caisse spécifique des électriciens et des gaziers.

Mme Anne-Marie Payet a souligné la situation spécifique des îles, comme la Réunion ou la Corse, en matière de production électrique et gazière et elle a voulu savoir si cette spécificité serait préservée.

Mme Marie-Thérèse Lance a précisé qu'il n'existait à l'heure actuelle aucune spécificité en matière de retraite pour les électriciens et les gaziers résidant dans ces territoires et qu'il n'y avait par conséquent aucune raison d'en prévoir une à l'avenir.

Audition de M. François Roussely, président d'Électricité de France

La commission a procédé à l'audition de M. François Roussely, président d'Électricité de France (EDF).

M. François Roussely a rappelé l'origine ancienne des spécificités du régime de retraite des agents d'EDF, en soulignant que depuis 1946, les retraités sont considérés comme des agents en inactivité, leurs pensions étant payées par l'entreprise au même titre que les salaires et charges sociales, sans faire l'objet d'un provisionnement. Il a précisé que ce système de financement particulier avait été rendu possible par le statut d'établissement public, la garantie financière de l'État et la situation de monopole de l'entreprise.

Estimant qu'à la suite de l'ouverture à la concurrence, l'évolution du chiffre d'affaires d'EDF ne constituait plus désormais une donnée certaine, comme l'ont montré certains exemples britannique et californien, il a reconnu que les salariés auraient pu craindre qu'en l'absence de provisionnement, l'avenir de leur retraite ne soit plus assuré.

Il a fait valoir qu'outre les conséquences de l'ouverture du marché de l'énergie, EDF allait également être confrontée aux exigences des nouvelles normes comptables internationales applicables à compter du 1er janvier 2005 et qui imposeront d'intégrer au bilan les engagements pris au titre des retraites.

M. François Roussely, président d'EDF, a indiqué que, compte tenu de ces évolutions, une réflexion avait débuté en 2002 entre la direction d'EDF, d'une part, et les syndicats d'autre part, hormis Force ouvrière, sur la question du financement futur des retraites. Il a précisé que cette démarche avait abouti à la signature du « relevé de conclusions des partenaires sociaux à transmettre aux pouvoirs public » du 9 décembre 2002 par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la Confédération générale des cadres (CGC). Il a indiqué que la Confédération générale du travail (CGT) avait subordonné son accord à la consultation par référendum de l'ensemble des agents de la branche, y compris de ceux déjà retraités.

A cet égard, il a estimé que l'échec relatif de la consultation des salariés (53 % de réponses négatives) expliquait pour partie les réactions actuelles à la réforme proposée par le Gouvernement.

Concernant le projet de loi, M. François Roussely a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une fusion du régime de retraite spécial d'EDF avec le régime général, mais d'un rapprochement sous forme d'adossement de la nouvelle caisse des industries électriques et gazières, au régime de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) d'une part, et à l'Association générale des institutions de retraite des cadres - Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO), d'autre part. Il a précisé que ce montage devrait être neutre pour les régimes de retraite de droit commun.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a rappelé que la réforme proposée ne modifiait en rien le niveau et le contenu des prestations versées aux agents EDF et a souhaité que l'adossement de leur régime de retraite au régime général se passe de manière totalement transparente et équilibrée.

En réponse à ces remarques, M. François Roussely a considéré que la CNAV et l'AGIRC-ARRCO rencontraient une difficulté conceptuelle à évaluer le régime très spécifique qui était celui d'EDF, ce qui pouvait expliquer certaines réticences de leur part.

Il a indiqué que le total des droits passés correspondant à la totalité des engagements au titre des retraites s'établissait pour la branche, dans son ensemble, à 80 milliards d'euros, dont 42 à 52 milliards d'euros pour les droits de base et 37 à 38 milliards d'euros pour les droits spécifiques au régime spécial, communément appelé « régime chapeau ».

Il a estimé que, au-delà de l'aspect organisationnel entre les caisses, existait également un problème pour évaluer, sur une base prospective, les conséquences de l'intégration d'un nombre aussi important de salariés dans un nouveau système de financement de retraites.

Il a enfin rappelé que le dispositif prévu devait avoir un caractère libératoire pour les comptes de l'entreprise.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, s'est ensuite soucié des conséquences, sur le coût de l'électricité pour les usagers, de la mise en place d'une contribution tarifaire sur les activités régulées de distribution et d'acheminement de l'énergie, destinée à financer le régime chapeau.

A cet égard, M. François Roussely a rappelé que la facture des usagers se décomposait en trois parties correspondant respectivement à l'énergie, au transport et aux charges de service public. Il a soutenu que la prise en compte du coût des retraites dans les activités régulées ne se traduirait pas par une augmentation des tarifs, dans la mesure où la nouvelle contribution tarifaire se substituerait à l'actuelle quote-part qui lui est affectée.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a alors abordé la question de la répercussion, sur les tarifs, de l'augmentation de la cotisation salariale qui sera portée de 7,85 % à 11 % ou 12 % et compensée intégralement par des hausses de salaire.

M. François Roussely a reconnu que, dans un régime à prestations définies, l'évolution des régimes de base allait majorer d'autant les droits spécifiques futurs à la charge de l'entreprise, mais que nul ne pouvait aujourd'hui prévoir cette évolution.

Il a fait valoir que la contrepartie des nombreux avantages historiques dont bénéficiaient les agents d'EDF était incontestablement la qualité du service et la disponibilité des personnels, comme l'a prouvé leur comportement devant la tempête de l'hiver 1999.

Se fondant sur le second rapport du conseil d'orientation des retraites (COR), M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a souligné l'intérêt d'augmenter le taux d'activité des seniors et l'importance de promouvoir l'équité entre les salariés. Il a estimé à cet égard que les régimes spéciaux devraient évoluer, notamment pour les nouveaux entrants, et s'adapter aux réalités de la concurrence.

M. François Roussely a indiqué que l'égalité de situation entre les salariés actuels et les futurs embauchés avait constitué le principe de base des négociations avec les syndicats. Il a considéré qu'il ne pourrait gérer des catégories différentes de salariés, au nom du principe de l'homogénéité sociale de l'entreprise, et qu'en cas d'évolutions futures, elles devraient s'appliquer à tous de manière identique.

M. Roland Muzeau s'est réjoui que l'on puisse voir dans le statut des agents d'EDF une reconnaissance symboliquement forte des valeurs et de la qualité de service de l'entreprise.

Il a rappelé l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen au changement de statut d'EDF en société anonyme et s'est inquiété des conséquences de la réforme sur les retraites, à moyen ou long terme.

Il a demandé si le dispositif prévu pouvait servir de précédent pour l'adossement futur d'autres régimes spéciaux au régime général et a estimé que les expériences précédentes d'intégration avaient toutes abouti à un nivellement des prestations par le bas.

M. Jean Chérioux a considéré que ni la mission de service public, ni l'indépendance nationale en matière énergétique ne pouvaient être appréciées en fonction des seuls critères comptables. Il s'est interrogé sur le niveau des provisionnements nécessaires pour assurer à l'avenir le financement du régime chapeau.

M. Claude Domeizel a demandé si la branche des industries électriques et gazières allait quitter le groupe des régimes spéciaux qui participaient à la surcompensation et comment allait se mettre en place l'alignement des cotisations et des prélèvements opérés sur les salariés d'EDF, ainsi que le paiement de la cotisation employeur.

Mme Anne-Marie Payet s'est interrogée sur la pérennité, à coût constant, des services publics de l'électricité dans les départements d'outre-mer (DOM) et en Corse, compte tenu de la spécificité de ces zones pour la production et le transport de l'énergie.

M. Paul Blanc a demandé de quelle manière un régime de retraite comptant 150.000 pensionnés pouvait rester en équilibre avec seulement 114.000 actifs, sachant que le décalage allait encore s'amplifier à l'avenir.

En réponse aux différents orateurs, M. François Roussely a indiqué que, sans réforme, les charges de retraite seraient devenues insoutenables pour l'entreprise.

Il a rappelé que le projet de loi garantissait l'ensemble des acquis sociaux et la spécificité du système comme régime spécial, mais a reconnu que des évolutions étaient toujours possibles à l'avenir.

Il a enfin assuré que les DOM et la Corse conserveraient leurs particularités en matière d'électricité de façon à ne pas pénaliser les habitants.

Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)

La commission a procédé àl'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

Mme Danièle Karniewicz a fait part des préoccupations que lui inspirent les conditions dans lesquelles le régime de retraite spécial des industries électriques et gazières devrait être adossé aux régimes de retraite de droit commun, et en particulier à la CNAVTS. Reconnaissant la difficulté de mettre en oeuvre, en pratique, le principe de neutralité d'une telle opération pour le régime d'accueil, elle a souhaité que les assurés du régime général bénéficient des garanties leur évitant d'être pénalisés par ce dispositif.

M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur le bien-fondé d'inclure, dans le projet de loi, une « clause de revoyure » prévoyant une vérification, dans quelques années, de la pertinence des calculs établis lors du montage de l'opération pour établir le montant des droits d'entrée.

Mme Danièle Karniewicz a considéré que, bien que souhaitable, l'adoption d'une telle disposition semblait en l'état peu probable, dans la mesure où les entreprises de la branche se verraient alors contraintes de provisionner des montants très élevés pour leurs engagements de retraite. Elle a estimé, par ailleurs, qu'il importait surtout de définir la méthode de calcul de la contribution libératoire, communément appelée soulte, que la Caisse nationale des industries électriques et gazières sera amenée à verser à la CNAVTS, en contrepartie de la reprise des droits de l'ensemble des salariés et retraités de la branche.

Rappelant que le conseil d'administration de la CNAVTS avait émis à l'unanimité un avis négatif sur le schéma d'adossement envisagé, elle a souligné que le projet de loi n'offrait pas suffisamment de garanties effectives sur la neutralité de l'opération pour le régime d'accueil et qu'il ne prévoyait pas davantage ce qu'il adviendrait en cas d'échec des négociations avec la branche IEG sur le contenu de la convention d'adossement. Sur ce dernier point, elle a considéré que la CNAVTS se trouvait en quelque sorte obligée d'aboutir à un accord, ce qui la place en situation de faiblesse dans la négociation en cours.

Elle a également précisé que les membres du conseil d'administration s'étaient prononcés sur la seule question des conséquences de l'adossement pour les assurés du régime général, et non sur l'opportunité de réformer le statut des électriciens et gaziers ou les spécificités de leur régime de retraite.

Elle a souligné le caractère exceptionnel de l'adossement de la branche IEG, dans la mesure où cette opération se traduira, dans le cas des agents électriciens et gaziers, contrairement aux dispositions applicables pour les salariés de droit commun, par une validation de tous les droits acquis sur la base des règles actuelles du régime général, et non de celles en vigueur à la date à laquelle ils ont fait l'objet de cotisations.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a précisé que le montage tendant à adosser la branche IEG au régime général différait, tant par son ampleur que par sa nature, des intégrations de régimes déjà réalisées par le passé par la CNAVTS. Rappelant que le coeur du problème résidait dans la juste évaluation des droits passés accumulés au titre des engagements de retraite, il a considéré qu'il convenait d'appréhender avec précaution ce type de montage et de veiller à ce que les salariés du secteur privé ne soient pas pénalisés par le maintien du régime spécial des IEG. Il a estimé que le souci d'apporter un maximum de garanties sur la transparence et la neutralité du schéma d'adossement apparaissait d'autant plus nécessaire que celui-ci était susceptible, à l'avenir, de servir de modèle pour l'évolution d'autres régimes spéciaux. Il a enfin souhaité connaître les méthodes de calcul susceptibles d'être utilisées pour la détermination de la soulte.

Après avoir rappelé que la méthode dite de « l'indicateur de charge », fondée sur l'observation des données passées du régime à intégrer, avait été utilisée jusqu'ici sans problème particulier par la CNAVTS pour la reprise de plusieurs petits régimes, Mme Danièle Karniewicz a estimé que ce mode de calcul n'était pas adapté à la taille et aux enjeux de l'adossement de la branche IEG. Elle a considéré que, comme l'ont choisi l'ARRCO et l'AGIRC, seule la méthode dite « prospective » supposant une évaluation, sur longue période, de l'évolution du régime accueilli et du régime général, offrait les garanties de précision et de sécurité souhaitables. A titre indicatif et en fonction des multiples paramètres susceptibles de modifier les estimations, l'ordre de grandeur des montants à acquitter par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) à la CNAVTS, au titre des soultes, pourrait être de 8,7 milliards d'euros, si la méthode prospective était retenue, et de 5,3 milliards d'euros sur la base de la méthode instantanée de l'indicateur de charge. Elle a considéré, au demeurant, que l'horizon de vingt-cinq années sur lequel ces prévisions étaient établies paraissait court et qu'à cette échéance, l'adossement de la branche IEG à la CNAVTS pourrait se traduire, pour cette dernière, par un déficit annuel de l'ordre de 400 millions d'euros.

Elle a également souligné qu'au-delà du montant de la soulte se trouvait posée la question de l'impact de l'adossement des IEG sur le calcul des soldes de la compensation démographique entre l'ensemble des régimes de retraite. Revenant sur la question de l'introduction d'une clause de « revoyure », elle a jugé qu'il devrait être possible d'établir des garde-fous en posant, pour une partie et non la totalité des engagements de retraite, le principe d'une vérification des estimations initiales dans un délai de cinq à dix ans.

Après avoir relevé que, seul, l'exposé des motifs, et non le corps du projet de loi lui-même, faisait référence au principe de neutralité de l'adossement, Mme Danièle Karniewicz a considéré qu'il conviendrait d'améliorer la rédaction du texte sur plusieurs points. Elle a ainsi suggéré, qu'au lieu de prévoir une contribution « exceptionnelle, en tant que de besoin », il serait plus opportun d'inscrire le principe d'une « stricte neutralité financière » à l'article 17 du projet de loi, d'envisager, compte tenu de la disparité entre les deux régimes, le paiement effectif d'une soulte et d'inscrire expressément la méthode prospective comme mode de calcul des droits d'entrée au régime général.

S'agissant de l'impact en termes de coûts de gestion, elle a indiqué que le mécanisme spécifique d'adossement des IEG, en interdisant un lien direct entre les assurés sociaux gaziers et électriciens d'une part, et la CNAVTS d'autre part, et en créant une structure d'interface obligatoire représentée par la future Caisse nationale des industries électriques et gazières, constituait à l'évidence un alourdissement de la charge de travail. Evoquant notamment la nécessité de recalculer, pour chaque assuré, le montant de ses droits individuels, elle a précisé qu'une évaluation d'ensemble des coûts de gestion supplémentaires pour la CNAVTS était en cours de réalisation.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a souligné que l'approche de la CNAVTS se limitait, par définition, aux seuls droits de retraite dits « de base », mais qu'il convenait, en outre, pour avoir une vision d'ensemble du dossier des retraites de la branche d'IEG, de prendre en compte le « régime chapeau » regroupant les prestations spécifiques aux personnels gaziers et électriciens.

M. Jean Chérioux a souhaité des précisions sur la nature exacte du risque potentiel que ce mécanisme d'adossement ferait courir à la CNAVTS et s'est demandé si la mise en oeuvre d'un système de retraite par points, comme à l'AGIRC et l'ARRCO, serait de nature à le réduire.

Mme Danièle Karniewicz a indiqué que la problématique était absolument identique pour les régimes complémentaires et général. Elle a considéré, par ailleurs, que pour la CNAVTS, la difficulté résidait tout à la fois dans l'impératif d'appréhender la reprise des droits passés, de procéder à des évaluations sur une durée de vingt-cinq ans et de comparer à l'issue de cette période la situation des assurés du régime adossé et du régime d'accueil.

S'agissant des implications de l'adossement des IEG, elle a précisé qu'outre la question de son impact sur les mécanismes de compensation démographique, il conviendrait d'envisager ses conséquences sur le fonds de réserve des retraites (FRR). Après avoir rappelé que les excédents enregistrés jusqu'alors par la CNAVTS devaient aujourd'hui être versés au FRR, elle a indiqué que la prise en compte de la branche IEG aurait probablement pour conséquence une détérioration rapide du résultat du régime général. A plus long terme, à partir de l'échéance 2020, la mise à disposition des réserves accumulées dans le cadre du FRR devrait tenir compte non seulement des besoins de financement propres à la CNAVTS, mais aussi de ceux qui résulteront, pour elle, de l'adossement du régime des IEG.

M. Claude Domeizel a indiqué son intérêt pour les améliorations qui pourraient être apportées au dispositif. Il a également observé que l'ensemble du montage d'adossement apparaissait singulièrement complexe et qu'il conviendrait de sécuriser et d'examiner le mode de versement de la soulte.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a demandé si le schéma d'adossement proposé ici pour la branche IEG pouvait être reproduit à l'avenir pour les autres régimes spéciaux.

Observant que le projet de loi propose la codification du dispositif au sein du code de la sécurité sociale, Mme Danièle Karniewicz a jugé cette perspective très probable. Elle a considéré qu'il s'agissait d'une question fondamentale qui ne saurait être abordée à l'avenir sans accorder de très fortes garanties aux assurés sociaux relevant du régime général.

M. Paul Blanc a observé que les préoccupations du conseil d'administration de la CNAVTS rejoignaient les siennes et qu'il convenait de veiller à ce que les bases du montage soient justes et garantissent aux salariés du secteur qu'ils ne s'en trouveraient pas pénalisés.

Mme Danièle Karniewicz a constaté que, dans le cas des industries électriques et gazières, elle ne disposait d'aucune garantie sur ce qui se passerait en cas d'absence d'accord sur les termes de la convention d'adossement, ou sur le montant de la soulte, lequel ne relèverait d'ailleurs que d'un simple arrêté interministériel. Elle a souligné l'implication des personnels de la CNAVTS dans le traitement de ce dossier complexe.